LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président (Douai, 19 avril 2015), et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a été interpellé à l'occasion d'un contrôle d'identité réalisé, sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 6, du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable, en exécution de réquisitions du procureur de la République aux fins de rechercher, dans le quartier de Wazemmes, à Lille, sur une durée de cinq heures, les personnes susceptibles d'avoir commis des infractions de vols, recels, trafics d'armes et de stupéfiants ; que le préfet a pris à l'encontre de l'étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français et un arrêté de placement en rétention ;
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger cette mesure, alors, selon le moyen :
1°/ que, s'il est vrai qu'il n'appartenait pas au juge des libertés et de la détention de « se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le ministère public », il lui appartenait en revanche de vérifier que le contrôle d'identité avait été effectué dans les conditions prévues par la loi ; qu'en présence de réquisitions précisant les infractions à rechercher, le périmètre et les horaires, il restait à vérifier que l'interpellation remplissait de telles conditions et notamment qu'il avait été relevé, à l'encontre de l'intéressé, « un indice apparent d'un comportement délictueux » ; que faute d'avoir procédé à cette recherche nécessaire, l'ordonnance attaquée a violé l'article 78-2, alinéa 2 du code de procédure pénale ;
2°/ que, constitue un détournement de la finalité de la procédure judiciaire de contrôle d'identité l'usage de la procédure sur réquisitions du procureur instituée par l'article 78-2, alinéa 2, du code de procédure pénale aux fins de mise en oeuvre de mesures administrative d'éloignement des étrangers dépourvus de titre de séjour ; qu'en se bornant à considérer qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le ministère public et par conséquent sur la pertinence des infractions visées par la réquisition et que les OPJ et APJ de la PAF ont une compétence générale pour rechercher les infractions sans rechercher si, par la généralité des infractions visées et dépourvues de motivation, le caractère répété dans le temps et dans le lieux des opérations de contrôle requises et la nature des autorités à qui celles-ci avaient été confiées, les réquisitions, dont celle sur la fondement de laquelle M. X... avait fait l'objet d'une interpellation, n'avaient pas une finalité autre que la poursuite des infractions formellement mentionnées, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision de base légale au regard de l'article 78-2, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
3°/ qu'en s'abstenant d'examiner si les conditions dans lesquelles la procédure de contrôle avait été mise en oeuvre n'établissaient pas, comme le soutenait M. X..., un détournement de procédure, le premier président n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'ordonnance retient, à bon droit, que les fonctionnaires de police n'étaient pas tenus de caractériser le comportement de la personne contrôlée, dès lors qu'ils intervenaient dans les circonstances de temps et de lieu des réquisitions du procureur de la République ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir énoncé qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le procureur de la République, ni, par conséquent, sur la pertinence des infractions visées par les réquisitions, l'ordonnance retient que les officiers de police judiciaire de la police aux frontières disposent, nonobstant leur spécialisation, d'une compétence générale pour rechercher les infractions à la loi pénale et qu'aucune mention du procès-verbal d'interpellation ne laisse supposer que le contrôle est intervenu en raison de la nationalité étrangère supposée de M. X... ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le contrôle d'identité ne poursuivait pas d'autres finalités que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République, le premier président, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par laSCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée
D'AVOIR ordonné la prolongation du maintien de Monsieur X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 20 jours à compter du 17 avril 2015, à 19 h
AUX MOTIFS, propres, QU'il n'y avait pas lieu de se prononcer, dans le cadre de la présente procédure, sur la politique pénale mise en oeuvre par le ministère public et sur la pertinence des infractions visées par la réquisition ; que les OPJ et APJ de la PAF avaient une compétence générale pour rechercher les infractions à la loi pénale ; qu'aucune mention du procès-verbal ne laissait supposer que Monsieur X... ait fait l'objet d'un contrôle « en raison de sa supposée nationalité étrangère déduite d'une apparence physique étrangère » ; que le premier juge, par des motifs pertinents, avait écarté le moyen tiré du prétendu retard dans la prise d'empreinte ; que l'avocat de Monsieur X... avait précisé que le moyen tiré de l'irrégularité de la prise d'empreinte devait être compris comme la contestation de l'application de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008, qui ne pouvait constituer le cadre légal de la prise d'empreinte ; que lors de son interpellation, Monsieur X... était démuni de documents d'identité et avait fait de nombreuses déclarations erronées concernant son identité ; qu'il ressortait du procès-verbal établi le 12 avril 2014, à 11 heures 55, que le procureur de la République avait été avisé de ce qu'il serait procédé à la prise d'empreintes ; que dans la limite des pouvoirs du juge judiciaire, cette diligence serait jugée conforme à l'article L 611-1-1 du CESEDA (rédaction de la loi du 31 décembre 2012) ;
ET AUX MOTIFS, repris du premier juge, QUE le juge de la détention et des libertés n'avait pas à se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le Parquet, mais seulement à apprécier la conformité du contrôle d'identité aux dispositions du code de procédure pénale et du CESEDA ; que le contrôle réalisé sur la base de réquisitions prises le 23 mars 2015 n'appelait aucune remarque particulière ; que les autorités administratives avaient fait diligence dans le traitement du cas de Monsieur X... ; que la prise d'empreintes apparaissait nécessaire afin de transmettre des éléments aux autorités consulaires tunisiennes ; que ce relevé avait été réalisé dans le cadre de l'accord entre la France et la Tunisie et n'avait pas à être soumis à un contrôle particulier ; que la procédure apparaissait parfaitement régulière ;
ALORS QUE s'il est vrai qu'il n'appartenait pas au juge des libertés et de la détention de « se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le ministère public », il lui appartenait en revanche de vérifier que le contrôle d'identité avait été effectué dans les conditions prévues par la loi ; qu'en présence de réquisitions précisant les infractions à rechercher, le périmètre et les horaires, il restait à vérifier que l'interpellation remplissait de telles conditions et notamment qu'il avait été relevé, à l'encontre de l'intéressé, « un indice apparent d'un comportement délictueux » ; que faute d'avoir procédé à cette recherche nécessaire, l'ordonnance attaquée a violé l'article 78-2, alinéa 2 du code de procédure pénale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'ordonnance attaqué
D'AVOIR ordonné la prolongation du maintien de Monsieur X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 20 jours à compter du 17 avril 2015 à 19 heures.
AUX MOTIFS énoncés au premier moyen
ALORS QUE constitue un détournement de la finalité de la procédure judiciaire de contrôle d'identité l'usage de la procédure sur réquisitions du procureur instituée par l'article 78-2 alinéa 2 du code de procédure pénale aux fins de mise en oeuvre de mesures administrative d'éloignement des étrangers dépourvus de titre de séjour ; qu'en se bornant à considérer qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la politique pénale mise en oeuvre par le ministère public et par conséquent sur la pertinence des infractions visées par la réquisition et que les OPJ et APJ de la PAF ont une compétence générale pour rechercher les infractions sans rechercher si, par la généralité des infractions visées et dépourvues de motivation, le caractère répété dans le temps et dans le lieux des opérations de contrôle requises et la nature des autorités à qui celles-ci avaient été confiées, les réquisitions, dont celle sur la fondement de laquelle l'exposant avait fait l'objet d'une interpellation, n'avaient pas une finalité autre que la poursuite des infractions formellement mentionnées, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision de base légale au regard de l'article 78-2, alinéa 2, du code de procédure pénale.
ALORS QUE, à tout le moins, en s'abstenant d'examiner si les conditions dans lesquelles la procédure de contrôle avait été mise en oeuvre n'établissaient pas, comme le soutenait l'exposant, un détournement de procédure, le premier président n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.