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16/11/2016 | FRANCE | N°15-18436

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, 15-18436


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu que les sociétés Sodec, Sodec commercialisation et gestion et JSC investissement font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2015) de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige les opposant à la société Aéroports de Paris ;

Attendu que, saisi par jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mars 2016, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des

conflits a, par arrêt du 4 juillet 2016, décidé que la juridiction administrative ét...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les trois moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu que les sociétés Sodec, Sodec commercialisation et gestion et JSC investissement font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2015) de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige les opposant à la société Aéroports de Paris ;

Attendu que, saisi par jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mars 2016, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 4 juillet 2016, décidé que la juridiction administrative était compétente pour connaître de ce litige ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Sodec, Sodec commercialisation et gestion et JSC investissement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sodec, Sodec commercialisation et gestion et JSC investissement

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il s'était déclaré incompétent pour connaître du litige qui lui était soumis au profit du tribunal administratif de Paris, en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, en ce qu'il a condamné les sociétés JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion à payer chacune à la société Aéroports de Paris la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens de première instance, et, y ajoutant, d'AVOIR condamné les sociétés JSC Investissements, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la recevabilité de la société ADP à se prévaloir du caractère public du contrat, les sociétés appelantes font valoir que l'intimée s'est prévalu, pour échapper aux demandes de la CADA, de sa qualité de personne privée et qu'elle en a fait également ainsi lors d'instances judiciaires ; Mais considérant que si nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, cette règle ne trouve à s'appliquer qu'envers une même personne au cours d'une même instance ; que tel n'est pas le cas en l'espèce et que la société ADP a toujours et uniquement, tant devant les premiers juges que devant la Cour, argué de ce qu'elle était une personne publique lors de la signature du contrat ; que le moyen est irrecevable ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Attendu que l'article 12 du protocole dispose que tous les litiges seront portés devant le tribunal administratif territorialement compétent ; Attendu que les demandeurs soutiennent qu'ADP méconnaîtrait le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui - autrement dit le principe de loyauté procédurale ou principe d'estoppel lorsqu'elle soutient que seule la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'affaire ; Qu'à l'appui de cette affirmation, les demandeurs soulignent que ADP se Serait prétendument contredite en ne soulevant pas l'incompétence de la juridiction judiciaire lors d'une précédente procédure en référé engagée par JSC Investissements aux fins d'obtenir communication des documents liés à la consultation au terme de laquelle la société Unibail a été désignée attributaire ; Que les demanderesses citent, à cet effet, une lettre qu'ADP a envoyée à le conseil le 7 mars 2006 où elle-précisait « Le contrat en cours de mise au point avec UNIBAIL ne se rattache en aucune façon, soit à la mission de service public, soit à des prérogatives de puissance publique » Le tribunal constate que cette lettre précise que le contrat avec UNIBAIL est en cours d'élaboration à une date qui est postérieure au changement de statut d'ADP, donc qu'il est patent que ce contrat relève désormais de droit privé ; Le tribunal constate en outre que les instances en cause n'ont pas le même objet : la première procédure de référé visait à obtenir la communication de l'ensemble des pièces ayant conduit au choix de la société Unibail et à la conclusion en 2006 d'un contrat avec ADP tandis que la présente instance est une procédure au fond dont l'objet est de solliciter l'exécution, par équivalent, du protocole du 23 juillet 2003. Le tribunal dira, en conséquence, que l'exception d'incompétence soulevée par les demandeurs est recevable ».

1) ALORS QUE la règle, d'application générale, suivant laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui n'est pas circonscrite aux seules hypothèses dans lesquelles une partie se serait contredite au cours d'une même instance ; que, pour conclure à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par ADP, les sociétés SODEC, SODEC Commercialisation et Gestion et JSC Investissement faisaient valoir que la société ADP n'avait pu, sans se contredire à leur détriment, invoquer dans un premier temps son statut de personne morale de droit privé à raison de sa transformation en société commerciale et soutenir que le litige l'opposant aux sociétés du groupe SODEC relevait du droit privé, lorsqu'il s'agissait de faire échec à l'action en référé probatoire intentée à son encontre tendant à la production forcée des documents de la consultation, puis, dans un second temps, prétendre que le litige les opposant relevait de la compétence des juridictions administratives comme portant sur un cas de responsabilité administrative ; qu'en refusant de déclarer irrecevable, en application du principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, l'exception d'incompétence soulevée par ADP, au motif que « cette règle ne trouv[ait] à s'appliquer qu'envers une même personne au cours d'une même instance » et que les « instances en cause » n'avaient pas le même « objet », la Cour d'appel a violé le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui par refus d'application.

2) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la règle suivant laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui peut être opposée à une partie ayant adopté, lors d'une instance en référé probatoire intentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, puis lors de l'instance au fond, un comportement contradictoire, la première de ces deux instances ayant précisément pour objet de réunir les preuves nécessaires à l'engagement de la seconde ; qu'en refusant de déclarer irrecevable, en application du principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, l'exception d'incompétence soulevée par ADP, au motif que « cette règle ne trouv[ait] à s'appliquer qu'envers une même personne au cours d'une même instance », cependant que l'instance au fond n'étant que le prolongement de l'instance en référé, les sociétés SODEC, SODEC Commercialisation et Gestion et JSC Investissement étaient fondées à opposer à la SA ADP les contradictions qui entachaient le comportement qu'elle avait adopté lors de la première instance puis de la seconde, la Cour d'appel a derechef violé le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

1. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il s'était déclaré incompétent pour connaître du litige qui lui était soumis au profit du Tribunal administratif de Paris, en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, en ce qu'il a condamné les sociétés JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion à payer chacune à la société Aéroports de Paris la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens de première instance et, y ajoutant, d'AVOIR condamné les sociétés JSC Investissements, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Considérant que les explications soulevées eu égard à la compétence des juridictions judiciaires et tendant à dire que la société ADP n'a pas respecté ses engagements ne sont pas de nature à permettre de considérer que l'affaire relève de la juridiction judiciaire ; Considérant que l'examen des pièces fournies par les parties révèle que c'est par la convention du 23 juillet 2003 que le projet de construction du centre commercial régional a été confié aux sociétés SOGEPROM et JSC INVESTISSEMENT ; que ce projet constituait un accord qui prévoyait notamment dès son préambule puis dans son article 2 que « les biens visés par le présent protocole sont soumis au régime de l'occupation temporaire du domaine public »; que les modalités et le régime de la publicité foncière de l'AOT sont prévues dans ce même texte ; que sont également fixés le montant des redevances, la nature des biens mis à disposition, l'emprise et la prise en charge des travaux ; qu'il n'est pas discuté que la réalisation des travaux nécessitait une prise de possession matérielle par le bénéficiaire ; Considérant qu'il convient de rappeler qu'à cette époque ADP était une personne de droit public ; Considérant qu'enfin ladite convention prévoyait que les juridictions de l'ordre administratif étaient compétentes pour connaître des litiges y afférents; Considérant que ce n'est que bien ultérieurement à la passation de ce contrat que ADP deviendra la société ADP et que son terrain relèvera de son domaine privé ; que la loi du 20 avril 2005 dispose, dans son article 4, que : « Sous réserve des dispositions de l'article 2, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris. Cette attribution n'a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n'entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions encours conclus par Aéroports de Paris ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. Les conventions d'occupation temporaire du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime applicable précédemment au déclassement des biens concernés. La transformation en société anonyme n'affecte pas les actes administratifs pris par l'établissement public à l'égard des tiers. » Considérant que la convention du 23 juillet 2003 valait promesse d'AOT et à ce titre obéissait au régime même de l'AOT ; que cette promesse est un contrat de droit public et est donc soumise au même régime et relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; Considérant que l'appréciation de la responsabilité contractuelle résultant de l'inexécution de ce contrat public relève pareillement des juridictions de l'ordre administratif ; Considérant que le fait que par la suite ADP soit devenu une personne privée, et le terrain concerné devenu propriété privée, n'est pas de nature à influer sur la nature publique ou privée de la responsabilité encourue, le régime de celle-ci ne pouvant dépendre du gré des parties ou des variations législatives, mais de la date de la convention dont elle dépend et des textes applicables à ce moment ; Considérant qu'enfin, et pour les mêmes motifs, il ne saurait être sérieusement soutenu que c'est le régime des transactions, avenants et protocoles ultérieurs qui commande la compétence des juridictions dès lors qu'il est constant que c'est bien le contrat 23 juillet 2003 qu'il est reproché à la société ADP de n'avoir pas respecté ; Considérant qu'enfin les conventions ultérieures n'ont fait que reprendre et aménager la convention initiale » ; qu'il n'y a jamais eu novation ; Considérant qu'enfin les explications des appelantes sur le caractère commercial de l'activité exercée sur les lieux sont inopérantes, le seul critère à prendre en compte étant, ainsi qu'il l'a été rappelé ci-dessus, celui du caractère public ou non du domaine et la qualité des contractants, et ce à la date du contrat ainsi qu'il l'a été appelé plus haut ; Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Attendu que l'article 1er du décret-loi du 17 juin 1938 précise que « sont portées en premier ressort devant le conseil de préfecture [aujourd'hui le Tribunal administratif], les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public [......] passés par [….] les établissements publics » ; Que le protocole a pour objet de permettre la disposition au profit des demanderesses, d'une dépendance du domaine" public d'ADP afin de réaliser un centre commercial et que le protocole fait expressément référence au fait que l'édification du centre commercial doit intervenir dans le cadre d'une AOT ; Attendu « que les demanderesses ne peuvent raisonnablement soutenir que l'exception d'incompétence est mal fondée en s'appuyant sur le planning contractuellement convenu entre tes parties avec une mise à disposition du terrain au 31 mars 2006 et sur l'entrée en vigueur, le 22 juillet 2005, de la loi du 20 avril 2005 ayant déclassé en propriété privée le domaine public d'ADP, et en tirant la conséquence que l'exécution du protocole du 23 juillet 2003 devait donc se faire sous un régime de droit privé de sorte que l'action en responsabilité fondée sur un défaut d'exécution de ce protocole relève nécessairement de le compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; Qu'elles ne peuvent raisonnablement soutenir cette position car le protocole dont il est réclamé l'application par équivalence a été conclu par ADP à une époque où cette entreprise était constituée sous la forme d'un établissement public de l'état, jouissant de fait d'une personnalité morale de droit public et il est patent, que la nature juridique d'un contrat s'apprécie au jour de sa conclusion ; enfin, un contrat conclu par une personne publique et relatif au domaine public est un contrat administratif ressortissant exclusivement de la compétence de la juridiction administrative ; Le tribunal de céans dira qu'il est incompétent pour connaitre du présent litige au profit du Tribunal administratif de Paris ».

1) ALORS QU'en l'espèce, les sociétés du Groupe SODEC ne se bornaient pas à faire grief à ADP d'avoir méconnu les termes du protocole du 23 juillet 2003 mais lui reprochaient également d'avoir violé l'avenant du 20 avril 2004 par lequel ADP avait obtenu la renonciation de la société JSC Investissement aux droits qu'elle tenait du protocole du 23 juillet 2003 et son adhésion à une nouvelle consultation ; que cet avenant ne présentait aucun caractère administratif et ne faisait aucunement référence à une éventuelle promesse d'AOT, dont l'existence a conduit la Cour d'appel à qualifier de contrat « de droit public » le protocole du 23 juillet 2003 ; qu'en estimant, pour retenir la compétence des juridictions administratives pour connaître du litige opposant les sociétés du groupe SODEC à ADP qu'il [était] « constant que c'est bien le contrat du 28 juillet 2003 qu'il [était] reproché à la société ADP de n'avoir pas respecté », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'avenant du 20 avril 2004 avait deux objets, tenant, d'une part, à l'organisation d'une nouvelle consultation à laquelle JSC Investissement devait pouvoir participer utilement et, d'autre part, à l'abandon par le développeur des droits qu'il tenait du protocole du 23 juillet 2003 et de toute contestation qu'elle pouvait élever à l'encontre d'ADP quant à l'inexécution, par celle-ci, du protocole du 23 juillet 2003 ; qu'en relevant que cette convention « n'avait fait que reprendre et aménager la convention initiale » sans qu'il y ait « novation », la Cour d'appel a dénaturé l'avenant du 20 avril 2004 et violé l'article 1134 du code civil ;

3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE même à faire abstraction du protocole du 20 avril 2004, les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des actes qui sont soumis à leur appréciation ; que comme le rappelaient les sociétés SODEC, SODEC Commercialisation et Gestion et JSC Investissement, le « protocole d'accord » du 23 juillet 2003 avait pour objet, dans le cadre d'un accord de principe dont la régularisation demeurait soumise à l'approbation du conseil d'administration d'ADP, de désigner la société JSC Investissement en qualité de promoteur d'un centre commercial régional dénommé Ailes de France et de fixer le planning prévisionnel suivant lequel ce centre devait être construit (conclusions, p. 8s.) ; que si, en l'état de terrains appartenant, à l'époque, au domaine public, le protocole évoquait la délivrance future d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public dans le cadre de laquelle la construction devrait être réalisée, cette autorisation n'était envisagée que comme une modalité possible de mise à disposition du terrain ; que le protocole ne comportait aucune promesse d'occupation temporaire du domaine public, cet accord renvoyant en son article 1er à une « promesse d'AOT » à venir et faisant référence, notamment dans le prévisionnel établi par les parties, à une promesse d'occupation temporaire du domaine public qui, sous condition, pouvait être signée le 31 décembre 2003 (article 3, article 6, annexe II, de la Convention) ; qu'en déclarant les juridictions administratives compétentes pour connaître du litige opposant les sociétés du groupe SODEC à la SA Aéroport de Paris, motif pris que le protocole d'accord du 23 juillet 2003 valait « Promesse d'Autorisation d'occupation temporaire » du domaine public et que l'inexécution d'une telle convention dès lors qualifiée de « droit public » était à la source d'une responsabilité administrative, la Cour d'appel a dénaturé le protocole du 23 juillet 2003 et violé l'article 1134 du code civil ;

4) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le contrat par lequel un établissement public promet à une personne privée de lui confier la construction d'un centre commercial est un contrat de droit privé, peu important que cette construction ait vocation à se réaliser sous la condition préalable d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public ; qu'en l'espèce, les sociétés du groupe SODEC, reprochaient à ADP d'avoir violé le protocole du 23 juillet 2003 en privant la société JSC Investissement du marché qui lui avait été promis ; qu'elles soulignaient que l'objet principal du contrat conclu avec ADP consistait dans la construction d'un centre commercial et que si cette construction nécessitait, eu égard au statut d'entreprise publique d'ADP à l'époque de la conclusion de ce contrat et à l'appartenance des terrains d'assiette au domaine public, la délivrance d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public, il ne s'agissait là que d'une condition de mise à disposition des terrains sur lesquels la construction du centre commercial, opération de pur droit privé, devait se réaliser (conclusions, p. 47 et s.) ; qu'en qualifiant le protocole du 23 juillet 2003 de contrat « de droit public », au motif que celui-ci valait « promesse d'AOT » et que « les explications des appelantes sur le caractère commercial de l'activité exercée sur les lieux [étaient] inopérantes, le seul critère à prendre en compte étant (…) celui du caractère public ou non du domaine et la qualité des contractants, et ce à la date du contrat », cependant que l'autorisation temporaire d'occupation du domaine public envisagée par ce protocole d'accord n'était qu'une condition préalable de la réalisation d'une opération de construction d'un centre commercial, activité de droit privé, et ne suffisait donc pas à emporter la qualification de contrat administratif, la Cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 Fructidor An III ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il s'était déclaré incompétent pour connaître du litige qui lui était soumis au profit du Tribunal administratif de Paris, en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, en ce qu'il a condamné les sociétés JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion à payer chacune à la société Aéroports de Paris la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société JSC Investissement, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens de première instance et, y ajoutant, d'AVOIR condamné les sociétés JSC Investissements, SODEC et SODEC Commercialisation et Gestion aux dépens d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Considérant que les explications soulevées eu égard à la compétence des juridictions judiciaires et tendant à dire que la société ADP n'a pas respecté ses engagements ne sont pas de nature à permettre de considérer que l'affaire relève de la juridiction judiciaire ; Considérant que l'examen des pièces fournies par les parties révèle que c'est par la convention du 23 juillet 2003 que le projet de construction du centre commercial régional a été confié aux sociétés SOGEPROM et JSC INVESTISSEMENT ; que ce projet constituait un accord qui prévoyait notamment dès son préambule puis dans son article 2 que « les biens visés par le présent protocole sont soumis au régime de l'occupation temporaire du domaine public »; que les modalités et le régime de la publicité foncière de l'AOT sont prévues dans ce même texte ; que sont également fixés le montant des redevances, la nature des biens mis à disposition, l'emprise et la prise en charge des travaux ; qu'il n'est pas discuté que la réalisation des travaux nécessitait une prise de possession matérielle par le bénéficiaire ; Considérant qu'il convient de rappeler qu'à cette époque ADP était une personne de droit public ; Considérant qu'enfin ladite convention prévoyait que les juridictions de l'ordre administratif étaient compétentes pour connaître des litiges y afférents; Considérant que ce n'est que bien ultérieurement à la passation de ce contrat que ADP deviendra la société ADP et que son terrain relèvera de son domaine privé ; que la loi du 20 avril 2005 dispose, dans son article 4, que : « Sous réserve des dispositions de l'article 2, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris. Cette attribution n'a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n'entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions encours conclus par Aéroports de Paris ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. Les conventions d'occupation temporaire du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime applicable précédemment au déclassement des biens concernés. La transformation en société anonyme n'affecte pas les actes administratifs pris par l'établissement public à l'égard des tiers. » Considérant que la convention du 23 juillet 2003 valait promesse d'AOT et à ce titre obéissait au régime même de l'AOT ; que cette promesse est un contrat de droit public et est donc soumise au même régime et relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ; Considérant que l'appréciation de la responsabilité contractuelle résultant de l'inexécution de ce contrat public relève pareillement des juridictions de l'ordre administratif ; Considérant que le fait que par la suite ADP soit devenu une personne privée, et le terrain concerné devenu propriété privée, n'est pas de nature à influer sur la nature publique ou privée de la responsabilité encourue, le régime de celle-ci ne pouvant dépendre du gré des parties ou des variations législatives, mais de la date de la convention dont elle dépend et des textes applicables à ce moment ; Considérant qu'enfin, et pour les mêmes motifs, il ne saurait être sérieusement soutenu que c'est le régime des transactions, avenants et protocoles ultérieurs qui commande la compétence des juridictions dès lors qu'il est constant que c'est bien le contrat 23 juillet 2003 qu'il est reproché à la société ADP de n'avoir pas respecté ; Considérant qu'enfin les conventions ultérieures n'ont fait que reprendre et aménager la convention initiale » ; qu'il n'y a jamais eu novation ; Considérant qu'enfin les explications des appelantes sur le caractère commercial de l'activité exercée sur les lieux sont inopérantes, le seul critère à prendre en compte étant, ainsi qu'il l'a été rappelé ci-dessus, celui du caractère public ou non du domaine et la qualité des contractants, et ce à la date du contrat ainsi qu'il l'a été appelé plus haut ; Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Attendu que l'article 1er du décret-loi du 17 juin 1938 précise que « sont portées en premier ressort devantle conseil de préfecture [aujourd'hui le Tribunal administratif], les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public [......] passés par [….] les établissements publics » ; Que le protocole a pour objet de permettre la disposition au profit des demanderesses, d'une dépendance du domaine" public d'ADP afin de réaliser un centre commercial et que le protocole fait expressément référence au fait que l'édification du centre commercial doit intervenir dans le cadre d'une AOT ; Attendu « que les demanderesses ne peuvent raisonnablement soutenir que l'exception d'incompétence est mal fondée en s'appuyant sur le planning contractuellement convenu entre tes parties avec une mise à disposition du terrain au 31 mars 2006 et sur l'entrée en vigueur, le 22 juillet 2005, de la loi du 20 avril 2005 ayant déclassé en propriété privée le domaine public d'ADP, et en tirant la conséquence que l'exécution du protocole du 23 juillet 2003 devait donc se faire sous un régime de droit privé de sorte que l'action en responsabilité fondée sur un défaut d'exécution de ce protocole relève nécessairement de le compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; Qu'elles ne peuvent raisonnablement soutenir cette position car le protocole dont il est réclamé l'application par équivalence a été conclu par ADP à une époque où cette entreprise était constituée sous la forme d'un établissement public de l'état, jouissant de fait d'une personnalité morale de droit public et il est patent, que la nature juridique d'un contrat s'apprécie au jour de sa conclusion ; enfin, un contrat conclu par une personne publique et relatif au domaine public est un contrat administratif ressortissant exclusivement de la compétence de la juridiction administrative ; Le tribunal de céans dira qu'il est incompétent pour connaitre du présent litige au profit du Tribunal administratif de Paris ».

1) ALORS QUE le refus, par le maître de l'ouvrage, d'exécuter son engagement consistant à confier à son partenaire contractuel, société de droit privé, la charge de réaliser une opération de construction dans le cadre d'un bail à construction, est génératrice d'une responsabilité de droit privé dont l'appréciation relève de la seule compétence des juridictions judiciaires ; qu'en l'espèce, les sociétés du groupe SODEC faisaient observer qu'au moment oùl'éviction de la société JSC Investissement avait été définitivement consommée, soit le 22 septembre 2005, les parties étaient simplement tenues par un accord portant sur la construction d'un centre commercial dont l'exécution, selon l'agenda convenu, était désormais exclusivement réalisable sous un régime de droit privé et non pas sous le régime d'une éventuelle AOT ; qu'au 22 septembre 2005, l'éviction de la société JSC Investissement s'analysait par conséquent en l'inexécution d'un contrat dont l'exécution ne pouvait désormais intervenir que sous un régime de droit privé et était à la source d'une responsabilité de droit privé ; qu'en relevant que le fait qu'ADP soit devenue une personne privée et que le terrains concernés soient devenus la propriété privée d'ADP n'était pas de nature à faire évoluer la nature du contrat liant les parties, ni le régime de responsabilité auquel ADP était soumis en cas d'inexécution de ce contrat, sans rechercher si, au moment où l'éviction de la société JSC Investissement avait été entérinée, l'engagement d'ADP ne portait pas sur la seule construction d'un centre commercial dont l'exécution selon l'agenda convenu était désormais exclusivement réalisable sous un régime de droit privé, et si la faute commise par ADP ne s'analysait dès lors pas comme la méconnaissance d'une obligation purement privée et non comme la violation d'une promesse d'Autorisation d'occupation temporaire du domaine public soi-disant contenue dans le protocole du 23 juillet 2003, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 Fructidor An III ;

2) ALORS EN OUTRE QUE la fonction de la responsabilité civile, qu'elle soit délictuelle ou contractuelle, est de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit et qu'ainsi la créance indemnitaire de la victime s'apprécie en considération de cette situation ; qu'en conséquence, les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître d'une action en responsabilité ayant pour objet une créance indemnitaire appréciée en considération d'une situation de droit privé ; qu'en l'espèce, la créance indemnitaire dont les sociétés du groupe SODEC demandaient la fixation et le paiement correspond à la perte subie et au gain manqué du fait de l'absence de construction d'un centre commercial sur un terrain dont l'occupation relève d'un régime de droit privé ; qu'en conséquence, en soumettant l'action en responsabilité entreprise par les sociétés du groupe SODEC à la compétence administrative, la cour a violé l'article 1147 du Code civil, la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 Fructidor An III.

3) ALORS QUE, sauf pour les conventions d'occupation temporaire du domaine public en cours, l'article 4 de la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports ne prévoit pas que l'ensemble des contrats conclus par Aéroport de Paris avant sa transformation en société anonyme demeurerait indéfiniment soumis à un régime de droit administratif ; qu'en conséquence, l'application de cette disposition au protocole du 23 juillet 2003, ne commandait pas que la construction du centre commercial, objet dudit protocole, soit réalisée sous l'égide d'un régime de droit public ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

4) ALORS ENFIN QUE les règles de répartition de compétence entre les ordres administratif et judiciaire étant d'ordre public et la compétence des juridictions de l'ordre administratif étant exception, les parties ne peuvent, à la faveur d'une clause contractuelle, proroger la compétence des juridictions administratives pour connaître d'un litige relevant de la compétence des juridictions judiciaires ; qu'en déclarant les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige opposant la société Aéroport de Paris aux sociétés du Groupe SODEC au motif inopérant que le protocole du 23 juillet 2003 « prévoyait que les juridictions de l'ordre administratif étaient compétentes pour connaître des litiges y afférents », la Cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 Fructidor An III.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18436
Date de la décision : 16/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 nov. 2016, pourvoi n°15-18436


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18436
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