LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jérémy X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 8e section, en date du 29 avril 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie aggravée et blanchiment aggravé, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant sa mise en liberté sous contrôle judiciaire et a prolongé sa détention provisoire ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi formé le 3 mai 2016 ;
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 2 mai 2016, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 2 mai 2016 ;
II - Sur le pourvoi formé le 2 mai 2016 ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137 à 148-2, 179, 194, 207, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué infirmant une décision de mise en liberté d'un juge d'instruction a ordonné la prolongation de la détention provisoire du mis en examen ;
"aux motifs que l'erreur commise par le parquet dans l'acte d'appel concernant la désignation de l'auteur de l'ordonnance querellée est une simple erreur matérielle qui ne crée aucune incertitude concernant la décision frappée d'appel ; que dans la mesure où le juge d'instruction n'a pas saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la détention provisoire et qu'au contraire, il a ordonné la remise en liberté sous contrôle judiciaire du mis en examen à une date si proche du terme de la période de détention qu'un débat devant le juge des libertés et de la détention était devenu impossible, l'appel du parquet de cette dernière décision a nécessairement eu pour effet de saisir la chambre de l'instruction du contentieux de la prolongation de la détention provisoire de M. X... ; que, contrairement aux indications figurant dans le mémoire, il est toujours nécessaire de conserver les preuves ou indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité, alors que sont en causeries transferts financiers impliquant plusieurs pays et mettant en cause une pluralité d'auteurs et alors qu'à ce jour, une grande partie des sommes détournées n'a pas encore été découverte et que son cheminement à travers les circuits financiers n'a pas encore été complètement élucidé, rendant éventuellement nécessaires rengagement de mesures conservatoires ou d'investigations techniques notamment à l'étranger qui ne doivent pas être entravées par le mis en examen ; que, si les mis en cause viennent d'être interrogés, leurs versions demeurent contradictoires et des confrontations sont indispensables à la manifestation de la vérité s‘agissant plus particulièrement des rôles respectifs de M. X... et de M. Y..., le premier cité qualifiant les contestations du second de "opportunistes et farfelues" ; que, dans la mesure où les faits ont eu pour cadre une communauté que tous les mis en cause qualifient de familiale, il est essentiel que les entourages ne puissent pas exercer des pressions ou faciliter des concertations ; qu'il est nécessaire encore de prévenir le renouvellement de l'infraction alors que M. X... a déjà été condamné pour des infractions au code de la route et qu'il est mis en examen dans une information ouverte au cabinet d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, pour des faits de même nature commis pendant la même période de temps, courant 2015 ; que l'omission de l'indication par la chambre de l'instruction d'un délai butoir pour le versement préalable d'un cautionnement de 80 000 euros dans sa décision de remise en liberté a été mis à profit par M. X..., pour ne pas verser ce cautionnement et obtenir malgré tout sa remise en liberté, le juge d'instruction ayant considéré que cette omission ne lui permettait pas de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation ; que, dans ce dossier, M. X... avait été placé en détention provisoire, le 11 octobre 2015 ; que l'intéressé admet encore avoir fait récemment l'objet d'une procédure pour fraude fiscale et abus de biens sociaux pour des faits commis toujours en 2015 ; qu'il importe enfin, de garantir le maintien de M. X..., à la disposition de la justice alors que les faits révélés par l'enquête judiciaire ont nécessité le recours à des mécanismes financiers internationaux impliquant des complicités à l'étranger permettant à M. X... de se soustraire à la justice ; qu'un contrôle judiciaire est manifestement prématuré dans la mesure où la surveillance qu'il instaure n'est pas suffisante pour répondre efficacement aux préoccupations qui viennent d'être énumérées ; qu'il en va de même de l'assignation à résidence qui n'organise pas non plus un contrôle efficace des télécommunications moyens par lesquels aujourd'hui s'organisent les concertations et les pressions ; que ses problèmes de santé mis en avant par M. X..., peuvent être pris en charge au sein de l'établissement pénitentiaire de Fresnes, ainsi que l'a démontré son précédent séjour en détention provisoire d'octobre 2015 à janvier 2016 ; que, dans ces conditions, le maintien en détention provisoire de M. X..., constitue toujours l'unique moyen de prévenir le dépérissement des preuves, les concertations et garantir le maintien de l'intéressé à la disposition de la justice ;
"alors que le juge des libertés et de la détention a seul compétence pour ordonner la prolongation de la détention ; qu'a excédé ses pouvoirs, la chambre de l'instruction qui, statuant sur l'appel interjeté par le parquet contre l'ordonnance de mise en liberté rendue par le juge d'instruction, a prolongé la détention provisoire du mis en examen aux motifs, inopérants, que sa remise en liberté à une date si proche du terme de la période de détention rendait un débat devant le juge des libertés, impossible, quand elle ne pouvait qu'infirmer la décision qui lui était déférée, maintenant, ainsi le mis en examen en détention provisoire sans pouvoir la prolonger" ;
Vu les articles 82, 137, 145-1 et 186 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsque le juge d'instruction est saisi d'une information, la chambre de l'instruction ne peut statuer sur la prolongation de la détention provisoire d'un mis en examen qu'après que le juge du premier degré a prononcé sur cette mesure ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, mis en examen le 30 décembre 2015 des chefs d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment aggravé, M. X... a été placé en détention provisoire le même jour ; qu'il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire par ordonnance du 26 avril 2016 du juge d'instruction ; que le procureur de la République a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer cette ordonnance et ordonner la prolongation de la détention provisoire de ce mis en examen, l'arrêt énonce que la décision du juge d'instruction d'ordonner la mise en liberté sous contrôle judiciaire du mis en examen à une date ne permettant pas de procéder à un débat devant le juge des libertés et de la détention aux fins qu'il soit statué sur la prolongation de cette détention, l'appel de cette ordonnance par le procureur de la République a nécessairement eu pour effet de saisir la chambre de l'instruction du contentieux de la prolongation de la détention provisoire de M. X... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la mesure de prolongation ordonnée par la chambre de l'instruction n'avait pas été soumise à l'appréciation d'une juridiction du premier degré, la chambre de l'instruction, qui était saisie du seul appel de l'ordonnance mettant en liberté M. X..., a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 29 avril 2016 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE la mise en liberté de M. X... s'il n'est détenu pour autre cause ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ricard, conseiller rapporteur, Mme Dreifuss-Netter, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.