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18/10/2016 | FRANCE | N°15-14229

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 2016, 15-14229


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X...et à la société O... de ce qu'ils reprennent l'instance en qualité, respectivement, d'administrateur et de mandataire judiciaires de la société Equilibre et santé ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Equilibre et santé, qui a pour objet la vente à domicile

de compléments alimentaires aux particuliers, a licencié pour faute M. Y..., directeur comme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X...et à la société O... de ce qu'ils reprennent l'instance en qualité, respectivement, d'administrateur et de mandataire judiciaires de la société Equilibre et santé ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Equilibre et santé, qui a pour objet la vente à domicile de compléments alimentaires aux particuliers, a licencié pour faute M. Y..., directeur commercial, et M. Z..., salarié-VRP, en leur reprochant le débauchage de salariés au profit de la société T et T nature (la société T et T), spécialisée dans la vente de compléments alimentaires pour personnes âgées ; qu'elle a assigné ensuite cette dernière en cessation des actes de concurrence déloyale et en paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

Attendu que, pour dire que la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse de la société T et T et pour condamner celle-ci à ce titre, l'arrêt retient qu'elle a commis des actes de dénigrement par l'intermédiaire de M. Y..., époux de la gérante en titre, se comportant comme le dirigeant de la société, et en déduit qu'il n'existe aucune contestation sérieuse ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la direction en fait de la société T et T par l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la demande de provision formée par la société Equilibre et santé ne se heurte à aucune contestation sérieuse, condamne la société T T nature à payer à titre provisionnel la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, portant intérêts au taux légal à compter de ce jour et condamne la société T et T nature au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Equilibre et santé aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société T et T nature et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société T et T nature

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné la société T et T nature à payer à la société Equilibre et santé à titre provisionnel 30 000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « sur les actes de concurrence déloyale, le fait que monsieur David A...décide, pour " ne pas nuire à monsieur David Y...et monsieur Eric Z... ", de revenir sur ses déclarations dont il indique qu'elles lui ont été dictées par monsieur B...doit conduire à écarter les attestations établies le 29 novembre 2012 par monsieur A.... Son attestation ne remet pas cependant en cause la valeur probante des autres attestations circonstanciées produites par la société EQUILIBRE ET SANTE et notamment :- celle de madame C...qui indique que lors d'une réunion s'étant tenue le 30 juillet 2012, monsieur David Y..., en présence de monsieur Eric Z..., a annoncé qu'il allait monter lui-même sa propre société avec son propre plateau de télé-prospection au Maroc dirigé par monsieur D..., qu'il ferait tester la qualité des rendez-vous par certains VRP de son choix et par monsieur Pascal E..., précisant qu'il continuerait dans un premier temps à travailler pour monsieur B...en attendant que son réseau fonctionne et donnerait sa démission en fin d'année en choisissant les meilleurs vendeurs. Madame C...précise que monsieur Pascal E..., son manager, lui avait confirmé qu'il avait l'intention de tester ces'fameux rendez-vous " et s'était ensuite vanté de l'avoir fait tout en continuant à travailler avec la société EQUILIBRE ET SANTE, sa clause d'exclusivité ne le dérangeant absolument pas. Elle ajoute que tout s'était alors dégradé de manière fulgurante et que monsieur David Y...et monsieur Pascal E...soutenaient que la société EQUILIBRE ET SANTE n'en n'avait plus pour longtemps et accusaient monsieur B...de faire en sorte que les commerciaux aient moins de rendez-vous pour limiter le montant de leur rémunération, en raison des problèmes de trésorerie qu'il rencontrait,- monsieur Georges F...atteste qu'assistant à une réunion le 18 mai 2012, il avait été surpris et inquiet d'entendre monsieur David Y...annoncer à l'équipe qu'il comptait dans un futur proche créer sa propre société avec une activité identique à celle la société EQUILIBRE ET SANTE en offrant une meilleure rémunération,- madame Mirella H...confirme ces propos en précisant que monsieur David Y...indiquait commencer cette activité en parallèle à celle exercée au sein de la société EQUILIBRE ET SANTE, monsieur Eric Z... relayant ces propos et incitant l'équipe à le suivre dans cette nouvelle société,- monsieur Patrick I...fait état dans son attestation de cette même réunion du 18 mai 2012 au cours de laquelle monsieur David Y...et monsieur Eric J...ont fait part de leur intention, monsieur I...exprimant sa surprise devant un " tel manque d'honnêteté et de loyauté vis-à-vis de la société EQUILIBRE ET SANTE [et de son] directeur ", précisant que monsieur Eric Z... l'avait contacté le 27 novembre 2012 pour le recruter au sein de " la société T et T NATURE de monsieur David Y...",- madame Sandrine K...atteste que lors d'une réunion du 02 mai 2012 à Toulouse avec monsieur Eric Z... et monsieur David Y..., ce dernier avait déclaré que les méthodes de la société EQUILIBRE ET SANTE étaient archaïques et que souhaitant apporter des améliorations, il monterait sa propre société si monsieur B...n'était pas d'accord, précisant aux membres de l'équipe qu'il y aurait toujours du travail pour eux,- monsieur Thierry L...atteste que monsieur M...lui a indiqué le 30 avril 2013 avoir été recruté par monsieur David Y...au sein de sa société, en lui vantant la meilleure qualité des produits commercialisés et leur prix intéressant, lui précisant que s'il le souhaitait, il pouvait lui aussi " rejoindre monsieur Y...". La mesure d'instruction a permis d'établir :- que monsieur Laurent N..., responsable du développement du plateau téléphonique de la société EQUILIBRE ET SANTE au Maroc de janvier à mai 2012, a pris la gérance d'un société " AGENCE ACTION COMMERCIALE " avec laquelle la société T et T NATURE a conclu le 1'septembre 2012 un contrat location de services ayant pour objet la fourniture de rendez-vous qualifiés pour l'ensemble de ses rendez-vous commerciaux,- que conformément aux incitations faites lors des réunions de service de la société EQUILIBRE ET SANTE en dénigrant cette dernière, la société T et T NATURE a embauché plus de 18 VRP issus de la société EQUILIBRE ET SANTE,- que la société T et T NATURE utilise un argumentaire commercial dont le contenu et la présentation graphique sont quasiment identiques au document établi par la société EQUILIBRE ET SANTE. Alors qu'il n'est pas contesté que la société T et T NATURE exerce une activité concurrente à celle de la société EQUILIBRE ET SANTE, l'ensemble de ces éléments met en évidence :- des actes de dénigrement opérés par la société T et T NATURE par l'intermédiaire de monsieur David Y..., époux de la gérante en titre, se comportant comme le dirigeant de ladite société,- une complicité de violation de l'obligation de loyauté pendant la durée des relations contractuelles de monsieur David Y...avec la société EQUILIBRE ET SANTE et de l'obligation de non-concurrence après la rupture de son contrat de travail,- une forme de débauchage et des actes de parasitisme. Le fait que la société T et T NATURE ait été constituée en 2009 est indifférent au caractère déloyal de la concurrence qu'elle a exercée à l'encontre de la société EQUILI BRE ET SANTE à la fin de l'année 2011, date à laquelle elle est présentée par monsieur David Y...comme " sa nouvelle société ". La création par monsieur David Y...et monsieur Eric Z... le 20 février 2014 de la société VITAL SANTE, société privée à responsabilité limitée de droit belge, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité et l'ampleur des actes de concurrence déloyale commis par la société T et T NATURE. Il n'existe donc aucune contestation sérieuse sur les manoeuvres déloyales opérées par la société T et T NATURE, notamment par l'intermédiaire de monsieur David Y...et monsieur Eric Z... alors qu'ils étaient salariés de la société EQUILIBRE ET SANTE. […] Sur la demande de provision, si l'évaluation du préjudice dans sa globalité n'est Pas de la compétence du juge des référés, il convient de relever que la société EQUILIBRE ET SANTE a notamment rémunéré monsieur David Y...et monsieur Eric Z... jusqu'à la rupture de leur contrat de travail alors qu'il est établi que depuis le mois de mai 2012, ils contribuaient au débauchage des salariés de cette dernière et au détournement de sa clientèle au profit de la société T et T NATURE. L'ampleur déjà caractérisée du préjudice subi du fait de la société T et T NATURE par la société EQUILIBRE ET SANTE, permet, sans contestation sérieuse, de lui accorder à titre de provision la somme de 30. 000 € portant intérêts au taux légal à compter de ce jour » ;

ALORS premièrement QU'en se bornant à affirmer que la société T et T nature avait commis un dénigrement de la société Equilibre santé par l'intermédiaire de monsieur Y..., époux de la gérante en titre de la société T et T nature se comportant comme le dirigeant de cette dernière, sans relever aucun acte caractérisant que monsieur Y...fût le dirigeant de fait de la société T et T nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS deuxièmement QUE le dénigrement constitutif d'un acte de concurrence déloyale consiste en des propos tendant à discréditer un concurrent auprès de la clientèle ; qu'en jugeant que la société T et T nature aurait commis un dénigrement de la société Equilibre et santé par l'intermédiaire de monsieur Y..., sur la base de propos tenus par ce dernier lors des réunions des 2 mai, 18 mai et 30 juillet 2012 avec les salariés de la société Equilibre santé, quand ces propos étaient impropres à caractériser un dénigrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS troisièmement QU'en imputant à la société T et T nature une complicité de violation des obligations de loyauté pendant l'exécution de son contrat de travail et de non-concurrence après la rupture de son contrat de travail qui incombaient à monsieur Y..., sur la seule affirmation que celui-ci était l'époux de la gérante en titre de la société T et T nature et qu'il se serait comporté comme le dirigeant de cette dernière, sans caractériser sa prétendue direction de fait de la société exposante ni relever aucun acte par lequel la société T et T nature aurait aidé monsieur Y...à violer ses obligations envers la société Equilibre et santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS quatrièmement QU'un salarié n'est valablement obligé par une clause de non-concurrence que si celle-ci est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps, limitée dans l'espace et assortie d'une contrepartie financière pour le salarié ; qu'en l'absence de telles clauses valables, la simple embauche d'anciens salariés d'une société concurrente n'est pas un acte de concurrence déloyale ; qu'en retenant que la société T et T nature avait commis un débauchage constitutif de concurrence déloyale pour avoir engagé 18 anciens salariés VRP de la société Equilibre et santé, sans constater que ces salariés étaient liés par une clause de non-concurrence valable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS cinquièmement QU'en l'absence de clauses de non-concurrence valables, le recrutement d'anciens salariés d'une société concurrente n'est constitutif de concurrence déloyale que pour autant qu'il procède de manoeuvres déloyales, qu'en ne caractérisant pas de telles manoeuvres en se bornant à affirmer que la société T et T nature avait engagé 18 anciens salariés VRP de la société Equilibre santé, pour néanmoins imputer à l'exposante un débauchage constitutif de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS sixièmement QU'il n'y a pas de parasitisme par copie servile lorsque le procédé reproduit est communément utilisé dans le secteur d'activité en question ; qu'en retenant un parasitisme à la charge de la société T et T nature au prétexte qu'elle utilisait un argumentaire commercial dont le contenu et la présentation graphique étaient quasiment identiques au document de la société de la société Equilibre et santé, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions de la société exposante, p. 14), sur le point de savoir si les techniques de ventes aux particuliers étaient les mêmes partout et étaient largement connues de sorte qu'il ne pouvait y avoir de parasitisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-14229
Date de la décision : 18/10/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 2016, pourvoi n°15-14229


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14229
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