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27/09/2016 | FRANCE | N°14-29644

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2016, 14-29644


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 octobre 2014), que la société Mib-Hydro, qui a vendu deux presses hydrauliques à la société Treroc, a confié à la société Ziegler France l'organisation de leur transport de la France vers le Maroc ; que le conteneur renfermant les machines a été déchargé au port de Tanger sous la supervision de la société Ziegler Maroc, qui a sous-traité à un transporteur local l'acheminement du conteneur jusqu'au destinataire ; que durant ce transport terrestre, le conten

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 octobre 2014), que la société Mib-Hydro, qui a vendu deux presses hydrauliques à la société Treroc, a confié à la société Ziegler France l'organisation de leur transport de la France vers le Maroc ; que le conteneur renfermant les machines a été déchargé au port de Tanger sous la supervision de la société Ziegler Maroc, qui a sous-traité à un transporteur local l'acheminement du conteneur jusqu'au destinataire ; que durant ce transport terrestre, le conteneur s'est renversé sur la chaussée, endommageant l'une des deux presses hydrauliques ; que la société Albingia, subrogée dans les droits de son assurée qu'elle a indemnisée, a assigné en paiement la société Ziegler France, en qualité de commissionnaire, laquelle a appelé en garantie la société Ziegler Maroc ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu que la société Ziegler France fait grief à l'arrêt de la condamner envers la société Albingia alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour décider que la mission de la société Ziegler France, en qualité de commissionnaire de transport, s'achevait lors de la livraison dans les locaux du destinataire final et non au port de Tanger, et en déduire la responsabilité de cette société, la cour d'appel a retenu que n'était « corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle […] c'est la société Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire la société Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final » ; que, cependant, pour rejeter la demande en garantie de la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc, la cour a retenu que la société Ziegler Maroc affirmait avoir conclu un contrat « directement avec le destinataire, la société Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local » et « que la société Ziegler France ne produit aucune pièce de nature à contrecarrer les assertions de son appelé en garantie » ; qu'en se fondant ainsi sur des motifs contradictoires – l'existence d'un contrat entre les sociétés Treroc et Ziegler Maroc étant retenue dans le cadre de l'action en garantie après avoir été déniée dans le cadre de l'action principale –, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que pour démontrer que son rôle de commissionnaire s'était achevé au port de Tanger, la société Ziegler France faisait valoir que la société Ziegler Maroc confirmait être intervenue pour le compte de la société Treroc, ce que son comportement démontrait dès lors que la société Ziegler Maroc avait engagé des recours au Maroc à l'encontre de son assureur et du voiturier responsable du sinistre ; qu'en retenant, pour considérer que la société Ziegler France était responsable de l'intégralité du transport, que n'était « corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle sa mission s'achèverait au port de Tanger, qu'elle n'avait pas à se préoccuper du transport final, et que c'est Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final », sans tenir compte de la reconnaissance par la société Ziegler Maroc de son rôle et de la procédure engagée au Maroc – alors même que, dans le cadre de l'action en garantie engagée par la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc, la cour a tenu compte des dires de cette dernière qui affirmait avoir conclu un contrat « directement avec le destinataire, Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local » –, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'un courriel du donneur d'ordre adressé à la société Ziegler France mentionnait expressément comme lieu de livraison les entrepôts de la société Tréroc à Tanger, l'arrêt retient que le commissionnaire s'était engagé à acheminer la marchandise dans les locaux du destinataire ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a déduit, par une décision motivée et sans se contredire, que la société Ziegler France était responsable, envers son propre donneur d'ordre, de l'organisation de l'intégralité du transport, peu important qu'un contrat ait été conclu entre la société Ziegler Maroc et la société Tréroc ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Ziegler France fait encore grief à l'arrêt de rejeter son action en garantie contre la société Ziegler Maroc alors, selon le moyen, que la commission de transport se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité ; que la cour d'appel a retenu que la société Ziegler France était intervenue en qualité de commissionnaire pour l'intégralité du transport jusqu'aux locaux du destinataire final, la société Treroc ; qu'il en résultait nécessairement que ce ne pouvait être la société Treroc qui avait chargé la société Ziegler Maroc d'organiser le transport entre le port de Tanger et les locaux du destinataire final mais que seule la société Ziegler France avait pu désigner ce substitué ; qu'en retenant cependant, pour débouter la société Ziegler France de son action en garantie, que celle-ci ne contrecarrait pas les assertions de la société Ziegler Maroc selon lesquelles la mission de post-acheminement des marchandises avait été confiée à cette dernière par la société Treroc, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations quant à la qualité de commissionnaire de transport de la société Ziegler France, a violé les articles L. 132-1 et L. 132-3 et suivants du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant écarté l'existence, entre les sociétés Ziegler France et Ziegler Maroc, du contrat sur lequel la première fondait son appel en garantie, par l'application, revendiquée par ces deux parties, des dispositions du code de commerce marocain, la cour d'appel n'a pu violer les dispositions du code de commerce français relatives au commissionnaire de transport, dont elle n'a pas fait application dans les rapports entre les deux sociétés ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ziegler France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Albingia la somme de 3 000 euros et la même somme à la société Ziegler Maroc ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ziegler France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la société Albingia fondée en ses demandes, d'avoir condamné la société Ziegler France au paiement de la somme de 174.867,52 euros à la société Albingia et d'avoir débouté la société Ziegler France de son action en garantie formée à l'encontre de la société Ziegler Maroc ;

AUX MOTIFS QUE « 1°) sur l'action principale formée par l'assureur à l'encontre de la société Ziegler France : […] l'action de la société Albingia est fondée sur les textes suivants du code de commerce : article L132-4 : le commissionnaire de transport est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée ; article L132-5 : il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure ; article L132-6 : il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises ; […] qu'en l'occurrence, il n'est point discuté entre la société Albingia et la société Ziegler France que le sinistre est survenu à l'occasion de l'acheminement terrestre de la marchandise vers son destinataire final, la société Treroc, après son débarquement d'un navire au port de Tanger ; que la question soumise à la cour consiste à apprécier si, au moment de ce sinistre, la marchandise se trouvait encore sous la responsabilité de la société Ziegler France ; […] que la seule cocontractante de la société Mib-Hydro était la société Ziegler France ; qu'il ressort de ses écritures que cette dernière reconnaît avoir contracté en qualité de commissionnaire de transport ; […] que la jurisprudence définit la commission de transport comme la convention par laquelle le commissionnaire de transport s'engage, envers le commettant, à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre ; elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que le commissionnaire de transport, tenu d'une obligation de résultat, ne peut, sous réserve d'une stipulation contraire, s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui que par la preuve d'une cause étrangère ; […] qu'en l'occurrence, l'assureur et la société Ziegler France se querellent sur le moment auquel devait prendre fin la mission de la seconde, celle-ci soutenant, en se prévalant de l'incoterm DAP Tanger conclu entre le vendeur et l'acheteur, que sa mission s'achevait au port de Tanger après installation de la marchandise sur camion, tandis que la société Albingia affirme que la mission du commissionnaire prenait fin lors de la livraison de la marchandise dans les locaux de l'acheteur, Treroc ; […] que l'appellation « INCOTERM » est une abréviation anglo-saxonne de l'expression « International Commercial Terms », signifiant « termes du commerce international », et traduite en français par « conditions internationales de vente » ; que les Incoterms – qui résultent d'une codification des modalités d'une transaction commerciale émanant de la Chambre de Commerce Internationale, chaque modalité étant codifiée par trois lettres et indissociable du lieu de livraison auquel elle s'applique – ont pour finalité de fournir une série de règles internationales pour l'interprétation des termes commerciaux les plus couramment utilisés en commerce extérieur ; que ces termes définissent les obligations du vendeur et de l'acheteur lors d'une transaction commerciale, le plus souvent internationale, et concernent essentiellement les obligations des parties à un contrat de vente : la livraison de la marchandise vendue, la répartition des frais et des risques liés à cette marchandise, la charge des formalités d'export et d'import ; que selon l'incoterm dénommé « DAP » (Delivered At Place, traduit en français par « Rendu au lieu de destination convenu »), le vendeur prend en charge le transport des marchandises jusqu'au point de livraison convenu, et il assume donc les coûts et les risques jusqu'à ce point ; que les marchandises sont mises à disposition de l'acheteur à destination sur le moyen de transport, sans être déchargées ; que l'acheteur organise le déchargement, effectue les formalités d'importation et acquitte les droits et taxes dus en raison de l'importation ; mais […] qu'il résulte du principe de la relativité des conventions, issu de l'article 1165 du code civil, que contrat de vente et contrat de transport constituent deux conventions indépendantes l'une de l'autre ; qu'il s'ensuit qu'en principe, le transporteur ne peut se voir opposer les clauses du contrat de vente, auquel il est étranger, et, à l'inverse, qu'il ne peut se prévaloir desdites clauses et se retrancher derrière elles pour se soustraire aux obligations [qui] lui incombent ; qu'en d'autres termes, le contrat de vente ne peut ni profiter, ni nuire au voiturier, qui n'a à connaître et ne doit tenir compte que des stipulations du contrat de transport ; […] qu'en l'espèce, la venderesse, Mib-Hydro, et [la] société Ziegler France n'ont pas signé de contrat écrit concernant la prestation de transport litigieux ; que cependant, est versé aux débats le courriel du 6 avril 2014 par lequel Mib-Hydro a confirmé à la société Ziegler France son accord pour le transport de deux presses hydrauliques à destination de Tanger pour un montant définitif de 27 300 euros « selon détails de votre offre du 5/04/2011 et selon notre colisage et conditions de transports » (cf. pièce n°1 de Ziegler France) ; que curieusement, la société Ziegler France ne communique par son offre ainsi visée du 5 avril 2011 ; que quoi qu'il en soit, après avoir précisé les éléments concernant la marchandise à transporter (désignation, poids, valeur...), le lieu de son chargement (Feugerolles, en France), et la date de livraison (« au plus tôt », sic), ce courriel comporte les mentions suivantes : DESTINATION : TREROC ZF D'EXPORTATION BOUKHALEF ILOT 30 LOT 1 90000 TANGER MAROC INCOTERMS : DAP TANGER CALAGE ET ELINGAGE AUX SOINS DE FOURNEL EMBALLAGES SOUS SA RESPONSABILITE AU CHARGEMENT (...). EMPOTAGE ET DEPOTAGE DES CAISSES DE BOIS ET DES CONTAINERS AU PORT DE DEPART ET D'ARRIVEE SOUS VOTRE RESPONSABILITE ; que ce courriel indiquant expressément une adresse de livraison correspondant à celle de l'acheteur – située à 15 km du port de Tanger selon les indications de la société Ziegler France (page 5 de ses conclusions) – la cour estime qu'il s'en déduit que la volonté de la société Mib-Hydro était incontestablement que son commissionnaire, Ziegler France, fît livrer la marchandise directement aux locaux de l'acheteur, la seule indication « Incoterms DAP TANGER » ne pouvant s'analyser comme signifiant qu'elle aurait entendu intégrer au contrat de transport les termes de cet Incoterm en prévoyant au contraire que la mission de Ziegler France s'achèverait au port de Tanger ; que la mention relative au dépotage de la marchandise au port d'arrivée ne constitue qu'une précision quant à la charge des risques liés à cette opération spécifique, et ne saurait, eu égard à sa rédaction, s'interpréter comme signifiant que la mission de la société Ziegler France devait s'arrêter à ce stade ; que de surcroît, la cour ne peut que souligner que n'est corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle sa mission s'achèverait au port de Tanger, qu'elle n'avait pas à se préoccuper du transport final, et que c'est Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final (cf. pages 4 § 7, 5 § 3,et 6 § 9) ; qu'en effet, pour l'appréciation du contenu du contrat signé entre la société Mib-Hydro, expéditeur, et la société Ziegler France, commissionnaire, il n'importe que la société Ziegler Maroc figure sur le connaissement émis par le transporteur maritime Maersk Ligne en qualité de « consignee » [en français : « consignataire », celui à qui est destinée la marchandise – cf pièce n°5 de société Ziegler France], dès lors que le connaissement, qui n'émane pas de [la] société Mib-Hydro, est à la fois extérieur et postérieur à la conclusion du contrat de commission de transport ; que ce document vaut récépissé par lequel le transporteur maritime reconnaît avoir réceptionné la marchandise à expédier, et atteste uniquement du contrat de transport maritime ; […] qu'en considération de ces seuls éléments, la cour estime que la volonté des parties était que la société Ziegler France effectuât la livraison des presses hydrauliques jusqu'aux locaux du destinataire final Treroc ; que la société Ziegler France était donc, en sa qualité de commissionnaire, responsable de la marchandise lors du sinistre, survenu avant achèvement de sa mission ; que cette société étant tenue d'indemniser l'expéditeur des dommages résultant de ce sinistre, c'est à juste titre que les 1ers juges l'ont condamnée à indemniser l'assureur de l'expéditeur, la société Albingia, subrogée dans les droits de son assuré ; que le jugement entrepris mérite donc confirmation en sa disposition condamnant la société Ziegler France à payer à la société Albingia la somme, non contestée, de 174.867,52 euros qui correspond à l'indemnisation versée à son assuré ; 2°) Sur l'action en garantie intentée par la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc : […] sur le bien-fondé de l'action en garantie : […] qu'en cas d'action en garantie dite « simple », telle que celle présentement examinée, le demandeur en garantie est lui-même tenu personnellement à l'égard du demandeur originaire et partie principale, selon l'article 334 [du] code de procédure civile ; qu'ainsi, le rapport procédural né de l'appel en garantie ne se substitue pas au rapport originaire, mais s'y ajoute ; qu'il s'ensuit que chacune des parties doit conclure personnellement dans le rapport procédural qui la concerne ; […] qu'il s'infère des conclusions de la société Ziegler France que celle-ci fonde son action en garantie sur un contrat qui la lierait à la société Ziegler Maroc ; qu'en effet, elle indique successivement que « si l'on admet (...) [qu'elle] a bien missionné la société Ziegler Maroc pour le transport terrestre depuis le port de Tanger jusqu'aux établissements Treroc (...), force est alors de constater que la société Ziegler Maroc a contracté une obligation avec un français (Ziegler France) » (page 8 §6), et que les articles 458, 460 et 462 du code de commerce marocain « gouvernent le contrat de transport mais s'appliquent au commissionnaire qui, en droit marocain, ne fait pas encore l'objet d'une réglementation spécifique » (page 8 §11) ; qu'en conséquence, il appartient à la société Ziegler France, demanderesse à l'action en garantie, d'établir l'existence du contrat qui la lierait à société Ziegler Maroc au moment du sinistre ; or, attendu qu'outre le fait que, dans ses écritures relatives à l'action principale, la société Ziegler France nie l'existence d'un tel contrat – selon elle, Ziegler Maroc serait intervenue « pour le compte du destinataire Treroc » lors des opérations de transport au cours desquelles s'est déroulé le sinistre (cf page 6 § 9) – en tout état de cause, la société Ziegler Maroc dément, dans le cadre de la présente action en garantie, l'existence d'un tel contrat ; qu'en effet, elle conclut à l'existence de deux contrats successifs dans le temps : - un premier conclu avec [la] société Ziegler France mais uniquement en tant que transitaire – elle aurait reçu le mandat d'assurer le passage de la marchandise d'un moyen de transport à un autre –, ce contrat s'étant, selon elle, achevé lorsque les marchandises ont été débarquées du navire, - et un second régularisé directement avec le destinataire, Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local et au cours desquelles a eu lieu le sinistre litigieux ; que la société Ziegler France ne produit aucune pièce de nature à contrecarrer les assertions de son appelé en garantie et démontrer qu'au moment du sinistre, un contrat l'eût liée à la société Ziegler Maroc ; qu'elle ne peut dès lors qu'être déboutée de sa demande de garantie intentée à l'endroit de cette dernière ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ses dispositions condamnant la société Ziegler Maroc à relever et garantir la société Ziegler France des condamnations mises à sa charge, et la déboutant de toutes ses demandes » ;

ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour décider que la mission de la société Ziegler France, en qualité de commissionnaire de transport, s'achevait lors de la livraison dans les locaux du destinataire final et non au port de Tanger, et en déduire la responsabilité de cette société, la cour d'appel a retenu que n'était « corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle […] c'est Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final » ; que, cependant, pour rejeter la demande en garantie de la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc, la cour a retenu que la société Ziegler Maroc affirmait avoir conclu un contrat « directement avec le destinataire, Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local » et « que la société Ziegler France ne produit aucune pièce de nature à contrecarrer les assertions de son appelé en garantie » ; qu'en se fondant ainsi sur des motifs contradictoires – l'existence d'un contrat entre les sociétés Treroc et Ziegler Maroc étant retenue dans le cadre de l'action en garantie après avoir été déniée dans le cadre de l'action principale –, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit la société Albingia fondée en ses demandes et d'avoir condamné la société Ziegler France au paiement de la somme de 174.867,52 euros à la société Albingia ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'action principale formée par l'assureur à l'encontre de la société Ziegler France : […] l'action de la société Albingia est fondée sur les textes suivants du code de commerce : article L132-4 : le commissionnaire de transport est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure légalement constatée ; article L132-5 : il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure ; article L132-6 : il est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises ; […] qu'en l'occurrence, il n'est point discuté entre la société Albingia et la société Ziegler France que le sinistre est survenu à l'occasion de l'acheminement terrestre de la marchandise vers son destinataire final, la société Treroc, après son débarquement d'un navire au port de Tanger ; que la question soumise à la cour consiste à apprécier si, au moment de ce sinistre, la marchandise se trouvait encore sous la responsabilité de la société Ziegler France ; […] que la seule cocontractante de la société Mib-Hydro était la société Ziegler France ; qu'il ressort de ses écritures que cette dernière reconnaît avoir contracté en qualité de commissionnaire de transport ; […] que la jurisprudence définit la commission de transport comme la convention par laquelle le commissionnaire de transport s'engage, envers le commettant, à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre ; elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; que le commissionnaire de transport, tenu d'une obligation de résultat, ne peut, sous réserve d'une stipulation contraire, s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui que par la preuve d'une cause étrangère ; […] qu'en l'occurrence, l'assureur et la société Ziegler France se querellent sur le moment auquel devait prendre fin la mission de la seconde, celle-ci soutenant, en se prévalant de l'incoterm DAP Tanger conclu entre le vendeur et l'acheteur, que sa mission s'achevait au port de Tanger après installation de la marchandise sur camion, tandis que la société Albingia affirme que la mission du commissionnaire prenait fin lors de la livraison de la marchandise dans les locaux de l'acheteur, Treroc ; […] que l'appellation « INCOTERM » est une abréviation anglo-saxonne de l'expression « International Commercial Terms », signifiant « termes du commerce international », et traduite en français par « conditions internationales de vente » ; que les Incoterms – qui résultent d'une codification des modalités d'une transaction commerciale émanant de la Chambre de Commerce Internationale, chaque modalité étant codifiée par trois lettres et indissociable du lieu de livraison auquel elle s'applique – ont pour finalité de fournir une série de règles internationales pour l'interprétation des termes commerciaux les plus couramment utilisés en commerce extérieur ; que ces termes définissent les obligations du vendeur et de l'acheteur lors d'une transaction commerciale, le plus souvent internationale, et concernent essentiellement les obligations des parties à un contrat de vente : la livraison de la marchandise vendue, la répartition des frais et des risques liés à cette marchandise, la charge des formalités d'export et d'import ; que selon l'incoterm dénommé « DAP » (Delivered At Place, traduit en français par « Rendu au lieu de destination convenu »), le vendeur prend en charge le transport des marchandises jusqu'au point de livraison convenu, et il assume donc les coûts et les risques jusqu'à ce point ; que les marchandises sont mises à disposition de l'acheteur à destination sur le moyen de transport, sans être déchargées ; que l'acheteur organise le déchargement, effectue les formalités d'importation et acquitte les droits et taxes dus en raison de l'importation ; mais […] qu'il résulte du principe de la relativité des conventions, issu de l'article 1165 du code civil, que contrat de vente et contrat de transport constituent deux conventions indépendantes l'une de l'autre ; qu'il s'ensuit qu'en principe, le transporteur ne peut se voir opposer les clauses du contrat de vente, auquel il est étranger, et, à l'inverse, qu'il ne peut se prévaloir desdites clauses et se retrancher derrière elles pour se soustraire aux obligations [qui] lui incombent ; qu'en d'autres termes, le contrat de vente ne peut ni profiter, ni nuire au voiturier, qui n'a à connaître et ne doit tenir compte que des stipulations du contrat de transport ; […] qu'en l'espèce, la venderesse, Mib-Hydro, et [la] société Ziegler France n'ont pas signé de contrat écrit concernant la prestation de transport litigieux ; que cependant, est versé aux débats le courriel du 6 avril 2014 par lequel Mib-Hydro a confirmé à la société Ziegler France son accord pour le transport de deux presses hydrauliques à destination de Tanger pour un montant définitif de 27.300 euros « selon détails de votre offre du 5/04/2011 et selon notre colisage et conditions de transports » (cf. pièce n°1 de Ziegler France) ; que curieusement, la société Ziegler France ne communique par son offre ainsi visée du 5 avril 2011 ; que quoi qu'il en soit, après avoir précisé les éléments concernant la marchandise à transporter (désignation, poids, valeur...), le lieu de son chargement (Feugerolles, en France), et la date de livraison (« au plus tôt », sic), ce courriel comporte les mentions suivantes : DESTINATION : TREROC ZF D'EXPORTATION BOUKHALEF ILOT 30 LOT 1 90000 TANGER MAROC INCOTERMS : DAP TANGER CALAGE ET ELINGAGE AUX SOINS DE FOURNEL EMBALLAGES SOUS SA RESPONSABILITE AU CHARGEMENT (...). EMPOTAGE ET DEPOTAGE DES CAISSES DE BOIS ET DES CONTAINERS AU PORT DE DEPART ET D'ARRIVEE SOUS VOTRE RESPONSABILITE ; que ce courriel indiquant expressément une adresse de livraison correspondant à celle de l'acheteur – située à 15 km du port de Tanger selon les indications de la société Ziegler France (page 5 de ses conclusions) – la cour estime qu'il s'en déduit que la volonté de la société Mib-Hydro était incontestablement que son commissionnaire, Ziegler France, fît livrer la marchandise directement aux locaux de l'acheteur, la seule indication « Incoterms DAP TANGER » ne pouvant s'analyser comme signifiant qu'elle aurait entendu intégrer au contrat de transport les termes de cet Incoterm en prévoyant au contraire que la mission de Ziegler France s'achèverait au port de Tanger ; que la mention relative au dépotage de la marchandise au port d'arrivée ne constitue qu'une précision quant à la charge des risques liés à cette opération spécifique, et ne saurait, eu égard à sa rédaction, s'interpréter comme signifiant que la mission de la société Ziegler France devait s'arrêter à ce stade ; que de surcroît, la cour ne peut que souligner que n'est corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle sa mission s'achèverait au port de Tanger, qu'elle n'avait pas à se préoccuper du transport final, et que c'est Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final (cf. pages 4 § 7, 5 § 3,et 6 § 9) ; qu'en effet, pour l'appréciation du contenu du contrat signé entre la société Mib-Hydro, expéditeur, et la société Ziegler France, commissionnaire, il n'importe que la société Ziegler Maroc figure sur le connaissement émis par le transporteur maritime Maersk Ligne en qualité de « consignee » [en français : « consignataire », celui à qui est destinée la marchandise – cf. pièce n°5 de société Ziegler France], dès lors que le connaissement, qui n'émane pas de [la] société Mib-Hydro, est à la fois extérieur et postérieur à la conclusion du contrat de commission de transport ; que ce document vaut récépissé par lequel le transporteur maritime reconnaît avoir réceptionné la marchandise à expédier, et atteste uniquement du contrat de transport maritime ; […] qu'en considération de ces seuls éléments, la cour estime que la volonté des parties était que la société Ziegler France effectuât la livraison des presses hydrauliques jusqu'aux locaux du destinataire final Treroc ; que la société Ziegler France était donc, en sa qualité de commissionnaire, responsable de la marchandise lors du sinistre, survenu avant achèvement de sa mission ; que cette société étant tenue d'indemniser l'expéditeur des dommages résultant de ce sinistre, c'est à juste titre que les 1ers juges l'ont condamnée à indemniser l'assureur de l'expéditeur, la société Albingia, subrogée dans les droits de son assuré ; que le jugement entrepris mérite donc confirmation en sa disposition condamnant la société Ziegler France à payer à la société Albingia la somme, non contestée, de 174.867,52 euros qui correspond à l'indemnisation versée à son assuré » ;

ALORS QUE pour démontrer que son rôle de commissionnaire s'était achevé au port de Tanger, la société Ziegler France faisait valoir que la société Ziegler Maroc confirmait être intervenue pour le compte de la société Treroc, ce que son comportement démontrait dès lors que la société Ziegler Maroc avait engagé des recours au Maroc à l'encontre de son assureur et du voiturier responsable du sinistre (conclusions de la société Ziegler France, p.6 §8 et 9) ; qu'en retenant, pour considérer que la société Ziegler France était responsable de l'intégralité du transport, que n'était « corroborée par aucune des pièces versées aux débats la thèse de la société Ziegler France suivant laquelle sa mission s'achèverait au port de Tanger, qu'elle n'avait pas à se préoccuper du transport final, et que c'est Ziegler Maroc qui, à la demande du destinataire Treroc, aurait affrété un voiturier chargé de l'acheminement final », sans tenir compte de la reconnaissance par la société Ziegler Maroc de son rôle et de la procédure engagée au Maroc – alors même que, dans le cadre de l'action en garantie engagée par la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc, la cour a tenu compte des dires de cette dernière qui affirmait avoir conclu un contrat « directement avec le destinataire, Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local » –, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Ziegler France de son action en garantie formée à l'encontre de la société Ziegler Maroc ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'action en garantie intentée par la société Ziegler France à l'encontre de la société Ziegler Maroc : […] sur le bien-fondé de l'action en garantie : […] qu'en cas d'action en garantie dite « simple », telle que celle présentement examinée, le demandeur en garantie est lui-même tenu personnellement à l'égard du demandeur originaire et partie principale, selon l'article 334 [du] code de procédure civile ; qu'ainsi, le rapport procédural né de l'appel en garantie ne se substitue pas au rapport originaire, mais s'y ajoute ; qu'il s'ensuit que chacune des parties doit conclure personnellement dans le rapport procédural qui la concerne ; […] qu'il s'infère des conclusions de la société Ziegler France que celle-ci fonde son action en garantie sur un contrat qui la lierait à la société Ziegler Maroc ; qu'en effet, elle indique successivement que « si l'on admet (...) [qu'elle] a bien missionné la société Ziegler Maroc pour le transport terrestre depuis le port de Tanger jusqu'aux établissements Treroc (...), force est alors de constater que la société Ziegler Maroc a contracté une obligation avec un français (Ziegler France) » (page 8 §6), et que les articles 458, 460 et 462 du code de commerce marocain « gouvernent le contrat de transport mais s'appliquent au commissionnaire qui, en droit marocain, ne fait pas encore l'objet d'une réglementation spécifique » (page 8 §11) ; qu'en conséquence, il appartient à la société Ziegler France, demanderesse à l'action en garantie, d'établir l'existence du contrat qui la lierait à société Ziegler Maroc au moment du sinistre ; or, attendu qu'outre le fait que, dans ses écritures relatives à l'action principale, la société Ziegler France nie l'existence d'un tel contrat – selon elle, Ziegler Maroc serait intervenue « pour le compte du destinataire Treroc » lors des opérations de transport au cours desquelles s'est déroulé le sinistre (cf page 6 § 9) – en tout état de cause, la société Ziegler Maroc dément, dans le cadre de la présente action en garantie, l'existence d'un tel contrat ; qu'en effet, elle conclut à l'existence de deux contrats successifs dans le temps : - un premier conclu avec [la] société Ziegler France mais uniquement en tant que transitaire – elle aurait reçu le mandat d'assurer le passage de la marchandise d'un moyen de transport à un autre –, ce contrat s'étant, selon elle, achevé lorsque les marchandises ont été débarquées du navire, - et un second régularisé directement avec le destinataire, Treroc, et selon lequel elle devait organiser les opérations de post-acheminement des marchandises jusqu'aux locaux du destinataire – opérations sous-traitées auprès d'un transporteur local et au cours desquelles a eu lieu le sinistre litigieux ; que la société Ziegler France ne produit aucune pièce de nature à contrecarrer les assertions de son appelé en garantie et démontrer qu'au moment du sinistre, un contrat l'eût liée à la société Ziegler Maroc ; qu'elle ne peut dès lors qu'être déboutée de sa demande de garantie intentée à l'endroit de cette dernière ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ses dispositions condamnant la société Ziegler Maroc à relever et garantir la société Ziegler France des condamnations mises à sa charge, et la déboutant de toutes ses demandes » ;

ALORS QUE la commission de transport se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité ; que la cour d'appel a retenu que la société Ziegler France était intervenue en qualité de commissionnaire pour l'intégralité du transport jusqu'aux locaux du destinataire final, la société Treroc ; qu'il en résultait nécessairement que ce ne pouvait être la société Treroc qui avait chargé la société Ziegler Maroc d'organiser le transport entre le port de Tanger et les locaux du destinataire final mais que seule la société Ziegler France avait pu désigner ce substitué ; qu'en retenant cependant, pour débouter la société Ziegler France de son action en garantie, que celle-ci ne contrecarrait pas les assertions de la société Ziegler Maroc selon lesquelles la mission de post-acheminement des marchandises avait été confiée à cette dernière par la société Treroc, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations quant à la qualité de commissionnaire de transport de la société Ziegler France, a violé les articles L.132-1 et L.132-3 et suivants du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-29644
Date de la décision : 27/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 sep. 2016, pourvoi n°14-29644


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29644
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