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28/09/2016 | FRANCE | N°14-29186

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2016, 14-29186


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, qui est recevable, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont

objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit natio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, qui est recevable, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu, selon ce texte, que nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 5 novembre 1974 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Air France, et exerçant en dernier lieu les fonctions de commandant de bord, s'est vu notifier le 27 octobre 2008 la rupture de son contrat de travail, avec effet au 31 janvier 2009, sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre notamment de la discrimination en raison de l'âge ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes fondées sur la nullité de la rupture, l'arrêt retient que des impératifs liés à l'emploi, alors qu'il était constaté que la crise de l'aéronautique d'alors privait d'emploi 1 200 pilotes, avaient conduit le gouvernement à baisser l'âge limite pour piloter de 65 à 60 ans et à adopter l'article L. 421-9 critiqué afin de favoriser l'embauche de jeunes pilotes, non seulement en 1995 avec un objectif de 130 à 150 pilotes, mais également pour les années à venir, que l'objectif tenant à la politique de l'emploi était doublé de l'impératif pour les jeunes pilotes d'achever leur formation qualifiante lors d'une première embauche sur un avion de transports de passagers, qu'en 1995, le « relèvement » de la limite d'âge en cause, inscrite à l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, constituait une mesure appropriée qui avait été directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi et du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1 de la directive communautaire précitée, et qu'aucun élément produit aux débats ne permettant de démentir le caractère légitime de cet objectif, il n'y avait pas lieu de remettre en cause celui-ci jusqu'au changement de législation et que le législateur avait pu décider de différer l'application de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, sans davantage commettre de discrimination illicite ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la différence de traitement fondée sur l'âge instituée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable à la date des faits, constituait un moyen nécessaire à la réalisation de l'objectif de politique d'emploi et de marché du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal du salarié et sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, président et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur Jean-Paul X... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, qui prescrit l'interdiction de pilotage pour les pilotes de ligne, au-delà de l'âge de 60 ans, établit une mesure discriminatoire du fait de l'âge, peu important que la rupture de leur contrat de travail provienne non seulement de cet âge atteint mais également de l'impossibilité de procéder à leur reclassement ; qu'il convient dès lors d'examiner si cette mesure de restriction constitue, au regard de la directive 2000/78 précitée, une exception possible, au titre de ses articles 2.5, 4.1 et 6.1, d'interprétation stricte, et donc si concrètement elle constitue : - une mesure nécessaire à la sécurité publique, et à la protection de la santé (article 2.5) - une mesure relevant d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée ; - une mesure objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires » ; qu'il ressort des débats que l'âge des pilotes de ligne constitue une préoccupation liée aux objectifs de sécurité légitime attachés à la navigation aérienne, de sorte qu'une interdiction de pilotage est prescrite pour les pilotes âgés de plus de 65 ans et qu'entre 60 et 65 ans, la législation a varié, les préconisations de l'OACI posant l'âge de 60 ans jusqu'au 23 novembre 2006, date à laquelle cette limite a été portée à 65 ans, à condition que le pilote âgé de 60 ans ne pilote pas seul l'aéronef et qu'il soit en copilotage avec un collègue âgé de moins de 60 ans ; que, par exemple, cette nouvelle recommandation est entrée en application aux Etats-Unis en décembre 2007 ; que, par ailleurs, le règlement européen JAR-FCL 1 060 dont il n'est pas contesté qu'il soit applicable en l'espèce, a été adopté le 15 avril 2003, par la Joint Aviation Authorities, qui prévoit une restriction concernant les titulaires de licences âgés de plus de 60 ans, en les autorisant néanmoins à exercer leur activité de pilote sur un avion de transport commercial à condition que l'équipage comporte plusieurs pilotes et que les autres pilotes aient moins de 60 ans ; qu'il s'ensuit que la législation internationale applicable en France n'impose pas une interdiction absolue de piloter aux pilotes âgés entre 60 et 65 ans ; qu'il ressort de ce qui précède qu'une règle interne qui fixe de manière absolue, et sans exception possible, à 60 ans l'âge limite à compter duquel les pilotes ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle alors que les réglementations communautaire et internationale, fixent cet âge à 65 ans, n'institue pas une mesure nécessaire à la sécurité publique et à la protection de la santé au sens de l'article 2 § 5 de la directive précitée, pas plus qu'elle n'instaure une restriction légitime, en raison de la nature de l'activité professionnelle en cause ou des conditions de son exercice, cette limite d'âge à 60 ans n'en constituant pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article 4 § 1 de la même directive ; qu'en revanche, il résulte de la réponse ministérielle publiée au JO du 30 mars 1995, du rapport réalisé au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social annexé au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1994, du rapport réalisé par l'Assemblée Nationale, sur le même texte, que des impératifs liés à l'emploi, alors qu'il était constaté que la crise de l'aéronautique d'alors privait d'emploi 1.200 pilotes, avait conduit le gouvernement à baisser l'âge limite pour piloter de 65 à 60 ans et à adopter l'article L. 421-9 critiqué afin de favoriser l'embauche de jeunes pilotes, non seulement en 1995 avec un objectif de 130 à 150 pilotes, selon les débats se déroulant au Sénat publiés le 16 novembre 1994 au JO mais également pour les années à venir ; qu'en outre, selon la réponse ministérielle publiée au JO du 30 mars 1995, l'objectif tenant à la politique de l'emploi est doublée de l'impératif pour les jeunes pilotes d'achever leur formation qualifiante lors d'une première embauche sur un avion de transport de passagers, à défaut de laquelle ils « risquent de perdre le bénéfice de leur scolarité » ; qu'en outre, selon la réponse ministérielle publiée dans le JO du 23 septembre 2008, ce sont, outre l'évolution des législations communautaire et internationale, ces mêmes préoccupations de politique de l'emploi, qui ont conduit le gouvernement, constatant « une véritable pénurie » du personnel navigant, à augmenter ladite limite d'âge en la portant de 60 à 65 ans à certaines conditions en modifiant l'article L. 421-9 précité par la loi du 17 décembre 2008 ; qu'il résulte donc de ces éléments sérieux qui sont versés aux débats et qui méritent donc d'être retenus, qu'en 1995, le relèvement de la limite d'âge en cause, inscrite à l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, constitue une mesure appropriée qui a été directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1 de la directive communautaire précitée ; qu'aucun élément produit aux débats ne permettant de démentir le caractère légitime de cet objectif, il n'y a pas lieu de remettre en cause celui-ci jusqu'au changement de législation ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que, pour la période concernée par la rupture de la relation de travail de monsieur X..., l'article L. 421-9 dans sa version critiquée, instaure une différence de traitement fondée sur l'âge, conforme à l'article 6 § 1 de la directive précitée, qui ne constitue pas une discrimination illicite, ce dont il se déduit également que le législateur a pu décider de différer l'application de la loi du 17 décembre 2008 au 1er janvier 2010, sans davantage commettre de discrimination illicite, ni qu'il puisse lui être reproché une quelconque mauvaise foi dans son refus opposé à la proposition de monsieur X... de cesser temporairement ses fonctions et de les reprendre à compter du 1er janvier 2010 ; qu'il s'ensuit que la SA Air France a pu faire application de la disposition litigieuse à monsieur X... sans qu'il puisse en outre lui être reproché de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail de monsieur X... ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du conseil du 27 novembre 2000 les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que, pour débouter monsieur X... de sa demande en nullité du licenciement, la cour d'appel a retenu que la limite d'âge à 60 ans imposée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile constituait une mesure appropriée directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi et du marché du travail dès lors qu'elle permettait de favoriser l'embauche de 130 à 150 pilotes quand la crise de l'aéronautique privait alors d'emploi 1.200 pilotes ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que cette mesure ne permettait que l'embauche d'un dizième des pilotes cherchant un emploi, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la directive 2000/78/CE du conseil du 27 novembre 2000 ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en se bornant, pour retenir que l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 décembre 2008, était compatible avec les dispositions de l'article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, à relever que la différence de traitement fondée sur l'âge était une mesure appropriée directement dictée par un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail, au sens de l'article 6 § 1de cette directive, sans constater que ces moyens étaient nécessaires pour réaliser cet objectif, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
3°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p.41 et 42), monsieur X... faisait valoir que la limite d'âge ne constituait pas un moyen nécessaire et approprié à l'objectif de formation et d'embauche des jeunes pilotes dès lors d'une part qu'à compter de 1990 le nombre d'élèves pilotes de ligne a chuté jusqu'à l'interruption des formations en 1997, d'autre part que l'embauche était subordonnée à la reconnaissance du diplôme par le ministre ; qu'enfin en 2008 et 2009 près du tiers des pilotes de la compagnie travaillaient systématiquement en heures supplémentaires ; qu'en se bornant à énoncer qu'il était impératif pour les jeunes pilotes d'achever leur formation qualifiante lors d'une première embauche sur un avion de transport de passagers, sans répondre à ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en jugeant que le législateur de 2008 avait pu différer l'application du relèvement de la limite d'âge impérative à soixante-cinq ans, après avoir relevé que cette modification avait été décidée par le gouvernement qui avait constaté une pénurie de pilotes, ce dont il résultait que le maintien de la discrimination fondée sur l'âge n'était pas un moyen approprié et nécessaire dans le cadre d'une politique de l'emploi, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
5°) ALORS QU'en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, issu de la loi du 17 décembre 2008, le pilote âgé de moins de 65 ans au 1er janvier 2010, date d'entrée en vigueur de la loi, avait la possibilité de reprendre à cette date son activité de pilote ; qu'en décidant dès lors qu'il ne pouvait être reproché à Air France une quelconque mauvaise foi dans son refus opposé à monsieur X..., qui avait atteint l'âge de 60 ans le 10 janvier 2009, de cesser temporairement ses fonctions et de les reprendre à compter du 1er janvier 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 132.000 euros de d'indemnité, en réparation des préjudices résultant pour monsieur X... de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de recherche sérieuse de reclassement (cf. arrêt p.8) ; que, sur les conséquences de la rupture, la SA Air France précise que : - monsieur X... a déjà perçu la somme de 215.335 euros à titre d'indemnité spécifique de départ ; - monsieur X... a bénéficié des règles de retraite dérogatoire applicables au personnel navigant permettant le bénéfice d'une pension de retraite au titre de la CRPN à taux plein dès 50 ans en contrepartie de 25 annuités ; - monsieur X... a liquidé sa retraite à taux plein à la CNAV dès le 1er avril 2009 ; qu'elle en conclut que les demandes de monsieur X... sont exorbitantes alors que celui-ci ne subit aucun préjudice direct et certain de la situation ; que la rupture du contrat de travail intervenue en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, en raison de la limite d'âge, et faute de reclassement, donne lieu au profit du salarié dont le contrat prend fin, au versement d'une indemnité de départ calculée conformément aux dispositions de l'article L. 423-1 du même code ; que l'atteinte de la limite d'âge, non suivie de reclassement, constitue donc une cause spécifique de rupture, donnant lieu au paiement d'une indemnité de départ spécifique, qui la distingue du licenciement intervenant pour une autre cause, au titre duquel l'article 7 du contrat de travail de monsieur X... prévoit le paiement d'une autre indemnité distincte et exclusive de la précédente ; que compte tenu de la requalification de la rupture en cause et de ce qu'il n'est pas contesté que monsieur X... a reçu la somme de 215.335 euros au titre de l'indemnité spécifique de départ, il convient de déduire cette somme de celle de 242.825 euros qu'il réclame sans être contredit au titre de l'indemnité de licenciement ; qu'il reste donc dû à ce titre à monsieur X..., la somme de 27.490 euros ; que cette situation donne, en outre, droit à monsieur X... à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour, compte tenu des éléments produits aux débats, notamment de l'ancienneté de monsieur X..., du montant de son salaire brut mensuel (22.000 euros) en sachant également qu'il dispose d'ores et déjà d'une pension de retraite pleine, est en mesure de fixer à 132.000 euros ; que monsieur X... réclame, en outre, des dommages et intérêts pour rupture prématurée et fautive du contrat de travail et pour perte de chance de se voir proposer un poste au sol, sans démontrer que ces préjudices invoqués sont distincts de ceux d'ores et déjà indemnisés par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse précédemment allouée ; qu'il ne peut donc qu'être débouté de ses demandes de ce chef ;
1°) ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, doit réparer l'intégralité du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; elle est due sans préjudice, notamment, de l'indemnité de licenciement ; que, pour limiter à 132.000 euros le montant des indemnités alloués à monsieur X..., qui totalisait 34 années d'ancienneté, la cour d'appel a retenu que le salarié avait déjà perçu une certaine somme à titre d'indemnité spécifique de départ et avait liquidé sa retraite à taux plein de la CNAV à compter du 1er avril 2009 ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, monsieur X... faisait valoir qu'il avait dû, en raison de la rupture de son contrat de travail, liquider ses droits à la CRPN en 2009, après ses 60 ans (cf. conclusions p. 60 § 1 à 3) ; qu'il produisait deux courriers de la CRPN du 9 mars 2010 et 22 avril 2010 établissant qu'il avait liquidé ses droits le 1er février 2009 (pièces 18 et 19) ; qu'en affirmant que monsieur X... avait bénéficié des règles dérogatoires applicables au personnel navigant permettant le bénéfice d'une pension de retraite au titre de la CRPN à taux plein dès 50 ans en contrepartie des 25 annuités sans examiner ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure à la rémunération mensuelle brute des six derniers mois ; qu'en fixant à 132.000 euros, soit sur une base mensuelle de 22.000 euros, l'indemnité allouée à monsieur X..., après avoir constaté que la rémunération mensuelle brute moyenne sur les six [lire douze] derniers mois s'était élevée à 24.082 euros selon monsieur X... et à 21.774,90 euros selon Air France, quand monsieur X... soutenait, sans être contredit que la rémunération mensuelle brute des six derniers mois s'élevait à 22.340 euros, la cour d'appel qui n'a pas justifié de la base de calcul de l'indemnité allouée a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Air France à payer à monsieur X... la somme de 27.490 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement, compte tenu de l'indemnité spécifique de rupture déjà perçue ;
AUX MOTIFS QUE la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de recherche sérieuse de reclassement (cf. arrêt p.8) ; que, sur les conséquences de la rupture, la SA Air France précise que : - monsieur X... a déjà perçu la somme de 215.335 euros à titre d'indemnité spécifique de départ ; - monsieur X... a bénéficié des règles de retraite dérogatoire applicables au personnel navigant permettant le bénéfice d'une pension de retraite au titre de la CRPN à taux plein dès 50 ans en contrepartie de 25 annuités ; - monsieur X... a liquidé sa retraite à taux plein à la CNAV dès le 1er avril 2009 ; qu'elle en conclut que les demandes de monsieur X... sont exorbitantes alors que celui-ci ne subit aucun préjudice direct et certain de la situation ; que la rupture du contrat de travail intervenue en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, en raison de la limite d'âge, et faute de reclassement, donne lieu au profit du salarié dont le contrat prend fin, au versement d'une indemnité de départ calculée conformément aux dispositions de l'article L. 423-1 du même code ; que l'atteinte de la limite d'âge, non suivie de reclassement, constitue donc une cause spécifique de rupture, donnant lieu au paiement d'une indemnité de départ spécifique, qui la distingue du licenciement intervenant pour une autre cause, au titre duquel l'article 7 du contrat de travail de monsieur X... prévoit le paiement d'une autre indemnité distincte et exclusive de la précédente ; que compte tenu de la requalification de la rupture en cause et de ce qu'il n'est pas contesté que monsieur X... a reçu la somme de 215.335 euros au titre de l'indemnité spécifique de départ, il convient de déduire cette somme de celle de 242.825 euros qu'il réclame sans être contredit au titre de l'indemnité de licenciement ; qu'il reste donc dû à ce titre à monsieur X..., la somme de 27.490 euros ; que cette situation donne, en outre, droit à monsieur X... à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour, compte tenu des éléments produits aux débats, notamment de l'ancienneté de monsieur X..., du montant de son salaire brut mensuel (22.000 euros) en sachant également qu'il dispose d'ores et déjà d'une pension de retraite pleine, est en mesure de fixer à 132.000 euros ; que monsieur X... réclame, en outre, des dommages et intérêts pour rupture prématurée et fautive du contrat de travail et pour perte de chance de se voir proposer un poste au sol, sans démontrer que ces préjudices invoqués sont distincts de ceux d'ores et déjà indemnisés par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse précédemment allouée ; qu'il ne peut donc qu'être débouté de ses demandes de ce chef ;
ALORS QUE l'article 2.3. de la convention d'entreprise du personnel navigant technique d'Air France prévoit une indemnité spécifique de cessation d'activité de navigant, dont le montant est calculé sur la base de 1°) « 7/30 ème de mois de salaire par année d'ancienneté compagnie, sans toutefois pouvoir dépasser la valeur de 7 mois », 2°) « auquel s'ajoute 2 mois de salaire pour absence de reclassement au sol » ; que la première partie de l'indemnité allouée du seul fait de la cessation d'activité de navigant et en l'absence de rupture du contrat de travail doit se cumuler avec l'indemnité légale de licenciement ; qu'en déduisant de l'indemnité légale de licenciement la totalité de l'indemnité de fin de carrière perçue par monsieur X..., la cour d'appel a méconnu l'article 2.3. de la convention d'entreprise du personnel navigant technique d'Air France et a violé l'article 1134 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Air France.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR dit que la rupture de la relation de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Air France à verser au salarié les sommes de 27 490 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement, 132 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 14 259 euros au titre du non-respect du droit individuel à la formation et ordonner d'office le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QU'« en application de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile le contrat de travail du pilote est rompu en cas d'impossibilité de le reclasser au sol. Les recherches de reclassement par l'employeur doivent être sérieuses et loyales. La charge de la preuve en incombe à l'employeur. Le licenciement prononcé en violation des dispositions de l'article précité est dépourvu de caractère réel et sérieux. M. X... estime que cette obligation de reclassement ne se limite pas aux termes du texte précité aux seuls emplois situés au sol mais plus largement, et d'abord sur le fondement de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail incombant à l'employeur, à tout autre emploi, y compris de pilote, et notamment au sein des filiales du groupe Air France situées à l'étranger. Il relève notamment qu'aucune recherche a été entreprise en ce sens auprès de la société Cityjet, filiale irlandaise de Air France qui emploie des pilotes âgés de plus de 60 ans. M. X... ajoute que la société Air France n'a pas davantage mené de recherches de reclassement au sol qui soient sérieuses, concernant au besoin des emplois justifiant la mise en oeuvre d'une formation complémentaire, alors, en outre, qu'il offrait également la qualification d'instructeur au sol. Exposant que l'obligation de reclassement instituée par le texte précité était spécifique et non comparable avec celle imposée à l'employeur dans le cadre d'autres modes de rupture, la Sa Air France se prévaut de ce qu'il s'agit en tout cas d'une obligation de moyen et non de résultat, qui porte sur la catégorie des seuls emplois au sol et qui est préalable à la rupture. Elle précise avoir mené des recherches sérieuses de reclassement au sol au terme desquelles il est apparu qu'aucun emploi correspondant aux compétences de M. X... n'était disponible. En premier lieu, la cour relève que, compte-tenu de ce qui précède, l'article L.421-9 ne saurait, au risque de caractériser une discrimination illicite, priver, en l'absence de contre-indication médicale, un pilote âgé entre 60 et 65 ans, de la possibilité d'être reclassé comme pilote au sein d'une filiale située à l'étranger où ces vols sont autorisés. Elle en déduit en second lieu que la Sa Air France qui n'a, au vu de ses explications mêmes, pas procédé à une quelconque recherche de reclassement de M. X... comme pilote au sein d'une filiale étrangère dépendant du même groupe que celui auquel elle appartient, a manqué à son obligation de reclassement. Il s'ensuit que la rupture de la relation de travail s'analyse, non en un licenciement nul, mais en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute d'une recherche sérieuse de reclassement. M. X... ne peut donc qu'être débouté au titre de ses demandes pour licenciement nul. La rupture du contrat de travail intervenue en application de I'article L.421-9 du code de l'aviation civile, en raison de la limite d'âge, et faute de reclassement, donne lieu au profit du salarié dont le contrat prend fin, au versement d'une indemnité de départ calculée conformément aux dispositions de l'article L.423-1 du même code. L'atteinte de la limite d'âge, non suivie de reclassement, constitue donc une cause spécifique de rupture, donnant lieu au paiement d'une indemnité de départ spécifique, qui la distingue du licenciement intervenant pour une autre cause, au titre duquel l'article 7 du contrat de travail de M. X... prévoit le paiement d'une autre indemnité distincte et exclusive de la précédente. Compte-tenu, au vu de ces éléments, qu'il n'est pas contesté que M. X... a reçu la somme de 215 335 € au titre de l'indemnité spécifique de départ, il convient de déduire cette somme de celle de 242 825 € qu'il réclame sans être contredit au titre de l'indemnité de licenciement. Il reste donc dû à ce titre à M. X..., la somme de 27 490 €. Cette situation donne, en outre, droit à M. X... à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats, notamment de l'ancienneté de M. X..., du montant de son salaire brut mensuel (22 000) en sachant qu'il dispose d'ores et déjà d'une pension de retraite pleine, est en mesure de fixer à 132 000 €. Compte-tenu de ce que la rupture du contrat de travail de M. X... est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et contrairement à ce que soutient Air France, M. X... bénéficie des dispositions relatives au droit individuel à la formation, ce dont il résulte qu'en ne lui notifiant pas ses droits à ce titre, la société Air France a commis un manquement engendrant pour son salarié un préjudice que la cour, compte-tenu du nombre d'heures acquises, est en mesure d'évaluer à la somme de 14 259 €. Corrélativement, il convient d'ordonner d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sa Air France de toutes les indemnités de chômage payées à M. X... Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions ».
ALORS QU'aux termes des dispositions de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile telles qu'issues des lois du 4 février 1995 et du 28 juillet 2004 exclusivement applicables jusqu'au 1er janvier 2010, l'employeur était seulement tenu d'une obligation de reclasser le pilote ayant atteint l'âge de soixante ans dans un emploi au sol ; que pour dire que la société Air France avait méconnu son obligation de reclassement à l'égard du salarié qui a atteint l'âge de soixante ans le 10 janvier 2009 et dont la rupture du contrat de travail est intervenue par lettre recommandée du 27 octobre 2008, la cour d'appel a uniquement reproché à l'employeur de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement du salarié dans un emploi de pilote au sein d'une filiale étrangère qui permettait l'exercice des fonctions de pilote jusqu'à l'âge de 65 ans ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de rechercher si l'employeur avait respecté son obligation de reclassement du salarié dans un emploi au sol, la cour d'appel a violé l'article L.421-9 du code de l'aviation civile dans sa rédaction en vigueur ;
ALORS, à titre infiniment subsidiaire, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que l'exigence de motivation requière que le juge analyse même sommairement l'ensemble des éléments de preuve versés aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions et s'explique sur les éléments de preuve qui fondent sa décision; que pour fixer à 132 00 euros le montant de l'indemnité à verser au salarié pour réparer le préjudice résultant de la rupture jugée illicite de son contrat de travail, la cour d'appel s'est bornée à viser « les éléments produits aux débats »; qu'en statuant ainsi sans analyser même sommairement ni s'expliquer sur les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour déterminer une telle somme, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29186
Date de la décision : 28/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2016, pourvoi n°14-29186


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29186
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