LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 11 mars 2014, pourvoi n° 12-29.434), que la société Exten.s, titulaire du brevet européen EP 1383402 couvrant une semelle extensible transversalement au moyen d'un insert élastique pour s'adapter aux déformations du pied, a consenti une licence exclusive d'exploitation de ce brevet à la société Manufacture française des chaussures Eram (la société MFCE), pour la France, l'Union européenne et la Suisse ; que, reprochant à la société Fluchos de commercialiser des chaussures en France, notamment par l'intermédiaire de la société Bata France distribution, en leur attribuant de manière mensongère les caractéristiques de la semelle couverte par ce brevet, les sociétés Exten.s et MFCE ont agi en concurrence déloyale contre ces deux sociétés ; que la société MFCE a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Eram, qui a poursuivi cette action ; que la société Bata France distribution ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, la SELARL C. Basse, liquidateur judiciaire, est intervenue à l'instance ;
Attendu que les sociétés Eram et Exten.s font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale pour publicité trompeuse alors, selon le moyen :
1°/ qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'il appartient au juge de vérifier qu'une information fausse amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'aucune concurrence déloyale n'était établie à l'encontre des deux intimées dès lors que si l'existence d'informations fausses figurant sur les étiquettes et sur le site internet de la société Fluchos, concernant les caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, n'était pas contestée, les sociétés Eram et Exten.s ne versaient « toutefois aux débats aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater que les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles » et ne justifiaient pas « que l'altération du comportement économique du consommateur est possible et qu'elle est substantielle » quand il appartenait à la cour d'appel de vérifier elle-même, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, si les informations fausses figurant sur l'étiquette et le site Internet de la société Fluchos, quant aux caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, étaient susceptibles d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles 4 et 1382 du code civil, ensemble de l'article L. 121-1 du code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ;
2°/ qu'une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'il ne serait pas justifié que l'altération du comportement économique du consommateur soit possible et substantielle dès lors qu'il n'était versé aux débats « aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles », sans rechercher si, alors même que la marque Fluchos n'était pas associée aux messages portés par la publicité du site ou encore de l'étiquette, ces messages n'étaient pas de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le caractère déterminant des fausses indications relatives à la flexibilité de la semelle des chaussures commercialisées par la société Fluchos et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 121-1 du code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ;
Mais attendu, d'une part, que, si la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005, procédant à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises, prévoit qu'il appartient au juge national de vérifier, au regard des critères qu'elle pose, si une information fausse doit être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, cette circonstance ne dispense pas chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention, ni n'apporte une limite au caractère discrétionnaire de la faculté pour les juges du fond d'ordonner une mesure d'instruction ;
Et attendu, d'autre part, que le moyen critique en sa seconde branche un motif surabondant, dès lors que la cour d'appel a retenu que les sociétés Eram ne justifiaient pas que l'altération du comportement économique du consommateur était possible et substantielle ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Eram et Exten.s aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la SELARL C. Basse, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bata France Distribution la somme globale de 3 000 euros et à la société Fluchos la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Eram et Exten.s.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les sociétés Eram et Exten.s de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale pour publicité trompeuse ;
AUX MOTIFS QUE « la société Exten.S et la société Eram exposent que la cour a définitivement jugé que l'expertise réalisée par le Centre technique du Cuir a établi que la présentation effectuée par la société Fluchos des semelles équipant ses chaussures constitue une présentation fausse du produit et que la preuve est démontrée du caractère mensonger de la publicité effectuée par la société Fluchos dans son dépliant et sur son site internet ; qu'elles soutiennent qu'en renvoyant le reste de stock de chaussures concernées par cette publicité à Fluchos, les sociétés Bata et Beryl ont reconnu implicitement ce qui est reproché et qu'en modifiant le slogan de son site internet, la société Fluchos a également implicitement avoué le caractère mensonger de son slogan antérieur incriminé de concurrence déloyale ; que les appelantes ajoutent qu'il suffit que la publicité litigieuse ait été susceptible de déterminer le consommateur dans son achat ; qu'en l'espèce, l'attente du consommateur réside dans le confort de la chaussure, que l'impact de la publicité réalisée sur le site internet et sur l'étiquette attachée à la chaussure est de le pousser à essayer la chaussure puis à l'acheter ; que la société Fluchos fait valoir qu'il est nécessaire pour qu'il ait concurrence déloyale que deux conditions cumulatives soient réunies, soit 1) que la publicité trompeuse provoque ou risque de provoquer une "altération substantielle du comportement économique du consommateur" et 2) qu'elle l'ait déterminé à l'achat qu'il n'aurait pas réalisé en l'absence de la pratique incriminée ; que la preuve n'est pas faite selon elle que cette publicité ait déterminé l'achat du consommateur alors que l'essai du modèle de chaussure est impératif, que la diffusion de la publicité est limitée dans l'espace et dans le temps ;que la société Bata Distribution France et le selarl FHB et la selarl C. Basse ès qualités rappellent l'exigence des deux conditions cumulatives, qu'elles expliquent que la société Bata n'est pas responsable de la publicité litigieuse et n'en a fait aucune, que les indications critiquées n'ont pas altéré le comportement du consommateur, étant présentées en termes mesurés ; que l'article L. 120-1 du code de la consommation dispose : "I. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. II. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1" ; que l'article L. 120-1 du code de la consommation édicte que les pratiques commerciales déloyales sont interdites et que constituent en particulier de telles pratiques, les pratiques commerciales trompeuses définies à l'article L. 121-1 du même code, ces deux articles étant issus de la transposition de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; que l'article L. 121-1 I 2° du code de la consommation dispose : "I. Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (…) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles sur le bien ou le service ; (…)" ; que la violation de ces articles peut constituer une faute de concurrence déloyale invocable entre concurrents, dans la mesure où le non respect d'une règle peut constituer un avantage dans la concurrence par rapport à ceux qui la respectent ; que la pratique trompeuse en premier lieu "repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur", en second lieu, "altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service" ; que les parties ne discutent plus l'existence d'informations fausses contenues sur l'étiquette et dans le site internet de la société Fluchis ; que le débat porte sur la preuve que doit apporter la société qui se prétend victime que la pratique est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard de ce bien ou de ce service ; qu'en effet, la loi incrimine les pratiques de nature à induire en erreur et susceptible d'altérer le comportement économique du consommateur ; qu'il n'y a pas lieu pour la victime de démontrer leurs effets effectifs, mais de démontrer la potentialité de leurs effets ; qu'il résulte de la directive 2005/29 que l'analyse du critère lié à l'impact d'une pratique sur la décision commerciale du consommateur ne peut se limiter au moment de l'achat du produit et qu'elle doit au contraire être effectuée au moment du visionnage de la publicité qui influera sur la décision commerciale du consommateur et, en particulier, sur l'opportunité d'aller acheter un produit ; qu'en effet la décision commerciale est définie par l'article 2 (k) comme "toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir" et l'article 3 précise que "la présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit" ; que les appelantes versent aux débats des procès-verbaux d'huissier établis en 2006, 2009 et 2010, selon lesquels des animations sur le site internet de Fluchos faisaient référence explicite au système "multiple expansion", un procès verbal établi le 21 Novembre 2006 lors d'un achat dans un magasin Bata de deux paires de chaussures Fluchos dont l'une des chaussures de chaque paire porte l'étiquette incriminée ; qu'il s'agit ici de pièces relatives à la matérialité des faits reprochés mais qui n'établissent aucunement les effets qu'ils peuvent avoir sur le comportement du consommateur ; que les appelantes se bornent à soutenir que la publicité a pour objectif d'inciter le consommateur à essayer et à acheter, que l'animation en trois dimensions mettant en scène des flèches transversales sur le site de Fluchos est de nature à aiguiller "sans nul doute" le consommateur vers son choix de chaussure, que l'étiquette attachée à la chaussure qu'il essaie va "nécessairement" le guider dans son choix ; qu'elles se bornent à présumer que ces informations fausses sont susceptibles d'altérer le consentement du consommateur, à le rendre inapte à prendre une décision en toute connaissance de cause et à l'inciter à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'elles ne versent toutefois aux débats aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée aux messages portés par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater que les consommateurs sont portés à croire ainsi aux mérites supposés des semelles ; qu'elles ne justifient pas que l'altération du comportement économique du consommateur est possible et qu'elle est substantielle ; que dès lors que les conditions cumulatives ne sont pas réunies, la concurrence déloyale reprochée aux deux intimées n'est pas établie » ;
ALORS, D'UNE PART, QU' une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'il appartient au juge de vérifier qu'une information fausse amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'aucune concurrence déloyale n'était établie à l'encontre des deux intimées dès lors que si l'existence d'informations fausses figurant sur les étiquettes et sur le site Internet de la société Fluchos, concernant les caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, n'était pas contestée, les sociétés Eram et Exten.s ne versaient « toutefois aux débats aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater que les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles » et ne justifiaient pas « que l'altération du comportement économique du consommateur est possible et qu'elle est substantielle » quand il appartenait à la cour d'appel de vérifier elle-même, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, si les informations fausses figurant sur l'étiquette et le site Internet de la société Fluchos, quant aux caractéristiques et qualités des semelles équipant ses chaussures, étaient susceptibles d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles 4 et 1382 du code civil, ensemble de l'article L. 121-1 du code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en toute hypothèse, une pratique commerciale est réputée trompeuse et déloyale lorsqu'elle contient des informations fausses et qu'elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en retenant en l'espèce qu'il ne serait pas justifié que l'altération du comportement économique du consommateur soit possible et substantielle dès lors qu'il n'était versé aux débats « aucune étude permettant de constater que la marque Fluchos est associée au message porté par la publicité du site ou encore de l'étiquette, de constater les consommateurs sont portés à croire ainsi au mérite supposé des semelles », sans rechercher si, alors même que la marque Fluchos n'était pas associée aux messages portés par la publicité du site ou encore de l'étiquette, ces messages n'étaient pas de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le caractère déterminant des fausses indications relatives à la flexibilité de la semelle des chaussures commercialisées par la société Fluchos et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et L. 121-1 du code de la consommation tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005.