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19/10/2016 | FRANCE | N°15-20331

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2016, 15-20331


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu qu'une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'Institution de gestion sociale de

s Armées (IGESA), le 5 juillet 2004, en qualité de secrétaire et affectée à l'établissement Mé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu qu'une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'Institution de gestion sociale des Armées (IGESA), le 5 juillet 2004, en qualité de secrétaire et affectée à l'établissement Méditerranée situé à Toulon ; que constatant que certains de ses collègues affectés dans d'autres établissements que celui de Toulon bénéficiaient de titres-restaurant, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaire au titre des titres-restaurant, l'arrêt retient qu'un local de restauration existe pour les salariés de l'établissement de Toulon depuis 2007, que l'IGESA est un établissement public industriel et commercial (EPIC) sous la tutelle du ministère de la Défense, qui gère les activités sociales des armées donc des structures différentes les unes des autres telles des centres de vacances, de loisirs mais également des dispensaires et autres, qui sont situées en divers lieux du territoire national et dont l'historique est distinct pour chacune d'entre elles, que dès lors, les explications fournies par l'employeur et non contestées par la salariée (référendum dans un cas et cession d'une entreprise dans l'autre) sont des motifs objectifs et pertinents expliquant le recours aux titres-restaurant et le maintien de cette pratique pour certains des salariés de l'IGESA ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les salariés d'autres établissements continuaient à percevoir le titre-restaurant en dépit de l'existence d'un local de restauration, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser des raisons objectives et pertinentes à cette différence de traitement, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'Institution de gestion sociale des Armées aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté madame X... de ses demandes de rappel de salaire au titre des titres-restaurant et de délivrance pour l'avenir de titres-restaurant sous astreinte ;

AUX MOTIFS QUE madame X... affirme que son employeur, en attribuant à certains salariés un avantage qu'il n'accorde pas à d'autres salariés effectuant le même travail, viole le principe " à travail égal salaire égal " ; la salariée invoque également l'article L3221-2 du code du travail qui prévoit " tout employeur assure pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ; qu'elle soutient enfin que son employeur a, en agissant ainsi, commis une discrimination à son encontre ; qu'elle réclame d'être rétablie dans ses droits, et demande la valeur des titres-restaurant sur les cinq années précédant la saisine du conseil de prud'hommes (donc d'octobre 2004 à octobre 2009) et actualise sa demande en portant sa réclamation jusqu'en décembre 2014, soit 20 tickets par mois à 4, 98 euros (part de l'employeur) ce qui correspond à la somme de 99, 60 euros par mois et pendant dix ans et un mois, la somme totale de 12. 051, 60 euros ; que madame X... verse aux débats des contrats de travail et bulletins de salaire de salariés de l'IGESA (établissement de Bastia et établissements de région parisienne, Résidence Voltaire, Résidence Raspail) pour démontrer que ceux-ci bénéficient de titres restaurant ; que l'IGESA expose les raisons de fait pour lesquelles certains de ses salariés, travaillant au sein d'autres établissements que celui de Toulon, perçoivent des titres restaurant ; que l'employeur explique, d'une part pour les salariés de Paris où se trouvait auparavant l'établissement central, que n'ayant pas la possibilité de mettre en place un local de restauration il avait été décidé, suite à un référendum organisé en 1976 et présenté comme modalité de substitution alors acceptée par le ministère du travail, d'accorder aux salariés ces titres-restaurant ; que l'appelante expose ensuite que, lorsque le siège a été décentralisé à Bastia où il n'y avait pas de local de restauration au départ, la pratique a été maintenue y compris après la mise en place d'un tel local, en raison de l'accord particulier (référendum) duquel était issue cette décision, l'employeur considérant qu'il s'agissait d'un avantage acquis sur lequel il ne pouvait plus revenir ; que pour les salariés des résidences Voltaire et Raspail, situées en région parisienne, L'IGESA indique que ces résidences étaient auparavant des hôtels dont les salariés bénéficiaient de la convention collective des hôtels, bars, restaurants ; qu'à ce titre ils disposaient d'une indemnité de nourriture ; que les contrats de travail ayant été repris lors de l'acquisition de ces établissements, dans le cadre des dispositions de l'article L122-12 du code du travail alors applicable et désormais L1224-1, l'avantage individuel acquis que constituait cette indemnité de nourriture a été maintenu en y substituant les tickets-restaurant ; qu'il appartient à celui qui allègue une discrimination pour l'un des motifs visés par l'article L. 1132-1, anciennement codifié L. 122-45 du code du travail d'établir les éléments la laissant supposer et à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des motifs étrangers à toute discrimination ; que madame X... étaye sa demande par le versement de bulletins de salaire sur lesquels figurent la remise de tickets restaurant pour des salariés exerçant un travail similaire au sien ; qu'au vu de la formule communément admise de l'égalité de salaire pour une égalité de travail, il est certain que le salarié placé dans les mêmes conditions et effectuant le même travail qu'un autre salarié bénéficiant de titres restaurant, et qui lui n'en bénéficierait pas, pourrait être effectivement victime d'une discrimination ; qu'il n'est pas discuté qu'à Toulon il existe un local de restauration à disposition des salariés ; qu'il résulte de l'article R. 4228-22 du code du travail que dans les établissements dans lesquels le nombre de travailleurs souhaitant prendre habituellement leur repas sur les lieux de travail est au moins égal à vingt-cinq, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut des délégués du personnel, l'employeur met à leur disposition un local de restauration ; que les articles L. 3261-1 et suivants du code du travail définissent les titres restaurant et leurs conditions d'utilisation ; que le ticket-restaurant n'est ni une prime ni une gratification, mais est considéré comme un avantage en nature entrant dans la rémunération ; qu'il ne résulte de la combinaison des textes sus visés aucune obligation pour l'employeur de remettre des tickets-restaurant à ses salariés, néanmoins lorsque l'employeur, en raison des conditions matérielles du lieu de travail n'a pas la possibilité d'aménager un local de restauration, il a cette solution à disposition ; que, concernant les tickets restaurant, si aucune obligation légale de mettre en place un tel système n'existe, néanmoins dès lors que l'employeur accorde un tel avantage social sur un même lieu de travail, cet avantage doit être équivalent pour chacun des salarié de ce site ; qu'il est reconnu également que l'employeur ne peut réserver l'octroi de tickets-restaurant à une seule catégorie professionnelle sauf à justifier d'une raison objective et pertinente pouvant légitimer cette disparité ; qu'en l'état de toutes ces considérations, il appert qu'il est nécessaire pour l'employeur qui fait bénéficier seulement certains de ses salariés de titres-restaurant, d'exposer et de justifier d'une raison objective à cette disparité afin de permettre au juge d'en contrôler la pertinence ; qu'en l'espèce, il n'est pas discuté qu'un local de restauration existe pour les salariés de l'établissement de Toulon depuis 2007 ; que par ailleurs, il est relevé que L'IGESA est un établissement public industriel et commercial (EPIC) sous la tutelle du ministère de la défense, qui gère les activités sociales des armées donc des structures différentes les unes des autres telles des centres de vacances, de loisirs mais également des dispensaires et autres, qui sont situées en divers lieux du territoire national et dont l'historique est distinct pour chacune d'entre elles ; que, dès lors, les explications fournies par l'appelante et non contestées dans leur réalité par madame X... (référendum dans un cas et cession d'une entreprise dans l'autre, seules en sont contestées leurs conséquences), sont des motifs objectifs et pertinents expliquant le recours aux titres-restaurant et le maintien de cette pratique pour certains des salariés de L'IGESA ; que par conséquent, les explications de l'employeur étant retenues, il n'est pas établi que madame X... subisse une discrimination ; que par suite, le jugement entrepris sera infirmé et madame X... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

1°) ALORS QUE le salarié embauché postérieurement à la mise en place d'une prime ou d'un avantage dans un établissement de l'entreprise autre que celui dans lequel il exécute sa prestation de travail a droit à cet avantage ; qu'en retenant que l'employeur avait accordé, en 1976, aux salariés de l'établissement de Paris le bénéfice de titres-restaurant pour compenser l'absence de local restauration et en déboutant néanmoins madame X..., embauchée en 2004 et affectée dans l'établissement de Toulon, de ses demandes de délivrance pour l'avenir de tickets-restaurant et de rappel de salaire à ce titre, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE l'inégalité de traitement constatée ne peut être justifiée que par une raison objective et pertinente ; que madame X... faisait expressément valoir que, si l'octroi de titres-restaurant aux salariés de la direction centrale de Paris était objectivement justifié en 1976 par la nécessité de compenser l'absence de local restauration, la fourniture de cet avantage ne l'était plus puisque la direction centrale de Paris avait été transférée à Bastia où un local restauration était à disposition à compter de 2007 et que les salariés embauchés postérieurement à ce déménagement et affectés dans cet établissement bénéficiaient également de titres-restaurant (cf. conclusions d'appel page 6) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

3°) ET ALORS QU'un transfert d'entreprise ne constitue pas une raison objective et pertinente de nature à justifier la disparité de traitement constatée entre les salariés embauchés postérieurement à ce transfert et ceux qui relèvent d'établissements différents ; que madame X... soutenait que les salariés affectés aux résidences Voltaire, Raspail et Descartes et embauchés postérieurement à la reprise par l'IGESA de la société « le relai bleu » bénéficiaient également de l'avantage dont jouissaient les salariés repris en raison du transfert de leurs contrats de travail (cf. conclusions d'appel page 7 § 2 à 5) ; qu'en jugeant dès lors que la disparité de traitement entre madame X... et les salariés des résidences Voltaire, Raspail et Descartes était justifiée, quand le transfert d'entreprise ne pouvait justifier une disparité de traitement entre des salariés embauchés postérieurement à ce transfert et relevant d'établissements différents, la cour d'appel a, derechef, violé le principe « à travail égal, salaire égal ».


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-20331
Date de la décision : 19/10/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2016, pourvoi n°15-20331


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20331
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