LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2015), que Mme X..., engagée le 4 septembre 1995 par la société Cabinet Michel Y... a été licenciée pour faute grave le 18 novembre 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre des heures supplémentaires alors, selon le moyen :
1°/ que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt pour le mois de novembre 2010, la salariée ne produisait ni décompte, ni agenda professionnel ; que la cour d'appel, qui s'est abstenue de préciser en quoi la demande de la salariée était néanmoins étayée pour le mois de novembre 2010, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ qu'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou rendues nécessaires par les tâches à accomplir ; que la cour d'appel, qui a constaté que des salariés attestaient que Mme X... se consacrait au bureau à des préoccupations extérieures à son travail et à la gestion de ses affaires personnelles (copropriété, dépenses personnelles) et qu'elle avait eu un agenda totalement vierge au mois d'août ; qu'en faisant partiellement droit à la demande de la salariée, sans caractériser, en l'état d'une contestation expresse élevée sur ce point par l'employeur, en quoi les heures supplémentaires retenues auraient été effectuées avec l'accord implicite de l'employeur ou rendues nécessaires par les tâches à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement relevé que la salariée étayait sa demande et fait ressortir que les heures supplémentaires étaient accomplies avec l'accord de l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme X... diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur soulignait, preuves à l'appui, que la formation du 21 septembre 2010 « gestion de la dette : jusqu'où et comment une collectivité peut-elle encore s'endetter ? » avait été confiée à Mme X... dès le mois d'août 2010, invoquant à cet égard, d'une part, une attestation de Mme Z..., indiquant que lorsqu'elle était rentrée de congés le 9 août 2010, M. Y... lui avait laissé un récapitulatif des missions affectées aux consultants et notamment celles affectées à Mme X... pour sa reprise, incluant notamment deux formations de dette à faire à partir de septembre, et d'autre part, le relevé de diligences établi en août par Mme X... et mentionnant quatorze journées de préparation sur le sujet de « la gestion de la dette » ; que la société ajoutait que Mme X... avait les compétences lui permettant de faire cette intervention, étant spécialisée en matière de dette des collectivités locales, et qu'elle avait fourni à la salariée un document Powerpoint utilisé plusieurs fois pour la même formation que celle qu'elle devait assurer le 21 septembre 2010, comportant l'intégralité du programme ; qu'en retenant, pour en déduire que l'imputabilité à la seule salariée chargée de la formation de l'inadéquation entre les attentes des participants et le contenu enseigné n'apparaissait pas fondée, qu'à l'origine, la formation devait être assurée par M. Joël A... et que l'emploi du temps de Mme X... était difficilement compatible avec la durée nécessaire pour préparer une intervention d'un haut niveau technique, sans rechercher à quelle date la formation avait été confiée à Mme X... et quel temps elle y avait consacré, ni prendre en compte le support fourni par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que le juge doit examiner l'intégralité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, s'agissant de la formation du 21 septembre 2010, la lettre faisait grief à la salariée d'avoir modifié le programme prévu de la formation malgré la remise des documents nécessaires à sa préparation, et ce sans en informer l'employeur ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'absence d'information préalable de l'employeur sur la réduction drastique du programme de la formation à laquelle la salariée avait cru devoir procéder, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur, pour établir la dissimulation des évaluations par Mme X..., invoquait et produisait notamment une attestation de Mme Z..., qui relatait qu'elle avait demandé le 22 septembre 2010 les évaluations de la formation du 21 septembre à Mme X... qui lui avait répondu les avoir transmises directement au client, que le client avait, par courriel du 8 octobre 2010 également produit, indiqué ne pas les avoir, et que ce n'était qu'après nouvelle interrogation que Mme X... avait fini par remettre les évaluations le 15 octobre 2010 ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était justifié d'une dissimulation par la salariée à son employeur des évaluations données par les participants à cette formation, les évaluations ayant en tout état de cause été données le 15 octobre, sans viser ni examiner les pièces précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur indiquait « s'agissant du contrôle sur pièces du délégataire dans le dossier « Manche Numérique » pour lequel nous vous avions laissé deux mois jusqu'à fin septembre pour le préparer, nous n'avons pu que constater que votre travail n'était pas achevé le lundi 4 octobre et nous avons dû nous-même effectuer huit heures de travail dans la journée du mardi 5 octobre pour finaliser ce dossier » ; qu'en affirmant que M. Y... mentionnait dans les présents débats avoir dû beaucoup retravailler le rapport transmis par Mme X... mais la lettre de licenciement ne fait ici état que du retard de celle-ci dans la transmission de ce rapport, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail et du principe susvisé ;
5°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, le courriel de M. Y... du 5 octobre 2010 transférant le rapport « Manche Numérique » retravaillé par ses soins avait été adressé à 14 heures 30 ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que M. Y... avait adressé un document au client le 5 octobre 2010 à 12 heures 23, la cour d'appel a dénaturé ce courriel, en méconnaissance du principe susvisé ;
6°/ que dans sa lettre du 8 octobre 2010, Mme X... ne se contentait pas de revendiquer des droits mais évoquait la perspective de sanctions civiles et pénales au titre du travail dissimulé, ce qui impliquait l'imputation à l'employeur d'une intention de dissimuler, écartée par la cour d'appel ; qu'en affirmant cependant que ce courrier ne comprenait pas de propos excessifs, diffamatoires ou injurieux portant atteinte à la bonne foi et l'honneur de la société Cabinet Michel Y..., la salariée se contentant de revendiquer des droits, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
7°/ que le salarié abuse de sa liberté d'expression lorsqu'il use de termes diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que dans sa lettre datée du 3 novembre 2010, envoyée le 5, la salariée écrivait notamment à l'employeur : « votre comportement lors de notre entrevue du jeudi 28 octobre au cours de laquelle vous avez semble-t-il perdu toute maîtrise et m'avez littéralement menacé en expliquant notamment que si la situation actuelle ne me convenait pas et que je m'entêtais à demander le règlement de mes heures supplémentaires, je n'avais qu'à démissionner, n'est pas tolérable ni dans une entreprise ni ailleurs du reste. J'essaie de rester digne mais je trouve ce procédé scandaleux » ; que l'employeur contestait qu'un tel entretien ait eu lieu ; qu'en retenant que les termes utilisés par la salariée ne pouvaient être qualifiés d'injurieux ou de diffamatoires à l'égard de l'employeur, sans se prononcer sur la réalité de la perte de maîtrise et des menaces imputées par la salariée à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
8°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir que la salariée avait donné une publicité dans l'entreprise à son courrier mensonger daté du 3 novembre 2010, envoyé le 5 novembre, l'employeur invoquait et produisait, outre la note du 20 décembre 2011 par laquelle douze salariés attestaient que Mme X... avait diffusé l'information relative à ses différends avec la société Cabinet Michel Y... en envoyant sur la boîte mail professionnelle commune du cabinet la copie de ses courriers à la direction, une copie du scan de la lettre précitée de Mme X..., réalisé par la salariée le 4 novembre 2010 à 13 heures 22 et envoyée sur sa boîte électronique professionnelle, ainsi qu'une attestation de l'informaticien expliquant que chaque boîte électronique personnalisée du cabinet (à l'exception de trois dont ne faisait pas partie Mme X...) était visible en envoi et en réception par l'ensemble des collaborateurs du cabinet ; qu'en affirmant que la preuve n'était pas rapportée par l'employeur de la diffusion des courriers de la salarié sur un support électronique, sans examiner ces deux pièces, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ qu'en toute hypothèse, la preuve est libre en matière prud'homale ; que la cour d'appel a constaté que par note du 20 décembre 2011, douze salariés attestaient que Mme X... avait diffusé l'information relative à ses différends avec la société Cabinet Michel Y... en envoyant sur la boîte mail professionnelle commune du cabinet la copie de ses courriers à la direction ; qu'en affirmant cependant que la preuve n'était pas rapportée par l'employeur de la diffusion des courriers de la salarié sur un support électronique, sans expliquer en quoi la note susvisée était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de dénaturation, de défaut de motivation, de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation des éléments de fait par laquelle la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties ni à s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a retenu que ces éléments ne permettaient pas de retenir l'existence de violations, par la salariée, de ses obligations professionnelles susceptibles de fonder un licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cabinet Michel Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cabinet Michel Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Michel Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Cabinet Michel Y... à payer à Mme X... les sommes de 3 980 € au titre des heures supplémentaires et 398 € au titre des congés payés afférents,
AUX MOTIFS QUE Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; Mme X... sollicite en l'espèce le paiement d'heures supplémentaires pour la période du 2 août au 19 novembre 2010 ; La société Cabinet Michel Y... lui oppose sa carence à fournir des éléments de nature à étayer sa demande, l'inopposabilité à la salariée d'une convention de forfait n'étant plus discutée dans le cas d'espèce ; Mme X... verse aux débats des décomptes d'heures de travail tirés jour après jour de son agenda professionnel pour les mois d'août à octobre 2010 ainsi que les courriers adressés à son employeur sur leur base le 8 septembre, 8 octobre et 3 novembre 2010 ; Elle produit des courriels échangés avec son entreprise et des clients avant 9 heures du matin ou après 18 heures le soir, des billets de train relativement à des déplacements en province dont notamment un déplacement de Paris à Epinal effectué à compter de 7h12 au matin le 16 septembre et de Nancy à Paris à compter de 18 h le 17 septembre et un autre de Paris à Lyon le 21 septembre à compter de 6h54 le matin ; Elle communique également une attestation de Mme C..., employée par la société Cabinet Michel Y... du 27 septembre 1999 au 6 août 2007, visant le dépassement d'usage dans le cabinet du temps de travail légal par les consultants ainsi qu'un courriel de Mme D... (pièce 93) ancienne salariée visant son état de surmenage au travail avant sa démission ; ces pièces produites par l'appelante, justifiant d'un emploi du temps chargé et d'horaires usuels dépassant les 35 heures, nécessitent de la part de l'employeur la production de justificatifs concernant les heures réellement effectuées par la salariée ; La société Cabinet Michel Y... mentionne ici que Mme X... n'a effectué que trois jours de déplacement sur 71 travaillés, qu'elle a pris 7 jours de congés, que sur ses 62 jours au bureau, elle a uniquement assumé la préparation de sessions de formation, un travail de suivi et de contrôle sur pièces de délégation, la réalisation d'une analyse financière, d'une note de conjoncture, le suivi d'un dossier d'assistance financière ; l'employeur produit également des attestations de salariés visant les préoccupations extérieures à son travail de Mme X..., sa gestion de ses affaires personnelles (copropriété, dépenses personnelles) au bureau ; la cour dispose également de la part de la société Cabinet Michel Y... d'un relevé relatif au mois de septembre 2010 visant les missions professionnelles de Mme X... vis-à-vis de clients (Vosges, Manche numérique, Cour des Comptes, expert territorial, commune Leforest) sans cependant d'énoncé précis des heures effectuées ; Etant ici observé que l'agenda professionnel de la salariée ne comprend cependant qu'un nombre limité de déplacements, que les éléments susvisés justifient d'un agenda allégé au mois d'août, qu'il n'est pas communiqué l'agenda du mois de novembre 2010, les pièces communiquées dont dispose la cour conduiront à faire droit à la demande de la salariée à hauteur de 3980 euros outre 398 euros à titre de congés payés afférents ;
1. ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt pour le mois de novembre 2010, la salariée ne produisait ni décompte, ni agenda professionnel ; que la cour d'appel, qui s'est abstenue de préciser en quoi la demande de la salariée était néanmoins étayée pour le mois de novembre 2010, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
2. ALORS QU'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ou rendues nécessaires par les tâches à accomplir ; que la cour d'appel, qui a constaté que des salariés attestaient que Mme X... se consacrait au bureau à des préoccupations extérieures à son travail et à la gestion de ses affaires personnelles (copropriété, dépenses personnelles) et qu'elle avait eu un agenda totalement vierge au mois d'août ; qu'en faisant partiellement droit à la demande de la salariée, sans caractériser, en l'état d'une contestation expresse élevée sur ce point par l'employeur, (conclusions d'appel de l'exposante, p. 33-36), en quoi les heures supplémentaires retenues auraient été effectuées avec l'accord implicite de l'employeur ou rendues nécessaires par les tâches à accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Cabinet Michel Y... à payer à Mme X... les sommes de 16 800 € au titre de l'indemnité de préavis et 1 680 € au titre des congés payés afférents, 28 000 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 38 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE Sur la rupture du contrat de travail : La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement en date du 18 novembre 2010, qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à Mme X... une mauvaise exécution de ses obligations professionnelles, l'instauration d'un climat polémique et la tenue de propos excessifs, injurieux, diffamants et mensongers à l'encontre de son employeur ; - sur l'exécution des obligations professionnelles : L'employeur fait état de ce que la formation dispensée par Mme X... le 21 septembre 2010 à Lyon dont le thème était "jusqu'où et comment une collectivité pourra t-elle encore s'endetter'' s'est très mal déroulée en raison de la négligence de la salariée laquelle n'a pas respecté le programme prévu et a amputé celui-ci de plus d'un tiers sans l'en avertir et en le lui dissimulant ; Mme X... fait valoir que ce travail lui a été confié tardivement le 10 septembre, que son employeur ne pouvait ignorer qu'elle avait adressé à l'organisme de formation un support modifié alors que les boîtes mails des consultants sont accessibles à tous, que néanmoins elle s'est comportée en professionnelle rigoureuse lors de cette journée et a, en tout état de cause, remis les fiches d'évaluation à son employeur ; les évaluations relatives à la formation dispensée, produites aux débats, justifient d'un degré de satisfaction "bon ou moyen" des participants relativement aux qualités du formateur mais d'un contenu décevant en inadéquation avec la prestation attendue ce que regrette également la ville de Saint-Étienne dans un courrier du 22 septembre 2010 ; L'imputabilité à la seule salariée chargée de la formation de l'inadéquation entre les attentes des participants et le contenu enseigné n'apparaît cependant pas fondée étant observé qu'à l'origine, la formation devait être assurée par M. Joël A..., salarié du cabinet, ainsi qu'en atteste la fiche d'information diffusée par Territorial Groupe (pièce 57), que pour sa part, Mme X... avait déjà en charge une formation à la Cour des Comptes relative à "la dette structurée des collectivités locales" les 14 et 15 septembre pour laquelle elle n'a fait l'objet d'aucune critique, qu'elle a fait un déplacement professionnel à Epinal les 16 et 17 septembre, qu'elle était, dans le même temps en charge de questions par le syndicat mixte Manche Numérique (pièces 21), que cet emploi du temps était difficilement compatible avec la durée nécessaire pour préparer une intervention d'un haut niveau technique, qu'elle a néanmoins adressé le support de formation qu'elle allait développer à Lyon le 13 septembre à Mme F... de la société Territorial Group sans observations de la part de celle-ci sur son insuffisance manifeste avec l'enseignement demandé ; Il n'est pas non plus justifié d'une dissimulation par la salariée à son employeur des évaluations données par les participants à cette formation, les évaluations ayant en tout état de cause été données le 15 octobre ; La société Cabinet Michel Y... reproche également à Mme X... de ne pas avoir achevé son travail sur le dossier Manche numérique concernant la rédaction d'un rapport prévu initialement pour la mi-septembre et devant être finalement remis le 4 octobre alors qu'il lui avait été confié dès le 2 août et qu'elle travaillait, en collaboration avec Michel Y..., sur la base d'un précédent rapport établi en 2009 par le cabinet ; Mme X... fait valoir ici qu'elle a transmis le rapport à son employeur le 5 octobre au matin lequel a été retransmis au client par M. Y... quelques heures plus tard, que le courriel que lui a adressé le 6 octobre 2010 son employeur relativement à ce dossier ne comporte aucun grief quant à un retard ; Mme X... établit en effet avoir transmis un rapport le 5 octobre 2010 à 9h37 à M. Y... lequel a adressé pour sa part un document au client le même jour à 12h23 sur lequel il mentionne dans les présents débats avoir du beaucoup retravailler ; La lettre de licenciement qui circonscrit le litige ne fait cependant ici état que du retard de Mme X... dans la transmission de ce rapport ; Or, les pièces susvisées sont insuffisantes pour justifier de celui-ci à la date du 5 octobre, aucun reproche du client adressé à l'employeur n'étant non plus justifié de ce chef ; Les éléments susvisés ne permettent donc pas de retenir une violation par la salariée de ses obligations professionnelles susceptible de fonder un licenciement ; - Sur l'instauration d'un climat polémique et la tenue de propos excessifs, injurieux, diffamants et mensongers : Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur reproche à Mme X... les termes litigieux de son courrier du 8 octobre 2010 sollicitant le paiement d'heures supplémentaires et relève à cet égard que la salariée a porté atteinte à la bonne foi et à l'honneur de sa hiérarchie ; Il convient cependant d'observer que la cour a fait droit partiellement à la demande en paiement au titre des heures supplémentaires ; Le courrier du 8 octobre 2010 aux termes duquel la salariée "fait suite au courrier du 21 septembre dernier qui (l')a profondément choquée".... "rappelle à son employeur les termes exacts de la convention collective"... fait état de ses droits et des textes légaux, indique à son employeur qu'il ne peut "en aucun cas continué d'ignorer l'accomplissement de ses heures supplémentaires" rompt manifestement avec les termes jusqu'ici utilisés par la salariée lorsqu'elle s'adressait à son employeur et associé mais ne comprend pas cependant de propos excessifs, diffamatoires ou injurieux portant atteinte à la bonne foi et l'honneur de la société Cabinet Michel Y..., Mme X... se contentant de revendiquer des droits ; La société Cabinet Michel Y... reproche également à Mme X... d'avoir ostensiblement précisé par écrit qu'il était passible de poursuites pénales, d'avoir utilisé un ton irrévérencieux et très péjoratif à l'encontre du pouvoir de direction, que dans un courrier adressé le "5" novembre 2010 reçu le 8 novembre, la salariée a tenu des propos totalement intolérables et mensongers avec la circonstance aggravante d'avoir scanné sa lettre sur le réseau informatique de la société la faisant, de ce fait, arriver sur les boîtes mails de tous les collaborateurs alors que Mme X... avait déjà été alertée par l'envoi de deux avertissements les 7 avril 2010 et 27 juillet 2010 sur la nécessité de contenir ses propos ; Les faits reprochés à la salariée sont postérieurs à ceux visés dans les avertissements ; Le courrier incriminé par l'employeur daté du 3 novembre est ainsi rédigé par Mme X... : "je constate pour la troisième fois que vous refusez de me régler mes heures supplémentaires. Vous trouverez ci-joint mon décompte d'heures pour octobre 2010 qui laisse apparaître 174 heures. Cette situation anormale me contraint à saisir l'inspection du travail. Par ailleurs, votre comportement lors de notre entrevue du jeudi 28 octobre au cours de laquelle vous avez semble-t-il perdu toute maîtrise et m'avez littéralement menacé en expliquant notamment que si la situation actuelle ne me convenait pas et que je m'entêtais à demander le règlement de mes heures supplémentaires, je n'avais qu'à démissionner, n'est pas tolérable ni dans une entreprise ni ailleurs du reste. J'essaie de rester digne mais je trouve ce procédé scandaleux" ; Si les termes utilisés par la salariée justifient de revendications et d'une ferme opposition au décompte fait par la société Cabinet Michel Y... de ses heures de travail , ils ne peuvent cependant être qualifiés d'injurieux ou de diffamatoires à l'égard de l'employeur ; S'il ressort par ailleurs d'une note du 20 décembre 2011 signée par 12 salariés de la société que Mme X... aurait diffusé l'information relative à ses différends avec la société Cabinet Michel Y... en envoyant sur la boîte mail professionnelle commune du cabinet la copie de ses courriers à la direction, il convient d'observer que les courriers du 8 octobre et du 3 novembre ne sont pas rédigés sur support électronique et que la preuve n'est pas rapportée par l'employeur de leur diffusion sur un tel support ; Etant par ailleurs observé que dans un courriel du 22 septembre 2010 et malgré les différends l'opposant à la société Cabinet Michel Y..., Mme X... fait état à M. G..., de la Cour des Comptes, de "l'excellent ouvrage" de Michel Y... et le lui conseille chaleureusement, sa déloyauté à l'égard de son employeur ne peut être retenue ; Les éléments susvisés ne permettent donc pas de retenir à l'encontre de la salariée les griefs énoncés par l'employeur ; Ils conduiront à infirmer le jugement du conseil de prud'hommes et à retenir que le licenciement de Mme X... est intervenu sans cause réelle et sérieuse ; - sur les demandes en paiement : Sur la base des dispositions de la convention collective SYNTEC, il est du à Mme X... une somme de 16 800 euro au titre de l'indemnité de préavis outre 1680 euro au titre des congés payés y afférents ainsi qu'une somme de 28 000 euro au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; Eu égard à l'ancienneté de Mme X... dans la société, de son salaire brut moyen d'un montant de 5600 euros par mois, mais sachant que la salariée ne justifie pas précisément aux débats de sa situation depuis 2010, il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts à raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 38 000 euro ;
1. ALORS QUE l'employeur soulignait (conclusions d'appel, p. 15), preuves à l'appui, que la formation du 21 septembre 2010 « gestion de la dette : jusqu'où et comment une collectivité peut-elle encore s'endetter ? » avait été confiée à Mme X... dès le mois d'août 2010, invoquant à cet égard, d'une part, une attestation de Mme Z... (prod. 14), indiquant que lorsqu'elle était rentrée de congés le 9 août 2010, M. Y... lui avait laissé un récapitulatif des missions affectées aux consultants et notamment celles affectées à Mme X... pour sa reprise, incluant notamment deux formations de dette à faire à partir de septembre, et d'autre part, le relevé de diligences établi en août par Mme X... et mentionnant 14 journées de préparation sur le sujet de « la gestion de la dette » ; que la société ajoutait que Mme X... avait les compétences lui permettant de faire cette intervention, étant spécialisée en matière de dette des collectivités locales, et qu'elle avait fourni à la salariée un document Powerpoint utilisé plusieurs fois pour la même formation que celle qu'elle devait assurer le 21 septembre 2010, comportant l'intégralité du programme (conclusions d'appel, p. 14 et 16) ; qu'en retenant, pour en déduire que l'imputabilité à la seule salariée chargée de la formation de l'inadéquation entre les attentes des participants et le contenu enseigné n'apparaissait pas fondée, qu'à l'origine, la formation devait être assurée par M. Joël A... et que l'emploi du temps de Mme X... était difficilement compatible avec la durée nécessaire pour préparer une intervention d'un haut niveau technique, sans rechercher à quelle date la formation avait été confiée à Mme X... et quel temps elle y avait consacré, ni prendre en compte le support fourni par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2. ALORS en outre QUE le juge doit examiner l'intégralité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, s'agissant de la formation du 21 septembre 2010, la lettre faisait grief à la salariée d'avoir modifié le programme prévu de la formation malgré la remise des documents nécessaires à sa préparation, et ce sans en informer l'employeur ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'absence d'information préalable de l'employeur sur la réduction drastique du programme de la formation à laquelle la salariée avait cru devoir procéder, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur, pour établir la dissimulation des évaluations par Mme X..., invoquait (conclusions d'appel, p. 12) et produisait notamment une attestation de Mme Z... (prod. 15), qui relatait qu'elle avait demandé le 22 septembre 2010 les évaluations de la formation du 21 septembre à Mme X... qui lui avait répondu les avoir transmises directement au client, que le client avait, par courriel du 8 octobre 2010 également produit, indiqué ne pas les avoir, et que ce n'était qu'après nouvelle interrogation que Mme X... avait fini par remettre les évaluations le 15 octobre 2010 ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était justifié d'une dissimulation par la salariée à son employeur des évaluations données par les participants à cette formation, les évaluations ayant en tout état de cause été données le 15 octobre, sans viser ni examiner les pièces précitées, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur indiquait « s'agissant du contrôle sur pièces du délégataire dans le dossier « Manche Numérique » pour lequel nous vous avions laissé deux mois jusqu'à fin septembre pour le préparer, nous n'avons pu que constater que votre travail n'était pas achevé le lundi 4 octobre et nous avons dû nous-même effectuer 8 heures de travail dans la journée du mardi 5 octobre pour finaliser ce dossier » ; qu'en affirmant que M. Y... mentionnait dans les présents débats avoir dû beaucoup retravailler le rapport transmis par Mme X... mais la lettre de licenciement ne fait ici état que du retard de celle-ci dans la transmission de ce rapport, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, en violation de l'article L. 1232-6 du code du travail et du principe susvisé ;
5. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, le courriel de M. Y... du 5 octobre 2010 transférant le rapport « Manche Numérique » retravaillé par ses soins avait été adressé à 14h30 ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que M. Y... avait adressé un document au client le 5 octobre 2010 à 12h23, la cour d'appel a dénaturé ce courriel, en méconnaissance du principe susvisé ;
6. ALORS QUE dans sa lettre du 8 octobre 2010, Mme X... ne se contentait pas de revendiquer des droits mais évoquait la perspective de sanctions civiles et pénales au titre du travail dissimulé, ce qui impliquait l'imputation à l'employeur d'une intention de dissimuler, écartée par la cour d'appel (arrêt, p. 7) ; qu'en affirmant cependant que ce courrier ne comprenait pas de propos excessifs, diffamatoires ou injurieux portant atteinte à la bonne foi et l'honneur de la société Cabinet Michel Y..., la salariée se contentant de revendiquer des droits, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
7. ALORS QUE le salarié abuse de sa liberté d'expression lorsqu'il use de termes diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que dans sa lettre datée du 3 novembre 2010, envoyée le 5, la salariée écrivait notamment à l'employeur : « votre comportement lors de notre entrevue du jeudi 28 octobre au cours de laquelle vous avez semble-t-il perdu toute maîtrise et m'avez littéralement menacé en expliquant notamment que si la situation actuelle ne me convenait pas et que je m'entêtais à demander le règlement de mes heures supplémentaires, je n'avais qu'à démissionner, n'est pas tolérable ni dans une entreprise ni ailleurs du reste. J'essaie de rester digne mais je trouve ce procédé scandaleux » ; que l'employeur contestait qu'un tel entretien ait eu lieu ; qu'en retenant que les termes utilisés par la salariée ne pouvaient être qualifiés d'injurieux ou de diffamatoires à l'égard de l'employeur, sans se prononcer sur la réalité de la perte de maîtrise et des menaces imputées par la salariée à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
8. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir que la salariée avait donné une publicité dans l'entreprise à son courrier mensonger daté du 3 novembre 2010, envoyé le 5 novembre, l'employeur invoquait (conclusions d'appel, p. 21) et produisait, outre la note du 20 décembre 2011 par laquelle douze salariés attestaient que Mme X... avait diffusé l'information relative à ses différends avec la société Cabinet Michel Y... en envoyant sur la boîte mail professionnelle commune du cabinet la copie de ses courriers à la direction, une copie du scan de la lettre précitée de Mme X..., réalisé par la salariée le 4 novembre 2010 à 13h22 et envoyée sur sa boîte électronique professionnelle, ainsi qu'une attestation de l'informaticien expliquant que chaque boîte électronique personnalisée du cabinet (à l'exception de trois dont ne faisait pas partie Mme X...) était visible en envoi et en réception par l'ensemble des collaborateurs du cabinet ; qu'en affirmant que la preuve n'était pas rapportée par l'employeur de la diffusion des courriers de la salarié sur un support électronique, sans examiner ces deux pièces, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
9. ALORS en toute hypothèse QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que la cour d'appel a constaté que par note du 20 décembre 2011, douze salariés attestaient que Mme X... avait diffusé l'information relative à ses différends avec la société Cabinet Michel Y... en envoyant sur la boîte mail professionnelle commune du cabinet la copie de ses courriers à la direction ; qu'en affirmant cependant que la preuve n'était pas rapportée par l'employeur de la diffusion des courriers de la salarié sur un support électronique, sans expliquer en quoi la note susvisée était insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail.