LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses première et quatrième branches :
Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que le dépôt d'une requête en autorisation d'une inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce ne constitue pas une citation en justice au sens de ce texte ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par une requête déposée le 10 février 2014, la société Architecture J.P. Gomis a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin d'obtenir l'autorisation de prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce appartenant à la société R.C.O and co ; que par ordonnance du 25 février 2014, le président de ce tribunal a autorisé l'inscription sollicitée, qui n'a jamais été prise par l'intéressée ; que la société Architecture J.P. Gomis a saisi le juge des référés du même tribunal de commerce à fin de voir condamner la société R.C.O and co au paiement d'une somme à titre de provision ; que par une ordonnance du 10 juillet 2014, le juge des référés a écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription et a accueilli la demande ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé, l'arrêt retient que la demande en justice de l'intimée, à fin d'inscription d'un nantissement judiciaire sur le fonds de commerce de l'appelante, a interrompu la prescription ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Architecture J.P. Gomis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Architecture J.P. Gomis à payer à la société R.C.O. and co la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société RCO and Co
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance qui avait dit que l'action de la société ARCHITECTURE JP GOMIS n'était pas prescrite et avait condamné la société R.C.O AND CO à payer à cette dernière la somme de 27.222 € à titre de provision, avec intérêts légaux depuis le 13 décembre 2013 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société R.C.O AND CO a reconnu le droit de la société ARCHITECTURE JP GOMIS à paiement et, à la suite de l'accord entre les parties, un échéancier a été mis en place aux termes duquel elle s'engageait au paiement de la somme de 35.000 € par six échéances de janvier 2009 à juin 2009 ; que les deux premières échéances des 9 janvier et 9 février ont été réglées, de sorte que la prescription n'aurait été acquise, en l'absence d'autres éléments, qu'à la date du 9 mars 2014 ; que cependant, compte tenu de ces paiements partiels, l'intimée a saisi le président du tribunal de commerce de Toulouse le 10 février 2014, soit avant l'acquisition de la prescription, d'une demande en justice aux fins d'inscription d'un nantissement judiciaire provisoire sur le fonds de commerce de société R.C.O AND CO, afin de garantir le paiement de la somme restant due, compte tenu des versements effectués, de 27.222 € ; que cette demande en justice a interrompu la prescription de cette action en paiement ;
Que, par ailleurs, l'appelante s'est bornée à faire état de contestations sérieuses, sans les définir ni les préciser, qui feraient obstacle à la compétence du juge des référés, lesquelles sont en outre contredites par la reconnaissance de sa dette et les engagements qu'elle a pris en vue de son règlement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, depuis le 5 novembre 2004 et jusqu'au 20 novembre 2008, la société ARCHITECTURE J.P.GOMIS a émis cinq factures d'honoraires ;
Que sur la facture n°5 émise le 20 novembre 2008, il est fait état d'une somme de 35.000 € pour solde de tout compte ; que non seulement ce solde n'est pas contesté par la société R.C.O and CO mais que, par courrier du 25 novembre 2008, cette dernière propose un échéancier de règlement courant de janvier 2009 à juin 2009 constituant ainsi une reconnaissance de sa dette ; que cet échéancier a bien été accepté par la société ARCHITECTURE J.P.GOMIS ; que les deux premières échéances de janvier et de février ont été réglées par la société R.C.O and CO, confirmant de fait la reconnaissance de la dette ; qu'un solde de 27.222 € reste donc dû à la société ARCHITECTURE J.P GOMIS ;
Qu'en ne réglant pas les échéances suivantes, la SARL R.C.O and CO n'a pas respecté le contrat tacite passé avec la SARL ARCHITECTURE J.P.GOMIS ;
Que cette attitude dommageable a contraint la société ARCHITECTURE J.P.GOMIS à adresser une mise en demeure infructueuse ;
Que la société R.C.O and CO indique cependant que la réclamation contenue dans la mise en demeure du 13 décembre 2013 serait prescrite conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil ;
Que cette argumentation ne saurait toutefois prospérer, considérant, d'une part, que le dernier règlement a effectivement été effectué le 9 mars 2009 et que le délai de prescription ne court que depuis cette date ; que l'action est donc recevable jusqu'au mois de mars 2014 ;
Que, de plus, l'article 2244 du code civil dispose : « le délai de prescription ou de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civile d'exécution ou un acte d'exécution forcée » ;
Que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Toulouse du 25 février 2014 intervenant sur requête aux fins d'inscription d'un nantissement judiciaire provisoire sur fonds de commerce en date du 10 février 2014 autorisant cette inscription constitue une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution et est interruptive de prescription au vu de l'article 2244 du code civil ;
Que, de ce qui précède, il convient d'acter que la société R.C.O and CO ne conteste pas avoir adressé le courrier du 25 novembre 2008 par lequel elle reconnaît devoir la somme de 35.000 € et sur laquelle elle a bien réglé les deux premières mensualités de janvier et février 2009 ;
Que la société R.C.O and CO est débitrice d'un solde de 27.222 € depuis mars 2009 ;
Que la mise en demeure de paiement de ce solde a été adressée le 13 décembre 2013 ; qu'il y a donc lieu, dans le cadre d'une bonne justice, d'accorder par provision à la société ARCHITECTURE J.P.GOMIS la somme de 27.222 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2013 ;
1° ALORS QUE la requête visée à l'article R.511-1 du code des procédures civiles d'exécution sollicitant du juge l'autorisation de prendre une mesure conservatoire n'est pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil et, partant, ne peut avoir aucun effet interruptif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2241 du code civil ;
2° ALORS QUE, par application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance ; qu'à supposer même que la requête visée à l'article R.511-1 du code des procédures civiles d'exécution ait pu avoir un effet interruptif de la prescription, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'autorisation accordée par l'ordonnance du 25 février 2014 à la société ARCHITECTURE JP GOMIS d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce n'était pas caduque, à défaut pour le créancier d'avoir procédé à l'inscription du nantissement dans les trois mois de l'ordonnance et si, en conséquence, la requête aux fins d'autorisation de la mesure conservatoire n'était pas en tout état de cause privée de tout effet interruptif de prescription, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 2243 du code civil et de l'article R.511-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
3° ALORS QU'en laissant sans réponse le moyen tiré de la caducité de l'autorisation donnée par l'ordonnance du 25 février 2014 et, partant, de l'absence d'effet interruptif, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS OU'à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs de l'ordonnance qualifiant de mesure conservatoire l'autorisation donnée par le juge d'inscrire un nantissement pour décider que cette autorisation avait eu par ellemême un effet interruptif, il résulte des prévisions de l'article 2244 du code civil que seule une mesure conservatoire interrompt la prescription ; que, dès lors, en affirmant que l'ordonnance du 25 février 2014 avait interrompu la prescription, quand l'autorisation préalable donnée au créancier de prendre une mesure conservatoire ne peut être elle-même qualifiée de mesure conservatoire au sens de l'article 2244 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte ;
5° ALORS QU'en tout état de cause, l'autorisation donnée à la société ARCHITECTURE JP GOMIS de procéder à l'inscription du nantissement était caduque, à défaut pour cette dernière d'avoir procédé à cette inscription dans le délai de trois mois de l'ordonnance ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'effet interruptif de la prescription résultant de l'autorisation délivrée au créancier de procéder à l'inscription n'était pas caduque et si, en conséquence, l'effet interruptif n'était pas en tout état de cause « non avenu », la cour a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 2243 du code civil.