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12/10/2016 | FRANCE | N°15-19113

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 octobre 2016, 15-19113


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 4614-13, R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant en la forme des référés, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Vitry-sur-Seine de la société Sanofi Chimie (le CHSCT) a décidé le 28 mai 2013 de recourir à une expertise pour risque grave ; que le 9 août 2013, la société Sanofi chimie a saisi l

e président du tribunal de grande instance d'une contestation de l'expertise ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 4614-13, R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant en la forme des référés, que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement de Vitry-sur-Seine de la société Sanofi Chimie (le CHSCT) a décidé le 28 mai 2013 de recourir à une expertise pour risque grave ; que le 9 août 2013, la société Sanofi chimie a saisi le président du tribunal de grande instance d'une contestation de l'expertise ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient que l'absence d'indication d'un délai pour agir ne donne pas pour autant à l'employeur la possibilité de contester le recours à expertise à tout moment, dès lors que l'article R. 4614-18 du code du travail énonce que l'expertise elle-même est impérativement réalisée, en application du deuxième alinéa de l'article L. 4614-2, dans le délai d'un mois pouvant être prolongé, en cas de nécessité, sans pouvoir excéder quarante-cinq jours à compter du jour de sa désignation ; que, de même, il ressort des articles R. 4614-19 et 20 du code du travail que le président du tribunal de grande instance saisi de la contestation doit statuer en urgence sur les contestations de l'employeur portant sur la nécessité de l'expertise et rendre une décision au fond en la forme des référés ; qu'il se déduit de l'ensemble de ce dispositif qu'il appartient à l'employeur de saisir le juge dans les meilleurs délais afin de ne pas retarder le déroulement des opérations d'expertise ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT n'est soumise, en l'absence de texte spécifique, qu'au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sanofi chimie aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, la condamne à payer la somme de 3 000 euros au CHSCT du centre de production de Vitry-sur-Seine ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sanofi chimie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée sur la condamnation de la société Sanofi Chimie aux dépens de première instance et à payer au CHSCT du site de Vitry-sur-Seine la somme de 5 382 euros au titre de ses frais de procédure, d'AVOIR déclaré irrecevable comme tardif le recours de la société Sanofi Chimie contre la délibération du CHSCT du 28 mai 2013 ayant désigné l'association ERETRA en qualité d'expert et d'AVOIR condamné la Société Sanofi Chimie aux dépens d'appel et à payer au CHSCT du site de Vitry-sur-Seine la somme de 2 246,40 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 4614-12 du code du travail que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : - lorsqu'un risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; - en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; Il ressort des pièces produites par les parties que la société Sanofi Chimie a pour activité la fabrication de matière de base, appelée principes actifs, entrant dans la composition de médicaments à destination de la santé humaine ; qu'elle a plusieurs sites implantés en France, dont celui de Vitry-Sur-Seine avec 479 salariés ; qu'à compter de l'année 2008, ce site a entamé une phase de restructuration en raison notamment de sa reconversion, du fait de l'abandon de ses activités chimiques classiques au profit des biotechnologies, avec pour conséquence le transfert de produits historiquement exploités dans le centre de production vers d'autres sites chimiques du groupe, l'arrivée de nouveaux moyens matériels de production et la nécessité pour les salariés de se former et s'adapter à ces nouvelles activités ; Lors de sa réunion du 28 mai 2013, le CHSCT de Vitry-sur-Seine a voté une délibération décidant le recours à un expertise, au motif de l'existence de risques graves dans l'établissement, en désignant pour l'effectuer, l'association ERETRA en qualité d'expert avec pour mission de : - rechercher les facteurs de risques et analyser les accidents et les conditions de travail des situations évoquées par le CHSCT, analyser les conséquences sur la santé des salariés, - évaluer l'implication de l'organisation du travail à l'aide d'une méthodologie ergonomique sur les risques professionnels et en tirer les enseignements qui s'imposent, - rechercher des mesures de prévention permettant l'élimination des risques et des contraintes ; Par acte délivré le 9 août 2013, la société Sanofi Chimie a assigné le CHSCT de l'établissement de Vitry-sur-Seine devant le président du tribunal de Créteil statuant en la forme des référés pour voir annuler la résolution du 28 mai 2013 au motif que les conditions de l'article L. 4614-12 1º du code travail n'était pas réunies, faute de constat d'un risque grave constaté au sein de cet établissement ; Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHSCT à raison de la tardiveté de la demande d'annulation de la délibération, que la société Sanofi Chimie fait valoir que ni l'article L. 4614-13, ni l'article R. 4614-19 du code du travail ne fixent ou ne précisent un délai dans lequel la délibération du CHSCT devrait être impérativement contestée, laissant au juge le soin d'apprécier in concreto le délai raisonnable pour agir ; L'absence d'indication d'un délai pour agir ne donne pas pour autant à l'employeur la possibilité de contester le recours à expertise à tout moment, dès lors que l'article R. 4614-18 du code du travail énonce que l'expertise elle-même est impérativement réalisée, en application du deuxième alinéa de l'article L. 4614-2, dans le délai d'un mois pouvant être prolongé, en cas de nécessité, sans pouvoir excéder quarante-cinq jours à compter du jour de sa désignation ; que, de même, il ressort des articles R. 4614-19 et 20 du code du travail que le président du tribunal de grande instance saisi de la contestation doit statuer en urgence sur les contestations de l'employeur portant sur la nécessité de l'expertise et rendre une décision au fond en la forme des référés ; qu'il se déduit de l'ensemble de ce dispositif qu'il appartient à l'employeur de saisir le juge dans les meilleurs délais afin de ne pas retarder le déroulement des opérations d'expertise ; En l'espèce, après avoir annoncé au cours de la réunion du 28 mai 2013 son désaccord sur la délibération litigieuse, la direction de la société Sanofi Chimie a confirmé son opposition « totale » au recours de l'expertise, dans un courrier adressé par le directeur du site de Vitry-sur-Seine, en date du 5 juin 2013 au secrétaire du CHSCT ; qu'aux termes de ce courrier il a été demandé au CHSCT de 'retirer cette délibération faute de quoi, il [l'employeur] engagerait une procédure en justice pour la contester' ; que le 12 juillet 2013, l'employeur confirmait par mail son opposition à la réalisation de cette expertise, prétextant alors du renouvellement prochain du CHSCT auquel pourrait être soumis le maintien ou non de la délibération votée le 28 mai ; que devant la détermination du CHSCT, il sollicitait le report des opérations d'expertise affirmant vouloir exercer le recours prévu par l'article L 4614-13 ; qu'il aura finalement attendu soixante treize jours avant d'assigner le CHSCT devant le tribunal de Créteil, alors même que le principe de sa contestation était acquis dès le jour de la délibération et confirmé dans la semaine qui a suivi ; que rien dans le dossier n'a justifié l'écoulement de ce délai non raisonnable au regard des textes pré-cités pour la réalisation de l'expertise, sauf à considérer que la direction de Sanofi Chimie cherchait à obtenir du CHSCT qu'il revienne sur sa délibération hors de tout cadre légal ou réglementaire ; que le délai de soixante treize jours pour saisir le juge de sa contestation, alors que les restructurations du site de Vitry-sur- Seine étaient en cours, apparaît dès lors manifestement excessif ; Sur les frais de procédure, qu'il convient de condamner la société Sanofi Chimie à payer au CHSCT les sommes correspondant aux honoraires d'avocat justifiés, soit la somme de 2246,40 euros » ;
1°) ALORS QUE les articles L. 4614-13 et R 4614-19 du code du travail qui prévoient que l'employeur peut saisir le président du tribunal de grande instance pour contester la nécessité d'une expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, n'imposent à celui-ci aucun délai, ni condition d'urgence à son recours ; qu'en l'espèce, la société Sanofi Chimie sollicitait la confirmation de l'ordonnance de référé du Président du tribunal de grande instance de Créteil, en date du 27 janvier 2014, ayant retenu que l'article susvisé « n'édict[ant] aucun délai de forclusion pour l'exercice de l'action de la décision du CHSCT de recourir aux services d'un expert agréé, (…) le CHSCT de l'établissement de Vitry-sur-Seine de la société Sanofi Chimie est donc mal fondé à prétendre tirer argument du caractère prétendument tardif de l'action en contestation de sa décision de recourir aux services d'un expert agrée en raison du délai de deux mois apporté par la société Sanofi Chimie à l'exercice de cette action à partir de la date de la décision contestée » ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif, le recours de la société Sanofi Chimie, engagé deux mois à peine après la délibération du CHSCT du 28 mai 2013, la cour d'appel qui a ajouté une condition à la loi, a violé l'article L. 4614-13 du code du travail, ensemble les articles L. 4614-12 et R. 4614-19 de ce même code ;
2°) ALORS subsidiairement QUE l'article R 4614-18 du code du travail qui dispose que l'expertise sollicitée par le CHSCT est réalisée dans le délai d'un mois, ce délai pouvant être prolongé pour tenir compte des nécessités de l'expertise sans pouvoir excéder un délai total quarante-cinq jours, ne concerne que l'expertise faite en application du 2° de l'article L. 4614-12 soit celle décidée en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8 ; qu'en revanche, lorsque le recours à l'expertise a été décidé dans le cadre d'un risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel (C. trav. art. L. 4614-12, 1°), l'expert n'est soumis à aucun délai particulier pour réaliser sa mission ; qu'en l'espèce, le CHSCT de l'établissement de Vitry-sur-Seine de la société Sanofi Chimie justifiait sa décision de recourir à un expert par l'existence d'un supposé « risque grave » au sens de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ; qu'en jugeant excessif le délai d'engagement de la procédure judiciaire, au prétexte que l'article R 4614-18 du code du travail, imposait à l'expert d'agir dans un délai déterminé, lorsque ces dispositions s'appliquaient seulement à l'hypothèse d'un « projet important », la cour d'appel qui a apprécié le caractère raisonnable du délai de contestation, à l'aune de dispositions inapplicables, a violé les articles L. 4614-13 et R 4614-18 du code du travail ;
3°) ALORS subsidiairement QUE le caractère raisonnable du délai de contestation s'apprécie in concreto en tenant compte de toutes les circonstances particulières dans lesquelles ce délai s'est écoulé ; que dans ses conclusions d'appel (cf. pages 8 et 9), la société Sanofi Chimie faisait valoir, et offrait de prouver (cf. productions n° 5 à 9), que le délai pour saisir le président du TGI était exclusivement imputable à l'inaction du CHSCT qui, en dépit du dialogue instauré par la direction, avait mis plus de cinq semaines, pour répondre à son courrier du 5 juin 2013 demandant, dans une optique amiable, le retrait de la délibération avant d'envisager un éventuel recours judiciaire, puis s'était engagé dans de vaines polémiques, auxquelles l'employeur avait dû répondre, différant d'autant la saisine du tribunal; que l'exposante soulignait, en outre, qu'une fois le président du TGI saisi, le CHSCT avait sollicité deux renvois de sorte que l'audience de jugement ne s'était finalement tenue que cinq mois après la délivrance de l'assignation ; qu'en jugeant irrecevable comme tardif, le recours de la société Sanofi Chimie contre la délibération du CHSCT du 28 mai 2013, au prétexte que rien ne justifierait l'écoulement du délai entre cette dernière et la saisine du tribunal de grande instance, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur l'attitude manifestement dilatoire du CHSCT, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-12, L. 4614-13, R. 4614-19 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code du travail ;
4°) ALORS subsidiairement QUE le caractère raisonnable du délai de contestation s'apprécie in concreto en tenant compte de toutes les circonstances particulières dans lesquelles ce délai s'est écoulé ; que dans ses conclusions d'appel (cf. page 9), la société Sanofi chimie faisait valoir que le délai ayant séparé la délibération litigieuse de sa contestation devant le président du TGI était à apprécier en tenant compte de ce que les faits étaient intervenus en période estivale ; qu'en jugeant ce délai excessif, sans tenir compte de ce qu'il était intervenu pendant la période estivale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-12, L. 4614-13, R. 4614-19 du code du travail ;
5°) ALORS QU'il ne saurait être fait grief à l'employeur d'avoir, dans un temps somme toute assez bref, tenté de rechercher une solution amiable au différend qui l'oppose au CHSCT avant de s'engager dans une voie judiciaire ; qu'en jugeant que rien ne justifiait le délai de deux mois entre la délibération du CHSCT du 28 mai 2013 et la saisine du tribunal de grande instance sauf à considérer que la direction de Sanofi Chimie avait cherché à obtenir du CHSCT qu'il revienne sur sa délibération hors de tout cadre légal ou réglementaire, sans rechercher s'il ne s'était pas seulement agi pour l'employeur de tenter de trouver une issue amiable au différend l'opposant au CHSCT, avant de s'engager dans une procédure judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-12, L. 4614-13, R. 4614-19 du code du travail ;
6°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations; que pour dire que le délai ayant séparé la délibération du CHSCT de sa contestation devant le président du TGI était excessif, la cour d'appel a relevé que pendant ce laps de temps, les restructurations du site de Vitry-sur-Seine étaient en cours ; qu'en statuant ainsi, sans préciser d'où elle tirait une telle constatation, contestée par l'employeur qui soutenait que la reconversion du site s'était achevée en 2011, soit plus de deux ans avant la délibération litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19113
Date de la décision : 12/10/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 oct. 2016, pourvoi n°15-19113


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19113
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