LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Clair Y... et Russel X... ont constitué la société Mont Hope qui a pour activité l'acquisition et la vente de parcelles immobilières, Clair Y... en étant le gérant avant que ne lui succède M. Z...; que reprochant à ce dernier de gérer seul la société Mont Hope, Russel X... a obtenu du juge des référés la désignation d'un administrateur provisoire ; qu'après l'achèvement de la mission de celui-ci, la société Mont Hope, qui avait assigné M. Z...en référé-expertise le 11 février 2009, a obtenu la désignation, par ordonnance du 20 mai 2009, d'un expert chargé d'examiner la gestion de la société, lequel a déposé son rapport le 15 octobre 2010 ; que reprochant à M. Z...des fautes de gestion, la société Mont Hope, Russel X... et les héritiers de Clair Y..., décédé, M. Roy Y... et Mme Judith Patricia Y... (les consorts Y...), l'ont assigné le 30 novembre 2011 en réparation de leurs préjudices ; que M. Z...a opposé l'irrecevabilité des demandes comme prescrites ; que Russel X... étant décédé en 2014, en cours d'instance, ses héritiers, Mme Anne X... et M. Brent C...
X..., ont repris la procédure ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 2231, 2241 et 2242 du code civil et L. 223-23 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'assignation en référé interrompt le délai de prescription pendant la durée de l'instance à laquelle il est mis fin par l'ordonnance désignant un expert, de sorte que cette ordonnance fait courir un nouveau délai de prescription ;
Attendu que pour déclarer prescrites les demandes des consorts X... et Y... et de la société Mont Hope, l'arrêt, après avoir retenu, d'abord, que le point de départ de la prescription devait être fixé à la présentation, en vue de leur approbation par l'assemblée générale des associés en date du 14 septembre 2007, des comptes annuels afférents aux exercices 2002, 2003, 2004 et 2005 dans lesquels étaient enregistrées les opérations de paiement de prime, de dation en paiement et de vente, ensuite, que le délai triennal de prescription de l'article L. 223-23 du code de commerce avait été interrompu par l'assignation en référé-expertise délivrée le 11 février 2009, jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance de référé, soit le 20 mai 2009, et non au jour du dépôt du rapport d'expertise, retient que les faits dommageables allégués au soutien de l'assignation en responsabilité de la société Mont Hope et de ses associés en date du 30 novembre 2011 remontent à plus de trois ans, nonobstant l'interruption de prescription entre février et mai 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, l'assignation en référé ayant interrompu le délai de prescription pendant la durée de l'instance à laquelle il avait été mis fin par l'ordonnance désignant un expert, un nouveau délai triennal de prescription avait recommencé à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 562 du code de procédure civile ;
Attendu qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui, après avoir déclaré la demande irrecevable, statue au fond ;
Attendu qu'ayant jugé irrecevable l'action en responsabilité formée par la société Mont Hope et les consorts Y... et X..., la cour d'appel les déboute de leurs demandes en paiement de sommes envers M. Z..., violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'irrecevabilité des demandes des consorts X..., Y... et de la société Mont Hope comme étant prescrites et déboute les consorts X..., Y... et la société Mont Hope de l'ensemble de leurs demandes, l'arrêt rendu le 29 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne M. Z...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Roy Y..., Mme Thérésa D..., agissant en sa qualité de mandataire de Mme Judith Y..., la société Mont Hope, Mme Anne X... et M. Brent C...
X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Roy Y..., Mme Thérésa D..., ès qualités, la société Mont Hope, Mme Anne X... et M. Brent C...
X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'irrecevabilité des demandes des consorts X..., Y... et de la Sarl Mont Hope comme étant prescrites ;
AUX MOTIFS QUE Sur la prescription l'appelant conclut à l'irrecevabilité des demandes, eu égard à la prescription de l'action de la Sarl Mont Hope et de ses associés en vertu de l'article L. 223-23 du code de commerce, lequel dispose : « les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation (…) » ; que l'action de la Sarl Mont Hope et de ses associés à l'encontre de M. Stephen Z..., ès qualité de gérant de ladite société, est fondée sur l'article L. 223-22 dudit code aux termes duquel les gérants sont responsables envers la société ou envers les tiers notamment des fautes commises dans leur gestion et des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité ; qu'en conséquence, la prescription abrégée de trois ans s'applique aux demandes ; que M. Z...a été nommé gérant de la Sarl Mont Hope par assemblée générale du 5 juin 2000 ; que ladite société et ses associés l'ont assigné au fond le 30 novembre 2011 en responsabilité pour fautes durant son mandat, à savoir :- absence de tenues d'assemblées générales régulières et de comptes sociaux sur les exercices 2000 à 2005,- prime d'assurance mise indûment à la charge de la société Mont Hope dont le paiement est intervenu le 20 avril 2006,- dation en paiement irrégulière en date du 30 juin 2005,- inexécution d'une vente au profit de M. E...en date du 29 avril 2004 ; que les intimés, pour faire échec à la prescription abrégée, font valoir que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date du dépôt du rapport d'expertise, lequel a révélé le caractère fautif des agissements de l'ancien gérant et qu'en tout état de cause, les demandes en référé ont interrompu ledit délai ; qu'il est constant que les faits dommageables susmentionnés au soutien de l'action en responsabilité remontent tous à plus de trois ans et il y a donc lieu d'examiner s'il en est de même de leur révélation ; que la société intimée et ses associés ont constaté chaque année de 2000 à 2006 l'absence d'assemblée générale ordinaire de ladite société en vue d'approuver les comptes et n'ont reçu communication d'aucun compte de gestion, ni des comptes annuels établis à la clôture de chaque exercice ; qu'ils ont d'ailleurs adressé une mise en demeure de communiquer lesdits documents le 2 février 2007 à M. Z...en sa qualité de gérant et se dont d'ailleurs prévalus de ces faits dommageables pour voir désigner en référé un administrateur provisoire de la société Mont Hope, le 5 septembre 2007 ; que Me F..., désigné en cette qualité, a déposé un rapport de fin de mission le 10 octobre 2008, confirmant l'absence d'assemblée générale des associés avant celle qu'il a convoquée le 14 septembre 2007 ; que la révélation de ces faits ne saurait être reportée au dépôt du rapport d'expertise ; qu'en ce qui concerne les opérations de paiement de prime, de dation en paiement et de vente, celles-ci ont été révélées soit par les actes notariés pour ces dernières et dans les comptes de l'exercice 2006 pour le paiement de la prime ; qu'il se déduit des articles L. 223-23 et L. 225-254 du code de commerce, que le point de départ de la prescription est celui de la présentation, en vue de leur approbation par l'assemblée générale des associés en date du 14 septembre 2007, des comptes annuels afférents aux exercices 2002, 2003, 2004 et 2005 dans lesquels sont enregistrés lesdites opérations susceptibles de caractériser des faits dommageables ; que leur présentation ne recelait aucune dissimulation (comptes faux ou caractère fictif des prestations) qui aurait été révélée postérieurement ; que la révélation de ces faits ne saurait être reportée au dépôt du rapport d'expertise, comme l'a dit à tort le premier juge ; que les intimés invoquent une interruption du délai de prescription découlant des demandes en référé ; qu'aux termes de l'article 2241, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de forclusion ; que l'assignation en référé expertise n'interrompt le délai que pendant la durée de l'instance, à laquelle met fin l'ordonnance désignant un expert ; qu'en l'espèce, la Sarl Mont Hope a assigné M. Z...en référé expertise le 11 février 2009 et en conséquence, l'instance en référé a pris fin au jour du prononcé de l'ordonnance soit le 20 mai 2009 et non au jour du dépôt du rapport d'expertise ; qu'en conséquence, les faits dommageables allégués au soutien de l'assignation de la Sarl Mont Hope et de ses associés remontent à plus de trois ans nonobstant l'interruption de prescription susmentionnée de février à mai 2009 ; qu'il convient de faire droit à l'exception de prescription soulevée par M. Z...et de déclarer l'action en responsabilité de la société intimée et des consorts Y...et X... prescrite et irrecevable, de les débouter leurs demandes en paiement de sommes envers l'appelant ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
1°) ALORS QUE l'interruption efface le délai de prescription acquis et qu'elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ; qu'ayant constaté que l'assignation en référé-expertise avait interrompu le délai de prescription jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance, soit le 20 mai 2009, ce dont il résultait qu'un nouveau délai de trois ans avait commencé à courir à compter de cette date, la cour d'appel, en décidant néanmoins que l'action au fond initiée le 30 novembre 2011 était prescrite, a violé les articles 2231, 2241 et 2242 du code civil et L. 223-23 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ; que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'en l'occurrence, il résulte des constatations de l'arrêt que la prescription triennale, qui avait commencé à courir le 14 septembre 2007, avait été suspendue du jour de l'assignation en référé-expertise, le 11 février 2009, à celui du dépôt du rapport d'expertise, le 15 octobre 2010, en sorte qu'elle n'était pas acquise le 30 novembre 2011 ; qu'en décidant néanmoins que l'action était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'irrecevabilité des demandes des consorts X..., Y... et de la Sarl Mont Hope comme étant prescrites et d'avoir débouté la Sarl Mont Hope et ses associés de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS (…) qu'en conséquence, les faits dommageables allégués au soutien de l'assignation de la Sarl Mont Hope et de ses associés remontent à plus de trois ans nonobstant l'interruption de prescription susmentionnée de février à mai 2009 ; qu'il convient de faire droit à l'exception de prescription soulevée par M. Z...et de déclarer l'action en responsabilité de la société intimée et des consorts Y...et X... prescrite et irrecevable, de les débouter de leurs demandes en paiement de sommes envers l'appelant ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel, qui, après avoir déclaré la demande irrecevable, statue au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il y avait lieu de déclarer l'action en responsabilité de la société Mont Hope et des consorts Y...et X... prescrite et irrecevable, puis elle les a déboutés de leurs demandes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l'article 562 du code de procédure civile.