LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 mai 2015), que salariée de la société Thales Avionics Electrical Systems (l'employeur) en qualité d'opératrice vernissage, Mme X..., a déclaré, le 22 décembre 2011, une épicondylite du coude droit prise en charge le 27 février 2012 par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (la caisse) au titre du tableau n° 57 B des maladies professionnelles ; que contestant l'opposabilité de cette décision à son égard, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient à l'employeur, à l'appui de sa contestation de l'origine professionnelle de la maladie déclarée par son salarié et prise en charge au titre de la législation professionnelle, d'apporter les éléments fondant sa demande ou de solliciter une expertise judiciaire de droit commun à cette fin ; qu'au cas d'espèce, s'il reprochait à la caisse d'avoir insuffisamment étayé sa décision, fondée sur l'avis du médecin-conseil, de retenir que la première constatation médicale était intervenue le 18 novembre 2011, l'employeur n'apportait aucun élément à l'appui de son allégation et ne demandait pas davantage qu'une expertise judiciaire soit réalisée ; qu'en retenant qu'ayant pris la décision litigieuse, il lui appartenait de rapporter la preuve de la date de la première constatation médicale, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la constatation médicale de la maladie dans le délai requis par le tableau s'entend de toute manifestation de nature à révéler l'existence de l'affection à l'effet de déterminer si une telle manifestation s'est produite dans les délais requis ; que pour se prononcer sur ce point, les juges du fond ont l'obligation d'analyser tous les éléments invoqués comme susceptibles d'établir la première constatation médicale en procédant, au besoin, à un examen groupé ; qu'en s'abstenant de rechercher si la preuve d'une première manifestation dans le délai requis ne résultait pas de l'analyse conjointe de l'ensemble des documents produits par elle et notamment, si la contradiction qu'ils relevaient entre l'avis du médecin conseil et le certificat du docteur Y...n'était pas résolue au vu de la circonstance que le docteur Y...avait, en marge de l'arrêt de travail du 18 novembre 2011, prescrit à Mme X... un traitement par infiltration des coudes, ce qui résultait de la note médicale produite par la caisse, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l'application sont remplies ;
Et attendu que l'arrêt relève que le certificat d'arrêt de travail établi le 18 novembre 2011 par M. Y..., médecin traitant de la salariée, ne fait aucunement mention des lésions justifiant l'arrêt de travail et que seul le certificat médical initial de maladie professionnelle établi par le même médecin, le 28 novembre 2011, mentionne une épicondylite bilatérale ; qu'il retient qu'ainsi les affirmations des médecins conseils de la caisse rédigées postérieurement, le 7 février 2012, pour le colloque médico-administratif, et le 20 février 2014, dans une note médicale, qui ne sont pas objectivées par d'autres éléments médicaux contemporains et sont en contradiction avec les certificats établis par le M. Y..., médecin ne permettent pas de retenir que la date du 18 novembre 2011 constitue la date de première constatation médicale de la lésion ; que le questionnaire, rempli par l'employeur à destination de la caisse, qui mentionne le 18 novembre 2011 comme dernier jour de travail effectif dans la rubrique : poste en rapport avec la maladie professionnelle, ne peut lui être opposé, dans la mesure où il ne relève pas de sa compétence d'apprécier l'état médical de sa salariée, de sorte que la première constatation médicale de la lésion, qui doit être fixée au 28 novembre 2011, a été réalisée plus de sept jours après la fin de l'exposition au risque intervenue le 18 novembre 2011, date de l'arrêt de travail de la salariée ;
Que de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a exactement déduit que le caractère professionnel de cette affection n'était pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur, de sorte que la décision de prise en charge de cette affection n'était pas opposable à ce dernier ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en ses deux dernières branches, annexé, qui est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
L'arrêt confirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit la décision de prise en charge de l'épicondylite droite déclarée par Madame X... inopposable à la société THALES AVIONICS ELECTRICAL SYSTEMS ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il résulte des dispositions combinées de l'article L 461-2 du Code de la sécurité sociale et du tableau numéro 57 B des maladies professionnelles, dans sa version applicable au litige, que l'épicondylite du coude doit être prise en charge dans un délai de sept jours, entre la fin de l'exposition au risque et la date de la première constatation médicale. En l'espèce, le certificat d'arrêt de travail établi le 18 novembre 2011 par le Docteur Y..., médecin traitant de la salariée, ne fait aucunement mention des lésions justifiant l'arrêt de travail. Seul le certificat médical initial d'accident du travail ou de maladie professionnelle établi également par le Docteur Y...le 28 novembre 2011 mentionne une épicondylite bilatérale. Ainsi les affirmations, des médecins conseils de la caisse rédigées postérieurement, le 7 février 2012, pour le colloque médico-administratif et le 20 février 2014, dans une note médicale, qui ne sont pas objectivées par d'autres éléments médicaux contemporains et sont en contradiction avec les certificats établis par le Docteur Y..., ne permettent pas de retenir que la date du 18 novembre 2011 constitue la date de première constatation médicale de la lésion, Le questionnaire, rempli par l'employeur à destination de la Caisse, qui mentionne le 18 novembre 2011 comme dernier jour de travail effectif dans la rubrique : poste en rapport avec la maladie professionnelle, ne peut lui être opposé, dans la mesure où il ne relève pas de sa compétence d'apprécier l'état médical de sa salariée. Il en découle que la première constatation médicale de la lésion, qui doit être fixée au 28 novembre 2011, a été réalisée plus de sept jours après la fin de l'exposition au risque intervenue le 18 novembre 2011, date de l'arrêt de travail de la salariée. En conséquence, le délai de prise en charge de sept jours visé au tableau numéro 57 B des maladies professionnelles étant expiré, les conditions édictées par l'article sus visé ne sont pas remplies et la décision de prise en charge par la Caisse, de l'affection au titre de la législation professionnelle doit être déclarée inopposable à l'employeur. Le jugement entrepris sera donc confirmé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur le respect du délai de prise en charge de la maladie : Attendu qu'il résulte de l'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale qu'« est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau » ; qu'une prise en charge au titre du tableau n° 57 B concernant une épicondylite suppose qu'un délai maximal de sept jours se soit écoulé entre la première constatation médicale de la maladie et la fin de l'exposition au risque ; Attendu que la première constatation médicale d'une maladie professionnelle n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical accompagnant la déclaration de cette maladie à la caisse ; Attendu que, dans les rapports entre la caisse primaire et l'employeur, il revient à la caisse de démontrer que les conditions de prise en charge étaient réunies en l'espèce ; Attendu qu'il est constant que le dernier jour d'exposition au risque de Madame X... remonte au 18 novembre 2011 ; Attendu que le certificat médical initial établi le 28 novembre 2011 par le Docteur Y..., généraliste, indique que la première constatation médicale de la maladie professionnelle remonte au 28 novembre 2011 ; qu'il n'est établi par aucun élément versé aux débats que l'arrêt de travail du 18 novembre 2011 était justifié par l'épicondylite du coude droit ; que la caisse ne saurait utilement se prévaloir de ce que le médecin conseil a fixé la date de première constatation médicale au 18 novembre 2011, sans aucune précision quant à l'examen justifiant ce diagnostic ; que le fait que l'employeur luimême ait indiqué la date de 18 novembre 2011 dans le questionnaire qui lui a été adressé, comme celle du début de la maladie, ne constitue pas un élément d'ordre médical de nature à contredire les constatations du médecin ayant établi le certificat médical initial ; Attendu que, dans ces conditions, la date du 28 novembre 2011 doit être retenue comme celle de la première constatation médicale de la maladie ; que, dès lors, le délai de sept jours prévu par le tableau n° 67 8 entre la fin de l'exposition au risque et cette constatation de la maladie n'est pas respecté ;
que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, qui n'a pas saisi pour avis un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne pouvait dès lors prendre en charge la maladie sous le régime de la présomption de maladie professionnelle posée par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'épicondylite du coude droit déclarée par Madame X... le 28 novembre 2011 est par conséquent inopposable à la société THALES AVIONICS ELECTRICAL SYSTEMS ; qu'il n'y a pas lieu à examiner les autres moyens soulevés » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, il appartient à l'employeur, à l'appui de sa contestation de l'origine professionnelle de la maladie déclarée par son salarié et prise en charge au titre de la législation professionnelle, d'apporter les éléments fondant sa demande ou de solliciter une expertise judiciaire de droit commun à cette fin ; qu'au cas d'espèce, s'il reprochait à la CPAM d'avoir insuffisamment étayé sa décision, fondée sur l'avis du médecin-conseil, de retenir que la première constatation médicale était intervenue le 18 novembre 2011, l'employeur n'apportait aucun élément à l'appui de son allégation et ne demandait pas davantage qu'une expertise judiciaire soit réalisée ; qu'en retenant qu'il appartenait à la CPAM, qui a pris la décision litigieuse, de rapporter la preuve de la date de la première constatation médicale, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, la constatation médicale de la maladie dans le délai requis par le tableau s'entend de toute manifestation de nature à révéler l'existence de l'affection à l'effet de déterminer si une telle manifestation s'est produite dans les délais requis ; que pour se prononcer sur ce point, les juges du fond ont l'obligation d'analyser tous les éléments invoqués comme susceptibles d'établir la première constatation médicale en procédant, au besoin, à un examen groupé ; qu'en s'abstenant de rechercher si la preuve d'une première manifestation dans le délai requis ne résultait pas de l'analyse conjointe de l'ensemble des documents produits par la CPAM et notamment, si la contradiction qu'ils relevaient entre l'avis du médecin conseil et le certificat du Docteur Y...n'était pas résolue au vu de la circonstance que le Docteur Y...avait, en marge de l'arrêt de travail du 18 novembre 2011, prescrit à Mme X... un traitement par infiltration des coudes, ce qui résultait de la note médicale produite par la CPAM, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance que l'avis du médecin conseil n'était pas corroboré par des documents médicaux quand, eu égard au secret médical, de tels documents ne peuvent être prescrits que dans le cadre d'une expertise, les juges du fond ont violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ;
ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que dès lors qu'au cours de l'enquête administrative, l'employeur a précisé avoir eu connaissance du lien entre un arrêt de travail et une maladie déclarée ultérieurement et a fait savoir à la CPAM qu'il considérait que la première constatation médicale était intervenue à la date de l'arrêt de travail, il ne saurait se prévaloir d'une date ultérieure dans le cadre d'une action visant à obtenir que la décision de prise en charge retenant la date de l'arrêt de travail lui soit déclarée inopposable ; qu'au cas d'espèce, pour écarter l'argumentaire de la CPAM, qui soulignait que l'employeur avait lui-même visé la date du 18 novembre comme date de première constatation médicale, la Cour d'appel a considéré qu'il ne relève pas de la compétence de l'employeur d'apprécier l'état de santé de l'assuré ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, la Cour d'appel a violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.