LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil et les articles L. 223-2, L. 223-6 et L. 223-7 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée El Rancho Dominicano (la société) a été constituée entre M. X... et Mme Y... qui exerçait les fonctions de gérante, chacun étant titulaire de la moitié des parts sociales ; que selon les statuts de la société, le capital social a été apporté à hauteur d'une somme identique par chacun des associés ; que M. X... a assigné la société et Mme Y... pour obtenir l'annulation des délibérations des assemblées générales de 2010 et 2011, en faisant valoir qu'il n'y avait pas été régulièrement convoqué ;
Attendu que pour dire que M. X... n'était pas associé de la société et n'avait pas qualité à agir, et déclarer sa demande irrecevable, l'arrêt retient que Mme Y... prouve avoir en réalité réglé la totalité des apports au moyen de deux chèques et que M. X... ne démontre pas la remise prétendue d'espèces en règlement de son apport ;
Qu'en statuant ainsi, alors que toute personne qui, aux termes des statuts, a souscrit des parts sociales et effectué l'apport correspondant, a la qualité d'associé et peut exercer les droits et actions qui s'y attachent, peu important les conditions dans lesquelles cet apport a été financé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. X... irrecevable faute de qualité à agir et en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 2 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et la société El Rancho Dominicano aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Noël X... n'est pas associé de la SARL El Rancho Dominicano et qu'il n'a pas qualité à agir, et d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à l'annulation des assemblées générales ordinaires de la société El Rancho Dominicano tenues les 30 juin 2010 et 30 juin 2011,
AUX MOTIFS QUE si M. X... se réclame des termes des statuts, Mme Y... prouve quant à elle avoir en réalité réglé la totalité des apports au moyen des deux chèques précités ; qu'elle inverse ce faisant normalement la charge de la preuve et c'est bien à M. X... de démontrer la remise prétendue des espèces en règlement de son apport ; que peu important les événements ultérieurs dont il entend se réclamer, telle sa désignation en qualité d'associé lors des assemblées générales ou à l'occasion de l'instance prud'homale, la réalité de l'apport devant s'apprécier au jour de la constitution de la société ; que c'est à juste titre que le tribunal de commerce a jugé M. X... irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SARL El Rancho Dominicano, qui exploite un bar rue de Lappe à Paris, a été constituée en novembre 2008 avec un capital de 1. 000 € ; que, selon les statuts, le capital a été apporté par Mme Y..., d'une part, et M. X..., d'autre part, à hauteur de 500 € pour chacun d'eux ; qu ‘ en application de l'article 1832 du code civil, la constitution d'apports forme l'une des conditions essentielles du contrat de société ; que, quelles que soient les clauses des statuts, il appartient à chacun des associés de démontrer la réalité de ses propres apports ; que cette réalité s'apprécie au moment de la constitution de la société, peu important les événements ultérieurs invoqués par M. X... ; que l'apport pour le compte de M. X..., constitué d'un chèque signé de Mme Y..., serait certes valable s'il était démontré qu'elle avait bénéficié auparavant, pour ce faire, d'un don manuel en espèces de sa part ; mais que M. X... n'apporte pas la preuve du versement en espèces qu'il allègue, preuve qu'il lui appartient d'apporter ; que le tribunal dit que faute d'apports de sa part à la société, M. X... n'est pas associé ; qu'il n'a donc pas qualité à agir ;
1° ALORS QUE toute personne qui, aux termes des statuts, a effectué un apport et souscrit des parts sociales a la qualité d'associé et peut exercer les droits et actions qui s'y attachent, indépendamment des conditions dans lesquelles cet apport a été financé, sauf à établir qu'il était un associé fictif à défaut d'affectio societatis ; que les juges du fond ont eux-mêmes constaté qu'il résultait des statuts que Mme Y... et M. X... ont chacun effectué un apport en numéraire de 500 € qui a été entièrement libéré, et qu'ils ont chacun reçu 50 parts sociales représentant la moitié du capital social ; qu'en jugeant que ces mentions étaient insuffisantes à établir la qualité d'associé de M. X... et en lui déniant cette qualité au motif qu'il rapportait pas la preuve qu'il avait versé la somme de 500 € en espèces comme il l'affirmait, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à justifier sa décision et a privé celle-ci de base légale au regard des articles L. 223-2, L. 223-6 et L. 223-7 du code de commerce et de l'article 1134 du code civil ;
2° ALORS au surplus QU ‘ aucune preuve par témoins ou présomptions ne peut être reçue contre le contenu d'un écrit ; que les statuts de la société El Rancho Dominicano, établis par acte sous seing privé en date du 16 novembre 2008 et doublement signés par Mme Y... en ses qualités de gérant et d'associé, mentionnent que celle-ci et M. X... ont décidé de constituer une société à responsabilité limitée, qu'ils ont chacun effectué un apport en numéraire de 500 €, que ces apports ont été entièrement libérés, et qu'ils ont chacun reçu 50 parts sociales représentant la moitié du capital social ; qu'en jugeant que Mme Y... pouvait rapporter la preuve, contre cet écrit, que son apport était, en réalité, de 1. 000 € et que M. X... n'avait effectué aucun apport et n'était pas associé de la société, par une simple présomption découlant de la circonstance que les fonds ont été déposés sur le compte ouvert au nom de la société au moyen de deux chèques de 500 € tirés sur son compte, la cour d'appel a violé les articles 1322 et 1341 du code civil.