LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel du fait que l'employeur s'était conformé aux préconisations du médecin du travail et que l'inaptitude n'était pas en lien avec les conditions de travail du salarié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d' avoir rejeté l'ensemble des demandes de Monsieur X..., à l'exception des demandes de rappel de salaires pour les mois de juin et août 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« 1 -Sur le licenciement :
La lettre du 21 janvier 2010, après avoir rappelé que les conclusions du médecin du travail, à l'issue des visite des 6 et 27 novembre 2009, et le refus opposé par le salarié à sa proposition du 4 décembre 2009, indique «qu'aucun poste de reclassement n'ayant pu être dégagé à ce jour », elle se trouve dans l'obligation de rompre de contrat de M. X... « en raison de l'impossibilité de procéder à (son) reclassement suite à l'inaptitude physique au poste de travail».
1-1 : L'appelant considère que son inaptitude est la conséquence de l'absence de prise en compte par l'employeur des préconisations du médecin du travail alors que l'intimée, qui affirme les avoir parfaitement respectées, souligne qu 'elles ont varié au fil du temps.
Les dates et la nature des visites ainsi que la teneur des préconisations peuvent être présentées comme suit:
9 juin 2006 Visite de pré reprise Services courts coupés
15 juin 2006 Visite particulière Services courts
22 juin 2006 Visite périodique Service court souhaitable
7 juillet 2016 Visite particulière Services courts
29 septembre 2006 Visite particulière Services courts et coupés de l'après-midi
2 mars 2007 Visite de reprise Services cours/services coupés l'après-midi
31 août 2007 Visite particulière
Reprise envisagée mi-temps thérapeutique Max 4h/jour 2ème partie matin à privilégier
7 septembre 2007 Visite de reprise Mi-temps Max 4h/jour 2ème partie matin
9 novembre 2007 Visite particulière Mi-temps Max 4h/jour 2ème partie matin
18 janvier 2008 Visite particulière Mi-temps Max 4h/jour 2ème partie matin
14 mars 2008 Visite particulière Mi-temps Max 4h/jour 2ème partie matin
23 mai 2008 Visite particulière Mi-temps Max 4h/jour Matin 2ème partie matin
25 juillet 2008 Visite particulière Mi-temps matin
18 septembre 2008 Visite périodique Mi-temps matin
10 avril 2009 Visite particulière Mi-temps- 2ème partie matin/reclassement hors conduite souhaitable
18 septembre 2009 Visite périodique Mi-temps- 2ème partie matin
23 octobre 2009 Visite particulière Inaptitude à la conduite envisagée
27 novembre 2009 Visite particulière Inaptitude à la conduite et à l'accompagnement. Apte à un travail de type administratif
L'employeur soutient que ce n'est qu'à partir du 10 avril 2009 que le médecin du travail a préconisé définitivement un travail en deuxième partie de matinée, alors que le salarié estime que tel a été le cas dès l'été 2007. Le tableau ci-dessus confirme cette seconde thèse.
M X... expose que celte précision s'explique par le fait qu'il souffrait d'agoraphobie, et que le traitement qu'il prenait pour cela entraînait un effet de somnolence perdurant jusqu'en début de matinée. Il reproche à son ex-employeur de l'avoir délibérément affecté à des postes très tôt le matin, ce qui expliquerait les retards à la prise de poste qui seront examinées plus loin. La Sas Transvilles s'en défend, tout en reconnaissant n'avoir pu faire autrement à 13 reprises entre le 10 avril et Le 23 octobre 2009, compte tenu des impératifs de fonctionnement du service public dont elle était délégataire.
Il est constant que les bus de Transvilles commençaient à circuler à 6 heures, et ses tramways plus tôt encore. Il résulte du tableau versé aux débats qu'entre le JO avril et le 27 novembre 2009, l'appelant a dû prendre son service à 13 reprises entre 6 heures et 7 heures (une fois à 5 heures 50) mais qu'en règle générale, l'heure de sa prise de poste était postérieure à 10, voire à 11 heures, ou intervenait dans l'après-midi ou le soir, ce que le médecin du travail a estimé conforme à ses préconisations. Au demeurant, la précision « 2ème partie matin » ne figure pas sur les fiches d'aptitude des 25 juillet et 18 septembre 2008. de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur de lui avoir fait prendre son service trop tôt entre le 25 juillet 2008 elle 10 avril 2009. Le manquement reproché n 'est donc pas établi.
Le salarié fait plaider qu'en affirmant avoir suivi les préconisations du médecin du travail à partir du 10 avril 2009, la société Transvilles a implicitement admis que tel n'avait pas été le cas antérieurement. Cette conclusion est contredite par le certificat du docteur Z..., médecin du travail, qui indique, dans son certificat du 18 septembre 2008, que « le temps de travail » de M X... ((avec un aménagement des horaires et en adéquation avec son état de santé actuel », ce que confirme l'examen du dossier médical de l'intéressé.
La Cour observe enfin, d'une part, que M. X... a perçu des indemnités journalières pour maladie simple du 26 mars 2007 au 19 novembre 2009, d'autre part, que son inaptitude n'a pas été considérée par le médecin du travail comme étant d'origine professionnelle.
1-2 : La société Transvilles soutient, par ailleurs, que l'obligation de reclassement ne pesait pas sur elle, mais sur le précédent titulaire du marché des transports urbains de la région de Valenciennes. Elle produit un protocole d'accord conclu le 3 mai 2010 entre la Semurval et une société Véolia Transport Valenciennes, dont l 'article 12 stipule que « l'ensemble des litiges ou dossiers en cours au31/12109 »(date à laquelle la Semurval a cessé l 'exploitation) « à /afin du service, ou qui naîtraient postérieurement à cette date, mais ayant pour origine une contestation ou un fait générateur antérieur à cette date, restent gérés et à la charge de la Semurval. Sont en particulier visés [. .. ] les éventuels litiges [. . .] prud'homaux avec des salariés transférés ou employés préalablement au transfert [. . .]. La liste des litiges connus à la date de la signature du présent protocole figure en annexe 10 ». Cette annexe mentionne trois personnes dont X... Michaël.
Celui-ci considère que le fait générateur est son licenciement, intervenu le 21 janvier 2010, soit après le transfert à Véolia Transport Valenciennes. II estime en conséquence que l'obligation de reclassement pesait sur cette dernière, qui ne l'aurait pas remplie correctement en fonction du groupe, présent dans 64 pays, auquel elle appartenait.
Le fait générateur est, en l 'espèce, le comportement de l 'employeur envers un salarié malade, qui serait critiquable depuis l'été 2007 et la déclaration d'inaptitude qui s'en est suivie (27 novembre 2009). C'est donc sur la Semurval que pesait celle obligation, même si l'offre de reclassement a été formalisée le 4 décembre 2009 par la société Transvilles.
La recherche de reclassement ayant été menée sérieusement et loyalement en fonction des moyens de l'entreprise sur laquelle pesait cette obligation, il y a lieu à confirmation du jugement qui a estimé le licenciement légitime.
2- Sur le harcèlement :
M. X... fait plaider que le fait de lui proposer des postes incompatibles avec les préconisations du médecin du travail et de lui avoir imposé de façon répétée l'exécution de tâches ayant généré de nombreux arrêts de travail caractérise le harcèlement moral. Elle évalue à 20.000 € le préjudice en résultant.
Cette demande sera rejetée puisque, pour les motifs exposés plus haut, le salarié n 'invoque pas des faits laissant présumer qu'il aurait été victime d 'un harcèlement.
3- Sur les absences:
M X... soutient que c'est à tort qu'il a été procédé, en mars, mai, juin, juillet et août 2009, à des retenues sur ses salaires, alors que les retards à raison desquels elles ont été effectuées, dont il ne conteste pas la réalité, étaient la conséquence des manquements de l 'employeur examinés supra.
Certains des bulletins de situation communiqués mentionnent un «problème de réveil » pour expliquer le retard, d 'autres (18 et 20 février 2009, 10 et 12 août 2009, 8 et Il septembre 2009) font explicitement état d 'une « restriction médicale : ne peut assurer la 1ère partie de service».
En revanche, d'autres mentionnent une absence de justification ou des raisons sans rapport avec le traitement de l'agoraphobie de l'intéressé (pannes de voiture, lunettes cassées, absence programmée .. .).
La comparaison des bulletins de situation et des bulletins de paie, qui mentionnent distinctement les absences pour maladie et celles non justifiées ou ayant d'autres motifs, permet de faire droit aux demandes du salarié à hauteur de :
- 50,66 € au titre du salaire de juin 2009
- 101,32 € à celui du salaire d'août 2009
soit un total de 151,98 €, qui portera intérêts au taux légal à dater de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation» ,·
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le licenciement :
Sur l 'obligation de reclassement :
Attendu que, suite à une période d'arrêt maladie, Monsieur Michaël X... sera déclaré inapte à son poste de travail par le Médecin du Travail suite à deux visites en date des 6 et 27 novembre 2009;
Que, suivant les préconisations du Médecin du Travail:
inapte à la conduite et à l'accompagnement apte à un travail de type administratif
la SAS TRANS VILLES, conformément à ses obligations légales, propose par courrier recommandé avec avis de réception en date du 4 décembre 2009 un poste d'agent d'accueil à la gare de Denain, avec pour mission de:
assurer la vente des titres de transport accueillir et renseigner les clients
Que ce poste est actuellement vacant suite à l'accident du travail dont a été victime le titulaire ;
Que Monsieur Michaël X... a notifié son refus par téléphone ;
Que, suite à ce refus, La SAS TRANSVILLE déclare qu'aucun autre poste n'a pu être dégagé à ce jour et qu 'elle se voit contrainte de procéder à La rupture du contrat de travail de Monsieur Michaël X... ;
Que Monsieur Michaël X... conteste son licenciement au motif que son employeur n'a pas respecté les préconisations du Médecin du Travail ;
Que la SAS TRANS VILLES conteste les dires de Monsieur Michaël X... et déclare avoir tout mis en oeuvre pour respecter les préconisations du Médecin du Travail suite à la maladie d'agoraphobie ;
que le traitement ne permettait pas à Monsieur Michaël X... d'être opérationnel pour prendre un service de conduite très tôt le matin ,·
Que la SAS TRANSVILLES verse aux débats un tableau de l'organisation du temps de travail; que celui-ci était réalité en deuxième moitié de matinée à compter du JO avril 2009, suivant/es préconisations du Médecin du Travail ;
Que l 'employeur verse au dossier l 'avis du Médecin du Travail- examen du 10 avril 2009 : « apte conducteur, mi-temps, deuxième partie du matin, reclassement hors conduite souhaitable » ,
La SAS TRANSVILLES produit aux débats le détail des horaires de Monsieur Michaël X... à compter du JO avril 2009;
Qu'après vérification du détail des horaires appliqués à partir du 10 avril 2009, le Conseil confirme le respect par la SAS TRANSVILLES quant aux horaires pratiqués par Monsieur Michaël X... ;
Attendu que Monsieur Michaël X... verse aux débats ses bulletins de situation conducteur-receveur, desquels le Conseil constate de nombreux problèmes :
21 novembre 2007- service à JO h 13 (absent: panne de voiture) 26 janvier 2008- service à 8 h 21 (arrivée à 9 heure 21- voir GPC) 6 mai 2008- service à 9 h 58 (panne de voiture) 28 juillet 2008- service à 8 h 38 (absent : lunettes cassées) 16 septembre 2008- service à 6 h 15 (arrêt maladie) 25 septembre 2008- service à 5 h 39 (problème de réveil) 1er octobre 2008- service à 5 h 51 (problème de réveil) 8 octobre 2008- service à 8 h 51 (absent - voir GPC) 9 février 2009- service à 6 h 23 (problème de réveil) 11 février 2009- service à 5 h 25 (problème de réveil) 18 février 2009- service à 7 h 16 (restriction médicale- ne peut assurer la 1ère partie de service) 20 février 2009 - service à 6 h J 2 (restriction médicale- ne peut assurer la 1ère partie de service) 9 mars 2009-service à 7 h 08 (maladie-reprise prévue le 13 mars 2009) 18 mars 2009 - service à 9 h 32 (maladie - reprise prévue le 19 mars 2009) 6 avril2009- service à 5 h 48 (panne de réveil) 7 avril 2009 - service à 5 h 39 (panne de réveil) 13 mai 2009- service à 6 h 29 (maladie) 27 mai 2009 -service à 6 h 29 (absence non justifiée).
Attendu que la SAS TRANSVILLES reconnaît que Monsieur Michaël X... a été amené à ne démarrer son activité tôt qu 'occasionnellement et pour des raisons liées à un impératif de fonctionnement d'un service public, soit 13 services sur une période de 200 jours (du 10 avril au 23 octobre 2009), date du premier avis d 'inaptitude) ;
Attendu que la SAS TRANSVILLES s'étonne que Monsieur Michaël X... souffre d'agoraphobie avec un traitement l'empêchant de travailler tôt alors même que ce salarié souhaitait créer sa société de vente de café, projet corroboré dans le dossier médical du salarié où il est clairement fait mention du projet professionnel de Monsieur Michaël X..., et ce dès 2008;
Que c'est à la suite de ce refus de la SAS TRANSVILLE de négocier le départ de Monsieur Michaël X... que celui-ci saisira le Conseil.
Attendu que Monsieur Michaël X... déclare, dans un courrier du 28 septembre 2009 : « Je vous ai proposé de négocier mon départ puisque je souhaite créer ma propre activité » ,
Qu'au vu des pièces figurant au dossier des parties, le Conseil constate donc que la SAS TRANSVILLES a bien respecté son obligation de reclassement et que celle-ci a fait l'objet d'un envoi au Médecin du Travail, sans que ce dernier ne fasse aucune remarque quant à une éventuelle incompatibilité du poste de reclassement avec l'état de santé de Monsieur Michaël X... ;
En conséquence, le Conseil confirme la légitimité du licenciement de Monsieur Michaël X... pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude au poste de travail.
Sur l'indemnité de préavis elles congés payés y afférents :
Vu l'article L 1226-4 alinéa 3 du Code du Travail ;
Attendu que le licenciement est intervenu suite à une inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;
Que le contrat de travail prend fin à la date de notification du licenciement;
En conséquence, Monsieur Michaël X... n'a pas droit à l'indemnité compensatrice de prévis ni aux congés payés y afférents, le Conseille déboute.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:
Vu la légitimité du licenciement, Monsieur Michaël X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le paiement des jours d'absence et les congés payés y afférents :
Qu'au vu de l'analyse des pièces, celles-ci démontrent que les retards n'étaient pas le résultat de l'état de santé de Monsieur Michaël X... mais dus à des pannes de réveil, panne de voiture, lunettes cassées, absences injustifiées ;
En conséquence, Monsieur Michaël X... sera débouté de sa demande en paiement des jours d'absence et congés payés y afférents.
Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :
Attendu que la SAS TRANSVILLES a suivi les préconisations du Médecin du Travail.
Que ceci n'est pas considéré comme harcèlement moral et que le salarié n'en rapporte pas la preuve (articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile), cette demande est rejetée » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
Dans ses conclusions, Monsieur X... faisait clairement valoir que son employeur s 'était abstenu de tenir compte des préconisations du médecin du travail depuis l' été 2007 (conclusions d'appel, p. 8); qu'en se bornant à évoquer la question du respect de ces préconisations pour la période du 10 avril au 27 novembre 2009, les juges d'appel n'ont pas répondu au moyen soulevé par Monsieur X..., qui était pourtant de nature à exercer une influence sur la solution du litige, et ont de ce fait violé l' article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'
En présence d'un avis d'aptitude assorti de réserves, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail, et doit établir devant le juge qu'il a effectivement satisfait aux préconisations du médecin du travail assortissant l'avis d'aptitude du salarié à la reprise du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que le médecin du travail avait préconisé définitivement un travail en deuxième partie de matinée dès l'été 2007 et que l'employeur n'avait pas respecté les préconisations du médecin du travail pour la période allant du 10 avril au 27 novembre 2009 ; qu'en estimant pourtant légal le licenciement pour inaptitude de Monsieur X..., les juges d'appel n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres énonciations et ont, partant, violé l'article L. 4624-1 du Code du travail.