LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... a assigné M. Y... et Mme Z..., ainsi que les sociétés France télévisions-Antenne 2 et 17 Juin média production, en indemnisation du préjudice résultant du rappel, dans une émission télévisée et dans des annonces de programmes, de sa condamnation, pour recel de malfaiteur, à six mois d'emprisonnement avec sursis, alors qu'elle était amnistiée par l'effet de l'article 7 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 et que l'article 26 de cette même loi interdisait qu'il en soit fait mention ; que la société 17 Juin média est intervenue volontairement à l'instance ; que M. Y..., Mme Z..., les sociétés France télévisions-Antenne 2 et 17 Juin média production ont soulevé l'inconstitutionnalité de l'article 26 de la loi précitée ;
Attendu que le tribunal a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'article 26 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie est-il contraire :
- à la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, compte tenu de la généralité de l'interdiction qu'il prévoit,
- au droit à un procès équitable, principe à valeur constitutionnelle, fondé sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et aux droits de la défense figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qu'il pose une présomption irréfragable de culpabilité de toute personne qui rappelle, sous quelque forme que ce soit, une condamnation pénale amnistiée ? » ;
Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ; qu'elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Et attendu, en premier lieu, que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Attendu, en second lieu, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, d'abord, en ce que l'atteinte portée à la liberté d'expression apparaît nécessaire, adaptée, et proportionnée à l'objectif d'intérêt général de rétablissement de la paix politique et sociale poursuivi par la loi d'amnistie, dès lors qu'en permettant qu'il soit fait référence aux faits qui ont motivé la condamnation amnistiée, elle ne présente pas un caractère général et absolu, ensuite, en ce qu'aucune atteinte n'est portée au droit à un procès équitable et au respect des droits de la défense par l'incrimination ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize.