LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X..., l'arrêt retient que celle-ci, assistante maternelle à laquelle l'ASE confie des enfants, perçoit du conseil départemental la somme mensuelle de 1 554,73 euros, dont il convient de déduire l'indemnité qu'elle reçoit au titre de la « fonction globale de l'accueil » de l'enfant, et ajoute que ne peuvent être déduites de son salaire, les indemnités allouées au titre de l'enfant dès lors qu'elles servent à couvrir une dépense et ne sont pas affectées en propre à ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces indemnités étaient exclusivement perçues pour l'entretien de l'enfant accueilli et ne constituaient pas un revenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche de ce moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à payer une prestation compensatoire de 200 000 euros à Mme X..., l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné monsieur Y... à payer à madame X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 200 000 euros payable en un seul versement et non d'une rente viagère ;
AU MOTIFS QUE madame X... dispose à l'heure actuelle d'un revenu mensuel tiré de son activité d'assistante familiale, que son état de santé ne lui interdit pas l'exercice de cette activité, qu'au surplus elle disposera lors de la liquidation de la communauté, de liquidités qui lui permettront de faire face à ses besoins personnels ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
1°) ALORS QUE la fixation exceptionnelle de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère est subordonnée à la seule condition que l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins ; que si le juge doit prendre en considération les éléments d'appréciation prévus par l'article 271 du code civil, c'est uniquement pour déterminer le montant de la rente viagère ; qu'en prenant en considération pour écarter le principe même d'un versement de la prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère, le patrimoine prévisible de madame X... après la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel a violé l'article 276 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge peut fixer la prestation compensatoire sous forme de rente lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins ; qu'en se bornant, pour dire n'y avoir lieu au versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, à relever que madame X... disposait d'un revenu mensuel tiré de son activité d'assistante familiale, que son état de santé ne lui interdisait pas l'exercice de cette activité et qu'au surplus elle disposerait lors de la liquidation de la communauté, de liquidités lui permettant de faire face à ses besoins personnels, sans se référer à ses propres constatations relatives à l'âge de madame X... (59 ans) et au caractère très modeste des droits à la retraite dont elle pourrait bénéficier (93,54 euros), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 276 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 200 000 euros payable en un seul versement la prestation compensatoire en capital due par monsieur Y... à madame X... ;
AUX MOTIFS QUE madame X... est âgée de 59 ans et monsieur Y... de 58 ans, que le mariage a duré 36 ans, dont 29 ans de vie commune, que le couple a élevé trois enfants aujourd'hui tous majeurs ; que le principe même de la prestation compensatoire n'est pas contesté par monsieur Y..., seules les modalités et le montant de cette prestation donnent lieu à discussion entre les parties ; que madame X... ne dispose d'aucune qualification professionnelle, qu'il est justifié par ailleurs que le handicap qu'elle invoque (surcharge pondérale et difficulté à se déplacer) lui a valu la reconnaissance de travailleur handicapé pour la période du 6 janvier 2015 au 5 janvier 2018, sans pour autant être allocataire de l'AAH ;
qu'elle est assistante familiale et accueille les enfants qui lui sont confiés par l'ASE dans le cadre d'une convention d'accueil à durée indéterminée signée avec la Direction de la protection de l'enfance le 5 août 2008 ; que par cette activité elle perçoit un revenu global qui lui est versé par le Conseil général, à savoir une somme moyenne mensuelle de 1 554,73 euros (fiche de paie de 2014) ; que ne peuvent être déduites du salaire de madame X... les indemnités allouées au titre de l'enfant, dès lors que ces indemnités servent à couvrir une dépense et ne sont pas affectées en propre à l'enfant, même si ces indemnités ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu ; que cependant sur ce revenu global qui est à prendre en compte pour apprécier ses ressources, il convient nécessairement de déduire au titre des charges fixes de madame X... le coût de la prise en charge de l'enfant recueilli (habillement, nourriture, loisirs…) pour apprécier sa capacité financière réelle ; que la charge de l'enfant accueilli peut ainsi être estimée à une somme moyenne mensuelle de 500 euros (la fiche de salaire fixant d'ailleurs l'indemnité au titre du fonctionnement global de l'accueil à une somme de 476,50 euros) ; que la capacité financière mensuelle de madame X... pour vivre et faire face à ses dépenses courantes est donc de 1 054 euros ;
qu'il n'est pas justifié que madame X... puisse accroître ses revenus au seul motif qu'elle dispose d'un appartement lui permettant d'accueillir d'autres enfants, dans la mesure, où elle n'a pas la maîtrise de la décision et dans la mesure également où elle est seule pour s'occuper des enfants ; que de son côté monsieur Y... est directeur de section au sein de l'entreprise de travaux publics Rampini, qui a son siège social en Suisse, qu'il exerce cet emploi en Suisse et dans la même société depuis 1988 ; qu'il est justifié selon certificat de salaire pour l'année 2014, que monsieur Y... a perçu un revenu net annuel de 178 160 Chf, outre 10 920 Chf et 5 700 Chf au titre des avantages en nature soit 1 385 Chf par mois, soit un salaire net moyen mensuel, impôt prélevé à la source et hors les avantages ci-dessus rappelés, de 14 261 euros (cours actuel du franc suisse par rapport à l'euro) ; qu'il est justifié également que monsieur Y... disposait au 1er janvier 2014 d'une prestation libre passage (second pilier) de 402 099,95 Chf, que nécessairement cette prestation a augmenté depuis ; qu'il est démontré par l'ancienneté au sein de la société Rampini, que monsieur Y... n'a jamais sacrifié sa carrière pour sa famille contrairement à madame X... qui s'est consacrée entièrement à son foyer et notamment à l'entretien et à l'éducation des trois enfants ; que madame X... vit seule alors que monsieur Y... a refait sa vie, que si effectivement il est père d'un autre enfant né de sa relation avec madame Z..., il partage nécessairement ses charges avec sa nouvelle compagne ; que contrairement à M. Y... qui dispose de la rente de base, d'un second pilier et d'un troisième pilier optionnel, madame X... justifie de droits à la retraite très modestes puisque ceux-ci ne s'élèveront qu'à la somme de 93,54 euros ; que les époux sont propriétaires de deux biens immobiliers, à savoir un appartement à Saint-Julien en Genevois avec garage situé dans un immeuble construit dans les années 1970, actuellement occupé par l'épouse, d'une valeur a minima de 480 000 euros (estimation de l'agence Immo Confiance) et sur lequel madame X... devra percevoir la moitié ; une résidence secondaire à Bayonne acquise en 2005, estimée à 150 000 euros et sur laquelle il convient de déduire le solde des emprunts en cours pour une somme globale de 90 000 euros remboursés par monsieur Y..., et sur laquelle madame X... devra percevoir la moitié hors récompenses dues à l'époux du fait de la prise en charge des emprunts ; qu'il n'est justifié de part et d'autre, d'autres valeurs mobilières, à l'exclusion des meubles meublants conservés par l'épouse ; qu'il existe bien au cas d'espèce une disparité dans les conditions de vie respective des époux du fait du divorce au détriment de madame X... justifiant l'allocation d'une prestation compensatoire ; que madame X... dispose à l'heure actuelle d'un revenu mensuel tiré de son activité d'assistante familiale, que son état de santé ne lui interdit pas l'exercice de cette activité, qu'au surplus elle disposera lors de la liquidation de la communauté, de liquidités qui lui permettront de faire face à ses besoins personnels ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de prestation compensatoire sous forme de rente viagère ; qu'il convient et en tenant compte des avoirs de prévoyance détenus par monsieur Y... de condamner monsieur Y... à payer à madame X... une prestation compensatoire en capital de 200 000 euros ;
1°) ALORS QUE lorsqu'il fixe le montant de la prestation compensatoire, le juge ne peut, pour évaluer les ressources de l'époux exerçant la profession d'assistant familial, prendre en considération les indemnités et fournitures remises en application de l'article L. 423-30 du code de l'action sociale et des familles pour l'entretien de l'enfant accueilli, ces sommes ne pouvant être considérées comme des revenus bénéficiant à l'époux ; qu'en tenant compte, pour évaluer les ressources de madame X... et fixer le montant de la prestation compensatoire due par monsieur Y..., des indemnités et fournitures versées mensuellement par le conseil général de Haute-Savoie à madame X... en sa qualité d'assistante familiale au titre de l'entretien de l'enfant accueilli par elle, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
2°) ALORS QUE la charge constituée par les pensions alimentaires supportées par un époux au titre du devoir de secours et de l'entretien et de l'éducation d'un enfant ne peuvent être prises en considération pour apprécier le montant de la prestation compensatoire et qu'il en est de même de l'avantage fiscal résultant du versement de telles pensions alimentaires ; que madame X... faisait valoir qu'il convenait, pour apprécier les ressources de monsieur Y..., de se référer au salaire brut avant prélèvement d'impôts à la source réglé par son employeur suisse, puisque l'impôt prélevé était établi après déduction des pensions alimentaires versées par monsieur Y... pour assurer le devoir de secours à l'égard de madame X... pendant la procédure de divorce, et pour l'entretien et l'éducation de leur fille Marie (p.13 et 14) ; qu'en retenant qu'il était justifié de ce que monsieur Y... percevait un salaire net moyen mensuel impôts prélevés à la source de 14 260 euros sans répondre aux conclusions de madame X..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.