LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 271 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X...et de M. Y... ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 280 000 euros la prestation compensatoire due à l'épouse par le mari, l'arrêt ne fait état d'aucune charge supportée par celui-ci ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte, comme il le lui était demandé, des parts contributives versées par M. Y... pour l'entretien et l'éducation des deux enfants du couple et d'un enfant issu d'une autre union, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X... à la somme de 280 000 euros, l'arrêt rendu le 6 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé la prestation compensatoire due par Philippe Y... à Yamina X... à la somme de 280. 000 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 270 et 271 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge en fonction des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre et en prenant en compte notamment la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un d'eux pour l'éducation des enfants, leur patrimoine et leurs pensions de retraite ; qu'en l'espèce, le principe d'une disparité dans la situation des parties ne peut être sérieusement contestable eu égard au fait que Philippe Y... perçoit des revenus mensuels de plus de 22. 000 € contre 1. 980 € pour l'épouse ; que si c'est donc à juste titre que le premier juge a alloué une prestation compensatoire à Yamina X..., il y a lieu toutefois d'en ramener le montant, eu égard au fait que l'épouse travaille comme infirmière dans la fonction publique lui assurant des revenus très convenables et que Philippe Y..., par ailleurs âgé de 10 ans de plus qu'elle, n'est pas certain, en raison de ses problèmes de santé, de pouvoir maintenir l'intégralité de son activité professionnelle jusqu'à sa retraite, à un montant économiquement plus réaliste, que la Cour arrête à 280. 000 € ;
1) ALORS QUE les sommes versées au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants constituent des charges qui doivent venir en déduction des ressources de l'époux débiteur pour apprécier la disparité entre la situation respective des époux et calculer le montant de la prestation compensatoire ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir qu'il versait 700 € par mois à chacune de ses deux filles et 800 € à son fils Xavier, soit une somme globale de 2. 200 € au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, devant venir en déduction de ses revenus (conclusions d'appel de M. Y... du 5 septembre 2012, p. 17-18) ; qu'en fixant la prestation compensatoire due par M. Y... sans prendre en compte ses charges liées à l'entretien et l'éducation des enfants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;
2) ALORS QUE pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, les juges du fond doivent procéder à une évaluation, au moins sommaire, de l'ensemble du patrimoine de chacun des époux ; qu'en l'espèce, M. Y... établissait que Mme Y... disposait d'un patrimoine propre, ayant recueilli une maison dans la succession de sa mère (conclusions d'appel de M. Y... du 5 septembre 2012, p. 20) ; qu'en fixant le montant de la prestation compensatoire sans prendre en considération cet immeuble, ni même l'évaluer, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;
3) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'ainsi les juges doivent inclure, dans l'évaluation des ressources et besoins des époux, le patrimoine, tant en capital qu'en revenu qu'ils obtiendront après liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, M. Y... soutenait que Mme X... pouvait prétendre à plus de 500. 000 € de capitaux en actif dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (conclusions d'appel de M. Y... du 5 septembre 2012, p. 19) ; que dès lors, en fixant le montant de la prestation compensatoire sans prendre en considération le capital devant entrer dans le patrimoine de Mme X..., la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;
4) ALORS QUE pour fixer le montant de la prestation compensatoire, les juges du fond doivent s'expliquer sur l'ensemble des ressources et des besoins de chaque époux au moment du divorce et dans un avenir prévisible ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir que Mme X... disposait d'ores et déjà de revenus fonciers et qu'elle en percevrait encore à la liquidation du régime matrimonial (conclusions d'appel de M. Y... du 5 septembre 2012, p. 18-19 et 21) ; qu'en fixant le montant de la prestation compensatoire sans examiner les revenus fonciers de Mme X..., la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;
5) ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige ; que dans ses conclusions d'appel, M. Y... soutenait que Mme X... disposait d'un revenu net mensuel supérieur à 2. 100 € par mois (conclusions d'appel de M. Y... du 5 septembre 2012, p. 18) quand Mme X... reconnaissait dans ses propres conclusions percevoir un salaire mensuel moyen de 2. 605 € (conclusions d'appel de Mme X... du 13 septembre 2012, p. 6) ; qu'en affirmant que Mme X... ne perçoit que 1. 980 € par mois, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
6) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en l'espèce, M. Y... démontrait percevoir un revenu mensuel moyen de 15. 768 €, duquel il fallait notamment déduire la contribution versée au titre de l'entretien et de l'éducation de ses enfants et 6. 500 € d'impôts sur le revenu (conclusions du 5 septembre 2012, p. 17 et 18) ; qu'en retenant arbitrairement, pour calculer le montant de la prestation compensatoire due par M. Y..., la somme de 22. 000 € de revenus mensuels sans s'expliquer sur la façon dont elle était parvenue à ce montant, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.