LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 janvier 2015), que M. X..., engagé le 1er mars 1976 en qualité de VRP par la société Sopad Nestlé aux droits de laquelle vient la société Nestlé France, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2012 et a perçu une indemnité conventionnelle de départ à la retraite ; qu'estimant devoir bénéficier en outre d'un capital forfaitaire complémentaire de départ à la retraite, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société Nestlé France fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un engagement unilatéral suppose une manifestation de volonté claire et non équivoque de l'employeur d'octroyer aux salariés un ou plusieurs avantages s'ajoutant à ceux résultant de la loi et des conventions et accords collectifs applicables à l'entreprise ; que la portée de l'engagement de l'employeur doit donc nécessairement être analysée à la date de cet engagement et au regard des normes applicables à cette date ; que le document de présentation du dispositif de « capital forfaitaire vendeur », en date du 26 janvier 1984, indiquait que la mise en place de cet avantage résulte du fait que « les contrats de travail du personnel vendeur prévoient une cessation d'activité à 60 ans » et que, même lorsqu'il bénéficie d'une retraite à taux plein, « entre 60 et 65 ans, par rapport au disponible, le retraité n'acquiert plus de points de retraites complémentaires (pour la sécurité sociale, le plein est déjà fait, ni de participation éventuelle », de sorte que la société Sopad, « soucieuse de compenser globalement ces dernières prestations, [envisage] en complément de l'indemnité de départ à la retraite un complément » et que le document du 20 mars 1984 précisant le montant de l'avantage précise que celui-ci est dû au collaborateur qui « cesse contractuellement son activité à 60 ans » et justifie de 37, 5 années d'activité chez un ou plusieurs employeurs ; qu'il résulte donc des termes clairs, précis et concordants de ces documents, que la volonté de l'entreprise était de compenser la perte d'avantages subie par le salarié du fait de la perte involontaire de son emploi en application de la clause contractuelle prévoyant la cessation de la relation contractuelle à l'âge de 60 ans ; qu'il en résulte que le maintien de l'avantage, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987 prohibant les clauses contractuelles prévoyant la cessation du contrat de travail à un âge déterminé et fixant dans le code du travail les règles applicables au départ et à la mise à la retraite du salarié, ne pouvait concerner que les salariés subissant une perte financière du fait de la perte involontaire de leur emploi en raison de la décision de l'employeur de les mettre à la retraite et ne pouvait, en l'absence de volonté de l'employeur en ce sens, être alloué aux salarié ayant volontairement décidé de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite ; qu'en estimant que le salarié qui avait décidé seul de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite, devait bénéficier du capital forfaitaire vendeur, sans analyser la finalité de l'avantage pris par l'employeur et sans caractériser l'existence d'une volonté de l'employeur l'obligeant à verser cet avantage dans l'hypothèse d'une rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que le contrat de travail du salarié conclu en 1976, à une époque antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987, où il n'existait aucune législation relative à la rupture du contrat de travail en raison de l'âge du salarié, stipule que « le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée sous réserve de la limite d'âge qui est, en principe, fixé à 60 ans mais qui pourra, au gré de Sopad si le salarié est d'accord, être repoussée à 65 ans » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de contrat que l'atteinte de la limite d'âge entraînera la cessation automatique de la relation de travail et que seul un accord des parties pourra permettre la poursuite de la relation jusqu'à l'âge de 65 ans ; qu'en estimant que le départ contractuel à 60 ans visé par l'employeur dans son engagement pris en 1984 supposait « un accord du salarié pour mettre un terme au contrat et prendre sa retraite », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'à la date de l'engagement de la société Sopad Nestlé, devenues Nestlé France, à compter du 1er avril 1984, il n'existait aucune disposition prohibant les clauses contractuelles prévoyant la cessation automatique de la relation de travail lorsque le salarié atteignait un certain âge et il n'existait aucune disposition dans le code du travail opérant une distinction entre le départ et la mise à la retraite ; que l'entrée en vigueur de la loi du 30 septembre 1987 a, d'une part, posé un principe d'interdiction des clauses couperet et, d'autre part, posé une distinction entre le départ à la retraite à l'initiative du salarié et la mise à la retraite décidée par l'employeur et subie par le salarié ; qu'en se fondant sur le fait que l'engagement pris en 1984 par l'employeur, dont les contrats de travail conclus avec le personnel vendeur prévoyaient une cessation d'activité à 60 ans, n'utilisait pas le terme de « mise à le retraite », la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que dès lors que la différence de traitement invoquée trouve son origine et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, un salarié ne peut revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où il n'était ni partie ni représenté ; que la société Nestlé France faisait valoir qu'elle avait accordé le bénéfice du « capital forfaitaire retraite » aux seuls salariés vendeurs de la société Rowntree, ayant fait l'objet d'une fusion avec la société Sopad Nestlé en 1989, et ayant fait l'objet d'une mise à la retraite et non à ceux ayant fait l'objet d'un départ à la retraite ; qu'elle exposait encore que si certains salariés ayant quitté l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite avaient pu bénéficier de l'avantage, ce n'est qu'à la suite de décisions de justice revêtues de l'autorité relative de la chose jugée et faisant l'objet de voies de recours ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est par une nécessaire interprétation des documents soumis à son appréciation, exclusive de toute dénaturation, que la cour d'appel a retenu que l'employeur s'était engagé unilatéralement, et sans que cet accord ait été dénoncé par la suite, à verser à chaque salarié prenant sa retraite dès lors que ce dernier remplissait les conditions d'attribution, un capital forfaitaire vente calculé en pourcentage du salaire brut des douze derniers mois d'activité ; que le moyen, qui critique en sa quatrième branche un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nestlé France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nestlé France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Nestlé France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Nestlé France à verser à Monsieur X... une somme de 28. 956, 26 € au titre de l'indemnité forfaitaire complémentaire de départ à la retraite ;
AUX MOTIFS QUE « la SAS NESTLE FRANCE, qui a modifié son régime de mise en disponibilité du personnel de Vente ensuite de la réforme du régime des retraites initiée par l'Ordonnance du 26 mars 1982, s'est engagée unilatéralement à compter du 1er avril 1984, et après information du Comité d'établissement du personnel de vente, à verser au collaborateur de la force de vente qui « cesse contractuellement son activité » à 60 ans après 37, 5 années d'activité un « Capital Forfaitaire de Vente » calculé en pourcentage du salaire brut des 12 derniers mois d'activité ; que la notion de départ contractuel suppose, ainsi que le souligne très justement M. Claude X... dans ses conclusions, un accord du salarié pour mettre un terme à son contrat de travail et prendre sa retraite ; qu'il convient à cet égard d'observer que le terme de mise à la retraite évoqué par la SAS NESTLE FRANCE le 7 février 2012 pour refuser à son salarié le bénéfice du capital litigieux n'est pas utilisé dans cet engagement qui n'a jamais été dénoncé, mais apparaît pour la première fois dans « l'accord sur la mise à la retraite des itinérants » en date du 19 juin 2006, qui n'a été signé que par un seul syndicat et a été dénoncé dès le mois de septembre 2006 par les organisations syndicales ; qu'il est également important de souligner que le bénéfice du « Capital Forfaitaire de Vente » mis en place en 1984 a été étendu en 1989, aux salariés issus de la fusion entre la société SOPAD NESTLE et la société ROWNTREE, les seules conditions annoncées étant que le salarié occupe un emploi relevant de la force de vente, qu'il parte à la retraite à l'âge de 60 ans, et qu'il bénéficie d'une retraite au taux plein ; cet engagement de la SAS NESTLE FRANCE contredit à l'évidence la thèse qu'elle soutient aujourd'hui selon laquelle la notion de cessation contractuelle d'activité utilisée dans son engagement de 1984 ferait référence à la clause dit « couperet » contenue dans le contrat de travail de M. Claude X... et supposerait donc une mise à la retraite à son initiative ; qu'en décider autrement constituerait de surcroît une grave atteinte au principe fondamental d'égalité de traitement entre les salariés d'une même entreprise, selon qu'ils ont été engagés par la société SOPAD NESTLE ou par la société ROWNTREE ; que le refus opposé par la SAS NESTLE FRANCE à la demande de M. Claude X..., bien que non fondé, ne revêt aucun caractère abusif ou même fautif ; que la décision sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE « Monsieur Claude X..., retraité à 60 ans et 4 mois, a saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne afin d'obtenir le versement d'un capital retraite prévu par la société SOPAD NESTLE qui l'a embauché initialement ; qu'au terme de son contrat de travail pour retraite, Monsieur Claude X... faisait partie des forces de vente de l'entreprise NESTLE FRANCE ; que l'accord du 26 janvier 1984 n'a jamais été dénoncé de telle sorte que Monsieur Claude X... peut se prévaloir des dispositions qui en résultent ; que Monsieur Claude X... ayant plus de 37. 5 ans d'activité peut bénéficier légitimement de cette clause ; que cette cessation d'activité s'accompagne du complément forfaitaire prévu avec un taux de 50 % du salaire brut des 12 derniers mois d'activité ; que Monsieur Claude X... ne justifie pas d'un préjudice particulier, sa demande en paiement de dommages et intérêts sera rejetée ; que Monsieur Claude X... a dû engager pour faire valoir ses droits ; que la société NESTLE succombant, il ne sera pas fait droit à sa demande reconventionnelle » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'un engagement unilatéral suppose une manifestation de volonté claire et non équivoque de l'employeur d'octroyer aux salariés un ou plusieurs avantages s'ajoutant à ceux résultant de la loi et des conventions et accords collectifs applicables à l'entreprise ; que la portée de l'engagement de l'employeur doit donc nécessairement être analysée à la date de cet engagement et au regard des normes applicables à cette date ; qu'au cas présent, le document de présentation du dispositif de « capital forfaitaire vendeur », en date du 26 janvier 1984, indiquait que la mise en place de cet avantage résulte du fait que « les contrats de travail du personnel vendeur prévoient une cessation d'activité à 60 ans » et que, même lorsqu'il bénéficie d'une retraite à taux plein, « entre 60 et 65 ans, par rapport au disponible, le retraité n'acquiert plus de points de retraites complémentaires (pour la sécurité sociale, le plein est déjà fait, ni de participation éventuelle », de sorte que la société Sopad, « soucieuse de compenser globalement ces dernières prestations, [envisage] en complément de l'indemnité de départ à la retraite un complément » et que le document du 20 mars 1984 précisant le montant de l'avantage précise que celui-ci est dû au collaborateur qui « cesse contractuellement son activité à 60 ans » et justifie de 37, 5 années d'activité chez un ou plusieurs employeurs ; qu'il résulte donc des termes clairs, précis et concordants de ces documents, que la volonté de l'entreprise était de compenser la perte d'avantages subie par le salarié du fait de la perte involontaire de son emploi en application de la clause contractuelle prévoyant la cessation de la relation contractuelle à l'âge de 60 ans ; qu'il en résulte que le maintien de l'avantage, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987 prohibant les clauses contractuelles prévoyant la cessation du contrat de travail à un âge déterminé et fixant dans le code du travail les règles applicables au départ et à la mise à la retraite du salarié, ne pouvait concerner que les salariés subissant une perte financière du fait de la perte involontaire de leur emploi en raison de la décision de l'employeur de les mettre à la retraite et ne pouvait, en l'absence de volonté de l'employeur en ce sens, être alloué aux salarié ayant volontairement décidé de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite ; qu'en estimant que Monsieur X... qui avait décidé seul de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite, devait bénéficier du capital forfaitaire vendeur, sans analyser la finalité de l'avantage pris par l'employeur et sans caractériser l'existence d'une volonté de l'employeur l'obligeant à verser cet avantage dans l'hypothèse d'une rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le contrat de travail de Monsieur X... conclu en 1976, à une époque antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987, où il n'existait aucune législation relative à la rupture du contrat de travail en raison de l'âge du salarié, stipule que « le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée sous réserve de la limite d'âge qui est, en principe, fixé à 60 ans mais qui pourra, au gré de SOPAD si Monsieur X... est d'accord, être repoussée à 65 ans » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de contrat que l'atteinte de la limite d'âge entraînera la cessation automatique de la relation de travail et que seul un accord des parties pourra permettre la poursuite de la relation jusqu'à l'âge de 65 ans ; qu'en estimant que le départ contractuel à 60 ans visé par l'employeur dans son engagement pris en 1984 supposait « un accord du salarié pour mettre un terme au contrat et prendre sa retraite », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui, ensemble l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'à la date de l'engagement de la société Sopad Nestlé, devenues Nestlé France, à compter du 1er avril 1984, il n'existait aucune disposition prohibant les clauses contractuelles prévoyant la cessation automatique de la relation de travail lorsque le salarié atteignait un certain âge et il n'existait aucune disposition dans le code du travail opérant une distinction entre le départ et la mise à la retraite ; que l'entrée en vigueur de la loi du 30 septembre 1987 a, d'une part, posé un principe d'interdiction des clauses couperet et, d'autre part, posé une distinction entre le départ à la retraite à l'initiative du salarié et la mise à la retraite décidée par l'employeur et subie par le salarié ; qu'en se fondant sur le fait que l'engagement pris en 1984 par l'employeur, dont les contrats de travail conclus avec le personnel vendeur prévoyaient une cessation d'activité à 60 ans, n'utilisait pas le terme de « mise à le retraite », la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE dès lors que la différence de traitement invoquée trouve son origine et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, un salarié ne peut revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où il n'était ni partie ni représenté ; que la société Nestlé France faisait valoir qu'elle avait accordé le bénéfice du « capital forfaitaire retraite » aux seuls salariés vendeurs de la société Rowntree, ayant fait l'objet d'une fusion avec la société Sopad Nestlé en 1989, et ayant fait l'objet d'une mise à la retraite et non à ceux ayant fait l'objet d'un départ à la retraite ; qu'elle exposait encore que si certains salariés ayant quitté l'entreprise dans le cadre d'un départ à la retraite avaient pu bénéficier de l'avantage, ce n'est qu'à la suite de décisions de justice revêtues de l'autorité relative de la chose jugée et faisant l'objet de voies de recours ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions déterminant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.