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06/12/2016 | FRANCE | N°15-26414

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 décembre 2016, 15-26414


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance, que l'association Hôpital Saint-Joseph de Marseille (l'association), qui gère les activités de la fondation du même nom, a lancé, le 23 décembre 2014, un appel d'offres pour « l'externalisation de l'activité d'anatomo et cytologie pathologiques » ; que la société Prado pathologie, la société Civatte - Crebassa - de Fromont - Mathoulin-Portier - Vacheret, la société des docteurs

Jean-Claude Poluzzi et Philippe Roux, la société des docteurs Evelyne Pell...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance, que l'association Hôpital Saint-Joseph de Marseille (l'association), qui gère les activités de la fondation du même nom, a lancé, le 23 décembre 2014, un appel d'offres pour « l'externalisation de l'activité d'anatomo et cytologie pathologiques » ; que la société Prado pathologie, la société Civatte - Crebassa - de Fromont - Mathoulin-Portier - Vacheret, la société des docteurs Jean-Claude Poluzzi et Philippe Roux, la société des docteurs Evelyne Pellegrin et Fabienne Martin et la société des docteurs Sophia Gompel et Marianne Tortel (les requérants) ont présenté une offre commune, qui n'a pas été retenue ; que l'association leur ayant notifié ce rejet par une lettre du 1er juin 2015, puis ayant refusé de leur communiquer les informations complémentaires qu'ils demandaient, ils ont saisi le juge des référés précontractuels, afin qu'il soit ordonné à l'association d'indiquer les caractéristiques et avantages de l'offre retenue, et de communiquer le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres, et en demandant qu'en tout état de cause, la procédure de mise en concurrence, ainsi que la décision de la commission de sélection soient annulées et qu'il soit enjoint à l'association de reprendre l'intégralité de cette procédure, en faisant notamment connaître aux candidats potentiels l'intégralité des critères et sous-critères qui seraient mis en oeuvre pour l'attribution du marché ;

Sur le second moyen :

Attendu que les requérants font grief à l'ordonnance de rejeter leurs demandes tendant, d'une part, à la condamnation sous astreinte de l'association à se conformer à son obligation d'information du candidat évincé incluant les motifs détaillés du rejet, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue et les motifs ayant conduit au choix de l'offre retenue en fournissant au débat le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres et, d'autre part, à l'annulation de l'ensemble de la procédure de mise en concurrence et de la décision de la commission de sélection des offres alors, selon le moyen :

1°/ que dès lors que le pouvoir adjudicateur a procédé au choix de l'attributaire du marché et a informé les autres candidats du rejet de leur offre, le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres sont définitifs et ne peuvent être regardés comme des documents préparatoires non achevés ; qu'en jugeant le contraire, le juge des référés précontractuels a violé les articles 1 et 2 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

2°/ qu'en vertu de l'article 3 l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, le juge peut prendre les mesures provisoires tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations ; qu'à ce titre, le juge des référés précontractuels peut ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché de nature à établir la violation par le pouvoir adjudicateur de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ; qu'en jugeant qu'il n'entre pas dans l'office du juge des référés précontractuels d'ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché, le président du tribunal de grande instance a méconnu son office et violé l'article 3 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

3°/ que l'obligation mise à la charge du candidat évincé, de rapporter la preuve parfaite de la partialité du pouvoir adjudicateur est contraire au principe d'effectivité et à l'exigence d'un recours efficace posés à l'article 1er § 1 de la directive 89/665 du Conseil du 21 décembre 1989 ; qu'en énonçant, pour rejeter le recours des requérantes, que celles-ci n'avaient pas démontré l'existence de sous-critères tenus secrets, le juge a violé l'article 2 de l'ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009, interprété à la lumière de l'article 1er § 1 de la directive 89/665 du Conseil du 21 décembre 1989 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance retient exactement qu'il n'entre pas dans l'office du juge des référés précontractuels d'ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché, tels que le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres ;

Et attendu, en second lieu, que, sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend, en sa troisième branche, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par le président du tribunal de grande instance, des éléments de preuve qui lui étaient soumis ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 46 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes formées par les requérants, y compris celle tendant à la communication du prix de l'offre retenue, l'ordonnance retient que le courrier envoyé par l'association aux requérants le 1er juin 2015 indique clairement le classement des offres, le nom de la société attributaire et les notes respectivement obtenues pour chaque critère par les requérants et la société attributaire et en déduit que l'obligation d'information du candidat évincé a ainsi été pleinement remplie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer aux candidats dont l'offre a été écartée pour un autre motif que son caractère inapproprié, irrégulier ou inacceptable les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue et notamment, dans le cadre d'un appel d'offres mettant en oeuvre des critères de sélection fondés sur cet élément, son prix, sauf à établir, ce qui n'était pas invoqué en l'espèce, qu'une telle divulgation serait contraire à la loi, en particulier violerait le secret industriel et commercial, serait contraire à l'intérêt public, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle rejette la demande de la société Prado pathologie, de la société Civatte - Crebassa - de Fromont - Mathoulin-Portier - Vacheret, de la société des docteurs Jean-Claude Poluzzi et Philippe Roux, de la société des docteurs Evelyne Pellegrin et Fabienne Martin et de la société des docteurs Sophia Gompel et Marianne Tortel tendant à obtenir communication du rapport de présentation des offres et du procès-verbal de la commission de sélection des offres, et en ce qu'elle statue sur les dépens, l'ordonnance rendue le 21 septembre 2015, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Marseille ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Lyon ;

Condamne l'association Hôpital Saint-Joseph de Marseille aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Prado pathologie, la société Civatte - Crebassa - de Fromont - Mathoulin-Portier - Vacheret, la société des docteurs Jean-Claude Poluzzi et Philippe Roux, la société des docteurs Evelyne Pellegrin et Fabienne Martin et la société des docteurs Sophia Gompel et Marianne Tortel la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Prado pathologie, la société Civatte, Crebassa, de Fromont, Mathoulin-Portier, Vacheret, la société des docteurs Jean-Claude Poluzzi et Philippe Roux, la société des docteurs Evelyne Pellegrin et Fabienne Martin et la société des docteurs Sophia Gompel et Marianne Tortel.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée du 21 septembre 2015 d'AVOIR rejeté la demande des sociétés exposantes tendant d'une part, à la condamnation sous astreinte de l'Association Hôpital Saint Joseph à se conformer à son obligation d'information du candidat évincé incluant les motifs détaillés du rejet, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue et les motifs ayant conduit au choix de l'offre retenue en fournissant au débat le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres et, d'autre part, à l'annulation de l'ensemble de la procédure de mise en concurrence et de la décision de la commission de sélection des offres ;

AUX MOTIFS QUE « le courrier envoyé par la défenderesse aux requérantes le 1er juin indique clairement le classement des offres, le nom de la société attributaire et les notes respectivement obtenues pour chaque critère par les requérantes et la société attributaire, desquelles il ressort que si les requérantes sont à égalité avec la société attributaire sur le critère des moyens techniques et humains et à presque égalité sur le critère de la conformité au cahier des charges, c'est le critère du prix qui a entraîné le choix de la société attributaire, ce qui n'est pas surprenant dans une conjoncture économique contrainte, étant rappelé que les trois critères utilisés ont bien été préalablement mentionnés dans le règlement de la consultation ; que l'obligation d'information du candidat évincé a ainsi été pleinement remplie » ;

ALORS QUE le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue, au titre desquelles figure le prix de ladite offre ; qu'en considérant que l'obligation d'information du candidat évincé avait été pleinement remplie par l'indication du classement des offres, du nom de la société attributaire et des notes respectivement obtenues pour chaque critère par les requérantes et la société attributaire, le juge des référés précontractuels a violé l'article 46 du décret n°2005-1742 du 30 décembre 2005.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée du 21 septembre 2015 d'AVOIR rejeté la demande des sociétés exposantes tendant d'une part, à la condamnation sous astreinte de l'Association Hôpital Saint Joseph à se conformer à son obligation d'information du candidat évincé incluant les motifs détaillés du rejet, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue et les motifs ayant conduit au choix de l'offre retenue, en fournissant au débat le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres et, d'autre part, à l'annulation de l'ensemble de la procédure de mise en concurrence et de la décision de la commission de sélection des offres ;

AUX MOTIFS QUE « l'existence de sous-critères tenus secrets allégués par les requérants n'est nullement démontrée ; que le marché n'étant pas encore signé, le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres ne sont pas communicables, s'agissant de documents préparatoires, non achevés ; qu'il n'entre pas dans l'office du juge des référés pré-contractuels d'ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché ; que la méthode de notation n'a pas à être notifiée aux candidats ; qu'il appert en réalité que les requérantes contestent le choix de l'attributaire ; qu'il échet de rappeler à cet égard que l'appréciation portée sur les mérites respectifs des candidats qui détermine le choix de l'attributaire ne relève pas du contrôle du juge » ;

ALORS 1°) QUE dès lors que le pouvoir adjudicateur a procédé au choix de l'attributaire du marché et a informé les autres candidats du rejet de leur offre, le rapport de présentation des offres et le procès-verbal de la commission de sélection des offres sont définitifs et ne peuvent être regardés comme des documents préparatoires non achevés ; qu'en jugeant le contraire, le juge des référés précontractuels a violé les articles 1 et 2 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

ALORS 2°) QUE en vertu de l'article 3 l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, le juge peut prendre les mesures provisoires tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations ; qu'à ce titre, le juge des référés précontractuels peut ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché de nature à établir la violation par le pouvoir adjudicateur de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ; qu'en jugeant qu'il n'entre pas dans l'office du juge des référés précontractuels d'ordonner la communication de documents relatifs à la procédure de passation du marché, le président du tribunal de grande instance de Marseille a méconnu son office et violé l'article 3 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

ALORS 3°) QUE l'obligation mise à la charge du candidat évincé, de rapporter la preuve parfaite de la partialité du pouvoir adjudicateur est contraire au principe d'effectivité et à l'exigence d'un recours efficace posés à l'article 1er, § 1 de la directive 89/665 du Conseil du 21 décembre 1989 ; qu'en énonçant, pour rejeter le recours des sociétés exposantes, que celles-ci n'avaient pas démontré l'existence de sous-critères tenus secrets, le juge a violé l'article 2 de l'ordonnance 2009-515 du 7 mai 2009, interprété à la lumière de l'article 1er, § 1 de la directive 89/665 du Conseil du 21 décembre 1989.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-26414
Date de la décision : 06/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REFERE - Applications diverses - Contrats de la commande publique - Référé précontractuel - Contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs - Procédure - Information des candidats évincés - Conditions - Détermination

L'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer aux candidats dont l'offre a été écartée pour un autre motif que son caractère inapproprié, irrégulier ou inacceptable les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue et notamment, dans le cadre d'un appel d'offres mettant en oeuvre des critères de sélection fondés sur cet élément, son prix, sauf à établir qu'une telle divulgation serait contraire à la loi, en particulier violerait le secret industriel et commercial, serait contraire à l'intérêt public, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs


Références :

Sur le numéro 1 : article 3 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique
Sur le numéro 2 : article 46 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marseille, 21 septembre 2015

n° 2 :Sur les obligations d'information de la personne soumise aux règles de la commande publique à l'égard des candidats dont l'offre a été écartée, cf :CE, 11 mars 2013, n° 364827, inédit au recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 déc. 2016, pourvoi n°15-26414, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : M. Debacq
Rapporteur ?: M. Sémériva
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.26414
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