Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Gilberto X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 1er juillet 2016, qui a ordonné sa remise aux autorités judiciaires portugaises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 de la décision-cadre 2002/ 584/ JAI du 13 juin 2002, des articles 8 et 25 de la décision-cadre n° 2008/ 909/ JAI du 27 novembre 2008 et du § 12 son préambule, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 3-1, de la Convention sur les droits de l'enfant, des articles 591, 593, 695-24, 728-31, 728-32 et 728-33 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motivation ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M.
X...
, résidant en France depuis plus de cinq ans et père de deux enfants français, aux autorités portugaises ;
" aux motifs qu'il est manifeste que M.
X...
a vécu en France sous plusieurs fausses identités, faisant varier les prénoms et les dates de naissance pour échapper à l'exécution complète de la condamnation prononcée à son encontre ; que, pour autant, il est clair que c'est la même personne qui depuis 2010 vit en Auvergne, fréquente Mme Emilie Z...et a eu avec elle deux enfants ; que, si l'intéressé ne paraît plus avoir d'activité salariée depuis 2011, la communauté de vie peut être établie par les attestations produites, la copie d'écran CAF et la naissance des enfants en 2011 et 2013 ; qu'il peut, dès lors, être considéré que M.
X...
remplit bien la première condition prévue par l'article 695-24, 2° ; que, s'agissant de la seconde condition, il doit être établi que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du même code ; que cela suppose que le procureur de la République du lieu de résidence de l'intéressé, seul compétent en application de l'article 728-34 du code de procédure pénale, demande aux autorités compétentes de l'Etat requérant de lui transmettre une demande tendant à l'exécution sur le territoire français de la condamnation et, après avoir vérifié qu'aucun des motifs de refus prévus à l'article 728-32 n'était applicable, s'engage à faire appliquer en France la condamnation étrangère, assurant ainsi la certitude d'une exécution de celle-ci ; que, par un soit-transmis du 13 juin 2016 le parquet général invitait le procureur de la République d'Aurillac « s'il l'estimait opportun » à « agir conformément à l'article 728-3 et 728-34 du code de procédure pénale » ; que force est de constater que le procureur de la République d'Aurillac ne paraît pas avoir jugé opportun de mettre en oeuvre la procédure d'exécution en France de la condamnation portugaise de sorte qu'il ne peut être considéré que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction ne peut donc, au visa de l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, refuser la remise de M.
X...
aux autorités portugaises ;
" 1°) alors que M.
X...
, dans son mémoire régulièrement déposé, demandait à exécuter sa peine en France, en faisant valoir qu'il y résidait depuis douze ans, qu'il y avait fondé un foyer et était le père de deux enfants en bas âge, dont la mère était française, avec lesquels les liens devaient être maintenus ; qu'en accordant aux autorités portugaises la remise qu'elles sollicitaient sans vérifier que celle-ci ne portait pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M.
X...
comme aux intérêts primordiaux de ses enfants, d'entretenir des relations avec leur père, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 2°) alors que l'article 695-24, 2°, du code de procédure pénale dispose que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen peut être refusée si, d'une part, la personne recherchée pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté réside régulièrement de façon ininterrompue sur le territoire national, et si, d'autre part, la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du code de procédure pénale ; que l'article 728-31 du code de procédure pénale dispose que les condamnations pénales prononcées dans une Etat membre doivent être reconnues et exécutées en France sauf dans les cas prévus par les articles 728-32 et 728-33 du code de procédure pénale ; qu'à défaut d'appartenir à l'un de ces cas de refus, la décision peut être exécutée sur le territoire français ; qu'en retenant qu'une peine prononcée dans un Etat membre n'était pas exécutoire au sens de l'article 728-31 du code de procédure pénale, au seul motif que le procureur de la République territorialement compétent n'avait pas requis de l'autorité étrangère d'émission qu'elle soit exécutée en France, alors que cette condition n'est posée ni par l'article 728-32, ni par l'article 728-33, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés " ;
Vu les articles 695-24 et 728-31 du code de procédure pénale, ensemble l'article 695-33 du même code ;
Attendu qu'il se déduit du premier de ces textes que, lorsque la personne recherchée sur mandat d'arrêt européen pour l'exécution d'une peine privative de liberté, justifie qu'elle est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et fait valoir, pour s'opposer à sa remise, que la décision est exécutoire sur le territoire français en application du deuxième de ces articles, la chambre de l'instruction doit vérifier si l'Etat requérant envisage de formuler une demande aux fins de reconnaissance et d'exécution de la condamnation sur le territoire français ou si le procureur de la République entend susciter une telle demande en application de l'article 728-34 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte du troisième de ces textes, que si la chambre de l'instruction estime que les informations communiquées par l'Etat membre d'émission dans le mandat d'arrêt européen sont insuffisantes pour lui permettre de statuer sur la remise, elle demande à l'autorité judiciaire dudit Etat la fourniture, dans le délai maximum de dix jours pour leur réception, des informations complémentaires nécessaires ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que condamné pour assassinat au Portugal en 1999, M.
X...
s'est installé en 2004 dans le Cantal et a fondé un couple et une famille ; que le reliquat de peine à exécuter est de plus de dix ans ; que les autorités judiciaires portugaises ont émis contre lui un mandat d'arrêt européen le 7 mars 2016 ; qu'interpellé à l'occasion d'un contrôle routier par la gendarmerie, le 26 mai 2016, M.
X...
a été conduit devant le procureur général près la cour d'appel de Riom le lendemain et déféré à la chambre de l'instruction de la même cour pour le 31 mai 2016 ; qu'à cette date, le ministère public et M.
X...
ont été invités à réunir des éléments relatifs aux conditions de vie et d'insertion de l'intéressé en France et l'affaire a été renvoyée ;
Attendu que, pour ordonner la remise de l'intéressé aux autorités portugaises, la chambre de l'instruction, après avoir constaté que celui-ci n'a pas renoncé au principe de spécialité et n'a pas consenti à sa remise à l'Etat requérant, relève que si M.
X...
apporte la preuve d'une résidence régulière et ininterrompue en France, le procureur de la République du lieu de cette résidence n'a pas mis en oeuvre la procédure d'exécution en France du reliquat de la peine prononcée au Portugal, de sorte qu'il ne peut être considéré que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher auprès des autorités portugaises si elles souhaitaient que le reliquat de peine soit exécuté sur leur territoire ou en France, et alors qu'elle constatait que les articles 728-32 et 728-33 du code de procédure pénale ne trouvaient pas à s'appliquer en l'espèce, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, en date du 1er juillet 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Straehli, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. Sadot, Mme Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, M. Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.