LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Emmanuel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 5 avril 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes terroristes, destructions par incendie, transport et détention de substances ou produits incendiaires ou explosifs, fabrication de machines ou d'engins meurtriers ou incendiaires, d'explosifs, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 115 et 148 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance des principes d'équilibre des droits des parties, du contradictoire et des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui a refusé d'annuler l'ordonnance entreprise, a confirmé l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté rendue le 8 mars 2016 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris ;
"aux motifs que, s'agissant des modalités de communication à la défense des réquisitions du procureur de la République et de l'ordonnance du magistrat instructeur saisissant le juge des libertés et de la détention relativement à la demande de mise en liberté objet de la procédure, que ladite demande de mise en liberté a été formée par un courrier de Me Laetitia Maricourt-Balisoni, en date du 26 février 2016, adressé à M. Alain Gaudino, premier juge d'instruction, commençant en ces termes : "Monsieur le juge, J'interviens auprès de vous en ma qualité de conseil d'Emmanuel X... dans l'affaire visée en référence. Celui-ci sollicite par mon intermédiaire sa remisé ne liberté assortie le cas échéant d'un contrôle judiciaire." ; que c'est dans ces conditions que le greffier du juge d'instruction, ainsi qu'en certifie la mention qu'il a portée au bas de l'exemplaire de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention du 7 mars 2016 versé au dossier, a adressé copie des réquisitions du procureur de la République et de cette ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention à cet avocat par télécopie le 7 mars 2016, les rapports d'émission de ces télécopies figurant au dossier attestant de leur envoi au 004..., n° de télécopie de Me Marincourt-Balisoni ; que, dès lors, et sans même faire référence à la désignation initiale de ce Conseil comme premier avocat lors de l'interrogatoire de première comparution, qu'il ne saurait être tiré argument de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-62 du 17 décembre 2010 pour mettre en cause la validité de l'ordonnance entreprise ; qu'en effet la question dont était saisi le Conseil constitutionnel était celle de la constitutionnalité, au regard du respect du contradictoire, de l'examen par le juge des libertés et de la détention sur pièces et sans la moindre forme de contradictoire des demandes de mise en liberté ; que le Conseil constitutionnel a retenu que la communication préalable à la personne et à son avocat des réquisitions du procureur de la République et de l'ordonnance du magistrat instructeur saisissant le juge des libellés et de la détention était de nature à satisfaire aux exigences en la matière, sans qu'il y ait lieu à modifier la procédure qu'il convient en outre de relever que le respect du contradictoire a en l'occurrence d'autant plus été perçu au niveau de son exercice effectif, et non de son formalisme procédural, que la préconisation du Conseil constitutionnel a trait à la communication de ces pièces et non à leur notification, seul terme figurant à la lettre du premier alinéa de l'article 115 du code de procédure pénale ; qu'ainsi, avec la communication assurée le 7 mars 2016 des pièces en cause à l'avocat se présentant explicitement comme le conseil de M. X... et ayant formulé expressément au nom de celui-ci la demande de mise en liberté, il n'a pas été porté atteinte aux intérêts du mis en examen dans l'exercice des droits de la défense et dans le respect du contradictoire ;
"1°) alors que l'avocat désigné par le mis en examen, conformément aux dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale pour recevoir toutes convocations et notifications, doit, à peine de nullité, avoir communication de l'ordonnance saisissant le juge des libertés et de la détention, du réquisitoire du ministère public, en matière de détention ; qu'en jugeant le contraire, au prétexte qu'un autre avocat du mis en examen avait reçu la communication dont s'agit, bien que le conseil spécialement désigné par le mis en examen n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations dans cette instance, ni personne pour lui en méconnaissance des intérêts du prévenu dans l'exercice des droits de la défense et du respect du contradictoire, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que selon la décision du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2010 (n° 2010-62-QPC) « l'équilibre des droits des parties interdit que le juge des libertés et de la détention puisse rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public » ; qu'il en résulte nécessairement que le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter une demande de mise en liberté sans que l'avocat régulièrement désigné par le mis en examen pour recevoir les convocations et notifications n'ait reçu communication de l'ordonnance de saisine du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public ; qu'en considérant en l'espèce qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 7 mars 2016 entreprise, d'ordonner d'office la mise en liberté du demandeur, la chambre de l'instruction a donc violé les textes et principes susvisés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., mis en examen des chefs susénoncés, est en détention provisoire, en vertu d'un mandat de dépôt criminel, depuis le 29 novembre 2013 ; qu'il a fait choix de trois avocats, dont Maître Maricourt-Balisoni et Maître Dehapiot, ce dernier ayant été désigné en qualité de premier avocat par déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, le 5 mars 2015 ; que Maître Maricourt-Balisoni a présenté, le 2 mars 2016, une demande de mise en liberté ; qu'elle a été destinataire, par fax, des réquisitions du ministère public et de l'ordonnance du juge d'instruction saisissant le juge des libertés et de la détention ; que, par ordonnance en date du 8 mars 2016, ce dernier a rejeté la demande ; que M. X... en a interjeté appel ; que, devant la chambre de l'instruction, Maître Dehapiot a assisté M. X..., entendu par visioconférence, et déposé un mémoire soulevant la nullité de l'ordonnance en l'absence de communication au premier avocat désigné de l'avis du juge d'instruction et du réquisitoire du ministère public ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance sans recevoir l'exception de nullité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que la communication préalable du réquisitoire du ministère public et de l'ordonnance du juge d'instruction saisissant le juge des libertés et de la détention, qui ne constitue pas une notification au sens de l'article 115 du code de procédure pénale, a été assurée en l'espèce dans des conditions permettant d'assurer l'exercice effectif des droits de la défense, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 137-3, 144, 145-3, 148 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris le 8 mars 2016 ;
"aux motifs qu'il ressort suffisamment des éléments plus haut rappelés qu'il existe des indices graves ou concordants rendant plausible l'implication de M. X... dans les faits qui lui sont reprochés ; que l'examen des charges pouvant motiver un renvoi devant la juridiction de jugement ainsi que la discussion des indices justifiant la mise en examen sont extérieurs à l'unique objet, relatif à la détention provisoire, du contentieux dont est ici saisie la chambre de l'instruction ; que la détention provisoire demeure l'unique moyen d'empêcher une concertation frauduleuse entre le mis en examen ses complices, en ce que l'information est arrivée à son terme, que l'intéressé s'est montré évasif puis amnésique aux questions qui lui ont été posées par les enquêteurs puis par le magistrat instructeur ; que cette attitude témoigne de sa volonté de minimiser sa participation dans les faits reprochés ; que l'ensemble des protagonistes nient également leur implication ; qu'il convient, dès lors, de se prémunir contre tout risque de concertation frauduleuse de nature à entraver la sincérité des débats ; d'empêcher des pressions sur les témoins, en ce qu'un témoin apporte un témoignage explicite quant à l'implication des mis en examen, lesquels nient toute participation ; de prévenir le renouvellement des infractions, en ce qu'il s'agit de faits multiples commis dans le cadre d'une organisation clandestine particulièrement structurée et à finalité terroriste, à laquelle le mis en examen n'est pas étranger au regard des éléments ayant émergé des investigations, le risque de réitération découlant de la détermination dont il a pu faire-preuve ; de garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice, en ce que, quelles que soient les garanties effectivement apportées, la peine criminelle encourue peut laisser craindre un risque de soustraction de l'intéressé ; que ses antécédents judiciaires, bien qu'ils soient étrangers aux faits pour lesquels il est mis en cause, témoignent de sa propension à ne pas se, plier aux avertissements dont il peut faire l'objet ; qu'au regard des éléments de la procédure il pourrait par ailleurs bénéficier d'un soutien logistique important afin d'échapper à l'autorité judiciaire ; de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public qu'a provoqué l'infraction en raison de sa gravité, des circonstances de sa commission et de l'importance du préjudice qu'elle a causé, s'agissant d'attentats multiples perpétrés de nuit contre des habitants dans le cadre d'une organisation dont la finalité est terroriste ; que la détention provisoire reste en conséquence, nonobstant les observations présentées au nom du mis en examen et les garanties invoquées au soutien de ces observations telles qu'elles sont développées dans le mémoire, justifiée comme étant, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, l'unique moyen de parvenir aux objectifs qui viennent d'être énoncés ; et qui ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, de telles mesures ne comportant pas de contrainte suffisante pour prévenir efficacement les risques précités ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise ;
"alors qu'aux termes de l'article 145-3 du code de procédure pénale, lorsque la détention excède un an en matière criminelle et huit mois en matière délictuelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant une demande de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient, en l'espèce, la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ne s'est pas expliquée précisément sur les indications particulières justifiant en la cause la poursuite de l'information, et n'a pas précisé le délai d'achèvement de la procédure, méconnaissant ainsi les textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, qui a souverainement estimé que, l'avis d'information ayant été notifié aux parties, le délai d'achèvement de l'information pouvait être fixé à deux mois, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mmes Dreifuss-Netter, Planchon, Ingall-Montagnier, MM. Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, MM. Laurent, Béghin, Mme Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gaillardot ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.