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06/10/2016 | FRANCE | N°15-21742

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2016, 15-21742


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé à compter du 13 septembre 2000 en qualité d'auteur réalisateur par la société de production audiovisuelle Pro TV, dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage successifs, afin d'assurer la réalisation de reportages diffusés dans le cadre de l'émission " 30 millions d'amis" ; que la relation contractuelle s'est poursuivie jusqu'au 30 janvier 2011, terme de son dernier contrat d'usage ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'u

ne demande de requalification des contrats en contrat à durée indétermin...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé à compter du 13 septembre 2000 en qualité d'auteur réalisateur par la société de production audiovisuelle Pro TV, dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage successifs, afin d'assurer la réalisation de reportages diffusés dans le cadre de l'émission " 30 millions d'amis" ; que la relation contractuelle s'est poursuivie jusqu'au 30 janvier 2011, terme de son dernier contrat d'usage ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée et de demandes tendant au paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la requalification de la succession de contrats à durée déterminée l'ayant lié à la société Pro TV à compter du 13 septembre 2000 en une relation de travail unique à durée indéterminée, fixer en conséquence à 930,50 € son salaire moyen, condamner la société Pro TV à lui verser des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité de requalification, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de le débouter de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail alors, selon le moyen, que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel, d'une part, que la production de l'émission hebdomadaire "Trente millions d'amis" constituait l'activité normale et permanente de la société Pro TV, d'autre part, que M. X... avait participé pendant onze ans à cette émission aux termes de 276 contrats à durée déterminée d'une durée de un à cinq jours lui confiant la réalisation de "sujets" divers diffusés au cours de l'émission ; que pour le débouter de sa demande de requalification, la cour d'appel s'est bornée à retenir que ces contrats "… concernaient tous un sujet spécifique explicitement visé de 8 minutes environ…" de sorte "… que le salarié n'était donc pas le réalisateur de la totalité de l'émission "Trente millions d'amis" mais seulement de certains reportages compris dans cette émission, dont le caractère pérenne n'est par ailleurs pas discuté (…)" ; qu'en se déterminant de la sorte la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'éléments concrets et objectifs établissant le caractère par nature temporaire des emplois relatifs à la réalisation de "sujets" constituant l'activité normale et permanente de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, a constaté que le salarié n'avait travaillé que de façon discontinue pour la société Pro TV, suivant des contrats d'une durée de un à cinq jours maximum selon les bulletins de paie produits à partir de 2008, et que ses contrats s'étaient élevés à 2 en 2000, 9 en 2001, 26 en 2002, 22 en 2003, 22 en 2004, 20 en 2005, 18 en 2006, 33 en 2007, 43 en 2008, 51 en 2009, 26 en 2010 et 4 en 2011, pour un total de 145 jours travaillés en 2008, 168 jours en 2009, 51 jours en 2010 et 4 jours en 2011, a ainsi fait ressortir que l'activité de réalisation de reportages du salarié pour la société Pro TV était d'une ampleur variable, et que des reportages n'étaient pas effectués pour chaque émission, ce dont se déduisait le caractère temporaire de l'emploi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que le rejet du premier moyen entraîne celui du cinquième moyen, qui ne tendait qu'à une cassation par voie de conséquence ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes tendant à la requalification de sa relation de travail avec la société Pro TV en contrat de travail à temps complet, fixer en conséquence son salaire moyen et les sommes lui étant dues au titre de la rupture et le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient qu'il est constant que les contrats à durée déterminée litigieux ne fixent aucune durée du travail ni a fortiori aucune répartition et qu'ils sont présumés à temps plein ; que le fait qu'il résulte des bulletins de paie et des plannings de 2010 que le salarié ne travaillait pas 151,67 heures par mois ne suffit pas à démontrer qu'il ne se tenait pas à la disposition constante de l'employeur, même s'il pouvait prévoir son emploi du temps ; que pour autant, la société Pro TV démontre par la production des "profils" du salarié sur LinkedIn et sur Viadeo que celui-ci déclare avoir réalisé des reportages et documentaires pendant toute la période contractuelle et notamment pendant la période requalifiée postérieure à janvier 2010 pour d'autres sociétés que Pro TV, notamment Séquence SDP et qu'il reconnaît lui-même dans ses conclusions qu'il a pu effectuer d'autres prestations pour d'autres employeurs ; qu'il a par ailleurs adressé un courriel le 17 août 2010 à la société Pro TV pour lui indiquer qu'il devait immatriculer sa société en fin de semaine ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié, qui réalisait régulièrement pour Pro TV quelques reportages pour l'émission "Trente millions d'amis", ne se tenait pas à la disposition constante de son employeur et que son contrat à durée indéterminée n'a pas à être requalifié à temps plein ;
Qu'en statuant ainsi sans constater que l'employeur établissait la durée exacte convenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 3171-4 et L. 8221-5 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que la requalification en contrat à durée indéterminée de partie de la relation contractuelle ne saurait à elle seule établir la volonté de l'employeur de manquer à ses obligations mentionnées à l'article L. 8221-5 du code du travail, que le salarié ne justifie pas, par les attestations qu'il produit, qu'il effectuait des heures supplémentaires hebdomadaires au-delà de celles qui lui ont été réglées et qui figurent sur ses bulletins de paie (en mars ou octobre 2010), alors qu'il ne travaillait que rarement plus de quatre jours par semaine pour Pro TV et que ses bulletins de paie mentionnent la durée du travail rémunérée, qui est de 7 heures par jour travaillé ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la preuve des heures effectivement accomplies, a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le deuxième moyen entraîne par voie de conséquence la cassation sur le quatrième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes tendant à la requalification de sa relation de travail avec la société Pro TV en contrat de travail à temps complet, fixe en conséquence son salaire moyen et les sommes lui étant dues au titre de la rupture, en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il le déboute de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 15 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Pro TV aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Hervé X... de ses demandes tendant à la requalification de la succession de contrats à durée déterminée l'ayant lié à la Société Pro TV à compter du 13 septembre 2000 en une relation de travail unique à durée indéterminée, fixé en conséquence à 930,50 € le salaire moyen de Monsieur X..., condamné la Société Pro TV à lui verser les sommes de 2 791,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 930,50 € à titre d'indemnité de requalification, 1 923 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10 000 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, débouté Monsieur X... de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... soutient en premier lieu que ses contrats à durée déterminée ne respectaient pas le formalisme légal, ne lui ayant pas été adressés préalablement à l'exécution de la prestation ; que toutefois, aux termes de l'article L. 1242-13 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche ; qu'en l'espèce, le non-respect de ce formalisme ne ressort pas de la date des contrats mais est établi pour les dix contrats à durée déterminée du 10 février 2010 au 18 mai 2010, qui n'ont été adressés pour signature à Monsieur X... que par lettre du 21 mars 2011, les suivants étant annoncés ; que le fait que le salarié ne les ait pas retournés signés à l'employeur ne change rien au non respect du délai susvisé par ce dernier ; que si aucun texte ne prévoit la requalification en contrat à durée indéterminée en cas de violation de ces dispositions, qui ne figurent pas dans la liste des renvois de l'article L. 1245-1 du Code du travail, il convient toutefois de considérer que l'envoi d'un contrat avec un an de retard, et alors que la prestation visée a pris fin, équivaut à une absence de contrat et justifie la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; que cette requalification prend effet à la date du premier contrat adressé tardivement, soit le 10 février 2010 (…)" (arrêt p.3 in fine, p.4 alinéa 1er) ;
ET AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... réclame toutefois la requalification de l'intégralité de la période contractuelle et soutient également que ses contrats à durée déterminée avaient pour objet de pourvoir durablement l'emploi de réalisateur lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il estime en effet qu'il ne pouvait être fait appel à un emploi précaire pour un poste qui relevait de l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
QUE cependant si, aux termes de l'article L. 1242-1 du Code du travail, le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un tel contrat soit conclu pour exercer des fonctions correspondant à l'activité habituelle de l'entreprise, dès lors que l'emploi lui-même correspond à l'exécution d'une tâche précise, déterminée et temporaire, dans un des cas visés par l'article L. 1242-2 du Code du travail ; que le lien entre les fonctions exercées et l'objet social ne peut donc à lui seul rendre illégitime le recours au contrat à durée déterminée ; que par application de l'article L. 1242-2-3° du Code du travail, il est possible de conclure des contrats à durée déterminée dits d'usage (CDDU) dans des secteurs d'activité, déterminés par décret ou convention, lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois ; que l'audiovisuel fait partie des secteurs d'activité visés par l'article D. 1242-1 du même code pouvant se prévaloir de ces dispositions et que l'emploi de réalisateur occupé par Monsieur X... fait partie des emplois de la catégorie B pour lesquels il peut être recouru au CDDU par application de l'article V.2.1 de la convention collective de la production audiovisuelle en vertu d'un usage de la profession ; que par application de l'article L. 1244-1 du Code du travail, la conclusion de contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié est possible dans le cadre des CDDU ; que le recours au CDDU pour l'emploi de réalisateurs est donc parfaitement licite ;
QUE toutefois il appartient à la cour de contrôler s'il n'a pas été fait un usage abusif du recours au CDDU en recherchant s'il est justifié par des raisons objectives, qui s'entendent de l'existence d'éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
QU'en l'espèce, le nombre de contrats et la durée de la relation entre les parties ne permettent pas davantage de conclure que l'emploi de Monsieur X... correspondait à un besoin permanent de l'entreprise dès l'origine, dès lors que l'intéressé n'a travaillé que de façon discontinue pour la Société Pro TV, suivant des contrats qui concernaient tous un sujet spécifique explicitement visé de 8 minutes environ, contrats d'une durée de un à cinq jours maximum selon les bulletins de paie produits à partir de 2008 ; que le salarié n'était donc pas le réalisateur de la totalité de l'émission "trente millions d'amis" mais seulement de certains reportages compris dans cette émission, dont le caractère pérenne n'est par ailleurs pas discuté ; que ses contrats ne se sont élevés qu'à 2 en 2000, 9 en 2001, 26 en 2002, 22 en 2003, 22 en 2004, 20 en 2005, 18 en 2006, 33 en 2007, 43 en 2008, 51 en 2009, 26 en 2010 et 4 en 2011, pour un total de 145 jours travaillés en 2008, 168 jours en 2009, 51 jours en 2010 et 4 jours en 2011, sachant que le nombre moyen de jours travaillés pour un contrat à durée indéterminée est en moyenne de 226 ; qu'il peut être relevé à titre d'information que la durée cumulée en jours de cette collaboration de 2008 à 2010 est inférieure aux 70 % des trois années prévus par l'article V.2.4 de la convention collective nationale de la production audiovisuelle comme condition permettant au collaborateur de longue date de demander le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ; que la répétition des contrats à durée déterminée ne suffit donc pas en l'espèce à caractériser la nature permanente de l'emploi occupé ni le caractère abusif du recours au contrat à durée déterminée d'usage, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande de requalification de ce chef au-delà de ce qui a été retenu ; que le jugement sera confirmé sur ce point (…)" (arrêt p.4) ;
ALORS QUE s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D.1242-1 du Code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel, d'une part, que la production de l'émission hebdomadaire "Trente millions d'amis" constituait l'activité normale et permanente de la Société Pro TV, d'autre part, que Monsieur X... avait participé pendant onze ans à cette émission aux termes de 276 contrats à durée déterminée d'une durée de un à cinq jours lui confiant la réalisation de "sujets" divers diffusés au cours de l'émission ; que pour le débouter de sa demande de requalification, la Cour d'appel s'est bornée à retenir que ces contrats "… concernaient tous un sujet spécifique explicitement visé de 8 minutes environ…" de sorte "… que le salarié n'était donc pas le réalisateur de la totalité de l'émission "Trente millions d'amis" mais seulement de certains reportages compris dans cette émission, dont le caractère pérenne n'est par ailleurs pas discuté (…)" ; qu'en se déterminant de la sorte la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'éléments concrets et objectifs établissant le caractère par nature temporaire des emplois relatifs à la réalisation de "sujets" constituant l'activité normale et permanente de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Hervé X... de ses demandes tendant à la requalification de sa relation de travail avec la Société Pro TV en contrat de travail à temps complet, fixé en conséquence à 930,50 € le salaire moyen de Monsieur X..., condamné la Société Pro TV à verser à Monsieur X... les sommes de 2 791,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 930,50 € à titre d'indemnité de requalification, 1 923 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10 000 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, débouté Monsieur X... de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE " Monsieur X... soutient par ailleurs qu'aucun contrat de travail ne prévoyant ses jours et semaines de travail, son emploi est présumé avoir été conclu à temps complet ;
QUE l'absence de mention dans le contrat de travail à temps partiel de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, exigée par l'article L. 3123-14 du Code du travail, fait présumer que l'emploi est à temps complet et que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas besoin de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
QU'en l'espèce, il est constant que les contrats à durée déterminée litigieux ne fixent aucune durée du travail ni a fortiori aucune répartition et qu'ils sont présumés à temps plein ; que le fait qu'il résulte des bulletins de paie et des plannings de 2010 que Monsieur X... ne travaillait pas 151,67 heures par mois ne suffit pas à démontrer qu'il ne se tenait pas à la disposition constante de l'employeur, même s'il pouvait prévoir son emploi du temps ; que pour autant, la Société Pro TV démontre par la production des "profils" de Monsieur X... sur LinkedIn et sur Viadeo que celui-ci déclare avoir réalisé des reportages et documentaires pendant toute la période contractuelle et notamment pendant la période requalifiée postérieure à janvier 2010 pour d'autres sociétés que Pro TV, notamment Séquence SDP et qu'il reconnaît lui-même dans ses conclusions qu'il a pu effectuer d'autres prestations pour d'autres employeurs ; qu'il a par ailleurs adressé un courriel le 17 août 2010 à la Société Pro TV pour lui indiquer qu'il devait immatriculer sa société en fin de semaine ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X..., qui réalisait régulièrement pour Pro TV quelques reportages pour l'émission "Trente millions d'amis", ne se tenait pas à la disposition constante de son employeur et que son contrat à durée indéterminée n'a pas à être requalifié à temps plein ; que le jugement sera confirmé sur ce point" (arrêt p.5-2°) ;
ALORS QUE le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "les contrats à durée déterminée [requalifiés] ne fixent aucune durée du travail ni a fortiori aucune répartition et qu'ils sont présumés à temps plein" ; qu'en déboutant cependant Monsieur X... de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps complet aux termes de motifs inopérants pris, d'une part, de ce qu'il avait travaillé "moins de 151,67 heures par mois", d'autre part de ce qu'il avait pu exercer d'autres activités, sans constater que la Société Pro TV démontrait la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue, la Cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de la Société Pro TV au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE "… la requalification en contrat à durée indéterminée de partie de la relation contractuelle ne saurait à elle seule établir la volonté de l'employeur de manquer à ses obligations mentionnées à l'article L. 8221-5 du Code du travail ; que Monsieur X... ne justifie pas, par les attestations qu'il produit, qu'il effectuait des heures supplémentaires hebdomadaires au-delà de celles qui lui ont été réglées et qui figurent sur ses bulletins de paie (en mars ou octobre 2010), alors qu'il ne travaillait que rarement plus de quatre jours par semaine pour Pro TV et que ses bulletins de paie mentionnent la durée du travail rémunérée, qui est de 7 heures par jour travaillé ; que la demande au titre d'un travail dissimulé n'est donc pas fondée (…)" (arrêt 4° p.5 in fine, p.6) ;
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de Monsieur X... tendant à voir juger que son employeur avait intentionnellement mentionné sur ses bulletins de salaire un nombre d'heures de travail, forfaitairement évalué à sept heures par journée travaillée, inférieur à l'horaire de travail réellement effectué, la Cour d'appel a retenu qu'il "… ne justifie pas, par les attestations qu'il produit, qu'il effectuait des heures supplémentaires hebdomadaires au-delà de celles qui lui ont été réglées et qui figurent sur ses bulletins de paie (en mars ou octobre 2010), alors qu'il ne travaillait que rarement plus de quatre jours par semaine pour Pro TV" ; qu'en se déterminant de la sorte la Cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la preuve des heures effectivement accomplies, a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à 930,50 € le salaire moyen de Monsieur X..., condamné la Société Pro TV à verser à Monsieur X... les sommes de 2 791,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 930,50 € à titre d'indemnité de requalification, 1 923 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10 000 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE "… les parties s'opposent sur le montant de la rémunération devant servir de base au calcul des différentes indemnités dues au salarié au titre de la requalification et de la rupture de son contrat de travail ; que Monsieur X... soutient que cette rémunération devrait être calculée sur la base d'un temps plein en tenant compte de la totalité de ses revenus ; que toutefois la cour n'a pas fait droit à sa demande de requalification de son contrat de travail à temps plein et que ne peuvent être retenus comme salaire de référence des revenus qui n'ont pas cette nature comme les droits d'auteur ou les allocations de chômage ; que les textes ne faisant aucune distinction sur le mode de calcul des indemnités dans le cadre d'une requalification de C.D.D en C.D.I, il convient de calculer les indemnités sur la base des salaires effectivement perçus et que la moyenne de salaires sur les douze derniers mois étant plus favorable au salarié, il convient de calculer le montant de indemnités dues sur une rémunération de 930,50 €" (arrêt p.6-5°) ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen du pourvoi relatif à la requalification du contrat en contrat de travail à temps complet emportera par voie de conséquence celle des dispositions concernant le calcul des indemnités et dommages et intérêts dus au salarié, qui leur sont unies par un lien de dépendance nécessaire.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE "La demande de dommages et intérêts est fondée sur l'exécution déloyale des relations de travail, due d'abord au recours abusif et irrégulier aux contrats à durée déterminée ; que toutefois, ainsi qu'il vient d'être vu, ce recours, certes irrégulier en la forme, mais pas abusif, a déjà été réparé par l'indemnité de requalification allouée (…)" (arrêt p.6-6°) ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi relatif à la requalification de la relation de travail, à compter du 13 septembre 2000, en contrat de travail à temps complet emportera par voie de conséquence celle des dispositions concernant le rejet de la demande de dommages et intérêts du salarié pour exécution déloyale de son contrat de travail, qui leur sont unies par un lien de dépendance nécessaire.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21742
Date de la décision : 06/10/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2016, pourvoi n°15-21742


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.21742
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