LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 mars 2015), que, par acte du 15 octobre 2000, M. X... a donné à bail à M. Y... des parcelles agricoles ; que, le 31 octobre 2009, le bail a été renouvelé ; que, par acte du 29 août 2013, M. X... a délivré à M. Y... un congé pour exercice du droit de reprise sexennale au profit de sa fille ; que M. Y... a saisi le tribunal paritaire en annulation du congé ; que M. X... a, en appel, demandé la résiliation du bail ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du congé ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'introduction d'une clause expresse de reprise sexennale constituait un préalable nécessaire à la délivrance d'un congé sur le fondement de l'article L. 411-6 du code rural et de la pêche maritime et constaté que le bail d'origine ne contenait pas une telle stipulation, dont l'insertion n'avait pas été demandée à l'occasion de son renouvellement, ni ultérieurement, la cour d'appel a pu en déduire que le congé était nul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 567 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande en résiliation du bail formée en appel par M. X..., l'arrêt retient qu'elle est nouvelle ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la demande de M. X..., défendeur en première instance, ne se rattachait pas par un lien suffisant aux prétentions originaires de M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en résiliation du bail, l'arrêt rendu le 30 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré monsieur Y... recevable et bien fondé en son action, prononcé la nullité du congé pour exercice du droit de reprise sexennale à fin d'exploitation agricole délivré le 29 août 2013 et débouté monsieur X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, vu l'article L. 411-6 du code rural et de la pêche maritime ; l'article 3 du bail conclu le 15 octobre 2000 entre les parties est ainsi rédigé : « Le bailleur peut, à l'expiration du bail de 9 ans, reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit d'un descendant majeur ou mineur émancipé dans les conditions prévues à l'article L411-58 du code rural. / En application de l'article L 411-6, le preneur ne peut au moment du renouvellement du bail, refuser l'introduction d'une clause de reprise à la fin de la sixième année suivant ce renouvellement au profit d'un ou plusieurs descendants majeurs ou mineurs émancipés du bailleur. / En cas de mutation de fonds au profit d'un ou plusieurs descendants du bailleur, ceux-ci peuvent, conformément à l'article L. 411-7 du code rural, exercer la reprise en cours de bail à leur profit dans les conditions prévues à l'article L 411-6 du cr. / Le congé doit être donné par le bailleur 18 mois avant l'expiration du bail par acte extra judiciaire. En cas de reprise en cours de bail, il doit être notifié deux ans à l'avance. Dans tous les cas, le congé devra mentionner les motifs allégués par le bailleur » ; que c'est à tort que l'appelant soutient que cet article contient une clause de reprise sexennale alors qu'il ne fait que reproduire les dispositions de l'article L. 411-6 du code rural alinéa 1 édictant l'impossibilité pour le preneur au moment du renouvellement du bail de refuser l'introduction d'une clause de reprise sexennale ; que faute d'avoir expressément manifesté dans le bail initial sa volonté de bénéficier de la faculté de reprise sexennale édictée par l'article L. 411-6 du code rural, monsieur X... devait, préalablement à l'exercice de cette reprise en faisant délivrer le congé litigieux, demander l'introduction de la clause de reprise sexennale dans le bail ; que la cour d'appel ne peut donc que confirmer le jugement qui a prononcé la nullité du congé en application d'une clause de reprise sexennale inexistante dans le bail ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE, conformément aux dispositions de l'article L. 411-6 du code rural : « Par dérogation à l'article précédent, au moment du renouvellement du bail, le preneur ne peut refuser l'introduction d'une clause de reprise à la fin de la sixième année suivant ce renouvellement au profit du conjoint, du partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'un ou de plusieurs descendants majeurs ou mineurs émancipés, qui devront exploiter personnellement dans les conditions fixées à l'article L. 411-59. Lorsqu'une clause de reprise en cours de bail figure dans le bail initial ou le bail renouvelé, elle ne peut s'exercer que dans les conditions prévues à l'alinéa qui précède, sauf s'il s'agit d'un bail conclu ou renouvelé au nom du propriétaire ou d'un copropriétaire mineur, qui peut, à compter de sa majorité ou de son émancipation, exciper à son profit de la clause inscrite dans le bail à l'expiration de chaque période triennale en vue d'exploiter personnellement dans les conditions susmentionnées. / Le propriétaire qui entend exercer la reprise en cours de bail doit notifier congé au preneur deux ans au moins à l'avance dans les formes prescrites à l'article L. 411-47 » ; qu'en l'espèce, force est de constater que le bail tel que rédigé reprenait simplement les dispositions légales indiquant que le preneur ne pourrait s'opposer, lors du renouvellement, à l'introduction d'une telle clause, sans que ladite clause soit prévue et rédigée dans l'acte du 15 octobre 2000 qui ne l'envisageait expressément qu'en cas de mutation du fonds au profit d'un ou plusieurs descendants du bailleur ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque Jean-Paul X... demeure propriétaire des parcelles objet du litige ; que s'il est constant qu'aucun délai n'est prévu par la loi pour former la demande d'insertion de la clause qui peut être faite à tout moment et pas seulement lors du renouvellement du bail ,on ne saurait, sans porter atteinte au caractère conventionnel prévu par le texte ci-dessus visé relativement à la reprise sexennale, admettre qu'un congé puisse être donné sur le fondement de ce texte sans qu'il vise expressément une clause préalablement insérée soit dans le bail initial soit dans le bail renouvelé soit même ultérieurement, la seule condition étant qu'elle ait été rédigée et acceptée par les parties (alors même que le preneur ne peut s'y opposer) ; qu'or, en l'espèce, le congé délivré à Ludovic Y... vise une clause de reprise sexennale qui aurait été introduite « aux termes des dispositions de l'article 3 du bail », dispositions qui, comme il a été ci-dessus mentionné, ne comportent pas une telle clause mais envisagent seulement la possibilité d'en insérer une en application de l'article L. 411-6 du code rural dont il reprend les termes ; comme on ne peut davantage, comme semble le soutenir le défendeur considérer que c'est le congé lui-même qui vaudrait insertion de la clause alors qu'au contraire, il fait seulement référence à une clause qui aurait été prévue dans le bail initial, le tribunal ne peut que retenir que ledit congé pour exercice du droit de reprise sexennale à fin d'exploitation agricole n'était pas valablement fondé sur une clause de reprise sexennale préalablement insérée dans le bail et il convient en conséquences d'en prononcer la nullité ;
ALORS QU'au moment du renouvellement du bail, le preneur ne peut refuser l'introduction d'une clause de reprise à la fin de la sixième année suivant ce renouvellement au profit d'un ou de plusieurs descendants majeurs ou mineurs émancipés, qui devront exploiter personnellement dans les conditions fixées à l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ; que le congé par lequel le bailleur entend exercer la reprise sexennale manifeste sans ambigüité la volonté de celui-ci d'insérer une telle clause, insertion à laquelle le preneur ne peut s'opposer ; que, dès lors, en jugeant que monsieur X... devait, préalablement à l'émission d'un congé en vue de la reprise sexennale des terres, demander l'introduction de la clause de reprise dans le contrat de bail, la cour d'appel a violé l'article L. 411-6 du code rural et de la pêche maritime.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté comme irrecevable la demande en résiliation du bail et débouté monsieur X... des prétentions accessoires à cette demande ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la demande de résiliation du bail en raison du comportement fautif du preneur constitue une demande nouvelle en cause d'appel qui en application de l'article 564 du code de procédure civile doit être déclarée irrecevable ;
ALORS QUE les demandes reconventionnelles sont recevables en appel ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en appel la demande de résiliation du bail formée par monsieur X..., cependant que cette demande était reconventionnelle comme émanant du défendeur en première instance, la cour d'appel a violé l'article 567 du code de procédure civile.