Statuant sur les pourvois formés par :
- la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF prise en la personne de son représentant légal,- la société Allianz Iard, parties intervenantes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 20 mars 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. Lilian X... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle ORTSCHEIDT, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi de la Caisse de prévoyance et retraite du personnel de la SNCF :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi de la société Allianz Iard :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du code civil, du principe de la réparation intégrale, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué infirmatif a alloué à M. Dominique Y..., après application du coefficient de réduction fixé à 50 %, la somme globale de 236 674 euros en réparation de son préjudice, dont la somme de 180 831 euros en réparation de son préjudice économique et a alloué à Anthony et Andy Y..., mineurs, représentés par leur père M. Dominique Y..., la somme de 25 219, 50 euros et de 26 570, 50 euros en réparation de leur préjudice, dont les sommes de 10 219, 50 euros et de 14 070, 50 euros au titre de la réparation de leur préjudice économique respectif ;
" aux motifs que les ayants-droit de Marie A...-Y...ont calculé le préjudice résultant de la perte des revenus professionnels de la défunte à partir des revenus du ménage très raisonnablement évalués au vu des documents fiscaux produits sous les numéros 57, 50, 48, en appliquant strictement la méthode en usage dans les cours et tribunaux et en retenant à bon escient la table de capitalisation publiée par La Gazette du Palais en 2013, laquelle tient compte des données économiques et des tables de mortalité actualisées ; que dans ces conditions il convient de faire droit à l'ensemble des demandes et d'évaluer comme suit les préjudices économiques de :- M. Dominique Y... : 361 662 euros,- Mlle Tracy A... : 13 972 euros,- Anthony Y... : 20 439 euros,- Andy Y... : 28 141 euros ;
" alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que la cour d'appel a fait droit intégralement aux demandes d'indemnisation du préjudice économique sollicitées par M. Dominique Y..., conjoint survivant, formées en son nom personnel et celui de ses enfants mineurs, Anthony et Andy Y..., motif pris que les ayants-droit de Marie A...-Y...ont calculé le préjudice résultant de la perte des revenus professionnels de la défunte à partir des revenus du ménage très raisonnablement évalués au vu des documents fiscaux produits sous les numéros 57, 50, 48, en appliquant strictement la méthode en usage dans les cours et tribunaux et en retenant à bon escient la table de capitalisation publiée par La Gazette du Palais en 2013, laquelle tient compte des données économiques et des tables de mortalité actualisées ; qu'en statuant par ces motifs, sans répondre aux conclusions de la compagnie Allianz Iard, assureur du responsable, qui soutenait que pour déterminer les préjudices patrimoniaux du conjoint survivant et des enfants mineurs, il convenait de déduire du revenu de référence du foyer, après application d'un coefficient pour tenir compte de la part de consommation personnelle du défunt, les revenus existants avant le décès et subsistant après celui-ci, ainsi que les revenus consécutifs au décès tels que le montant des arrérages échus et la valeur capitalisée de la pension de réversion du conjoint survivant, les pensions d'orphelin, les arrérages échus de ces pensions et le montant capitalisé de la rente de réversion orphelin servies par la CPR-SNCF à M. Dominique Y... et à Anthony et Andy Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du code civil, du principe de la réparation intégrale, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a alloué, après application du coefficient de réduction fixé à 50 %, à MlleTracy A...la somme globale de 19 486 euros en réparation de son préjudice, dont la somme de 6 986 euros en réparation de son préjudice économique ;
" aux motifs que les ayants-droit de Marie A...-Y...ont calculé le préjudice résultant de la perte des revenus professionnels de la défunte à partir des revenus du ménage très raisonnablement évalués au vu des documents fiscaux produits sous les numéros 57, 50, 48, en appliquant strictement la méthode en usage dans les cours et tribunaux et en retenant à bon escient la table de capitalisation publiée par La Gazette du Palais en 2013, laquelle tient compte des données économiques et des tables de mortalité actualisées ; que dans ces conditions il convient de faire droit à l'ensemble des demandes et d'évaluer comme suit les préjudices économiques de :- M. Dominique Y... : 361 662 euros,- Mlle Tracy A... : 13 972 euros,- Anthony Y... : 20 439 euros,- Andy Y... : 28 141 euros ;
" alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que la cour d'appel a fait droit intégralement à la demande d'indemnisation du préjudice économique sollicitée par Mlle Tracy A..., enfant de la victime, motif pris que les ayants-droit de Marie A...-Y...ont calculé le préjudice résultant de la perte des revenus professionnels de la défunte à partir des revenus du ménage très raisonnablement évalués au vu des documents fiscaux produits sous les numéros 57, 50, 48, en appliquant strictement la méthode en usage dans les cours et tribunaux et en retenant à bon escient la table de capitalisation publiée par La Gazette du Palais en 2013, laquelle tient compte des données économiques et des tables de mortalité actualisées ; qu'en statuant par ces motifs, sans répondre aux conclusions de la compagnie Allianz Iard, assureur du responsable, soutenait qu'il y avait lieu, pour déterminer les préjudices patrimoniaux de Mlle Tracy A..., de déduire du revenu de référence du foyer, les revenus consécutifs au décès, tels que le montant capitalisé de la rente de réversion orphelin et de la pension d'orphelin, servies par la CPR-SNCF, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables de l'accident de la circulation ayant entraîné le décès de Marie A..., épouse Y..., agent de la société nationale des chemins de fer (SNCF), et dont M. Lilian X..., assuré à la société Allianz Iard, a été déclaré responsable à hauteur de 50 %, la cour d'appel, faisant droit aux demandes des parties civiles, a fixé le préjudice économique de M. Dominique Y..., conjoint survivant, à la somme de 361 662 euros, et, pour ce qui concerne les enfants de la victime, à 13 972 euros pour Mme Tracy A..., 20 439 euros pour Anthony Y..., et 28 141 euros pour Andy Y... ;
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que, pour fixer la perte de revenus consécutive au décès de la victime, la cour d'appel n'a pas déduit du revenu de référence du foyer les revenus de remplacement que constituaient le capital et les arrérages échus de la pension de reversion et des pensions d'orphelin, dès lors que, servies par la SNCF en qualité d'organisme autonome de sécurité sociale, elles ouvraient droit à recours subrogatoire contre le responsable de l'accident et que, dans cette hypothèse, le préjudice économique de chaque ayant-droit de la victime, qui sert de limite au remboursement des prestations versées par le tiers payeur, doit être apprécié en tous ses éléments, alors même qu'il est, en tout ou partie, réparé par les prestations servies par ce dernier ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du code civil, du principe de la réparation intégrale, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que, l'arrêt attaqué a alloué à M. Dominique Y..., après application du coefficient de réduction, la somme globale de 236 674 euros en réparation de son préjudice, dont la somme de 44 343 euros au titre de l'aide humaine ;
" aux motifs qu'il n'est pas démontré que le coût de la cantine scolaire soit plus onéreux que la rémunération d'une assistante maternelle à domicile, qu'il est établi que Marie A...-Y...ne pouvait le matin, ni conduire les enfants à l'école ni préparer le petit déjeuner en raison de son horaire de travail et qu'il n'est pas davantage établi qu'elle était en mesure de rentrer à midi pour s'occuper du déjeuner ; qu'il convient de retenir en outre qu'il est d'usage que les familles envoient pour partie les enfants chez les grands-parents pendant les vacances scolaires dans le cadre de la solidarité familiale et que dans ces conditions, M. Dominique Y... n'assurant pas directement la garde et l'entretien de ses enfants, son décompte ne peut pas être retenu intégralement ; qu'en tenant compte de la situation réelle depuis le décès de la mère, il convient de retenir une indemnisation journalière identique en dehors des fins de semaine puisque le père est en mesure de garder ses enfants les samedis et dimanches et d'évaluer comme suit les besoins de M. Dominique Y... pour la seule garde des enfants jusqu'à ce que son dernier fils ait atteint l'âge de 15 ans en 2018 et selon la table de capitalisation publiée par La Gazette du Palais en 2013, laquelle tient compte de l'espérance de vie réactualisée depuis l'année 2004, ainsi que du taux d'inflation prévisible pour les années à venir : 3 heures par jour en dehors des fins de semaine et toute l'année, soit 3 h x 5 jours x 52 semaines x 15 euros = 11 700 euros par année à capitaliser avec l'indice 7, 580 soit : 11 700 euros x 7, 580 = 88 686 euros ;
" alors que le préjudice résultant de la perte de l'aide apportée par l'épouse décédée à la garde et à l'éducation des enfants du couple s'analyse en une perte de chance pour la victime par ricochet d'avoir pu bénéficier de cette aide ; que l'indemnité allouée à ce titre doit être mesurée à la hauteur de la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'il appartenait à la cour d'appel, en présence de cette perte en aide humaine dont découlait une perte de chance, de calculer la chance perdue pour fixer le quantum de l'indemnité due, avant application du coefficient de réduction ; qu'en fixant le montant de l'indemnité due à M. Dominique Y... au titre de l'aide humaine à hauteur de l'avantage financier que lui aurait procuré la présence de son épouse, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen pris de ce que l'aide humaine demandée par M. Dominique Y... ne pouvait consister qu'en une perte de chance, mélangé de fait, est nouveau, et comme tel, irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme que la société Allianz Iard devra payer aux consorts Y...
A... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juillet deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.