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14/09/2016 | FRANCE | N°15-13414;15-13744

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 septembre 2016, 15-13414 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 15-13. 744 et R. 15-13. 714 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence 19 décembre 2014), que Mme X..., engagée en qualité de secrétaire comptable par le comité d'établissement de la société Ascometal (le comité d'établissement) a été licenciée pour faute grave le 17 août 2005 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose su

r une faute grave et de la débouter de ses demandes tendant au paiement de diverses somm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Z 15-13. 744 et R. 15-13. 714 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence 19 décembre 2014), que Mme X..., engagée en qualité de secrétaire comptable par le comité d'établissement de la société Ascometal (le comité d'établissement) a été licenciée pour faute grave le 17 août 2005 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave et de la débouter de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement fixe les termes et limites du litige et que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que la lettre de licenciement reprochait à la salariée la « dissimulation », et non pas la commission, « de négligence grave à (sa) hiérarchie » ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que la salariée ne conteste pas qu'elle ne sauvegardait les données informatiques sur disque dur qu'une fois par an seulement, qu'en juin 2005 à la suite d'une panne de courant, tout ce qui n'avait pas été sauvegardé depuis décembre 2004 a été perdu, qu'en sa qualité de secrétaire comptable, il appartenait à la salariée de veiller à ce que les données comptables du comité soient préservées, au besoin en sollicitant la mise en place d'un système de sauvegarde automatique et qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute préjudiciable à son employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle ne saurait justifier un licenciement pour faute grave sans que soit caractérisée une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié ; qu'en s'abstenant d'établir que la négligence reprochée à la salariée relevait d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que la lettre de licenciement fixe les termes et limites du litige et que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel a énoncé que l'employeur produit les attestations de plusieurs salariés desquelles il ressort que la salariée conservait tous les mots de passe, sans la moindre volonté de partage, que c'est elle qui gérait le système informatique, outre l'accès audit système et qu'elle interdisait à ses collègues de travail d'y accéder ; qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement, dont la cour d'appel a dénaturé les termes, reprochait à la salariée « l'abstention volontaire (de la salariée) de communiquer à (son) employeur », et non pas à ses collègues de travail, « le code confidentiel d'accès au logiciel informatique », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, reprochait à la salariée son « comportement violent, menaçant et répété à l'égard de (…) Mlle Elodie Y..., notamment ceux en date du (…) 7 juillet 2005 » ; qu'en se bornant à énoncer que Mlle Y... a relaté très précisément les circonstances de l'incident du 7 juillet 2005 et a fait une déclaration de main courante pour injures et menaces auprès du commissariat de police et que le gestionnaire de paie a pris la décision avec le trésorier du comité d'établissement de demander à Mlle Y... de prendre son après-midi, vu son état accablé causé par l'attitude intolérable de la salariée, la cour d'appel, qui s'est abstenue de préciser en quoi la salariée aurait eu un comportement violent, menaçant et répété à l'égard de Mlle Y..., ni en quoi la salariée serait à l'origine de l'altercation du 7 juillet 2005 ni le contenu et les termes de cette dernière, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5°/ que si l'article L. 1332-4 du code du travail ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois, c'est à la condition que le comportement du salarié se soit poursuivi dans ce délai ; que pour dire que le prétendu « comportement irrespectueux (de la salariée) à l'égard de sa hiérarchie, des élus du comité d'établissement et des salariés de l'entreprise perturbant, nonobstant une mise en garde écrite du 29 avril 2005 » était établi, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur l'attestation d'un agent de gestion qui pourtant n'indiquait pas la date des faits relatés et, d'autre part, sur l'attestation de Mme Z... qui pourtant avait travaillé avec la salariée de 2002 à 2004 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a écarté le moyen tiré de la prescription sans rechercher la date des derniers faits de même nature que la salariée aurait prétendument commis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu sans dénaturation que la salariée avait dissimulé à son employeur ses négligences informatiques et manifesté un comportement irrespectueux à l'égard des autres salariés et de sa hiérarchie, ce dont il résulte que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires et a pu en déduire que son comportement rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à obtenir le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ que caractérisent un harcèlement moral des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles, notamment, de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ; que le salarié qui se dit victime de harcèlement moral, doit seulement établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté que plusieurs témoins attestaient que la salariée subissait de fortes pressions de ses collègues directs dans son service et était complètement désemparée face aux agressions orales qu'elle subissait, qu'elle pleurait à table à cause de l'ambiance qui régnait au sein de son travail, et a exprimé son intention de démissionner car elle ne supportait pas la pression de ses collègues de travail, et que des certificats médicaux attestaient qu'elle avait été victime d'un syndrome anxieux dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; qu'en rejetant tout harcèlement au motif qu'elle n'invoquait aucun fait précis et concordant permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, quand elle démontrait les pressions excessives de ses collègues, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail ;
2°/ qu'en se contentant d'affirmer que la salariée ne démontrait pas que l'employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, sans préciser ni rechercher si cet employeur avait mis en place des mesures pour éviter les problèmes relationnels de la salariée sur son lieu de travail ayant affecté son état de santé et les pressions excessives de ses collègues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail, ensemble de l'article L. 4121-1 du même code ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'absence de fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits aux pourvois par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de la salariée repose sur une faute grave et en conséquence d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes au titre de la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la salariée aux dépens de première instance et d'appel.
AUX MOTIFS, sur le motif du licenciement, QUE la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, cinq griefs sont reprochés à la salariée :- des négligences graves en matière informatique révélés en juin 2005, lors des incidents informatiques ayant entraîné les pertes de données préjudiciables au comité d'établissement : que la salariée ne conteste pas qu'elle ne sauvegardait les données informatiques sur disque dur qu'une fois par an seulement, en décembre ; qu'or, en juin 2005, à la suite d'une panne de courant, tout ce qui n'avait pas été sauvegardé depuis le 22 décembre 2004 a été perdu ; que dans un courrier adressé à l'employeur le 18 juillet 2005, l'expert-comptable chargé d'établir les charges sociales, M. A... s'est dit préoccupé par cette situation, dans la mesure où il n'existait ni édition papier, ni autre système de stockage des informations comptables et qu'il semblait a priori impossible de retrouver la totalité des informations ; que Mme Ingrid B... atteste avoir été recrutée le 6 septembre 2005 pour mettre à jour la comptabilité, toute la saisie comptable de l'exercice 2005 étant à refaire ; qu'elle relate que cette tâche a été compliquée par le fait que les documents et pièces comptables étaient entassés dans des classeurs et des bannettes sans aucun rangement que soit chronologique, par activité ou autre ; qu'elle a retrouvé des factures de 2004 qui n'avaient pas été enregistrées ; que certains comptes généraux et analytiques étaient en double ; que la tenue des recettes était très succincte ; que beaucoup de dossiers étaient incomplets, etc ; qu'en sa qualité de secrétaire comptable, il appartenait à la salariée de veiller à ce que les données comptables du comité soient préservées, au besoin en sollicitant la mise en place d'un système de sauvegarde automatique, comme elle le préconise dans ses écritures ; qu'en le faisant pas, elle a commis une faute préjudiciable à son employeur, lequel a été contraint de procéder à une réinstallation intégrale du logiciel, de restaurer la dernière sauvegarde, d'organiser une nouvelle formation des utilisateurs et de recruter, dès le mois de septembre 2005, un autre salarié pour reconstituer toute la comptabilité du comité ; que la réalité de ce grief est donc bien établie ;- l'abstention volontaire de communiquer le code confidentiel d'accès au logiciel informatique (comptabilité, trésorerie, gestion des activités, etc) : que la salariée soutient que c'est l'employeur qui lui a demandé de mettre en place un code confidentiel et qu'il ne lui a jamais demandé de le lui communiquer, alors qu'elle le tenait à sa disposition ; que cependant l'employeur produit les attestations de plusieurs salaries desquelles il ressort que l'appelant conservait tous les mots de passe, sans la moindre volonté de partage, que c'est elle qui gérait le système informatique, outre l'accès audit système et qu'elle interdisait à ses collègues de travail d'y accéder ; que c'est ainsi que M. Christian C..., agent de gestion, relate : « Depuis le mois de juin 2004, j'exerce les fonctions de trésorier du comité d'établissement, j'ai eu les plus grandes difficultés à travailler avec Mme X... Dalila. Afin d'assurer un suivi régulier des comptes et de gérer le budget du CE, j'ai été amené à demander à plusieurs reprises à cette personne de me communiquer l'état de comptabilité au moins tous les trois mois, je n'ai eu comme réponse que cela représentait trop de travail et que tous les 6 mois, c'était largement suffisant. Concrètement, cela s'est traduit par 1 fois par an, ce qui ne permettait en aucun cas d'avoir une connaissance des comptes régulièrement. Ne pouvant pas accéder moi-même au logiciel comptabilité, cette personne refusant de communiquer les mots de passe, malgré plusieurs demandes du secrétaire du CE, de moi-même ainsi que de l'expert-comptable. (…). Je me suis trouvé confronter constamment à l'hostilité de cette personne, ne reconnaissant ni l'autorité, ni la fonction, me signifiant que j'étais un simple salarié et de ce fait n'avait aucun compte à me rendre. Cette hostilité s'est manifestée également envers les autres élus du CE et de Mlle Elodie Y... en particulier, lui interdisant l'accès au logiciel comptabilité, lui interdisant même d'envoyer des fax aux organismes de vacances. Après lui avoir signifié qu'étant deux salariés au CE nous souhaitions établir une polyvalence dans la gestion des activités sociales, hormis la comptabilité sauf pour la saisie d'écriture simple, afin d'enrichir les tâches et de pallier les absences, cette personne a catégoriquement refusé, arguant le fait que son travail n'était pas partageable ; que lors de la signature des chèques, lorsque je lui demandais des explications sur les pièces jointes, je ne pouvais obtenir aucune réponse cohérente. (…) » ; que Mme Sandra Z... qui a travaillé avec la salariée pendant deux ans, de 2002 à 2004, témoigne qu'avec l'autre secrétaire administrative, Mlle Elodie Y..., elles subissaient une grande pression de la part de la salariée ; qu'elles n'avaient pas le droit de toucher à certains classeurs, ni au logiciel, mis à part pour des manipulations infimes, qu'il leur était interdit de traiter avec les agences pour les voyages, qu'elles devaient se contenter de remplir la fiche avec le salarié et de la lui donner et qu'il était impossible de discuter avec elle ; que Mlle Elodie Y..., secrétaire administrative au sein du CE depuis le 3 février 2003, atteste également que la salariée lui interdisait d'accéder au logiciel, sauf pour la saisie des jouets de Noël, qu'elle ne pouvait pas toucher aux classeurs d'ordres de paiement et autres, aux carnets de chèques, … et que tout devait passer par elle ; que force est de constater que le comportement reproché à la salariée est établi et qu'il s'agit d'un comportement fautif, dans la mesure où il est de nature à perturber le bon fonctionnement du comité ;- des comportements violents, menaçants et répétés à l'égard d'une autre salariée du comité d'établissement, Mlle Elodie Y..., notamment ceux en date du jeudi 7 juillet 2005 ; que certes, aucun témoin n'a assisté à l'altercation du 7 juillet 2005 ayant opposé la salariée à Mlle Y... ; que cependant, cette dernière a relaté très précisément les circonstances de l'incident et a fait une déclaration de main courante pour injures et menaces auprès du commissariat de police ; que l'employeur produit également l'attestation de M. Jean Charles E..., gestionnaire de paie, de laquelle il ressort que le 7 juillet 2005, il a pris la décision avec le trésorier du comité d'établissement de demander à Mlle Y... de prendre son après-midi, vu son état accablé causé par l'attitude intolérable de la salariée ; que ces éléments concordants établissent la réalité de ce grief et justifie la mise à pied à titre conservatoire, notifié à la salariée pour cette raison le 11 juillet 2005 ; que sa demande tendant à obtenir l'annulation de la mise à pied et le paiement d'une indemnité à ce titre doit être rejetée ;- un comportement irrespectueux à l'égard de sa hiérarchie, des élus du comité d'établissement et des salariés de l'entreprise perturbant, nonobstant une mise en garde écrite du 29 avril 2005 ; que la réalité de ce grief est établie par les attestations que l'employeur verse au débat ; que c'est ainsi que M. Christian C... relate avoir été témoin de crises intempestives dans les locaux du CE, au cours desquelles la salariée poussait des hurlements et qu'elle accusait systématiquement Mlle Y... ou d'autres élus lorsqu'elle ne retrouvait pas certains documents égarés, ce qui créait un climat de nature à perturber le bon fonctionnement du CE ; que Mme Sandra Z... témoigne que Mme X... « était une personne très lunatique : un jour elle était bien si on peut dire, le lendemain, sans que rien ne se soit passé entre-temps, elle arrive au travail comme une furie et là, une journée épouvantable commençait : elle surveillait tout ce qui se passait autour d'elle, elle me fixait inlassablement et était attentive à mes moindres faits et gestes, elle était « la Reine » du CE (…) impossible d'en discuter avec elle : elle prend tout mal, se sent constamment agressée et devient tout de suite très méchante. J'ai assisté à quelques-unes de ces crises : elle se met dans des états inimaginables, pour rien, autant le dire, pour des choses minimes, tout et n'importe quoi pouvait déclencher une crise. Elle est désagréable avec tout le monde, les salariés, les retraités, les élus, la secrétaire, moi, tout le monde ! Je me souviens d'ouvriers qui avaient du mal à remplir des papiers, elle les laissait dans l'embarras, sachant pertinemment qu'ils ont des difficultés à écrire, s'ils lui demandaient de les compléter pour eux, elle le faisait mais leur montrait que ça l'énervait. Elle téléphonait pendant des heures dans l'arrière-pièce, quand il fallait aller la chercher parce qu'un salarié avait besoin de la voir, on appréhendait à aller la chercher, parfois elle nous lançait : « Je suis au téléphone là, tu vois pas ? » On refermait la porte, la personne patientait ou revenait. C'est quelqu'un de lunatique, asocial, avec un fond méchant, qui ne se remet pas en question et n'admettra jamais ses torts. » ; que les nombreuses attestations que produit la salariée, rédigées en termes lapidaires, selon lesquelles elle n'a jamais manqué de respect envers quiconque dans l'exercice de ses fonctions ou qu'elle était accueillant et serviable, ne sauraient être considérées comme suffisantes pour combattre les attestations concordantes et circonstanciées versées au débat par l'employeur ;- non respect répété des horaires de travail perturbant nonobstant des rappels à l'ordres verbaux et notre entretien du 4 mai 2005 ; qu'à défaut de produire le moindre élément, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité de ce grief ; que cependant, l'existence des quatre premiers griefs est démontrée et ils sont d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; que le jugement entreprise qui a considéré que la faute grave n'était pas caractérisée et jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse doit être infirmé ; qu'il convient de juger que le licenciement pour faute grave est justifié et de débouter la salariée de ses demandes tendant à obtenir des indemnités de rupture, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1°/ ALORS, sur le premier grief de licenciement, QUE la lettre de licenciement fixe les termes et limites du litige et que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que la lettre de licenciement reprochait à la salariée la « dissimulation », et non pas la commission, « de négligence grave à (sa) hiérarchie » ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel a retenu que la salariée ne conteste pas qu'elle ne sauvegardait les données informatiques sur disque dur qu'une fois par an seulement, qu'en juin 2005 à la suite d'une panne de courant, tout ce qui n'avait pas été sauvegardé depuis décembre 2004 a été perdu, qu'en sa qualité de secrétaire comptable, il appartenait à la salariée de veiller à ce que les données comptables du comité soient préservées, au besoin en sollicitant la mise en place d'un système de sauvegarde automatique et qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute préjudiciable à son employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.
2°/ ALORS, en tout cas, QUE si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle ne saurait justifier un licenciement pour faute grave sans que soit caractérisée une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié ; qu'en s'abstenant d'établir que la négligence reprochée à la salariée relevait d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.
3°/ ALORS, sur le deuxième grief de licenciement, QUE la lettre de licenciement fixe les termes et limites du litige et que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, la cour d'appel a énoncé que l'employeur produit les attestations de plusieurs salariés desquelles il ressort que la salariée conservait tous les mots de passe, sans la moindre volonté de partage, que c'est elle qui gérait le système informatique, outre l'accès audit système et qu'elle interdisait à ses collègues de travail d'y accéder ; qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement, dont la cour d'appel a dénaturé les termes, reprochait à la salariée « l'abstention volontaire (de la salariée) de communiquer à (son) employeur », et non pas à ses collègues de travail, « le code confidentiel d'accès au logiciel informatique », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.
4°/ ALORS, sur le troisième grief de licenciement, QUE la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, reprochait à la salariée son « comportement violent, menaçant et répété à l'égard de (…) Mlle Elodie Y..., notamment ceux en date du (…) 7 juillet 2005 » ; qu'en se bornant à énoncer que Mlle Y... a relaté très précisément les circonstances de l'incident du 7 juillet 2005 et a fait une déclaration de main courante pour injures et menaces auprès du commissariat de police et que le gestionnaire de paie a pris la décision avec le trésorier du comité d'établissement de demander à Mlle Y... de prendre son après-midi, vu son état accablé causé par l'attitude intolérable de la salariée, la cour d'appel, qui s'est abstenue de préciser en quoi la salariée aurait eu un comportement violent, menaçant et répété à l'égard de Mlle Y..., ni en quoi la salariée serait à l'origine de l'altercation du 7 juillet 2005 ni le contenu et les termes de cette dernière, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.
5°/ ALORS, sur le quatrième grief de licenciement, QUE si l'article L. 1332-4 du code du travail ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois, c'est à la condition que le comportement du salarié se soit poursuivi dans ce délai ; que pour dire que le prétendu « comportement irrespectueux (de la salariée) à l'égard de sa hiérarchie, des élus du comité d'établissement et des salariés de l'entreprise perturbant, nonobstant une mise en garde écrite du 29 avril 2005 » était établi, la cour d'appel s'est fondée, d'une part, sur l'attestation d'un agent de gestion qui pourtant n'indiquait pas la date des faits relatés et, d'autre part, sur l'attestation de Mme Z... qui pourtant avait travaillé avec la salariée de 2002 à 2004 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a écarté le moyen tiré de la prescription sans rechercher la date des derniers faits de même nature que la salariée aurait prétendument commis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande tendant à obtenir le paiement de la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la salariée aux dépens de première instance et d'appel.
AUX MOTIFS, sur le harcèlement moral, QUE selon l'article L. 1152-1 du code du travail, « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que la reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives : des agissements répétés ; une dégradation des conditions de travail ; une attente aux droits, à la dignité et à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié ; qu'en application de l'article L. 1154 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral d'établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour rapporter la preuve qu'elle a été victime de harcèlement moral comme elle le soutient, la salariée produit plusieurs certificats médicaux desquelles il ressort qu'elle a fait l'objet d'un arrêt de travail du 31 août au 8 septembre 2004 pour un syndrome anxieux dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; qu'elle a été arrêtée pour maladie le 19 août 2005 et qu'en novembre 2006, elle était toujours suivie ; qu'elle verse également au débat deux attestations qu'il convient d'examiner ; que Mme Béatrice F... qui a travaillé pour la société ASCOMETAL de juin 2004 à juin 2005 atteste que lors de la pause déjeuner la salariée pleurait souvent, qu'elle subissait de fortes pressions de la part de ses collègues directs dans son service et qu'elle était complétement désemparée face aux agressions orales qu'elle subissait ; que M. G...qui a effectué un stage chez ASCOMETAL de février à juin 2005 relate que deux ou trois fois, il a vu la salariée pleurer à table à cause de l'ambiance qui régnait au sein de son travail et qu'elle a exprimé son intention de démissionner, car elle ne supportait plus la pression de ses collègues de travail ; qu'il est indéniable que les problèmes relationnels de la salariée sur son lieu de travail ont affecté son état de santé ; que cependant, elle n'invoque aucun fait précis et concordant permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'elle ne démontre pas davantage que l'employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité ; que la décision du conseil de prud'hommes qui a débouté la salariée de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral sera donc confirmée.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE conformément aux dispositions des articles L. 1152 et L. 1154-1 du code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement … » ; qu'en l'espèce, au vu des éléments fournis aux dossiers et des débats, il apparaît qu'aucun agissement relevant de harcèlement ne peut être porté à l'encontre du Comité d'entreprise ; qu'en conséquence, le Conseil rejette la demande de Mlle Dalia X... à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
1°/ ALORS QUE caractérisent un harcèlement moral des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles, notamment, de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ; que le salarié qui se dit victime de harcèlement moral, doit seulement établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté que plusieurs témoins attestaient que la salariée subissait de fortes pressions de ses collègues directs dans son service et était complétement désemparée face aux agressions orales qu'elle subissait, qu'elle pleurait à table à cause de l'ambiance qui régnait au sein de son travail, et a exprimé son intention de démissionner car elle ne supportait pas la pression de ses collègues de travail, et que des certificats médicaux attestaient qu'elle avait été victime d'un syndrome anxieux dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; qu'en rejetant tout harcèlement au motif qu'elle n'invoquait aucun fait précis et concordant permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, quand elle démontrait les pressions excessives de ses collègues, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail.
2°/ ALORS encore QU'en se contentant d'affirmer que la salariée ne démontrait pas que l'employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, sans préciser ni rechercher si cet employeur avait mis en place des mesures pour éviter les problèmes relationnels de la salariée sur son lieu de travail ayant affecté son état de santé et les pressions excessives de ses collègues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1152-4 du code du travail, ensemble de l'article L 4121-1 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-13414;15-13744
Date de la décision : 14/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 sep. 2016, pourvoi n°15-13414;15-13744


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.13414
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