LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 213-4, a, du code de l'urbanisme ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Rennes, 19 juin 2015) fixe le montant des indemnités revenant à Mme X... au titre de l'expropriation, au profit de la communauté de communes de Grand Lieu, de parcelles lui appartenant ;
Attendu que, pour dire que ces parcelles étaient soumises au droit de préemption urbain et fixer la date de référence conformément aux dispositions de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme, l'arrêt retient que le droit de préemption a été instauré sur les zones d'urbanisation futures de la commune le 4 juin 1987 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si les biens expropriés étaient, à cette date, situés dans une zone d'urbanisation future, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la communauté de communes de Grand Lieu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la communauté de communes de Grand Lieu et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépossession revenant à Mme X... à la somme de 488 203, 20 € ;
ALORS QU'en cas d'annulation, par une décision définitive du juge administratif, de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et demander son annulation ; qu'après avoir constaté l'absence de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété, le juge statue sur les conséquences de son annulation ; que la perte de fondement légal de l'ordonnance portant transfert de propriété rend non avenus et dépourvus d'effet les actes qui y sont liés par un lien d'indivisibilité, et notamment le jugement fixant le montant des indemnités ; que Mme X... a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes du 3 septembre 2015, ayant rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2012 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'extension du parc d'activités de Tournebride et à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2013 par lequel le même préfet a déclaré cessibles au profit de la communauté de communes de Grandlieu les propriétés nécessaires au projet précité ; que l'annulation à intervenir, par la cour administrative d'appel, des arrêtés précités des 11 octobre 2012 et 24 janvier 2013, aura pour effet de priver de fondement légal l'ordonnance d'expropriation prononcée le 3 avril 2013 à l'encontre de Mme X... et par voie de conséquence, de rendre nul et non avenu le jugement fixant le montant de l'indemnité d'expropriation, par application des articles L. 121-1, L. 132-1, L. 220-1, L. 222-1, L. 223-2, L. 322-2 du code de l'expropriation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépossession revenant à Mme X... à une somme limitée à 488 203, 20 € ;
AUX MOTIFS propres QUE le plan local d'urbanisme a été approuvé le 31 janvier 2007 et a été rendu exécutoire le 1er février 2007 ; que si Mme X... soutient que la date de référence ne peut pas être fixée au 1er février 2007, dans la mesure où la délibération instituant le droit de préemption, du 31 janvier 2007, n'était pas exécutoire à la date à laquelle le PLU a été approuvé, le même jour, le droit de préemption avait été instauré le 4 juin 1987 et la délibération du 31 janvier 2007 n'a fait que le reprendre ; que le premier juge a donc fait une exacte application de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme en fixant la date de référence au 1er février 2007 ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE les biens en cause sont soumis au droit de préemption urbain depuis une délibération du conseil municipal de la commune de La Chevroliere du 31 janvier 2007 ; que la partie expropriée observe que cette délibération n'était pas exécutoire à la date à laquelle le PLU a été approuvé, en l'occurrence le même jour ; que l'autorité expropriante a répondu sur la difficulté d'un nouveau PLU n'ayant pas acquis le caractère exécutoire le jour où il est délibéré sur l'instauration du droit de préemption urbain ; que l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme, qui prévoit que pour les biens soumis à un droit de préemption urbain la date de référence doit être fixée conformément au a) de l'article L. 213-4 du même code, ne précise aucunement que la délibération instituant le droit de préemption urbain doit être exécutoire au moment de l'approbation du PLU, ni l'inverse ; qu'au demeurant, le droit de préemption urbain existait déjà sur les zones d'urbanisation future du précédent POS, avant la révision du document d'urbanisme devenu PLU, le 31 janvier 2007 ; qu'en conséquence, en application de l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; qu'en l'espèce, la date de référence retenue sera donc le 1er février 2007, date à laquelle la dernière modification du plan intervenue le 31 janvier 2007 est devenue opposable ;
ALORS QU'en se bornant, pour écarter le moyen tiré du caractère non exécutoire de la décision instaurant un droit de préemption, à retenir que le droit de préemption urbain avait été instauré le 4 juin 1987 sur les zones d'urbanisation future du précédent POS, que ce droit existait donc déjà avant la révision du document d'urbanisme, le 31 janvier 2007, et que la délibération du même jour n'avait fait que le reprendre, sans avoir constaté que les biens expropriés étaient situés dans une zone d'urbanisation future délimitée par le précédent document d'urbanisme et donc effectivement soumis au droit de préemption urbain avant le 31 janvier 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 213-4 et L. 213-6 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 322-2 du code de l'expropriation.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépossession revenant à Mme X... à une somme limitée à 488. 203, 20 € se décomposant comme suit : indemnité principale : 442 912 €, indemnité de remploi : 45 291, 20 € ;
AUX MOTIFS QU'à la date de référence, les terrains étaient classés en zone 1 AUe, correspondant à l'extension de la zone d'activités de Tournebride urbanisable après réalisation des VRD et réservée aux constructions à usage d'industrie, de services, d'artisanat et de commerce ; que l'ensemble des parcelles borde la route départementale 62, que des accès existent, qu'il s'agit de chemins d'exploitation pour l'agriculteur, que les parcelles ne doivent pas être considérées comme enclavées mais que la création d'accès directs individuels est interdite selon l'article 3. 1. 4 du plan local d'urbanisme ; que cette interdiction n'est pas le fait d'une entente dolosive entre la communauté de communes de Grand Lieu et la commune de La Chevrolière ; que le compte rendu de la réunion du 18 janvier 2006 mentionne l'intervention du représentant du conseil général, lequel a rappelé que les règles de recul par rapport aux routes départementales doivent figurer dans le règlement, sur les cartographies et doivent être justifiées dans le rapport de présentation et que de plus, il convenait de ne pas autoriser les accès et sorties nouvelles sur les routes départementales ; que cette intervention était conforme aux observations du président du conseil général de Loire-Atlantique du 21 août 2002 prescrivant l'interdiction des accès directs sur les RD 117 et 17B, au nord, à partir de la RD 62, cette voie étant classée comme route à grande circulation ; qu'il n'est donc pas prouvé de collusion entre la communauté de communes et la commune de La Chevrolière, lesquelles n'ont fait qu'appliquer les directives du conseil général ; que l'interdiction de création d'accès directs individuels fait obstacle à la constructibilité des parcelles ; que de plus, si le réseau électrique est à proximité immédiate, il n'est pas démontré qu'il serait en capacité suffisante pour desservir l'ensemble de la zone ; que si Mme X... soutient que le réseau d'assainissement se trouve à proximité immédiate, dans la rue de La Guillauderie, elle ne le démontre pas et ne fait état que de la possibilité d'équiper les terrains d'une installation de relèvement ; que le premier juge n'a pas retenu, à juste titre, la qualification de terrain à bâtir ; que les parcelles doivent être évaluées selon leur usage effectif de terres agricoles en situation privilégiée en raison de l'environnement ;
ALORS QU'il ressort des constatations de l'arrêt que les parcelles expropriées étaient classées par le plan d'urbanisme approuvé le 31 janvier 2007 en zone « réservée aux constructions à usage d'industrie, de services, d'artisanat et de commerce » ; qu'en affirmant, pour leur dénier la qualité de terrains à bâtir, que l'interdiction de création d'accès directs individuels faisait obstacle à la constructibilité des parcelles expropriées, bien que celles-ci fussent, au contraire, destinées à la construction par le plan d'urbanisme en vigueur à la date de référence, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépossession revenant à Mme X... à une somme limitée à 488. 203, 20 € se décomposant comme suit : indemnité principale : 442 912 € et indemnité de remploi : 45 291, 20 € ;
AUX MOTIFS propres QUE les termes de comparaison de l'expropriée ne sont pas pertinents, s'agissant de terrains à bâtir ou de terrains situés dans des zones d'activité à proximité immédiate de Nantes (Bouguenais) ; que la communauté de communes de Grand Lieu produit 45 actes de vente mais seulement 9 concernent des terrains situés sur la commune de La Chevrolière, les autres se trouvant à Pont Saint-Martin, La Limouzinière, Montbert, Saint-Philbert de Grand Lieu, Le Bignon ; que la vente Y... du 29 mars 2010, avec 1, 54 €/ m2 pour le propriétaire et 1, 46 €/ m2 pour l'exploitant, n'est pas significative, le propriétaire et l'exploitant étant la même personne ; que par contre, dans la zone de Tournebride, la communauté de communes a acheté des terrains, à plusieurs reprises, au prix de 2 €/ m2 : vente Z... du 26 juillet 2010 portant sur 2970 m2, vente A... du 24 mai 2011 portant sur 4090 m2, vente B... du 6 septembre 2010 portant sur 2190 m2, vente de la commune de La Chevrolière du 1er juillet 2010 portant sur 4750 m2 ; que d'autres ventes ont été conclues à des prix moindres (C..., D..., E...) ; qu'une seule vente a été conclue sur une base de 2, 50 € le mètre carré (vente F... du 11 février 2010) mais il s'agit d'un vignoble ; qu'en conséquence, la valeur de 2 €/ m2 retenue par le premier juge sera confirmée ;
Et AUX MOTIFS adoptés QU'apparaît intéressante la cession consentie par les consorts Y... portant sur des parcelles contiguës à celles de Mme X... ; que la vente a été conclue pour 1. 54 €/ m2 pour le propriétaire et 1. 46 €/ m2 pour l'exploitant ; que la partie expropriée se fonde sur une vente de la parcelle E 1021 conclue les 27 janvier et 1er février 2011 entre la communauté de communes et la société Axihome au prix de 19. 14 €/ m2 ; que l'acte décrit une parcelle de terrain à bâtir et que la visite des lieux a permis de constater que cette parcelle a permis à la société d'étendre ses bâtis, de sorte que la parcelle était constructible et aménagée par les VRD ; que sa situation au moment n'est donc pas comparable avec celle des biens de Mme X... ; que le commissaire du gouvernement cite également la vente de la parcelle E 1019, vendue comme en nature de prairie, conclue les 29 juin et 2 août 2006 au prix de 2. 29 €/ m2 soit 4005. 21 € pour 1 749 m2 ; que la partie expropriée admet qu'une partie du tènement ne peut être valorisé au-delà de 1. 50 €/ m2, qu'elle évalue le surplus à 11 €/ m2, mais cette valeur n'est étayée par aucun élément de comparaison ; que demeure la vente des consorts Y... à la communauté de communes, outre les mutations intervenues sur son territoire ; que dans ces conditions, l'offre à hauteur de 2 €/ m2 apparaît satisfactoire ; qu'il sera donc fixé une indemnité principale à hauteur de : 221 456 m2 x 2 €/ m2 = 442 912 € ;
ALORS QUE les parcelles dont Mme X... était dépossédée représentaient une superficie de plus de 22 hectares ; que l'expropriée avait expressément souligné l'importance des terrains dont elle était privée, tant quant à leur étendue que quant à leur part dans le projet, portant sur 31 hectares et soutenait qu'il fallait tenir compte, pour l'estimation, du fait qu'il s'agissait d'un ensemble immobilier de plus de 22 hectares et que l'opération envisagée se réalisait de façon quasi exclusive sur ce vaste ensemble appartenant à une personne privée, situation exceptionnelle justifiant un examen particulier et non une appréciation comme s'il s'agissait d'une simple parcelle (mémoire d'appel p. 2 et p. 9, mémoire compl. n° 1 p. 2 ; mémoire compl. n° 2 p. 2) ; qu'en se fondant, pour fixer à 2 €/ m2 la valeur du terrain exproprié, d'une superficie égale à 221. 456 m2, sur des éléments de comparaison relatifs à des cessions portant sur 1 749 m2, 2190 m2, 2 970 m2, 4 090 m2 et 4 750 m2 au plus, sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur leur pertinence pour évaluer le prix d'une propriété de plus de 22 hectares, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation.