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12/07/2016 | FRANCE | N°15-84308

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juillet 2016, 15-84308


Statuant sur le pourvoi formé par
-M. Guy X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 2015 qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Avocat général :

Mme Caby ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conse...

Statuant sur le pourvoi formé par
-M. Guy X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 2015 qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de Me LE PRADO, la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle ODENT et POULET et de la société civile professionnelle MARC LÉVIS, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, 29, 31 de loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à verser à Mme Z..., veuve A..., à titre personnel la somme de 259 967, 46 euros (527 208-4 875, 46-135 031, 04-127 334, 04), et en qualité de représentante légale de ses quatre enfants mineurs les sommes de 35 448, 25 euros (42 154, 00 euros-6 705, 75) pour Charly A..., 45 548, 23 euros (56 183-10 634, 77) pour Mykaël A..., 55 240, 45 euros (69 630-14 389, 55) pour Mélody A... et 65 276, 17 euros (82 360-17 083, 83) pour Alyzée A... ;
" aux motifs que, sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux des victimes indirectes du décès d'Emmanuel A... ; qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en prenant en considération la part de consommation personnelle de celle-ci et le salaire que continue à percevoir le conjoint ; que, selon les justificatifs fiscaux produits les revenus annuels du foyer s'élevaient à la somme totale de 55 208 euros dont 37 110 euros perçus par Emmanuel A... et 18 098 euros par son épouse, que la part de ce revenu que consommait le défunt a été de manière justifiée évaluée par le tribunal à 20 %, s'agissant d'un foyer aux revenus moyens avec quatre enfants mineurs, soit 11 041, 60 euros, ce qui permet de fixer la perte annuelle du foyer à la somme de 26 068, 40 euros (55 208-11041, 60-18 098) ; que, pour déterminer le préjudice viager du foyer il sera fait application du barème de capitalisation publié en 2013 par La gazette du palais qui repose sur les tables de mortalité définitives les plus récentes relatives aux années 2006/ 2008 établies par l'INSEE et se fonde sur des paramètres économiques et un taux d'inflation actualisés ; qu'il convient également de prendre en considération les chances dont disposait Emmanuel A... d'obtenir une promotion professionnelle, qu'à cet égard il était âgé de 43 ans lors de l'accident, bénéficiait depuis le 1er janvier 2009 d'un détachement auprès des services techniques de la commune de La Souterraine avec le grade de technicien principal de 1re classe à l'échelon 9 et avait fait connaître à la commission administrative paritaire son intention d'intégrer la collectivité, le maire de cette commune ayant informé cette dernière, par courrier du 28 mars 2012, que la collectivité d'origine avait enregistré cette demande, qu'un poste d'ingénieur était ouvert à la promotion interne et qu'il sollicitait l'intégration d'Emmanuel A... dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux ; que cet élément, qui préexistait au décès d'Emmanuel A..., établit qu'il disposait d'une chance de promotion professionnelle, non pas lors de la promotion envisagée, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Creuse ayant précisé, par courrier du 5 décembre 2014, qu'il ne remplissait pas les critères objectifs à cette date, mais dès l'année suivante, étant toutefois relevé que cette promotion restait subordonnée à l'existence de propositions de poste et à une décision de nomination qui reposait sur les éléments contenus dans le dossier d'Emmanuel A... et restait dépendante des profils plus adaptés des éventuels autres postulants ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, après prise en considération de l'indemnisation de cette perte de chance de promotion il y a lieu de fixer à la somme de 27 500 euros le montant du préjudice économique annuel du foyer ce qui permet de fixer à la somme de 777 535 euros le montant du préjudice viager du foyer (27 500 x 28, 274) ; qu'il existait une communauté de vie entre Emmanuel A..., son épouse et leurs quatre enfants, que s'agissant du préjudice temporaire des enfants, en leur attribuant 15 % du préjudice annuel du foyer, soit 4 125 euros, leur préjudice économique calculé jusqu'à 25 ans, s'établit de la manière suivante : Charly A... (14 ans lors de l'accident) : 42 154 euros (4 125 X 10, 219), Mykaël A... (10 ans lors de l'accident) : 56 183 euros (4 125 X 13, 620), Mélody A... (6 ans lors de l'accident) : 69 630 euros (4 125 x 16, 880), Alyzée A... (2 ans lors de l'accident) : 82 360 euros (4 125 x 19, 966) ; que le préjudice économique de Nathalie A... est donc de 527 208 euros (777 535-42 154-56 183-69 630-82 360) ; que, sur le recours des tiers payeurs, en principe les prestations des tiers payeurs ouvrent droit à un recours par seule détermination de la loi et non en raison d'un examen intrinsèque de leur nature indemnitaire ; que l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 procède à une énumération limitative des prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ; que, sur l'indemnité de secours immédiat versée par ERDF, la société ERDF, organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, a versé à Mme Nathalie A... en raison des obsèques d'Emmanuel A..., une allocation de secours immédiat d'un montant de 4 875, 46 euros en application de l'article 38-1 de l'annexe III au statut national du personnel des industries électriques et gazières issu du décret n° 2013-53 du 15 janvier 2013 et par application des dispositions de l'article 29-1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 cette prestation relative à des frais funéraires qu'elle a versée en raison du décès d'Emmanuel A... ouvre droit à un recours contre la personne tenue à réparation, M. X... et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société ERDF de son recours ; que, sur les pensions de réversion et les pensions temporaires d'orphelin versées par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ; que les pensions de réversion et les pensions temporaires d'orphelin, en raison de leur nature doivent s'imputer sur le préjudice économique du conjoint survivant ou de l'orphelin (Cass 2e 10 novembre 2005 pourvoi n° 04-16. 600, Cass Crim., n° 27 novembre 2007 pourvoi 07-81. 403) ; qu'il sera donc fait droit au recours de la CNIEG à hauteur 135 031, 04 euros au titre de la pension de réversion, arrérages échus et à échoir selon une capitalisation calculé sur la base du barème 2013 précédemment utilisé pour évaluer le montant des préjudices économiques des victimes indirectes, ainsi qu'à hauteur de 50 010, 29 euros au titre des arrérages échus et à échoir des pensions temporaires d'orphelin dont le montant alloué est inférieur pour chaque enfant au montant de leur préjudice économique (6 705, 75 euros pour Charly A..., 10 634, 77 euros pour Mykael A..., 14 389, 55 euros pour Mélody A... et 17 083, 83 euros pour Alysée A...) ; que la Caisse des dépôts et consignations, qui gère la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) dont relevait Emmanuel A... dispose à l'encontre du tiers responsable de son décès, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées à ses ayants droit ; qu'elle produit, conformément aux dispositions de l'ordonnance 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, une attestation de concession définitive de prestations d'un montant de 127 334, 04 euros capital représentatif de la pension de réversion servie à, Mme Nathalie A..., ce qui rend suffisamment justifiée en l'état son recours et il sera fait droit à sa demande sans toutefois condamner in solidum avec M. X... son assureur alors que l'effet de la mise en cause de l'assureur aux côtés du condamné en matière pénale est limité à l'opposabilité de la décision (article 388-3 du code de procédure pénale) ; que la Caisse des dépôts et consignations, qui gère la caisse de retraite additionnelle de la fonction publique, ne présente aucune demande au titre des prestations versées par cette dernière lesquelles ne sont pas susceptibles de recours subrogatoire ce qui rend sans intérêt toute réouverture des débats ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze et l'assureur ; que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze qui gère le recours contre tiers pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse depuis le 16 septembre 2013, a informé la Cour qu'elle avait déboursé une somme de 1 535, 56 euros au titre de la prise en charge du risque maladie d'Emmanuel A... (frais de transport), qu'il s'agissait d'une créance définitive et qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance ; que la société DS services, qui a reçu délégation de la CNP, l'assureur social de la commune de La Souterraine, employeur d'Emmanuel A... et qui gère un contrat d'assurance groupe garantissant les charges incombant à cette collectivité en application du statut des agents titulaires et stagiaires en cas de décès, a informé la présente juridiction qu'elle avait versé un capital décès de 33 298, 12 euros mais qu'elle ne présentait aucune demande et réclamait cette somme à la compagnie MAAF avec laquelle elle traitait ce dossier à l'amiable par poste de dépenses ;
" 1°) alors que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'il est constant, ainsi que le rappelait d'ailleurs la cour d'appel (arrêt attaqué, page 6, 1er §), que Mme Z..., veuve A..., soutenait dans ses écritures que son préjudice économique personnel soumis à recours devait être évalué à la somme de 434 571, 38 euros (conclusions d'appel des consorts A..., page 7, dernier §, et page 8) ; qu'en fixant néanmoins le préjudice économique de Mme A... à la somme de 527 967, 46 euros la cour d'appel a statué ultra petita et violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en omettant d'imputer sur les préjudices économiques de Mme A... tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs, le capital décès d'un montant de 33 298, 12 euros dont elle constatait pourtant qu'il avait été versé par la société DS Service qui avait reçu dérogation de la CNP, assureur social de la commune de La Souterraine, employeur de M. A..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 1382 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 23 juin 2012, Emmanuel A... a trouvé la mort dans un accident de la circulation dont M. X... a été définitivement jugé responsable par arrêt du 18 octobre 2013 ; qu'iI a laissé pour ayant-droits son épouse et quatre enfants, représentés par leur mère, laquelle, après avoir justifié d'un revenu de référence du foyer de 55 208 euros par an et arrêté à 20 pour cent la part d'autoconsommation du défunt, a sollicité la condamnation de M. X... à payer au titre du préjudice économique les sommes de 434 571, 38 euros à elle-même, 58 749, 03 euros à Charly A..., 78 301, 38 euros à Mykael A..., 97 043, 12 euros à Mélody A..., 114 784, 53 euros à Alyzée A... ; que le juge du premier degré, après avoir écarté toute perte de chance au titre d'une promotion professionnelle du défunt et retenu la somme de 20, 939 euros du point de rente, a accordé les sommes de 340 053, 17 euros, 36 815, 09 euros, 47 361, 07 euros, 56 718, 32 euros et 64 898, 58 euros ;

Attendu que, pour fixer, sur l'appel de l'ensemble des parties, le préjudice économique résultant du décès d'Emmanuel A..., avant déduction des prestations servies par les tiers payeurs, la cour d'appel, après avoir établi l'existence d'une perte de chance d'une promotion professionnelle et fait application d'un barème de capitalisation préconisant le chiffre de 28 274 euros du point de rente, retient les sommes de 527 208 euros pour Mme Z..., veuve A..., 42 154 euros pour Charly A..., 56 183 euros pour Mykael A..., 69 630 euros pour Mélody A... et 82 360 euros pour Alyzée A... ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en allouant à la veuve de la victime une somme supérieure à sa demande, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 3 juin 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juillet deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-84308
Date de la décision : 12/07/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 03 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 2016, pourvoi n°15-84308


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Marc Lévis, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.84308
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