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03/11/2016 | FRANCE | N°15-20023

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 novembre 2016, 15-20023


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mars 2015), que la société civile immobilière Alma sud (la SCI) a donné à bail commercial à la société Chrys Eurotyres des locaux à usage de garage-mécanique ; que, par acte du 16 avril 2009 auquel la SCI est intervenue, le fonds de commerce a été cédé à la société X... Sophia ; qu'après lui

avoir délivré le 21 juillet 2011 un commandement visant la clause résolutoire lui reproch...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mars 2015), que la société civile immobilière Alma sud (la SCI) a donné à bail commercial à la société Chrys Eurotyres des locaux à usage de garage-mécanique ; que, par acte du 16 avril 2009 auquel la SCI est intervenue, le fonds de commerce a été cédé à la société X... Sophia ; qu'après lui avoir délivré le 21 juillet 2011 un commandement visant la clause résolutoire lui reprochant d'avoir changé la destination contractuelle des lieux en y exerçant une activité de contrôle technique de véhicules, la SCI l'a assignée en résiliation du bail et en expulsion ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient, d'une part, que la SCI a été appelée à concourir à l'acte de cession de fonds de commerce et pouvait éventuellement s'y refuser pour juste et valable motifs, tel que le non-respect de la destination initiale des lieux, qu'elle avait auparavant, par lettre du 5 août 2008, constaté que la société X... exerçait une activité de contrôle technique qui ne correspondait pas à l'activité prévue au bail et avait refusé d'intervenir à la cession, et qu'en concourant à l'acte de cession du fonds de commerce et en donnant son autorisation à la société X... d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux, la SCI savait pertinemment que celle-ci exerçait une activité de contrôle technique des véhicules automobiles, peu important que la société soit en cours d'immatriculation dès lors qu'elle était constituée et que la société bailleresse n'ignorait pas son objet social, d'autre part, que cette autorisation implicite résultait également du fait que le gérant de la SCI avait l'habitude de faire contrôler ses véhicules chez son preneur dès l'acquisition du fonds, effectuant ainsi un acte dépourvu d'ambiguïté valant reconnaissance de l'activité en cause dès son origine, peu important que l'un ou l'autre des véhicules soient personnels au gérant de la société ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés X... et X... Sophia n'étaient pas des personnes morales distinctes et si la SCI connaissait l'activité exercée par la seconde, et par des motifs qui ne caractérisent pas une autorisation non équivoque du bailleur au changement de destination des lieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société X... Sophia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société X... Sophia et la condamne à payer une somme de 3 000 euros à la SCI Alma sud ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la SCI Alma sud

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à constatation de la clause résolutoire visée au commandement du 21 juillet 2011 et d'avoir débouté la SCI Alma Sud de sa demande en résiliation de bail ;

AUX MOTIFS QUE l'article II du bail relatif à la destination des lieux est rédigé de la façon suivante : « Les lieux présentement loués sont destinés à l'usage exclusif de locaux d'activité et de bureaux liés à l'objet social du preneur-garage mécanique et conformément au cahier des charges de la zone d'aménagement concerté » ; qu'il est certain que le tiret existant entre l'objet social du preneur et le garage mécanique forment un tout indivisible et constituait l'activité principale du locataire initial ; qu'il est d'ailleurs précisé à l'article IV-10 du bail que le preneur ne pourra employer même momentanément les lieux à une autre destination, soit par addition, soit par substitution d'activités ; que l'obligation de respecter l'ensemble des charges et conditions du bail est sanctionnée par la clause résolutoire insérée à l'acte ; que pour être similaire, l'activité de centre de contrôle technique automobile n'est pourtant pas identique à une activité de garage mécanique correspondant à la destination stricto sensu du bail même si les locaux sont adaptés à l'une ou l'autre activité ; que l'exécution des conventions doit cependant être exécutée de bonne foi et que le locataire peut se prévaloir d'une autorisation implicite du bailleur qui aurait accepté l'acte de cession du fonds de commerce en toute connaissance de cause ; qu'il résulte que la chronologie des actes que la société Alma Sud a été appelée à concourir à l'acte de cession de fonds de commerce ordonné dans le cadre de la liquidation judiciaire et pouvait éventuellement s'y refuser pour juste et valable motif tel que le non-respect de la destination initiale des lieux ; qu'elle avait auparavant par courrier du 5 août 2008 constaté que la société X... exerçait une activité de contrôle technique qui ne correspondait pas l'activité prévue au bail et avait refusé son accord à une première intervention de Maître Y..., notaire intervenant pour le compte de Mme Z..., gérante de la société Chrys Eurotyres souhaitant céder son fonds dans un cadre amiable ; qu'en concourant à l'acte de cession du fonds de commerce du 16 avril 2009 et en donnant son autorisation à la société X... d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux, la SCI Alma savait pertinemment que celle-ci exerçait une activité de contrôle technique des véhicules automobiles, peu important que la société soit en cours d'immatriculation dès lors qu'elle était constituée et que la société bailleresse n'ignorait pas son objet social ; que cette autorisation implicite résulte également du fait que le gérant de la SCI bailleresse avait l'habitude de faire contrôler ses véhicules chez son preneur dès l'acquisition du fonds ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de contrôle technique des 3 août 2009 et 1er mars 2010 produits aux débats effectuant ainsi un acte dépourvu d'ambiguïté valant reconnaissance de l'activité en cause dès son origine, peu important que l'un ou l'autre des véhicules soient personnels au gérant de la société ; que le fait que la société locataire soit également un point relais livraison La Redoute est pour la première fois invoqué en cause d'appel et n'est pas établi dans le cadre de cette instance ; qu'il ne figure pas dans les causes du commandement et fait l'objet d'une mise en demeure du 3 juillet 2014 sur les conséquences de laquelle la cour n'est pas saisie ; que la clause résolutoire n'est donc pas encourue ; que s'agissant de l'activité polluante qui serait interdite par le règlement de copropriété de la ZAC des Bouillides-Parc international de Valbonne et dénoncée par deux entreprises Novea et Clipper Diffusion dont les locaux sont contigus à celui de la société locataire, il n'est pas établi à ce jour par constat ou expertise amiable que le centre de contrôle technique émette des nuisances supérieures à celle du garage précédemment exploité et ce, d'autant la société X... est en état titulaire d'un agrément préfectoral qui subordonne l'exploitation à un strict respect d'un cahier des charges et d'un dispositif d'aspiration des gaz ; que la résiliation du bail ne sera donc pas prononcée ;

ALORS, D'UNE PART, QUE dans le cadre d'un bail commercial, le locataire ne peut modifier unilatéralement la destination contractuelle des lieux, sous peine de résiliation du bail ; qu'en estimant que la connaissance acquise en 2008 par la SCI Alma Sud de la nature de l'activité de la société X... impliquait qu'elle connaissait en 2009 l'activité de la société X... Sophia, et qu'elle en avait implicitement accepté l'exercice en concourant à l'acte de cession de bail du 16 avril 2009 (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 8 et 9), sans s'interroger sur le point de savoir si ces deux sociétés étaient identiques, ce qui était expressément contesté par la SCI Alma Sud dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 9 juillet 2014, p. 3, alinéa 9), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en estimant qu'en concourant à l'acte de cession de fonds de commerce du 16 avril 2009, la SCI Alma Sud avait implicitement autorisé la société X... Sophia à exploiter dans les lieux loués une activité de contrôle technique automobile (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 9), cependant qu'aux termes de cet acte (p. 8 et 9), l'intervention de la SCI Alma Sud s'est limitée à préciser le montant du loyer actuel, de la provision sur charge et du dépôt de garantie, sans qu'il soit fait état d'une autorisation donnée à la société X... Sophia de modifier la destination du bail, rappelée par ailleurs dans l'acte (p. 3 et 5) comme étant relative à une activité de « garage – mécanique », la cour d'appel a dénaturé l'acte du 16 avril 2009 et a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QU'en estimant que le fait que le gérant de la SCI Alma Sud a utilisé les services de la société X... Sophia pour le contrôle de son véhicule personnel caractérisait l'existence d'un accord implicitement donné au locataire d'exercer une activité de contrôle technique dans les lieux loués, cependant que cette circonstance était étrangère à la SCI Alma Sud, personne morale indépendante de son gérant, et ne pouvait être de nature à constituer un quelconque consentement du bailleur à un changement d'activité du locataire, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-20023
Date de la décision : 03/11/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 nov. 2016, pourvoi n°15-20023


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20023
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