LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1448 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saverdun terre cuite (la société STC) a conclu, le 8 juillet 1986, avec la société Transport et infrastructures gaz France (la société TIGF) un contrat de vente de gaz naturel, dans lequel était stipulée une clause d'arbitrage ; que, le 1er janvier 2005, la société TIGF a cédé à la société Tegaz son fonds de commerce ; que, le 24 février 2014, la société TIGF a conclu avec la société STC un contrat dit de raccordement comportant une clause attributive de juridiction ; que, par acte du 10 septembre 2014, la première a assigné la seconde pour qu'un arbitre soit désigné, le refus de cette dernière faisant obstacle à la constitution du tribunal arbitral ;
Attendu que, pour décider que la clause d'arbitrage est manifestement inapplicable au litige opposant ces sociétés, l'arrêt retient que le contrat du 24 janvier 2014, soit vaut résiliation de celui du 8 juillet 1986, soit constitue un avenant excluant de son champ d'application les dispositions relatives au raccordement, à l'exploitation, l'entretien, la modification, le renouvellement et le démantèlement des équipements ; qu'il ajoute que la volonté des parties était clairement de remplacer l'ancien contrat par le nouveau ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Transport et infrastructures gaz France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Saverdun terre cuite et la société FHB, ès qualités,
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé manifestement inapplicable la clause compromissoire stipulée au contrat de vente de gaz naturel du 8 juillet 1986 conclu entre la Société SAVERDUN TERRE CUITE et la SOCIETE NATIONALE DES GAZ DU SUD-OUEST, devenue la Société GAZ DU SUD-OUEST puis la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE, et d'avoir, en conséquence, débouté la Société SAVERDUN TERRE CUITE et la Société FHB, ès qualités, de leur demande tendant à voir désigner un arbitre dans le litige les opposant à la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 1455 du Code de procédure civile dispose que, si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui déclare n'y avoir lieu à désignation ; que la clause compromissoire prévue à l'article 15-a du contrat du 8 juillet 1986 prévoit en particulier qu'à défaut par l'une des parties de désigner son arbitre dans le délai de 15 jours à la demande qui lui en serait faite par lettre recommandée, ou par les deux premiers arbitres de désigner le troisième dans un délai de 15 jours à compter de leur nomination, cet arbitre serait nommé par le président du tribunal de commerce de Pau à la requête de la partie la plus diligente ; que ce contrat de vente de gaz naturel a pour objet la fourniture de gaz naturel par la SNGSO en vue de son utilisation par le client pour les besoins de son usine de Saverdun ; qu'il prévoit notamment à l'article 6 relatif aux conditions de livraison et de mesurage que l'ensemble du poste de livraison sera établi par les soins de SNGSO, qui en restera propriétaire et en assurera gratuitement l'entretien ; que le contrat de vente du fonds de commerce de GSO (devenue la société TIGF) au profit de la société TEGAZ a été signé le 1er janvier 2005 pour permettre à GSO de se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 9 août 2004 qui prévoit notamment que la gestion d'un réseau de transport d'électricité ou de gaz est assurée par des personnes morales distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fournitures... GSO ayant décidé de réaliser la séparation juridique de ses activités en cédant à la société TEGAZ son activité de fourniture de gaz naturel auprès de ses clients (préambule) ; que la désignation des actifs cédés, actifs incorporels, comprend la clientèle, l'achalandage et le droit de se dire successeur de GSO à raison de l'activité GSO-Négoce ; que le paragraphe 3 relatif à la propriété-jouissance précise que la société TEGAZ aura la pleine propriété du fonds et la jouissance de l'activité GSO-Négoce ; qu'enfin le paragraphe 6 relatif aux charges et conditions prévoit en ce qui concerne GSO que conformément à l'article 12 de la loi du 9 août 2004 précitée, la présente opération de cession n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution... et n'est pas de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses... ; que par conséquent, cette cession du fonds de commerce a uniquement pour objet la cession de l'activité de fourniture de gaz naturel dite de négoce, pour la mise en conformité avec les dispositions légales par une séparation juridique des activités de GSO, les activités de transport, de stockage et de raccordement étant assurées par GSO pour le compte de TEGAZ, ce que ne conteste d'ailleurs pas la Société TIGF (correspondance du 24 décembre 2012) ; que le contrat dit de raccordement signé le 24 février 2014 entre la société STC et la société TIGF a pour objet de définir les conditions dans lesquelles le gestionnaire du transport met à disposition du client le raccordement, permettant à un ou plusieurs expéditeurs d'enlever au point de livraison les quantités de gaz livrées au titre d'un ou plusieurs contrat(s) de transport ; que dès lors que ce contrat prévoit une clause d'attribution exclusive de compétence en cas de litige au Tribunal de commerce de Pau, la clause compromissoire du contrat du 8 juillet 1986 ne s'applique manifestement pas si le contrat du 24 février 2014 l'a remplacé ; qu'on observera que ce contrat de raccordement a notamment pour objet de définir l'emplacement, l'aménagement (article 3.2), l'exploitation, l'entretien (article 6.1), la limitation du débit (article 10), la redevance (article 11.3) du poste de livraison, objet du litige entre les parties, qui a donné lieu à une expertise ordonnée en référé le 15 avril 2013, antérieurement au contrat, sur la demande de la société STC afin d'examiner si le poste de livraison est ou non conforme aux normes techniques et de sécurité en vigueur ; que le rapport d'expertise concluant à sa conformité relativement à la sécurité, fonctionnel et non dangereux, sauf quelques modifications visant à améliorer la sécurité des intervenants habilités, a été déposé le 18 février 2014 ; qu'on observera aussi et surtout que ce contrat, à effet du 1er mars 2014, prévoit une condition suspensive quant à son entrée en vigueur selon laquelle :
- préalablement à la date d'effet du contrat, le client était raccordé au réseau de transport au titre d'un contrat de fourniture avec la société TEGAZ, ci-après dénommé le contrat historique,
- en conséquence le contrat entre en vigueur sous la condition suspensive de signature entre le client et la société TEGAZ, soit d'un accord de résiliation du contrat historique, ci-après dénommé l'Accord, soit d'un avenant au contrat historique, ci-après dénommé l'Avenant, excluant de son champ d'application des dispositions relatives au raccordement, notamment l'exploitation, l'entretien, la modification, le renouvellement et le démantèlement des équipements concernés ;
que cette condition suspensive prévoit in fine que le client transmet au gestionnaire du transport, soit une copie de l'avenant dûment signé, soit une attestation, signée du client et de la société TEGAZ, déclarant qu'il n'existe plus entre eux d'obligations contractuelles relatives au raccordement ;
que la Société TIGF précise dans ses écritures qu'un nouveau contrat a été signé le 24 janvier 2014 entre la Société STC et la Société TEGAZ remplaçant le contrat historique, qui comporte une clause de confidentialité et dont elle n'a pas eu communication ; que ce contrat, dont l'existence n'est pas contestée par la Société STC, qui ne le communique pas, correspond donc à la réalisation de la condition suspensive, soit d'un accord de résiliation du contrat historique (du 8 juillet 1986), soit d'un avenant excluant de son champ d'application les dispositions relatives au raccordement, notamment l'exploitation, l'entretien, la modification, le renouvellement et le démantèlement des équipements concernés ;
que dans l'hypothèse où le contrat historique a été résilié, la clause compromissoire ne peut plus manifestement s'appliquer ; que dans l'hypothèse où un avenant aurait été signé, ce que ne prétend même pas l'appelante, il est incontestable que les dispositions relatives au poste de livraison, en particulier en ce qu'elles ont été modifiées (le contrat dit historique prévoyant que SNGSO en assurait gratuitement l'entretien alors que le contrat du 24 février 2014 prévoit, outre l'implantation de génie civil réalisée par le client à ses frais, que celui-ci assure l'exploitation et l'entretien dans le respect de la réglementation et des règles de l'art) auraient ou ont fait l'objet de l'exclusion du champ d'application ;
que par conséquent et quelle que soit l'hypothèse d'une résiliation ou d'un avenant du contrat du 8 juillet 1986, la volonté des parties était clairement de le remplacer par un nouveau contrat, sous la condition suspensive dont la réalisation n'est pas contestée ; que l'argumentation de l'appelante, selon laquelle le contrat du 25 février 2014 aurait simplement succédé à celui de 1986, aux seules fins de l'application de la clause compromissoire, n'est manifestement pas crédible dès lors qu'aucune explication ne pourrait être donnée au seul maintien contradictoire de cette clause, alors que les parties ont entendu clairement et explicitement, dans l'hypothèse d'un litige à compter du 1er mars 2014 (et sauf le simple engagement de recherche de solution amiable) attribuer compétence exclusive au Tribunal de commerce de Pau (article 25-3 des conditions générales) ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise et de faire droit à la demande d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il y a lieu de reconnaître que la SA TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ France (TIGF) n'est liée à la SAS SAVERDUN TERRE CUITE, que par un contrat qui donne compétence exclusive au Tribunal de commerce de PAU ; que le contrat initial du 8 juillet 1986 a bien été transféré à compter du 1er janvier 2005 à la Société TEGAZ ; que la clause compromissoire a été transférée en même
temps que le contrat à la Société TEGAZ et qu'à ce titre, la convention d'arbitrage est manifestement nulle étant donné que le contrat d'origine a été remplacée par une nouvelle expression de la volonté des parties lors de la signature du contrat du 25 février 2014 et qu'en conséquence il n'y a donc lieu à désignation suivant l'article 1455 du CPC ;
1°) ALORS QUE selon le principe compétence compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en énonçant, pour décider que la clause d'arbitrage stipulée au contrat historique signé le 8 juillet 1986 était manifestement inapplicable au litige opposant la Société SAVERDUN TERRE CUITE et la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE quant à la mise en conformité des installations propres à permettre l'acheminement et le stockage du gaz, et en déduire n'y avoir lieu à désignation d'un arbitre, que ce contrat avait été transféré à la Société TEGAZ à compter du 1er janvier 2005 en vertu d'une cession de fonds de commerce, après avoir pourtant constaté que cette cession avait uniquement pour objet l'activité de fourniture de gaz naturel dite de négoce et non les activités de transport, de stockage et de raccordement qui demeuraient assurées par la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE en vertu du contrat historique du 8 juillet 1986, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage stipulée dans ce contrat, seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage, a violé l'article 1448 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE selon le principe compétence compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en énonçant, pour décider que la clause d'arbitrage stipulée au contrat historique signé le 8 juillet 1986 était manifestement inapplicable au litige opposant la Société SAVERDUN TERRE CUITE et la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE quant à la mise en conformité des installations propres à permettre l'acheminement et le stockage du gaz, et en déduire n'y avoir lieu à désignation d'un arbitre, que les parties avaient entendu clairement et explicitement, dans l'hypothèse d'un litige à compter du 1er mars 2014, date d'entrée en vigueur du contrat de raccordement signé le 24 février 2014 entre la Société SAVERDUN TERRE CUITE et la Société TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES GAZ FRANCE, attribuer compétence exclusive au Tribunal de commerce de Pau, sans constater que les parties avaient entendu renoncer au bénéfice de la clause d'arbitrage stipulée dans le contrat historique du 8 juillet 1986, pour les faits antérieurs
à l'entrée en vigueur du contrat du 24 février 2014, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir le caractère manifeste de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage stipulée au contrat du 8 juillet 1986, seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage, a violé l'article 1448 du Code de procédure civile.