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13/07/2016 | FRANCE | N°15-18924

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 juillet 2016, 15-18924


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2015), que, par acte du 11 juillet 2008, la société civile immobilière de la Brie (la SCI) a conclu, avec un groupement bancaire constitué des sociétés Oseo, CM-CIC lease, Fortis lease et Natiocrédibail (le crédit-bailleur), un contrat de crédit-bail immobilier, destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'un immeuble à usage de bureaux ; qu'un avenant a été signé le 4 décembre 2009, prévoyant un

financement complémentaire ; qu'une ordonnance de référé du 6 septembre 2013 ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2015), que, par acte du 11 juillet 2008, la société civile immobilière de la Brie (la SCI) a conclu, avec un groupement bancaire constitué des sociétés Oseo, CM-CIC lease, Fortis lease et Natiocrédibail (le crédit-bailleur), un contrat de crédit-bail immobilier, destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'un immeuble à usage de bureaux ; qu'un avenant a été signé le 4 décembre 2009, prévoyant un financement complémentaire ; qu'une ordonnance de référé du 6 septembre 2013 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 7 janvier 2013 et a condamné la SCI à payer diverses sommes provisionnelles au crédit-bailleur ; que la SCI a assigné le crédit-bailleur en nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 313-9 du code monétaire et financier et en remboursement de la somme de 2 095 912,45 euros correspondant à la totalité des sommes payées et que celui-ci a invoqué la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'un contrat a été modifié par un avenant avec lequel il forme un tout indivisible, la prescription de l'action en nullité de l'entier contrat ne peut commencer à courir qu'à compter de la conclusion de l'avenant ; qu'en jugeant que la prescription de l'action en nullité du crédit-bail avait commencé à courir, non au jour de l'avenant du 4 décembre 2009, mais au jour de la conclusion de la convention originaire du 11 juillet 2008, et qu'il importait peu à cet égard que l'avenant comportât une clause d'indivisibilité avec la convention originaire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1304 et 2224 du code civil ;
2°/ que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ; que dans leurs conclusions du 25 novembre 2014, la SCI de la Brie et son liquidateur judiciaire se prévalaient de la suspension de la prescription au cours de la médiation qui avait été menée sous l'égide de Me Houplain en application d'une clause du protocole d'accord du 14 mai 2012 ; qu'en ne se prononçant pas sur l'effet suspensif de prescription de cette médiation, mais en se bornant à dénier un tel effet à la procédure préventive de conciliation qui avait abouti au protocole d'accord du 14 mai 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 et 2238 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les conditions financières de la résiliation anticipée fixées par l'article 34 du contrat initial n'avaient pas été modifiées par l'avenant, qui ne concernait qu'une augmentation du montant du financement, de sorte qu'il était dépourvu de tout effet novatoire, et qu'il n'était pas démontré qu'il ait eu une incidence sur le fait que la résiliation anticipée du contrat soit plus ou moins onéreuse que sa poursuite, la cour d'appel a pu en déduire que c'était en vain que la SCI se prévalait de la stipulation prévoyant que le crédit-bail et l'avenant formaient un tout indivisible et que le délai de prescription avait commencé à courir à compter du contrat d'origine ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que, lorsque l'accord du 14 mai 2012 avait été régularisé, aucun litige concernant la validité de la convention n'existait, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Becheret Thierry Sénéchal Gorrias, ès qualités, et la société de La Brie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société Bcheret Thierry Sénéchal Gorrias, ès qualités, et la société de La Brie.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de crédit-bail du 11 juillet 2008 et de l'avenant du 4 décembre 2009 ;
Aux motifs propres qu'« il est constant que la convention de crédit-bail immobilier a été régularisée selon acte notarié du 11 juillet 2008, lequel prévoyait en son article 34 les conditions de résiliation anticipée ; que pour rejeter le moyen de la SCI de la Brie qui contestait l'acquisition de la prescription de cinq ans à la date de délivrance de l'assignation au motif que le délai de prescription n'avait pu commencer à courir qu'à compter de l'avenant notarié du 4 décembre 2009, les premiers juges ont précisément relevé que les conditions de résiliation anticipée fixées par l'article 34 du contrat initial n'avaient pas été modifiées par l'avenant en cause, lequel ne concernait qu'une augmentation du montant du financement, de sorte qu'il était dépourvu de tout effet novatoire et qu'il n'était pas démontré que l'avenant du 4 décembre 2009 ait eu une quelconque incidence sur le fait que la résiliation anticipée à l'initiative du crédit-preneur soit plus ou moins onéreuse que sa poursuite ; que la société appelante, en cause d'appel, ne conteste pas plus qu'en première instance le fait que l'article 34 du contrat de crédit-bail immobilier relatif à la résiliation anticipée n'a pas été modifié par l'avenant du 4 décembre 2009 ; qu'en cet état, c'est en vain qu'elle se prévaut de la stipulation de l'avenant selon laquelle le crédit-bail immobilier et l'avenant forment un tout indivisible, cette précision étant sans effet sur l'absence de caractère novatoire dudit avenant, la durée du crédit-bail ayant été maintenue à douze ans à compter de l'entrée en loyer, le délai à compter duquel le crédit-preneur pouvait solliciter la résiliation anticipée maintenue à compter du premier jour de la 8ème année suivant l'entrée en loyer et les conditions financières de la résiliation anticipée, soit le versement d'une indemnité limitée à 50% de la valeur résiduelle financière, n'ayant connu aucun changement ; qu'en se bornant à soutenir que compte tenu du délai à l'expiration duquel le crédit-preneur pouvait solliciter la résiliation anticipée du contrat, du délai de levée d'option d'achat et des coûts respectifs en résultant dans chacune de ces hypothèses, elle se trouvait en réalité privée du choix d'une résiliation anticipée, la SCI de la Brie n'établit nullement que l'augmentation du financement consenti résultant de l'avenant du 4 décembre 2009 ait affecté l'économie contractuelle d'origine des conditions financières d'une résiliation anticipée, d'où il résulte, comme l'ont retenu les premiers juges, que ce dernier était dépourvu de tout effet novatoire, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir à compter du contrat d'origine du 11 juillet 2008 ; que le jugement déféré mérite dès lors pleine approbation sur ce point ; que c'est également à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la suspension de la prescription, lequel était invoqué au visa de l'article 2224 du code civil au motif de la tentative de conciliation organisée sous l'égide de Maître Houplain du 14 mai au 3 octobre 2012, alors que ce texte n'a vocation à trouver application que lorsque les parties conviennent, après la survenance d'un litige, de recourir à la médiation ou à la conciliation alors qu'en l'espèce, aucun litige n'était né entre les parties, la conciliation ayant été organisée sur décision du président du tribunal dans le cadre du traitement et de la prévention des difficultés d'entreprises ; que le jugement déféré sera dès lors encore confirmé sur ce point » ;
Et aux motifs réputés adoptés des premiers qu'« aux termes de l'article 1304 du Code Civil : "Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans" ; qu'au cas particulier, la convention de crédit-bail immobilier, qui a été régularisée selon acte notarié en date du 11 juillet 2008, prévoyait en son article 34 les conditions de résiliation de la convention avant son terme, étant observé que les avenants postérieurs n'ont en rien modifié lesdites dispositions ; que pour contester l'acquisition de la prescription, la SCI de la Brie oppose : - d'une part le fait que le point de départ de la prescription ne pourrait courir qu'à compter de l'avenant notarié du 4 décembre 2009, - d'autre part, que la prescription aurait été suspendue du fait de la procédure de conciliation, ouverte dans le cadre de la procédure de prévention des difficultés des entreprises, et ce en application de l'article 2238 du Code civil ; 1-1 Sur le report du point de départ de la prescription qu'il convient d'observer que dans ses conclusions, la SCI de la Brie reconnaît que l'avenant du 4 décembre 2009 "ne comporte aucune disposition relative à la faculté de résiliation anticipée ouverte au crédit preneur ou au calcul de l'indemnité de résiliation anticipée et ne modifie donc pas le contrat de crédit-bail sur ces points" ; qu'en l'espèce, l'avenant notarié du 4 décembre 2009 ne concerne que l'augmentation du montant du financement sans qu'il soit démontré qu'il ait eu une quelconque incidence sur le fait que la résiliation du contrat à son initiative soit plus ou moins onéreuse que sa poursuite ; que l'avenant qui n'a eu pour but que d'aménager le remboursement du prêt initial, ne comporte en effet, aucune modification des conditions concernant la résiliation et se trouve dépourvu de tout effet novatoire ; que la SCI de la Brie ne peut en conséquence valablement soutenir que le point de départ de la prescription a été reporté du fait de l'avenant au 4 décembre 2009 ; 1-2 Sur la suspension de la prescription que la SCI de la Brie se prévaut de la suspension du délai de prescription, sur le fondement de l'article 2238 du Code civil, applicable aux prescriptions personnelles et mobilières prévues à l'article 2224 du même code, et dont il résulte que "la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation" ; que lorsque l'accord du 14 mai 2012 a été régularisé, aucun litige concernant la validité de la convention au regard de l'article L. 313-9 du Code monétaire et financier n'existait ainsi que cela ressort de l'accord de conciliation ; qu'ainsi faute d'être intervenue « après la survenance d'un litige », la procédure de conciliation s'étant déroulée avant la survenance du litige, ne saurait, à l'évidence, avoir suspendu la prescription de l'action en nullité aujourd'hui invoquée ; que dès lors, l'action en nullité du contrat de crédit-bail devait être exercée, par voie d'action, avant le 12 juillet 2013 » ;
Alors d'une part que lorsqu'un contrat a été modifié par un avenant avec lequel il forme un tout indivisible, la prescription de l'action en nullité de l'entier contrat ne peut commencer à courir qu'à compter de la conclusion de l'avenant ; qu'en jugeant que la prescription de l'action en nullité du crédit-bail avait commencé à courir, non au jour de l'avenant du 4 décembre 2009, mais au jour de la conclusion de la convention originaire du 11 juillet 2008, et qu'il importait peu à cet égard que l'avenant comportât une clause d'indivisibilité avec la convention originaire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1304 et 2224 du code civil ;
Alors en tout état de cause, d'autre part, que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ; que dans leurs conclusions du 25 novembre 2014 (p. 14, § 1 et 2), la SCI de la Brie et son liquidateur judiciaire se prévalaient de la suspension de la prescription au cours de la médiation qui avait été menée sous l'égide de Me Houplain en application d'une clause du protocole d'accord du 14 mai 2012 ; qu'en ne se prononçant pas sur l'effet suspensif de prescription de cette médiation, mais en se bornant à dénier un tel effet à la procédure préventive de conciliation qui avait abouti au protocole d'accord du 14 mai 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 et 2238 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-18924
Date de la décision : 13/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CREDIT-BAIL - Crédit-bail immobilier - Nullité - Action en nullité - Prescription - Délai - Point de départ - Signature d'un avenant au contrat d'origine - Absence d'influence

CREDIT-BAIL - Crédit-bail immobilier - Nullité - Action en nullité - Prescription - Délai - Point de départ - Conclusion du contrat

Une cour d'appel qui retient que les conditions financières de la résiliation anticipée fixées par un contrat de crédit-bail n'ont pas été modifiées par un avenant, de sorte que cet avenant est dépourvu d'effet novatoire, et qu'il n'est pas démontré que cet avenant ait une incidence sur le fait que la résiliation anticipée du contrat soit plus ou moins onéreuse que sa poursuite, peut en déduire qu'en dépit de la stipulation prévoyant que le contrat et l'avenant forment un tout indivisible, le délai de prescription commence à courir à compter du contrat d'origine


Références :

articles 1134, 1304, 2224 et 2238 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 mars 2015

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité d'un crédit-bail immobilier, à rapprocher :3e Civ., 4 octobre 2000, pourvoi n° 98-22554, Bull. 2000, III, n° 157 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 jui. 2016, pourvoi n°15-18924, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Rapporteur ?: M. Pronier
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18924
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