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06/10/2016 | FRANCE | N°15-25154

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 octobre 2016, 15-25154


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 décembre 2011, pourvoi n° 08-18.711), qu'en 1969, Mme X..., propriétaire d'une parcelle à usage agricole située dans une zone d'aménagement différé, a adressé à l'Etat une déclaration d'intention d'aliéner ; que l'Etat, exerçant son droit de préemption, a acquis cette parcelle pour un prix accepté par la venderesse ; qu'en 1982, l'Etat a cédé cette parcelle à la So

ciété d'aménagement du Biterrois et de son littoral (Sebli), laquelle l'a, en 19...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 décembre 2011, pourvoi n° 08-18.711), qu'en 1969, Mme X..., propriétaire d'une parcelle à usage agricole située dans une zone d'aménagement différé, a adressé à l'Etat une déclaration d'intention d'aliéner ; que l'Etat, exerçant son droit de préemption, a acquis cette parcelle pour un prix accepté par la venderesse ; qu'en 1982, l'Etat a cédé cette parcelle à la Société d'aménagement du Biterrois et de son littoral (Sebli), laquelle l'a, en 1999, revendue à la commune d'Agde ; que la commune a, en 2003, revendu cette parcelle aux consorts Y... ; qu'en 2004, Mme X..., faisant valoir que la parcelle n'avait pas été affectée à l'opération d'urbanisme pour laquelle elle avait été préemptée, a assigné l'Etat, la Sebli et la commune d'Agde en rétrocession et, subsidiairement, en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir que le terrain dont elle était propriétaire a fait l'objet d'une décision de préemption en vue de la réalisation d'une opération d'urbanisme ayant pour objet de lutter contre la spéculation immobilière qui n'a jamais reçu ne serait-ce qu'un commencement d'exécution, que l'immeuble a fait l'objet, entre 1969 et 2003, de quatre mutations successives qui ont abouti à en attribuer la propriété à une personne privée, qu'à aucun moment, la rétrocession du bien préempté ne lui a été proposée et qu'elle a, en définitive, été privée de la plus-value du terrain dont la valeur a été multipliée par trente au cours de la période considérée ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne caractérisaient pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme X... au respect de ses biens, la cour d'appel, qui n'a pas exercé le contrôle de proportionnalité qui relevait de son office, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en examinant la responsabilité des personnes publiques entre les mains duquel la propriété du terrain ayant fait l'objet de la décision de préemption était successivement passée à l'aune des seules règles de droit interne, sans répondre au moyen tiré de la violation de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, exactement qu'aucune disposition du code de l'urbanisme alors applicable n'imposait au titulaire du droit de préemption et aux acquéreurs successifs de proposer la rétrocession du bien préempté à l'ancien propriétaire et souverainement qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de l'Etat, de la Sebli ou de la commune d'Agde et relevé que Mme X... avait pris l'initiative de céder son terrain, ce dont il résultait que la perte de la plus-value générée par celui-ci après l'exercice du droit de préemption ne saurait constituer une atteinte portée aux droits du propriétaire initial protégés par l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de dommages-intérêts formée par Mme X... ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE toute discussion sur le déroulement de la préemption et des cessions successives doit être examinée à l'aune des règles alors applicables à l'exercice du droit de préemption et des délais et modalités de la demande de rétrocession sur lesquelles il a été définitivement jugé en l'état de la cassation partielle ; qu'à supposer que le préjudice allégué soit caractérisé dans son principe et dans son évaluation, la demande en réparation dirigée contre l'Etat, la Sebli et/ou la commune d'Agde suppose la démonstration d'une faute en relation de causalité avec ce préjudice ; que l'article L. 212-2 du code de l'urbanisme en vigueur du 19 juillet 1991 au 14 décembre 2000 conférait un droit de préemption pouvant être exercé pendant une période de quatorze ans, au profit du titulaire désigné dans l'acte de création d'une zone d'aménagement différé ; que l'exercice de ce droit par son titulaire, en l'espèce l'Etat, ne peut constituer une faute, alors que le devenir de chaque bien préempté ne peut être prédéterminé ; que n'est pas davantage fautive la cession du bien préempté à la personne chargée de l'aménagement de zone ; que l'Etat ne peut rétrocéder un bien dont il n'a plus la propriété ; qu'aucune faute n'est caractérisée contre l'Etat ; que la Sebli, qui n'était pas tenue de donner suite à une demande de rétrocession prescrite, n'a commis aucune faute en cédant à la commune d'Agde le terrain non affecté à l'opération qui avait fondé la préemption ; que la commune d'Agde, qui n'était pas davantage tenue de donner suite à une demande de rétrocession prescrite, n'a commis aucune faute en cédant le terrain à un tiers conformément à une délibération du conseil municipal dont la régularité n'est pas critiquée ; qu'aucune disposition du code de l'urbanisme alors applicable n'imposait au titulaire du droit de préemption et aux acquéreurs successifs de proposer la rétrocession du bien préempté à l'ancien propriétaire ; qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de l'Etat, de la Sebli ou de la commune d'Agde ;
ALORS, 1°), QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir que le terrain dont elle était propriétaire a fait l'objet d'une décision de préemption en vue de la réalisation d'une opération d'urbanisme ayant pour objet de lutter contre la spéculation immobilière qui n'a jamais reçu ne serait-ce qu'un commencement d'exécution, que l'immeuble a fait l'objet, entre 1969 et 2003, de quatre mutations successives qui ont abouti à en attribuer la propriété à une personne privée, qu'à aucun moment, la rétrocession du bien préempté ne lui a été proposée et qu'elle a, en définitive, été privée de la plus-value du terrain dont la valeur a été multipliée par trente au cours de la période considérée ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne caractérisaient pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme X... au respect de ses biens, la cour d'appel, qui n'a pas exercé le contrôle de proportionnalité qui relevait de son office, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, 2°), QU'en examinant la responsabilité des personnes publiques entre les mains duquel la propriété du terrain ayant fait l'objet de la décision de préemption était successivement passée à l'aune des seules règles de droit interne, sans répondre au moyen tiré de la violation de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier Protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Violation - Défaut - Cas - Perte de la plus-value générée par le terrain préempté lorsque le propriétaire initial du terrain a pris l'initiative de le céder

URBANISME - Droit de préemption urbain - Exercice - Aliénation ou utilisation à des fins différentes - Rétrocession du bien préempté à l'ancien propriétaire - Obligation - Défaut

Justifie légalement sa décision de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par l'ancien propriétaire d'un terrain préempté la cour d'appel qui retient qu'aucune disposition du code de l'urbanisme alors applicable n'imposait au titulaire du droit de préemption et aux acquéreurs successifs de proposer la rétrocession du bien préempté et qu'aucune faute de ces propriétaires successifs n'était caractérisée et qui relève que le propriétaire initial du terrain avait pris l'initiative de le céder, ce qui rend inopérante la recherche ou la réponse à des conclusions portant sur une atteinte disproportionnée, au regard de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à son droit au respect de ses biens constituée par la perte de la plus-value générée par le terrain préempté


Références :

article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 21 mai 2015


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 06 oct. 2016, pourvoi n°15-25154, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Maunand
Avocat(s) : Me Haas, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 06/10/2016
Date de l'import : 22/07/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15-25154
Numéro NOR : JURITEXT000033208722 ?
Numéro d'affaire : 15-25154
Numéro de décision : 31601153
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2016-10-06;15.25154 ?
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