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19/10/2016 | FRANCE | N°14-29624

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2016, 14-29624


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 novembre 2014), que Mme X..., engagée le 3 octobre 2001 par la société Omnium de gestion immobilière en qualité de gardienne concierge, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter 29 août 2006, avant d'être classée, le 1er février 2008, en invalidité deuxième catégorie ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 12 mars et 1er avril 2009, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'

entreprise ; que le 25 mai 2009, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 novembre 2014), que Mme X..., engagée le 3 octobre 2001 par la société Omnium de gestion immobilière en qualité de gardienne concierge, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter 29 août 2006, avant d'être classée, le 1er février 2008, en invalidité deuxième catégorie ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 12 mars et 1er avril 2009, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise ; que le 25 mai 2009, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, alors selon le moyen :

1°/ que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; qu'à ce titre l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité due ce titre qu'en démontrant l'existence d'un cas de force majeure ; qu'en excluant tout manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat envers Mme X... sans constater l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité, la cour a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ que l'obligation de sécurité de résultat s'applique à l'employeur dont le salarié est victime sur son lieu de travail de violences physiques ou morales exercées par un tiers étranger à l'entreprise ; qu'en écartant tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat au motif inopérant que les agissements répréhensibles ont été commis par des personnes non employées par l'employeur qui n'exerçaient aucune autorité de fait ou de droit sur Mme X..., la cour a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;

3°/ qu'à supposer même que l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur soit une obligation de moyens quand l'auteur des violences morales et physiques est un tiers étranger à l'entreprise, le salarié peut toujours engager sa responsabilité en démontrant qu'il a manqué à cette obligation ; qu'au titre de l'obligation de sécurité, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en écartant tout manquement par la société OGIF à son obligation de sécurité tout en constatant pourtant qu'elle avait connaissance dès 2005, bien avant la demande officielle de changement d'affectation formulée par les époux X... en septembre 2006, de tous les faits de dégradation et d'insultes dont ils étaient victimes avec leur fille et que la seule mesure qu'elle a prise a consisté à leur proposer de déménager dans un autre logement situé dans une commune proche afin de dissocier le logement de fonction du lieu de travail, constatations dont s'évince son inaction fautive, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;

Mais attendu que la salariée ayant seulement soutenu que le manquement à l'obligation de sécurité résultait d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel qui a constaté que les faits établis par la salariée ont été commis par des tiers qui n'exerçaient pas de fait ou de droit, pour le compte de l'employeur, une autorité sur l'intéressée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société OGIF de son obligation de sécurité,

AUX MOTIFS QU'« … en l'espèce, Madame X... rappelle qu'elle avait été affectée avec son époux dans un grand ensemble à Montreuil qu'elle qualifie de particulièrement difficile et elle invoque les faits suivants :

- alors qu'elle était en arrêt maladie, certains résidents n'hésitaient pas à donner des coups de pied dans les portes de la loge en lui demandant de travailler et en la traitant de paresseuse,

- en novembre 2005, il a été mis feu au local poubelle, au local jardin et au local moto ; après l'incendie au local jardin, elle a réclamé des outils pour pouvoir continuer à entretenir les espaces verts ; que toutefois l'OGIF a refusé de lui confier ces outils ; qu'à la suite de l'incendie, un câble électrique est demeuré au sol dans le local poubelle et qu'un risque d'électrocution a été évité de justesse par son mari qui a coupé immédiatement le courant,

- suite à la découverte de l'existence d'un trafic au sein de l'immeuble, son époux a demandé à l'OGIF de bien vouloir déclarer ce trafic auprès des services de police afin qu'ils ne soit pas victime de représailles ; que l'OGIF a refusé et a intimé l'ordre à son époux de dénoncer ce trafic ; que par la suite, ils ont été de nouveau victimes de l'agressivité de certains résidents qui se sont livrés à des dégradations et qui ont de nouveau exercé des pressions, dont notamment des coups de pied dans les portes et des diverses insultes ;

- le 17 avril 2006, leur balcon a été incendié et elle a dû intervenir pour faire hospitaliser son mari ;

- au courant de l'année 2006, sa fille après avoir été chaque jour insultée par deux jeunes résidents a été finalement rouée de coup dans le hall de l'immeuble,

- malgré ses demandes, ce n'est que le 16 septembre 2006, que l'OGIF a décidé de mettre à leur disposition un appartement situé au 9ème étage d'une résidence à ROSNY SOUS BOIS ; le déménagement a eu lieu dans des conditions désastreuses puisqu'un certain nombre de meubles ont été détériorés par des personnes qui n'étaient pas en réalité des déménageurs mais qui avaient été choisies par l'OGIF et l'appartement était insalubre ; que pour étayer ces affirmations, elle produit des courriers écrits le maire de Montreuil qui relaye ses doléances, un courrier écrit par le couple à l'OGIF en juin 2006 faisant état de reproches et d'insultes de locataires et de départs de feu, divers fax adressés à son employeur l'informant d'actes de vandalisme dans la résidence (avril 2004, novembre et décembre 2005, avril et mai 2006), un courrier adressé au procureur en mai 2006 dénonçant ces agissements, des mains courantes et plaintes visant les mêmes faits et divers certificats médicaux ; que force est de constater que les faits de dégradation ou d'insulte établis par Madame X... ont été commis des individus non identifiés, qualifiés de résidents, non employés par l'OGIF et qui n'exerçaient pas de fait ou de droit une autorité sur la salariée ; qu'en outre, l'insalubrité alléguée du logement mis à leur disposition par la société OGIF n'est pas établie, les photos produites étant inexploitables ; qu'ainsi la matérialité de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée à l'encontre de l'employeur, aucun élément ne pouvant au surplus être déduit des termes du courrier de l'inspecteur du travail du 29 juin 2009 ; que s'agissant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il ressort des pièces du dossier que les époux X... ont écrit à l'OGIF le 2 juin 2006 pour demander un changement d'affectation suite aux divers problèmes rencontrés, un poste étant alors à l'étude dans le 94 ; que les précédentes demandes de mutation en province de 2003 et 2004 étaient fondées sur l'existence de pollution en région parisienne ; que si l'employeur ne les a pas réaffectés en tant que gardiens sur un autre site, il justifie leur avoir proposé un autre logement dans une commune proche, dissociant ainsi le logement de fonction du lieu de travail ; qu'ainsi, les époux X... ont déménagé en septembre 2006 à ROSNY SOUS BOIS, étant rappelé que Madame X... en arrêt depuis fin août 2006, n'a jamais pu reprendre son emploi ; que de même, l'OGIF justifie leur avoir proposé le 20 février 2009 un appartement au 1er étage de la résidence, suite à leur doléance liée à la panne des ascenseurs et aux problèmes de santé de Monsieur X... ; que ce n'est que par courrier du 15 juillet 2010 que le couple va répondre en laissant sans suite ladite proposition ; qu'ainsi, un manquement de la société OGIF à son obligation de sécurité n'est pas établi ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ; »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « … Sur la demande au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ; que le conseil forme sa conviction à la vue des documents produits et des explications données à la barre par les parties ou leurs conseils respectifs conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail ; qu'il appartient au salarié d'établir la matérialisation des faits qu'il invoque ; qu'il convient d'appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement moral invoqué et que dans ce cas il revient à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral ; que l'employeur ne peut être tenu pour responsable d'agissements commis par des auteurs pour lesquels il n'exerce aucune autorité de fait ou de droit ; qu'en l'espèce les auteurs des actes malveillants commis à l'encontre de Madame X... ne sont en tout état de cause pas identifiés ; qu'il revient à Madame X... de se porter partie civile dans le cadre de la plainte déposée par cette dernière ; qu'il ressort également des explications données par les parties et des pièces versées aux débats que Madame X... ne peut valablement soutenir que son état de santé se serait dégradé en raison d'actes de harcèlement moral ; que par ailleurs que le conseil relève qu'un autre logement avait été proposé aux époux X... qu'ils ont refusé ; qu'en conséquence, le conseil juge que l'OGIF n'a pas manqué à son obligation de sécurité et de résultat ; que par conséquent, Madame X... sera déboutée de ses demandes formulées à ce titre ; »,

ALORS D'UNE PART QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; qu'à ce titre l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité due ce titre qu'en démontrant l'existence d'un cas de force majeure ; qu'en excluant tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat envers Mme X... sans constater l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité, la cour a violé l'article L. 4121-1 du code du travail.

ALORS D'AUTRE PART (subsidiairement) QUE l'obligation de sécurité de résultat s'applique à l'employeur dont le salarié est victime sur son lieu de travail de violences physiques ou morales exercé par un tiers étranger à l'entreprise ; qu'en écartant tout manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat au motif inopérant que les agissements répréhensibles ont été commis par des personnes non employées par l'employeur qui n'exerçaient aucune autorité de fait ou de droit sur Mme X..., la cour a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 4121-1 du code du travail.

ALORS ENFIN (subsidiairement) QU'à supposer même que l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur soit une obligation de moyens quand l'auteur des violences morales et physiques est un tiers étranger à l'entreprise, le salarié peut toujours engager sa responsabilité en démontrant qu'il a manqué à cette obligation ; qu'au titre de l'obligation de sécurité, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'en écartant tout manquement par la société OGIF à son obligation de sécurité tout en constatant qu'elle avait connaissance dès 2005, bien avant la demande officielle de changement d'affectation formulée par les époux X... en septembre 2006, de tous les faits de dégradation et d'insultes dont ils étaient victimes avec leur fille et que la seule mesure qu'elle a prise a consisté à leur proposer de déménager dans un autre logement dans une commune proche afin de dissocier le logement de fonction du lieu de travail, constatations dont s'évince son inaction fautive, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29624
Date de la décision : 19/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 12 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2016, pourvoi n°14-29624


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29624
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