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06/10/2016 | FRANCE | N°14-29344

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2016, 14-29344


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 octobre 2014), que Mme X..., engagée le 10 novembre 2002 par la société Le Manoir de la poterie en qualité de femme de ménage, a été placée en arrêt de travail à compter du 28 mai 2010 et déclarée inapte à tous les postes le 22 juin 2010 par le médecin du travail ; que, licenciée pour inaptitude le 21 juillet 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul e

t de le condamner au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 octobre 2014), que Mme X..., engagée le 10 novembre 2002 par la société Le Manoir de la poterie en qualité de femme de ménage, a été placée en arrêt de travail à compter du 28 mai 2010 et déclarée inapte à tous les postes le 22 juin 2010 par le médecin du travail ; que, licenciée pour inaptitude le 21 juillet 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de le condamner au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au salarié d'établir, autrement que par ses seules allégations, la matérialité d'éléments de fait précis, concordants et répétés pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que c'est seulement lorsque la preuve de ces agissements est établie qu'il incombe à l'employeur de prouver qu'ils ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu'en se fondant sur des attestations qui, pour partie, relataient des faits ne concernant pas Mme X... et pour partie, mentionnaient des faits la concernant en des termes généraux et imprécis ainsi que sur le dossier médical de la salariée faisant état de « plaintes » de la salariée et aux termes duquel le médecin du travail avait seulement constaté « une angoisse extrêmement perceptible, un sentiment de panique à l'idée de devoir reprendre le travail et un état psychologique préoccupant », sans relever des éléments précis et distincts des seules affirmations de la salariée, établissant des faits de nature à laisser présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre et peut être administrée par voie d'attestations de tiers, même si elles émanent de personnes ayant un lien de subordination avec l'une des parties ; qu'en écartant la déclaration de Mme Y... aux services de police suivant laquelle elle n'avait jamais été témoin d'insultes de la part de l'employeur envers Mme X..., au prétexte que cette dernière contrôlait le travail des femmes de ménages à la demande de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1341 du code civil, l'article 199 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de motifs contradictoires ; qu'en affirmant que l'employeur avait eu une attitude régulièrement et systématiquement insultante, vexatoire et humiliante, après avoir affirmé que les fiches de vérifications concernaient toutes les femmes de ménage et pas seulement Mme X..., que les annotations portées sur ces fiches n'avaient pas de caractère vexatoire et surtout qu'à plusieurs reprises les fiches de la salariée mentionnaient des encouragements en termes positifs exempt de mépris, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de motif dubitatif ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que le caractère dépressif de Mme X... semblait provenir d'un climat conflictuel sur le lieu de travail, la cour d'appel a statué par un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'une situation de tension ou des relations conflictuelles entre un salarié et son supérieur hiérarchique ne caractérisent pas un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever, par motifs adoptés, l'existence d'un climat conflictuel sur le lieu de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
6°/ qu'en tout état de cause, le harcèlement moral ne peut invalider le licenciement pour inaptitude que si un lien de causalité est établi avec certitude entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que le harcèlement moral de la salariée avait conduit à son inaptitude, que le médecin du travail avait largement prononcé toutes inaptitudes à tous postes dans l'entreprise, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que le harcèlement moral était à l'origine de l'inaptitude de la salariée et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Manoir de la poterie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Manoir de la poterie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... était nul et d'AVOIR condamné la société Manoir de la poterie à verser à la salariée 2 836,24 euros au titre de l'indemnité de préavis, 283,62 euros au titre des congés payés afférents, 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, 2 500 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 2 400 euros (1 600 euros en première instance et 800 euros en cause d'appel) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme X... entend voir prononcer la nullité de son licenciement aux motifs qu'il est la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son employeur qui, selon elle, avait à son égard un comportement dégradant et injurieux et mettait en place une surveillance continuelle et malsaine créant une ambiance de travail insupportable. A cette fin, elle verse aux débats un certain nombre de témoignages qu'il convient d'examiner. Mme Z..., femme de chambre de 2003 à avril 2010, a établi 2 attestations aux termes desquelles elle relate essentiellement le comportement dont elle aurait été elle-même victime de la part de son employeur, précisant cependant que les insultes proférées par M. A... ('abrutie', 'bonne à rien', 'conne', 'incapable pas assez productive') étaient adressées 'aux femmes de chambre', outre à elle-même. Entendue par les services de police dans le cadre de la plainte pour harcèlement moral qui avait été déposée, elle a indiqué à nouveau que M. A... insultait souvent son personnel dès que quelque chose ne lui convenait pas et a précisé 'M. A... a insulté Mme X... de conne et de bonne à rien et l'avait forcée à frotter à quatre pattes le carrelage'. Mme B..., qui a travaillé comme extra femme de ménage du 8 février au 10 mars 2007, atteste avoir entendu le patron de l'établissement hurler et insulter vulgairement les femmes de chambre et avoir été surprise et choquée de ces paroles rabaissantes et blessantes, précisant dans un second témoignage avoir entendu M. A... insulter Mme X.... Mme C..., qui a travaillé au Manoir de la poterie du 15 février 2009 au 15 mai 2010, n'évoque pas son cas personnel, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante mais atteste avoir assisté 'à plusieurs reprises, aux insultes verbales et menaces de la part de M. A... et de Mme Y... envers le personnel du manoir et ce devant les clients', ajoutant 'son mot d'ordre était vous n'êtes pas contente vous partez ou vous allez tous recevoir une lettre, au bout de trois c'est la porte' et citant encore le propos suivant : 'vous n'êtes que des connes, y a que moi pour embaucher des abruties pareilles', sans que la référence au fait que Mme Y... n'était pas femme de ménage et comme telle n'aurait pas été apte à juger puisse s'analyser en l'expression d'une rancune personnelle. Mme D... indique quant à elle que 'M. et Mme A... traitaient leur personnel comme des chiens, qu'on était des cons, des imbéciles ou des abruties'. L'ensemble de ces témoignages concordants ne sauraient être considérés comme contredits par la déclaration de Mme Y... aux services de police suivant laquelle elle n'aurait jamais été témoin d'insultes, alors même que cette dernière contrôlait le travail des femmes de chambre à la demande de l'employeur. Mme X... verse encore aux débats la copie de son dossier médical à la médecine du travail duquel il résulte que le 30 novembre 2009 elle s'est plainte de réflexions désagréables fréquentes de la part de son employeur, que le 1er juin 2010 elle s'est plainte auprès du médecin du travail de subir des vexations, d'avoir dû quitter son travail le jeudi précédent humiliée par le fait qu'il lui ait été demander de réciter le protocole de formation et s'être entendue dire que si elle n'était pas capable de le retenir elle pouvait travailler à Etap hôtel et a exprimé les doléances suivantes : 'appréhension importante de retourner sur le lieu de travail, troubles du sommeil, ne peut manger car boule dans la gorge, crises d'angoisse', le médecin ayant alors conclu que son état de santé psychologique était trop altéré pour une reprise du travail à ce moment et que, enfin, le 22 juin 2010, lors de la visite de reprise, ce même médecin a constaté des pleurs, une angoisse extrêmement perceptible, un sentiment de panique à l'idée de devoir reprendre le travail et un état psychologique préoccupant avec risque de décompensation. Ces éléments sont de nature à faire présumer une situation de harcèlement. La société Manoir de la poterie entend soutenir que les faits invoqués ne feraient que traduire un refus manifeste de la salariée de s'adapter à de nouvelles normes et à la procédure qualité mise en place et qui relève du pouvoir de direction de l'employeur. Les pièces produites aux débats établissent que, au cours des années 2006, 2007 et 2008 l'employeur a reçu des correspondances de différents réseaux d'hôtels auxquels il était affilié, faisant suite à différentes 'visites mystère' et relevant que le ménage dans les chambres n'était pas parfait et ne répondait pas à tous les critères de standing posés par ces réseaux et que, lors d'une formation 'organisation et technique des étages' tenue les 29 et 30 avril 2010, l'intervenant avait noté que Mme X... se montrait réfractaire aux propositions visant à modifier et améliorer les méthodes de travail dans l'établissement. Elles établissent encore que si un système de fiches de vérification de chambres a été mis en place, il concernait toutes les femmes de chambre et pas seulement Mme X... et n'avait pas en lui-même, ni même par les annotations portées, de caractère vexatoire, des encouragements en termes positifs exempts de mépris y ayant été portés à plusieurs reprises s'agissant du travail de cette dernière. Si l'adhésion à des chartes de qualité exigeantes et la volonté de mettre en place une procédure qualité autorisait l'employeur, notamment par le biais des fiches susvisées, à mettre en place des outils de contrôle du travail voire à sanctionner des salariés qui n'auraient pas respecté les consignes données, il n'autorisait cependant pas un management consistant en une attitude régulièrement et systématiquement insultante, vexatoire et humiliante. Une telle attitude, qui a entraîné une importante dégradation de l'état de santé de la salariée, est constitutive d'un harcèlement moral. Étant à l'origine de la déclaration d'inaptitude elle emporte nullité du licenciement et ouvre droit aux indemnités de préavis et congés payés sur préavis telles que fixées par les premiers juges outre à des dommages et intérêts qui seront évalués comme précisé au dispositif en fonction de l'ancienneté, du salaire perçu (1 418,12 euros) et du fait que Mme X... a rapidement retrouvé un emploi. La situation de harcèlement vécue a causé en outre à Mme X..., dont l'employeur lui-même reconnaît qu'elle était une personne fragile et anxieuse, un préjudice moral qui sera évalué comme suit » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande de nullité du licenciement Vu que l'article L. 1152-1 du code du travail précise « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Vu que l'article L. 1152-2 du code du travail précise « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés » Vu que l'article L. 1152-3 du code du travail précise « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ». Vu que c'est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige conformément à l'article L. 1232-6 du code du travail qui précise que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionné à l'article L. 1232-1 du code du travail. Vu que Madame Myriam X... fait état par la production de son dossier médical et son suivi depuis 2009 par le médecin du travail, de la situation de travail dégradante que lui inflige la SARL Manoir de la poterie. Vu que le licenciement pour inaptitude à son poste et tous postes dans l'entreprise suite à la fiche du médecin du travail notifiant un danger immédiat dont a fait l'objet la demanderesse sur l'avis médical du 22 juin 2010. Vu que la SARL Manoir de la poterie argue et conteste les faits reprochés de harcèlement même si la demanderesse a plus ou moins ma vécu le fait d'avoir à changer ses habitudes de travail pour plus de rigueur. Le Conseil constate et dit que suivant les articles L. 1152-1, 2 et 3, L. 1232-1 et 6 du code du travail, le dossier médical de Mme Myriam X... établit par la médecine du travail, fait apparait une dégradation de son état de santé depuis 2009. Cet état de santé à caractère dépressif, semble provenir d'un climat conflictuel sur le lieu de travail et de l'attitude de la SARL Manoir de la poterie vis-à-vis de Madame Myriam X.... Les agissements de l'employeur sont assimilés à du harcèlement moral qui conduit à l'impossibilité de la demanderesse de travailler sur son poste de travail. Le médecin a largement prononcé toutes inaptitudes à tous postes dans l'entreprise. Madame Myriam X... a été licencié en suivant le mécanisme normal et a donc perdu son emploi par la faute de l'employeur. Le Conseil dit que le licenciement est nul. Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents. Vu que le licenciement de Mme Myriam X... est nul et l'a privée indûment de ses droits. 1-l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 2 836,24 € et les congés payés y afférents la somme de 283,62 €. 2-Sur les dommages et intérêts, Mme Myriam X... compte une ancienneté de huit ans depuis son licenciement. Sur la demande de rappel de préavis et congés payés y afférents Vu que l'article L. 1234-1 du code du travail précise : « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ; 3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. Vu que le licenciement de Mme Myriam X... est nul et qu'elle compte une ancienneté de 8 ans au moment du licenciement. Vu que le licenciement est nul Vu que Mme Myriam X... a plus de deux ans d'ancienneté au sein de la SARL Manoir de la poterie. Le Conseil fait droit à la demande susvisées de rappel de préavis de la somme de 2 836,24 € et des congés payés y afférents de la somme de 283,62 €. (…) Sur la demande de l'article 700 du code de procédure civile Que l'article 700 du code de procédure civile précise « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l'équité ... Il peut, même d'office, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnations. Qu'il serait inéquitable que Mme Myriam X... supporte les frais et honoraires d'avocat. Il sera fait droit à sa demande et à la SARL Manoir de la poterie sera déboutée de sa demande. Sur la demande d'exécution provisoire et les dépens Que l'article R. 1454-28 du code du travail précise : « Sont de droit exécutoires à titre provisoire : 1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ; 2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ; 3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement » La moyenne des trois derniers mois de salaires est de 3 818,66 € / 3 = 1 272,88 € » ;
1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir, autrement que par ses seules allégations, la matérialité d'éléments de fait précis, concordants et répétés pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que c'est seulement lorsque la preuve de ces agissements est établie qu'il incombe à l'employeur de prouver qu'ils ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu'en se fondant sur des attestations qui, pour partie, relataient des faits ne concernant pas Mme X... (productions n° 7 et 9) et pour partie, mentionnaient des faits la concernant en des termes généraux et imprécis (productions n° 6 et 8) ainsi que sur le dossier médical de la salariée faisant état de « plaintes » de la salariée et aux termes duquel le médecin du travail avait seulement constaté « une angoisse extrêmement perceptible, un sentiment de panique à l'idée de devoir reprendre le travail et un état psychologique préoccupant » (production n° 10), sans relever des éléments précis et distincts des seules affirmations de la salariée, établissant des faits de nature à laisser présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en matière prud'homale, la preuve est libre et peut être administrée par voie d'attestations de tiers, même si elles émanent de personnes ayant un lien de subordination avec l'une des parties ; qu'en écartant la déclaration de Mme Y... aux services de police suivant laquelle elle n'avait jamais été témoin d'insultes de la part de l'employeur envers Mme X... (production n°5), au prétexte que cette dernière contrôlait le travail des femmes de ménages à la demande de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1341 du Code civil, l'article 199 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par voie de motifs contradictoires ; qu'en affirmant que l'employeur avait eu une attitude régulièrement et systématiquement insultante, vexatoire et humiliante, après avoir affirmé que les fiches de vérifications concernaient toutes les femmes de ménage et pas seulement Mme X..., que les annotations portées sur ces fiches n'avaient pas de caractère vexatoire et surtout qu'à plusieurs reprises les fiches de la salariée mentionnaient des encouragements en termes positifs exempt de mépris, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
4°) ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de motif dubitatif ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que le caractère dépressif de Mme X... semblait provenir d'un climat conflictuel sur le lieu de travail, la cour d'appel a statué par un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'une situation de tension ou des relations conflictuelles entre un salarié et son supérieur hiérarchique ne caractérisent pas un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever, par motifs adoptés, l'existence d'un climat conflictuel sur le lieu de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail ;
6°) ALORS en tout état de cause QUE le harcèlement moral ne peut invalider le licenciement pour inaptitude que si un lien de causalité est établi avec certitude entre ledit harcèlement et l'inaptitude ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que le harcèlement moral de la salariée avait conduit à son inaptitude, que le médecin du travail avait largement prononcé toutes inaptitudes à tous postes dans l'entreprise, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que le harcèlement moral était à l'origine de l'inaptitude de la salariée et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29344
Date de la décision : 06/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 24 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2016, pourvoi n°14-29344


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29344
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