LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2014), que la société Degreane Horizon et la société Made exercent leur activité dans le même domaine et ont comme client commun la société EDF ; que reprochant à la société Made des actes de concurrence déloyale par copie de ses produits et débauchage de ses salariés, MM. X..., Y..., Z... et A..., la société Degreane Horizon l'a assignée, ainsi que ces derniers, en réparation de ses préjudices ; qu'une expertise judiciaire comparative des produits de chacune des sociétés a été ordonnée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du principe de la contradiction alors, selon le moyen :
1°/ que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de soumission aux parties des résultats des investigations techniques auxquelles l'expert a procédé hors leur présence constitue l'inobservation d'une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en retenant, au contraire, qu'une telle irrégularité devrait entraîner la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du contradictoire « sans qu'il y ait lieu de constater l'existence d'un grief », la cour d'appel a violé les articles 175 et 114 du code de procédure civile ;
2°/ que l'existence d'un grief permettant de prononcer la nullité d'opérations d'expertise en raison de l'inobservation d'une formalité substantielle doit s'apprécier en considération des protestations que l'intéressé est susceptible de formuler devant le juge ; que, pour prononcer la nullité du rapport d'expertise de l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'irrégularité en cause n'avait mis la société Made « en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations expertales et des pré-conclusions de l'expert ni d'établir un dire technique en réponse aux pré-conclusions de l'expert », et que « le débat contradictoire devant le tribunal n'était pas susceptible de pallier cette absence de débat devant l'expert » ; qu'à supposer qu'elle ait ainsi entendu caractériser l'existence d'un grief subi par la société Made, la cour d'appel, en refusant de tenir compte des protestations que celle-ci avait pu formuler devant le tribunal, a violé les articles 175 et 114 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert, avant de déposer son rapport, n'avait pas répondu à la demande de la société Made, adressée par lettre des 11 et 25 janvier 2010, sollicitant l'organisation d'une réunion de présentation de ses investigations effectuées hors la présence des parties, et de ses pré-conclusions, et retenu qu'ainsi, la société Made n'avait été en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations et des pré-conclusions, ni d'établir un dire en réponse et que le débat contradictoire devant le juge du fond n'était pas susceptible de pallier le non-respect du principe de la contradiction avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a, à bon droit, prononcé la nullité du rapport d'expertise ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu de demander à l'expert judiciaire de compléter son rapport d'expertise par une réponse au dire du conseil technique de la société Made par application de l'article 245 du code de procédure civile alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de complément d'expertise formulée à titre subsidiaire par la société Degreane Horizon, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire en refusant d'ordonner le complément d'expertise demandé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Made et de MM. X..., Y..., Z... et A... à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice alors, selon le moyen :
1°/ que la société Degreane Horizon faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'eu égard à l'ancienneté, à la qualité technique et au positionnement stratégique de MM. X..., Y... et Z... au sein de son département « énergie », leur embauche par la société Made avait entrainé une désorganisation de la société Degreane Horizon ; que pour démontrer l'importance stratégique de ces salariés, elle produisait un organigramme faisant apparaître que MM. X... et Y... étaient les responsables du département « énergie » ; qu'en affirmant cependant, pour juger que la désorganisation invoquée ne serait pas établie, qu'« aucune pièce ne démontrer [ait] (…) que ces (…) salariés auraient eu une importance stratégique pour le secteur énergie de la société Degreane Horizon », sans s'expliquer, même sommairement, sur l'organigramme produit par la société Degreane Horizon qui établissait cette importance stratégique, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part du chiffre d'affaires global générée par ce département ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que « le secteur énergie ne représentait en 2006 que 4, 34 % de l'activité de la société » (en termes chiffre d'affaires), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part représentée par ces salariés dans son effectif total ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que le caractère massif de ces départs au regard de l'effectif de la société Degreane Horizon n'était pas prouvé, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que l'embauche des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise ; que le fait que ces salariés aient été dispensés d'exécuter une partie de leur préavis ne saurait avoir pour effet d'effet d'exclure la désorganisation résultant de leur départ ; que la société Degreane Horizon faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que la société Degreane Horizon avait accepté d'écourter le préavis des salariés concernés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient l'absence de caractère massif du débauchage de salariés, au regard de l'effectif total de la société, et d'utilisation de procédés déloyaux pour les inciter à démissionner ; qu'il relève, d'une part, que MM. X..., Y... et Z... ont bénéficié d'un préavis écourté, et, d'autre part, que le secteur énergie, auquel ces derniers appartenaient et dans lequel ils n'avaient pas une position stratégique, ne représentait en 2006 que 4, 34 % de l'activité de la société Degreane Horizon ; qu'en l'état de ces appréciations, dont elle a déduit que le départ de ces salariés n'avait pas désorganisé l'entreprise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Degreane Horizon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Made ainsi qu'à MM. X..., Y..., Z... et A... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Degreane horizon.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir :- prononcé la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du principe du contradictoire ;- confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait dit mal fondées et rejeté les demandes de la société Degreane Horizon tendant à la condamnation in solidum de la société Made et de Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui verser une somme de 200. 000 euros à titre de dommages-intérêts, à la cessation sous astreinte de la commercialisation et de la vente de l'ensemble des produits de la gamme HELIOS, et à la condamnation de la société Made à lui verser une provision de 150. 000 euros à valoir sur le préjudice résultant de la copie de l'appareil BHRD AA ;- et débouté la société Degreane Horizon de sa demande de production sous astreinte par la société Made d'un état détaillé des ventes du produit HELIOS depuis sa commercialisation ;
AUX MOTIFS QUE « le principe du contradictoire, qui est le corollaire du principe général des droits de la défense et un élément du procès équitable, s'applique au déroulement de l'expertise judiciaire, le caractère technique des opérations d'expertise ne pouvant justifier une entorse à ce principe ; que selon les pièces produites au débat, le litige porte sur les appareils BHRD AA, conçu et commercialisé par la société Degreane Horizon, et HELIOS C, conçu et commercialisé par la société Made, et non sur l'ensemble des appareils des deux gammes ; que le BHRD AA et l'HELIOS C ont comme principale fonctionnalité d'assurer l'isolement galvanique entre les installations de télécommunications du réseau téléphonique public et les matériels raccordés, et le réseau téléphonique commuté (RTC), afin d'assurer leur protection contre une éventuelle élévation anormale du potentiel consécutif à un incident électrique ; que ces produits sont destinés à assurer la protection des lignes RTC analogiques ; que par ordonnance du 12 mars 2008, le juge de la mise en état statuant sur demande formée par la société Degreane Horizon, a ordonné une expertise judiciaire et désigné Monsieur B... en qualité d'expert avec notamment pour mission de :- se faire remettre par les parties tous documents techniques, réglementaires et commerciaux des gammes BHRD (Degreane Horizon) et HELIOS (Made),- se faire remettre un exemplaire des appareils BHRD et HELIOS C, et le cas échéant de tout appareil ayant une finalité comparable,- procéder à une étude comparative détaillée des produits, si besoin est en les démontant, en répertoriant les points de ressemblance et de différence,- préciser les dates de création et commercialisation des différents produits ; que le jugement déféré a débouté la société Made en toutes ses demandes reconventionnelles en ce compris sa demande de nullité de l'expertise judiciaire ; que selon le rapport d'expertise et les pièces annexées, l'expert a tenu une réunion d'expertise le 10 juillet 2008 pour recueillir les observations des parties et une réunion d'expertise le 15 décembre 2009 aux fins de remise par les parties des pièces ou de certaines pièces, qui faisait difficulté en raison notamment de la demande de confidentialité formulée par la société Made concernant le dossier technique ; que la réunion du 15 décembre 2009 s'est détériorée et la société Made et son conseil l'ont quittée avant son terme ; que par courriers des 11 et 25 janvier 2010, le conseil de la société Made a demandé à l'expert judiciaire d'organiser une réunion d'expertise afin de rendre compte aux parties de ses investigations techniques et de leur faire part de ses pré-conclusions ; que par courrier du 27 janvier 2010 adressé à l'expert judiciaire, le conseil de la société Degreane Horizon s'est opposé à cette demande ; que le 28 janvier 2010, l'expert judiciaire a déposé son rapport sans autre réunion ni dépôt d'un pré-rapport, et sans solliciter de prorogation du délai auprès du juge chargé du contrôle des expertises ; que quelles que soient les circonstances ayant conduit l'expert à procéder à ses opérations expertales hors la présence des parties, notamment en raison de la technicité des dites opérations, celui-ci doit leur soumettre ses travaux afin qu'elles puissent en débattre contradictoirement avant le dépôt du rapport d'expertise, en les convoquant à une réunion d'expertise et en leur soumettant ses pré-conclusions le cas échéant sous la forme d'un pré-rapport, et leur laisser un temps suffisant pour y répondre par un dire ; qu'en l'espèce, la société Made qui était assistée d'un conseil technique en la personne de Monsieur C..., n'a été en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations expertales et des pré-conclusions de l'expert ni d'établir un dire technique en réponse aux pré-conclusions de l'expert ; que le débat contradictoire devant le tribunal n'est pas susceptible de pallier le non respect du contradictoire au cours de l'expertise ; qu'il convient en conséquence de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire pour non respect du contradictoire sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la CEDH sans qu'il y ait lieu de constater l'existence d'un grief » ;
1°/ ALORS QUE les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du Code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de soumission aux parties des résultats des investigations techniques auxquelles l'expert a procédé hors leur présence constitue l'inobservation d'une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; qu'en retenant, au contraire, qu'une telle irrégularité devrait entrainer la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du contradictoire « sans qu'il y ait lieu de constater l'existence d'un grief », la Cour d'appel a violé les articles 175 et 114 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE l'existence d'un grief permettant de prononcer la nullité d'opérations d'expertise en raison de l'inobservation d'une formalité substantielle doit s'apprécier en considération des protestations que l'intéressé est susceptible de formuler devant le juge ; que, pour prononcer la nullité du rapport d'expertise de l'espèce, la Cour d'appel a retenu que l'irrégularité en cause n'avait mis la société Made « en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations expertales et des pré-conclusions de l'expert ni d'établir un dire technique en réponse aux pré-conclusions de l'expert », et que « le débat contradictoire devant le tribunal n'[était] pas susceptible de pallier cette absence de débat devant l'expert » ; qu'à supposer qu'elle ait ainsi entendu caractériser l'existence d'un grief subi par la société Made, la Cour d'appel, en refusant de tenir compte des protestations que celle-ci avait pu formuler devant le Tribunal, a violé les articles 175 et 114 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir :- dit n'y avoir lieu de demander à l'expert judiciaire de compléter son rapport d'expertise par une réponse au dire du conseil technique de la société Made par application de l'article 245 du Code de procédure civile ;- confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait dit mal fondées et rejeté les demandes de la société Degreane Horizon tendant à la condamnation in solidum de la société Made et de Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui verser une somme de 200. 000 euros à titre de dommages-intérêts, à la cessation sous astreinte de la commercialisation et de la vente de l'ensemble des produits de la gamme HELIOS, et à la condamnation de la société Made à lui verser une provision de 150. 000 euros à valoir sur le préjudice résultant de la copie de l'appareil BHRD AA ;- et débouté la société Degreane Horizon de sa demande de production sous astreinte par la société Made d'un état détaillé des ventes du produit HELIOS depuis sa commercialisation ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de complément d'expertise formulée à titre subsidiaire par l'exposante, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait dit mal fondée et rejeté la demande de la société Degreane Horizon tendant à la condamnation in solidum de la société Made et de Messieurs X..., Y..., Z... et A... à lui verser une somme de 200. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « l'embauche, dans des conditions régulières, de salariés d'une entreprise concurrente n'est pas en elle même fautive, en l'absence d'actes déloyaux ; que selon les pièces produites, la société Made a connu une forte expansion au cours du premier semestre de l'année 2006, est entrée en bourse à cette époque et a procédé à des recrutements par voie de presse ; que les salariés de la société Degreane Horizon concernés par le litige sont Messieurs X..., Y..., Z... et A... ; que Monsieur X... a été embauché le 13 février 1981 par la société Etablissements Degreane en qualité d'agent technique 2° échelon et a accédé au statut de cadre selon avenant du 10 février 1993 ; que Monsieur Y... a été embauché le 1° août 1995 par la société Etablissements Degreane en qualité d'agent technique 2° échelon par contrat à durée déterminée puis le 2 juillet 2006 par contrat à durée indéterminée ; que Monsieur Z... a été embauché le 8 janvier 1985 par la société Etablissements Degreane en qualité d'agent technique 2° échelon par contrat à durée déterminée renouvelé le 15 mars 1985 puis le 3 juillet 1985 par contrat à durée indéterminée ; qu'ils étaient attachés tous trois à la branche d'activité " télécommunications " de la société Degreane Sitelli lors de la cession de celle-ci à la société Degreane Horizon par acte du 7 juillet 2006 ; qu'après un congé maladie du 27 juin 2006 au 18 septembre 2006 pour une fracture de la cheville, Monsieur X... a démissionné de son emploi le 31 octobre 2006 ; que Messieurs Y... et Z... ont démissionné de leurs emplois respectivement le 8 décembre 2006 et le 7 janvier 2007 ; qu'à la date de leur démission, ces trois salariés appartenaient tous trois à l'activité " énergie " de la société Degreane Horizon et n'étaient pas tenus par une clause de non concurrence ; que Monsieur X... a été embauché par la société Made le 28 octobre 2006 en qualité de responsable d'affaires technico-commercial, Monsieur Y... a été embauché le 15 janvier 2007 en qualité de responsable d'affaires et Monsieur Z... a été embauché le 12 février 2007 en qualité de responsable SAV ; qu'aucune pièce ne démontre que la société Made aurait démarché spécifiquement ces trois salariés dont les salaires sont restés similaires à ce qu'ils étaient dans leur emploi précédent, que ces trois salariés auraient eu une importance stratégique pour le secteur énergie de la société Degreane Horizon qui a accepté d'écourter leur préavis, ni que leur départ aurait désorganisé l'entreprise dont le secteur énergie ne représentait en 2006 que 4, 34 % de l'activité de la société selon pièce produite par les intimés non contestée par l'appelante ; que Monsieur A... a été embauché par la société Etablissements Degreane le 16 décembre 1992 en qualité de technicien du service achat 1° échelon département électronique par contrat à durée indéterminée, et était attaché à l'activité " météo " de l'entreprise lors de la cession de cette branche d'activité le 23 janvier 2002 à la société Degreane Horizon ; qu'il occupait au sein de la société Degreane Horizon la fonction de responsable des achats lorsqu'il a démissionné le 29 septembre 2006 ; qu'il a été embauché par la société Made le 28 septembre 2006 en qualité de responsable achats ; qu'aucune pièce ne démontre qu'il aurait été spécifiquement démarché par la société Made ni que cette démission aurait désorganisé d'une quelconque façon la société Degreane Horizon ; que l'utilisation par un salarié dans son nouvel emploi des connaissances et du savoir faire acquis dans un emploi précédent ne sont pas de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale ; que ni le caractère massif du débauchage de salariés au regard de l'effectif total de la société Degreane Horizon, ni l'utilisation de procédés déloyaux pour inciter les salariés concernés à démissionner, ni la désorganisation de la société Degreane Horizon n'étant établis, l'embauche de ces quatre salariés par la société Made ne saurait en conséquence être considérée comme fautive » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« à l'appui de son action en concurrence déloyale la société Degreane Horizon allègue en premier lieu que la société Made dont elle est concurrente dans le secteur de l'énergie aurait procédé " courant 2006- début 2007 (…) au débauchage massif de ses salariés " ; que sont visés en l'occurrence quatre salariés ingénieurs ou agents techniques, Ms X..., Y..., Z... et A..., lesquels après avoir effectivement démissionné de l'entreprise, ont été embauchés par la société Made ; que toutefois le caractère " massif " de ces démissions, comparé à l'effectif total non communiqué de la société Degreane Horizon, n'est pas rapporté, ni la preuve que ces démissions auraient pu perturber ou désorganiser l'entreprise, cette hypothèse étant même démentie par la dispense d'exécution de leur préavis qu'elle a accordé aux intéressés ; que de même aucun élément n'est produit tendant à démontrer que l'embauche des intéressés par la société Made serait intervenue à des conditions anormales ; qu'il n'est ainsi notamment pas établi que les salariés en cause auraient été recrutés par la société Made en contrepartie de salaires anormalement élevés par rapport aux barèmes en vigueur dans le secteur d'activité concerné ; que demeure le principe de la liberté du travail qui implique, sauf clause de non concurrence en l'espèce non invoquée, non seulement le droit de démissionner du salarié mais encore celui de rechercher son embauche par une entreprise en concurrence avec son ancien employeur ; que le premier grief invoqué par la société Degreane Horizon apparaît en conséquence infondé » ;
1°/ ALORS QUE l'exposante faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'eu égard à l'ancienneté, à la qualité technique et au positionnement stratégique de Messieurs X..., Y... et Z... au sein de son département « énergie », leur embauche par la société Made avait entrainé une désorganisation de la société Degreane Horizon ; que pour démontrer l'importance stratégique de ces salariés, elle produisait un organigramme faisant apparaître que Messieurs X... et Y... étaient les responsables du département « énergie » ; qu'en affirmant cependant, pour juger que la désorganisation invoquée ne serait pas établie, qu'« aucune pièce ne démontrer [ait] (…) que ces (…) salariés auraient eu une importance stratégique pour le secteur énergie de la société Degreane Horizon », sans s'expliquer, même sommairement, sur l'organigramme produit par l'exposante qui établissait cette importance stratégique, la Cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part du chiffre d'affaires global générée par ce département ; que l'exposante faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que « le secteur énergie ne représentait en 2006 que 4, 34 % de l'activité de la société » (en termes chiffre d'affaires), la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3°/ ALORS QUE le débauchage des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise, peu important la part représentée par ces salariés dans son effectif total ; que l'exposante faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que le caractère massif de ces départs au regard de l'effectif de la société Degreane Horizon n'était pas prouvé, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
4°/ ALORS QUE l'embauche des principaux collaborateurs d'un département d'une entreprise concurrente est de nature à entraîner une désorganisation de cette entreprise ; que le fait que ces salariés aient été dispensés d'exécuter une partie de leur préavis ne saurait avoir pour effet d'effet d'exclure la désorganisation résultant de leur départ ; que l'exposante faisait valoir que l'embauche par la société Made des principaux collaborateurs de son département « énergie » avait eu pour effet de la désorganiser ; qu'en retenant, pour juger que cette désorganisation ne serait pas établie, que la société Degreane Horizon avait accepté d'écourter le préavis des salariés concernés, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.