LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 1er avril 2015), que M. X... et Mme Y..., qui vivaient en concubinage, ont constitué, le 11 mai 2004, la SCI Fort des M, chacun d'entre eux détenant la moitié des parts ; que cette société a acquis, le 25 juin 2004, un immeuble situé à Leucate ; que, le 5 septembre 2006, ils ont acheté un immeuble, situé à Nîmes, en indivision fixant leurs droits respectifs à hauteur de 70 % pour M. X... et de 30 % pour sa compagne ; qu'après leur séparation, un jugement a ordonné la dissolution de la SCI et le partage de l'indivision ; que M. X... a demandé que soit fixée sa créance envers Mme Y... au titre du financement de ces biens ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches, le second moyen, pris en sa seconde branche et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche et sur le second moyen, pris en sa première branche, réunis, ci-après annexés :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que le financement par lui seul de l'acquisition des biens immobiliers situés à Leucate et à Nîmes procède d'une intention libérale, et de rejeter ses demandes de remboursement de certaines sommes à ce titre par Mme Y... ;
Attendu qu'après avoir relevé qu'il résultait des énonciations des actes relatifs à l'acquisition des immeubles que M. X... et Mme Y... avaient voulu fixer leurs droits respectifs, quelle que soit leur participation au financement des biens, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit l'intention libérale dont il était animé à l'égard de sa compagne ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que M. X..., propriétaire indivis à hauteur de 50% d'un bien immobilier situé à Leucate, 30 rue du Fort des Mattes, par suite de la dissolution de la SCI Fort des M, avait entendu, le 11 mai 2004, gratifier sa concubine, Mme Y..., d'une donation en finançant intégralement l'acquisition de ce bien par ladite SCI, laquelle était détenue à parts égales par M. X... et Mme Y..., et d'avoir, en conséquence, débouté M. X... de sa demande en remboursement d'un montant de 211 486,59 € ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le bien acquis par la SCI fort des M
(…) Au fond
Par acte notarié du 11 mai 2004, a été créée la SCI fort des M dont les 2 seuls associés étaient Frédéric X... et Christine Y.... Le capital social qui s'élevait alors à 1000 € était divisé en 100 parts attribuées de la façon suivante :
- en usufruit :
à Monsieur X... 50 parts
à Madame Y... 50 parts
- en nue-propriété :
à Monsieur X... 50 parts
à Madame Y... 50 parts
Les associés détenaient donc chacun 50% du capital de cette SCI.
Par acte notarié du 25 juin 2004, la SCI, représentée par ses deux seuls associés, acquérait, un bien immobilier sis à LEUCATE.
L'évaluation de ce bien telle que définie par l'expert commis par le tribunal pour les opérations de liquidation n'est pas contestée et s'élève à 420.000 Euros (page 50 du rapport de l'expert).
Pour considérer que Madame Y... était redevable envers Monsieur X... de la moitié de la valeur de ce bien, soit 210 000 €, le premier juge avait considéré que Monsieur X... avait seul payé la totalité du prix.
Le tribunal n'était alors pas saisi d'une demande tendant à faire apprécier si, alors que Monsieur X... s'était seul acquitté du prix d'achat de ce bien, il n'était cependant pas animé d'une intention libérale en acceptant que l'acquisition soit faite à parts égales entre les deux associés de la SCI.
Compte tenu des relations qui unissaient alors les deux associés, Madame Y... invoque l'intention libérale de Monsieur X... ainsi que la volonté de celui-ci, alors en instance de divorce, de faire échapper ce bien à l'actif de la communauté formée avec son épouse.
En réponse, Monsieur X... a opposé essentiellement à cette argumentation le fait qu'elle s'apparente à une demande nouvelle irrecevable devant la cour, ce qui vient d'être écarté.
Il indique également que l'intention libérale ne se présume pas.
Or, la propriété d'un bien immobilier est établie par le titre régulièrement émis par un notaire selon les indications de l'acquéreur.
En l'espèce, il est incontestable que le titre de propriété du bien situé à LEUCATE désigne de façon formelle et non ambiguë la SCI, représentée par ses deux associés, comme étant l'acquéreur de ce bien et donc à parts égales, témoignant ainsi de la volonté commune des parties, quelle que soit leur participation au financement, de fixer leurs droits à égalité.
Or, il est constant que l'on ne peut revenir sur une telle intention libérale qui est donc irrévocable, de telle sorte que du fait de cette intention libérale de M. X..., à l'égard de sa compagne d'alors, il ne peut soutenir que celle-ci soit débitrice de la valeur de sa part dans ce bien et en conséquence le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
1) ALORS QUE l‘intention libérale doit s'apprécier au regard de la personne gratifiée ; que la cour d'appel a retenu que l'intention libérale de M. X... au profit de Mme Y... avait été définitivement fixée par l'acte d'acquisition, en date du 11 mai 2004, du bien immobilier situé à Leucate, tout en relevant que c'était la SCI Fort des M, et non Mme Y..., qui était l'acquéreur dudit bien, ce dont il résulte que les sommes avancées par M. X... l'étaient au seul bénéfice de ladite SCI ; d'où il suit qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 894 du code civil ;
2) ALORS QUE, ET SUBSIDIAIREMENT, à supposer que M. X... ait pu, au moment de l'acquisition du bien immobilier, être animé d'une intention libérale à l'égard de Mme Y..., l'appréciation de cette intention libérale devait se faire en fonction d'éléments concrets et circonstanciés, telle que la situation des parties ou la destination du bien au regard du projet de vie des acquéreurs ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. X... avait entendu, le 11 mai 2004, gratifier sa concubine d'une donation relative à la villa de Leucate, la cour d'appel s'est bornée à relever que « le titre de propriété du bien situé à LEUCATE désigne de façon formelle et non ambiguë la SCI, représentée par ses deux associés, comme étant l'acquéreur de ce bien et donc à parts égales, témoignant ainsi de la volonté commune des parties, quelle que soit leur participation au financement, de fixer leurs droits à égalité. Or, il est constant que l'on ne peut revenir sur une telle intention libérale qui est donc irrévocable (…)» (p. 6 § 7-8), déduisant ainsi l'intention libérale de M. X... de la seule lettre même du titre d'acquisition de l'immeuble ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence de ladite intention libérale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 894 du code civil ;
3) ALORS QUE, ET ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, la renonciation tacite à un droit, d'interprétation stricte, ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que l'acquisition d'un bien par une SCI détenue à parts égales par deux concubins ne suffit pas à caractériser l'intention libérale du concubin qui a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à ladite acquisition ; qu'en l'espèce, en inférant des seules énonciations du titre d'acquisition relatives à la répartition des parts de la SCI, une renonciation de M. X... à sa créance de remboursement des sommes avancées par lui, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes manifestant de façon certaine et non équivoque la volonté de M. X... de renoncer à son droit de remboursement, a derechef privé sa décision de base légale au regard l'article 894 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que M. X..., propriétaire indivis à hauteur de 70% d'une villa située ..., avait gratifié Mme Y..., coïndivisaire à hauteur de 30%, d'une donation, en réglant seul les échéances du prêt ayant permis l'acquisition de ladite villa, et partant d'avoir arrêté au montant de 55 162,47 € seulement la somme que devait restituer Mme Y... à M. X..., correspondant aux échéances de remboursement dudit prêt postérieures à la désolidarisation du compte joint lors de la séparation des concubins au mois de janvier 2009 ;
AUX MOTIFS QUE Sur le bien immobilier situé ...
Il ressort de l'acte notarié établi le 5 septembre 2006 que Frédéric X... et Christine Y... ont acquis en indivision, à concurrence de 70 % pour Monsieur X... et de 30 % pour Madame Y..., une maison à usage d'habitation avec jardin attenant et piscine pour un prix de 686 000 €.
Là encore, considérant qu'en fait c'est Frédéric X... qui s'est acquitté de l'intégralité du prix d'achat de cette maison, le premier juge a déclaré Madame Y... débitrice envers Monsieur X... de la somme de 74 506,56 € au titre du prêt souscrit pour l'acquisition de cette villa.
Madame Y... invoque là encore l'intention libérale de son ex compagnon et comme il vient de l'être précédemment jugé pour l'immeuble de la SCI, la lecture de l'acte authentique d'achat de ce bien indique clairement que cette acquisition est faite à 70 % par Monsieur X... et à 30 % par Madame Y....
Peu importe là aussi que ce soit Monsieur X... qui se soit acquitté de l'intégralité du prêt souscrit pour cette acquisition, le titre émis ne faisant nullement état que le prêt devait être remboursé dans la même proportion par les deux indivisaires, de telle sorte que là encore l'intention libérale de Monsieur X... au moment de cette acquisition est rapportée et qu'il ne peut plus revenir dessus.
En conséquence, et donc pour les mêmes motifs que pour l'immeuble de la SCI fort des M, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que Madame Y... était débitrice de la somme de 74506,56 euros à ce titre alors que seules les sommes payées par Monsieur X... après la séparation doivent être prises en compte.
Il ressort du rapport, non contesté, de l'expert que pour cette période Monsieur X... a payé en remboursement du prêt une somme totale de 138 874,91 Euros, intérêts compris et qu'il n'y a pas lieu d'exclure, ainsi, Madame Y..., étant tenue à hauteur de 30 %, est donc débitrice de la somme de 55162,47 euros à l'égard de Monsieur X... » ;
1) ALORS QUE l'indivisaire qui a financé l'acquisition du bien indivis au-delà de sa quote-part est titulaire d'une créance de remboursement contre son coïndivisaire, sauf à ce que soit établie l'existence d'une donation indirecte ; que l'intention libérale qu'implique une telle donation ne saurait être présumée ; que son appréciation doit se faire en fonction d'éléments concrets et circonstanciés telle que la situation des parties ou la destination du bien au regard du projet de vie des acquéreurs ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. X... avait entendu gratifier sa concubine d'une donation relative à la villa de Nîmes, la cour d'appel s'est bornée à relever que « la lecture de l'acte authentique d'achat de ce bien indique clairement que cette acquisition est faite à 70 % par Monsieur X... et à 30 % par Madame Y.... Peu importe là aussi que ce soit Monsieur X... qui se soit acquitté de l'intégralité du prêt souscrit pour cette acquisition, le titre émis ne faisant nullement état que le prêt devait être remboursé dans la même proportion par les deux indivisaires, de telle sorte que là encore l'intention libérale de Monsieur X... au moment de cette acquisition est rapportée (…) » (p. 7 § 2), déduisant ainsi l'intention libérale de M. X... de la seule lettre même du titre d'acquisition de l'immeuble ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence d'une intention libérale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 894 du code civil ;
2) ALORS QUE la renonciation tacite à un droit, d'interprétation stricte, ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que l'acquisition indivise d'un bien par deux concubins ne suffit pas à caractériser l'intention libérale du concubin qui a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à ladite acquisition ; qu'en l'espèce, en inférant des seules énonciations du titre d'acquisition relatives à la répartition des parts, la renonciation, par M. X..., à sa créance de remboursement des sommes avancées par lui à sa concubine, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes manifestant de façon certaine et non équivoque la volonté de M. X... de renoncer à son droit de remboursement, a derechef privé sa décision de base légale au regard l'article 894 du code civil ;
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'en ce qui concerne la villa située ..., Mme Y... était débitrice envers M. X... de la somme de 28.669,54 euros au titre des « travaux d'entretien » payés par celui-ci et rejeté la demande contraire de Mme Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur les travaux réalisés par M. X... sur le bien situé ..., il ressort du rapport de l'expert que le montant justifié de ces travaux s'élève à la somme de 95.565,13 euros et le premier juge a considéré que Mme Y... était débitrice envers M. X... de 30% de cette somme soit 28.669,54 euros ; que Mme Y..., sans contester le montant de ces travaux ni le fait qu'ils aient été acquittés par M. X... seul, considérant qu'aucune plus-value n'a été réalisée par ces travaux puisque le prix de vente du bien, vente réalisée en 2012, est identique au prix d'achat, et qu'il ne s'agissait en outre pas de travaux de conservation, estime n'être redevable d'aucune somme à cet égard ; que, cependant, d'une part, ces travaux ont été réalisés pendant la vie commune de M. X... et de Mme Y..., d'autre part, les travaux entrepris, au vu des factures produites, s'analysent bien en des travaux de conservation et d'amélioration ayant nécessairement un impact sur le prix de la revente, l'expert ayant par ailleurs écarté d'autres dépenses relevant de l'entretien courant ou de la décoration, de telle sorte que c'est à juste titre que le premier juge a déclaré Mme Y... débitrice de 30 % du montant de ces travaux et le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur le bien immobilier situé ..., en ce qui concerne les travaux que M. X... a fait réaliser dans la villa et qu'il a acquittés, l'expert judiciaire, après avoir examiné l'ensemble des dépenses déclarées par celui-ci, a présenté dans un tableau, en pages 58 et 59 de son rapport d'expertise, les dépenses qui lui semblaient devoir être retenues comme étant justifiées par des factures et ayant contribué à la conservation ou à l'amélioration du bien ; que ce décompte, justifié par les factures correspondantes jointes en annexe au rapport, mérite d'être retenu ; que Mme Y... demande que sa dette à ce titre soit limitée à 10.320 euros, soit à 30% de la différence entre la valeur théorique du bien estimée par l'expert (284.000 €) et le prix de vente de celui-ci (250.000 €) ; que cette position ne peut pas être retenue ; qu'un immeuble se dégrade immanquablement avec le temps et nécessite des travaux d'entretien ; que le fait que le montant auquel l'immeuble a été vendu n'a pas permis aux vendeurs de réaliser une plus-value ne démontre pas que les travaux dont M. X... réclame le remboursement étaient inutiles ou que ce dernier a failli envers l'indivision dans son entretien de la villa ; que le prix de vente ne dépend pas seulement de l'état d'entretien de l'immeuble mais aussi de la situation du marché immobilier, de sorte qu'il pourrait tout aussi bien être soutenu que, sans les travaux examinés, ce prix aurait pu être moindre ; que M. X... est fondé, par conséquent, à réclamer que Mme Y... soit déclarée débitrice de la somme de 28.669,54 euros ;
1°) ALORS QUE lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés ; qu'en condamnant Mme Y... à payer une certaine somme à M. X... au titre des « travaux d'entretien » de l'immeuble indivis situé à Nîmes, cependant que des travaux d'entretien ne sont ni des travaux d'amélioration du bien, ni des travaux nécessaires à sa conservation, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil.
2°) ALORS, subsidiairement, QUE lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; qu'il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés ; que l'indemnité due le cas échéant à cet indivisaire est une créance contre l'indivision ; qu'en condamnant Mme Y... à payer une certaine somme à M. X... au titre des travaux d'entretien qu'il aurait payés pour l'immeuble indivis situé à Nîmes, cependant que seule l'indivision pouvait être tenue à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil.