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07/07/2016 | FRANCE | N°15-21370

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 juillet 2016, 15-21370


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2015), que soutenant que l'URSSAF de la Loire aux droits de laquelle vient l'URSSAF Rhône-Alpes (l'URSSAF) avait manqué à son obligation d'information, la société Manpower France (la société) a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable ;

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt de déclarer la demande de la société recevable, a

lors, selon le moyen, que toute réclamation contre une décision d'un organisme de sécu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2015), que soutenant que l'URSSAF de la Loire aux droits de laquelle vient l'URSSAF Rhône-Alpes (l'URSSAF) avait manqué à son obligation d'information, la société Manpower France (la société) a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable ;

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt de déclarer la demande de la société recevable, alors, selon le moyen, que toute réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale doit préalablement être portée devant la commission de recours amiable ; que si, en principe, les actions en dommages et intérêts engagées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale échappent au préalable obligatoire de conciliation devant la commission de recours amiable, il n'en va pas de même lorsque, comme en l'espèce, l'action en responsabilité ne tend en réalité qu'à contester le bien-fondé des cotisations versées à l'organisme, afin d'échapper aux règles de procédure et de prescription normalement applicables ; qu'en jugeant pourtant recevable l'action en responsabilité engagée par la société Manpower France, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la demande de la société tendait au paiement de dommages-intérêts pour faute en application de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action échappait à la règle de la saisine préalable de la commission de recours amiable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors selon le moyen :

1°/ que les organismes de sécurité sociale sont redevables d'une obligation générale d'information ; que méconnait cette obligation d'information, et engage sa responsabilité au regard du préjudice direct et personnel qu'il cause aux cotisants, l'organisme de recouvrement qui décide de ne pas publier des documents administratifs dans le but de dissimuler aux entreprises l'interprétation de la loi qui leur est plus favorable en matière de calcul des cotisations et de droit à répétition des indus de cotisations ; que l'URSSAF RHONE ALPES a méconnu son obligation générale d'information en décidant - après l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 venant préciser les modalités de calcul de la réduction de charges sociales FILLON à compter du 1er janvier 2006 - de ne pas publier les lettres ministérielles adressées au directeur de l'ACOSS les 18 avril 2006 et 13 mars 2008 ainsi que l'instruction de l'ACOSS adressée aux directeurs des URSSAF le 7 juillet 2006 par lesquelles l'administration indiquait que la loi devait être interprétée dès le 1er janvier 2003 comme intégrant dans l'assiette de calcul de la réduction FILLON l'ensemble des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature, et par lesquelles il était donné instruction aux URSSAF d'abandonner les redressements en cours et de faire droit aux demandes de remboursement d'indus de cotisations en cas de recours gracieux des cotisants ; que par cette dissimulation aux entreprises de l'exacte interprétation de la loi et des droits à répétition d'indus auxquels elles pouvaient prétendre, l'URSSAF RHONE ALPES a commis une faute - manquant à son devoir d'information générale - à l'origine d'un préjudice pour la Société MANPOWER, et a en conséquence engagé sa responsabilité civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 112-2 et L. 241-13 du code de la sécurité sociale et l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en dissimulant volontairement aux cotisants la nouvelle interprétation de l'assiette de calcul de la réduction FILLON pour la période antérieure au 1er janvier 2006 et les droits à répétition d'indus de cotisations qui en découlaient, l'URSSAF RHONE ALPES a manqué à son obligation de loyauté, ce qui a été à l'origine d'un préjudice pour la Société MANPOWER ; qu'elle a en conséquence engagé sa responsabilité civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 112-2 et L. 241-13 du code de la sécurité sociale et l'article 1382 du code civil ;

3°/ que font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; que doit à ce titre être publiée l'instruction ministérielle par laquelle, analysant la loi nouvelle, l'administration lui confère un caractère interprétatif et étend son application à la période antérieure ; que les lettres ministérielles du 18 avril 2006 et 13 mars 2008 devaient en conséquence être publiées en ce qu'elles procèdent à une interprétation de la loi du 19 décembre 2005 lorsqu'elles énoncent que, « pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi », il devait être mis fin aux « procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006 » (lettre à l'ACOSS du 18 avril 2006), et disposent que l'interprétation intégrant dans l'assiette de calcul de la réduction FILLON l'ensemble des heures rémunérées « s'applique à tous les temps rémunérées au sens de l'article L.241-15, y compris les primes forfaitaires ou les indemnités compensatrices de congés payés versées avant le 1er janvier 2006 » (lettre à l'ACOSS du 13 mars 2008) ; que l'URSSAF RHÔNE-ALPES a méconnu cette obligation légale en refusant de publier les lettres du 18 avril 2006 et 13 mars 2008 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1er et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et l'article 1382 du code civil ;

4°/ que les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 - qui prévoit pour le calcul de la réduction de charges sociales FILLON que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature » - énonce à son article 14 que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi, les dispositions du 2 du II s'appliquent aux cotisations dues au titre des contributions versées à compter du 1er janvier 2006 » ; qu'en prévoyant néanmoins que « pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi » il devait être mis fin aux « procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006 », la lettre ministérielle du 18 avril 2006 a étendu l'application dans le temps de la règle de calcul de la réduction de charges FILLON posée par la loi du 19 décembre 2005, et a en conséquence édicté une nouvelle règle de droit pour la période antérieure au 1er janvier 2006 ; qu'il en va de même de la lettre circulaire 13 mars 2008 ; que l'URSSAF RHÔNE-ALPES a dès lors méconnu l'obligation légale imposant aux autorités administratives d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent en refusant de publier les lettres ministérielles du 18 avril 2006 et du 13 mars 2008 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 2 avril 2000 et l'article 1382 du code civil ;

5°/ que font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; que la lettre de l'ACOSS du 7 juillet 2006 et la lettre ministérielle du 13 mars 2008 procèdent à une telle « description des procédures administratives » en ce qu'elles prévoient qu'en présence d'une demande de remboursement de cotisations sociales, pour la période antérieure au 1er janvier 2006, fondée sur les modalités de calcul prévues par la loi du 19 décembre 2005, les URSSAF devaient dans un premier temps « procéder à la notification du refus de la demande de remboursement ou de crédit », puis « si le cotisant saisit la CRA dans le délai de deux mois, procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à un fait droit à la requête du cotisant » ; qu'en refusant de publier ces documents administratifs valant « description des procédures administratives » l'URSSAF RHONE ALPES a porté préjudice aux cotisants qui n'ont pas été tenus normalement informés des procédures applicables pour obtenir le remboursement des indus de cotisations ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et 1382 du code civil ;

6°/ que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 - qui prévoit pour le calcul de la réduction de charges sociales FILLON que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature »- énonce à son article 14 que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi, les dispositions du 2 du II s'appliquent aux cotisations dues au titre des contributions versées à compter du 1er janvier 2006 » ; que s'agissant de la période antérieure au 1er janvier 2006 elle ne prévoit aucune distinction selon la situation des cotisants ; qu'en ne publiant pas les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et l'instruction du 7 juillet 2006 l'URSSAF RHONE ALPES a cependant érigé une différence de traitement entre les cotisants selon qu'ils aient ou non spontanément appliqué le mode de calcul favorable de la réduction FILLON au titre de la période antérieure au 1er janvier 2006, et selon qu'ils aient formé un recours gracieux en répétition de l'indu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et l'article 1382 du code civil ;

7°/ qu'en vertu de l'article 1 § 1 du Protocole Additionnel de la CESDH « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens » ; qu'en ne publiant pas les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et l'instruction ACOSS du 7 juillet 2006, l'URSSAF RHONE ALPES a fait obstacle à ce que la société MANPOWER FRANCE puisse faire valoir ses droits à remboursement portant atteinte en cela au droit au respect de ses biens ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005, en vigueur à la date de la signature des instructions et lettres litigieuses, que la publication, lorsqu'elle est prévue par l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, également en sa rédaction en vigueur à la même date, des directives, instructions et circulaires incombe, respectivement, aux administrations centrales et aux établissements publics dont elles émanent ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'action en responsabilité engagée par la société était fondée sur le défaut de publication par l'URSSAF de lettres ministérielles et d'instructions de l'ACOSS qui n'émanaient pas d'elle, la cour d'appel en a exactement déduit que cet organisme n'avait pas manqué à ses obligations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne la société Manpower France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Manpower France, demanderesse au prouvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société MANPOWER FRANCE recevable mais mal fondée en son action en responsabilité contre l'URSSAF RHÔNE-ALPES ;

AUX MOTIFS QUE « « Sur le bien fondé de l'action en responsabilité. En tant qu'organisme privé, l'URSSAF Rhône Alpes est soumise aux règles de la responsabilité civile pour faute de l'article 1382 du code civil. Il incombe à la société MANPOWER qui actionne l'URSSAF Rhône Alpes en responsabilité extra- contractuelle, d'établir en quoi cette dernière a commis une faute à son égard, de justifier du préjudice qu'elle a subi en raison de cette faute et du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. La société MANPOWER considère que l'URSSAF a commis une faute en ne publiant pas, sciemment, la lettre du Ministère de la santé et de la Solidarité au directeur de l'Acoss du 18 avril 2008 et la lettre du directeur de l'ACOSS aux directeurs des URSSAF du 7 juillet 2006, manquant ainsi à l'obligation d'information générale des cotisants et aux dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 garantissant un droit d'accès aux documents administratifs. L'article 7 de cette loi dispose à cet égard que "font l'objet d'une publication, les directives, les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives". Au regard de son obligation générale d'information comme des dispositions sus-visées, l'URSSAF Rhône Alpes n'avait donc pas l'obligation de diffuser aux cotisants une lettre du Ministre de la Santé, qui n'est pas une circulaire de diffusion d'un droit positif ou d'interprétation de ce droit , mais qui, résultant de l'application pure et simple des nouvelles dispositions légales instaurées par la LFSS pour 2006, était une lettre d'orientation, prenant acte de la volonté du législateur, notamment dans son article 14-1 de remettre en cause, avec effet au 1er janvier 2006, (le report par le texte rectificatif du 31 mars 2006 au 1er janvier 2003 de cette disposition ayant été censuré par le conseil constitutionnel le 30 mars 2006 comme sans rapport avec le projet de loi sur l'égalité des chances) l'interprétation prévalant jusque là sur la définition des heures rémunérées, "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de la publication de la présente loi et demandant au directeur de I'ACOSS, à laquelle cette lettre ministérielle est adressée, de " bien vouloir prendre les dispositions nécessaires afin qu'il soit mis fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées , à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006" et " de transmettre les instructions nécessaires afin que les organismes de recouvrement impliqués dans un contentieux engagé sur ce motif s'en désistent ". De la même façon, elle n'avait pas plus à diffuser l'instruction interne, et non la circulaire, comme l'indique inexactement la société MANPOWER du Directeur de I'ACOSS aux directeurs des URSSAF, du 7 juillet 2006, déclinant de manière concrète l'orientation ministérielle à destination de la branche recouvrement des URSSAF pour les contentieux en cours , alors qu'elle a par ailleurs respecté son obligation d'information générale aux cotisants en diffusant la lettre ministérielle du 31 janvier 2007, via une lettre circulaire du 5 avril 2007, indiquant à ces derniers les nouvelles modalités de prise en compte des heures rémunérées pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales dite réduction FILLON. L'URSSAF Rhône Alpes, notamment, n'a donc pas contrevenu à son obligation d'information ni même à son obligation de loyauté vis à vis de cotisants. Indépendamment du caractère interprétatif ou non de la loi, donc de sa rétroactivité ou non aux exercices antérieurs à 2006, l'URSSAF Rhône Alpes qui, avait pour orientation, comme les autres URSSAF de se désister des recours contre des cotisants ayant de fait, réalisé une application anticipée de la loi nouvelle ou de rembourser pour trop versé avant 2006 ceux qui en faisaient la demande, n'avait pas à aviser les sociétés "non récalcitrantes " d'une tolérance ou bienveillance accordée aux sociétés" revendicatives " même au nom de l'égalité du citoyen devant l'impôt, sachant que l'ensemble des sociétés a été placé dans la même situation de droit positif éminemment controversée sur un dispositif de réduction des cotisations patronales basé sur un calcul complexe de proportionnalité et qu'il n'y pas déloyauté de la part des URSSAF chargées de percevoir les cotisations sociales, dans le fait de s'abstenir d'aviser , même par voie d'information générale, qu'il était possible, dès la publication de la loi de 2006, de solliciter un remboursement des sommes trop versées (et non des cotisations indues) sur les trois années antérieures, une tolérance administrative recommandant aux URSSAF de faire application des dispositions nouvelles dans des contentieux en cours étant d'interprétation stricte, non créatrice de droit, sachant que les dispositions en vigueur ont bien été appliquées aux versements litigieux. En l'absence de caractérisation d'une faute de l'URSSAF Rhône Alpes, la société MANPOWER doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts. L'équité commande en cause d'appel qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune partie » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les organismes de sécurité sociale sont redevables d'une obligation générale d'information ; que méconnait cette obligation d'information, et engage sa responsabilité au regard du préjudice direct et personnel qu'il cause aux cotisants, l'organisme de recouvrement qui décide de ne pas publier des documents administratifs dans le but de dissimuler aux entreprises l'interprétation de la loi qui leur est plus favorable en matière de calcul des cotisations et de droit à répétition des indus de cotisations ; que l'URSSAF RHONE ALPES a méconnu son obligation générale d'information en décidant - après l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 venant préciser les modalités de calcul de la réduction de charges sociales FILLON à compter du 1er janvier 2006 - de ne pas publier les lettres ministérielles adressées au directeur de l'ACOSS les 18 avril 2006 et 13 mars 2008 ainsi que l'instruction de l'ACOSS adressée aux directeurs des URSSAF le 7 juillet 2006 par lesquelles l'administration indiquait que la loi devait être interprétée dès le 1er janvier 2003 comme intégrant dans l'assiette de calcul de la réduction FILLON l'ensemble des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature, et par lesquelles il était donné instruction aux URSSAF d'abandonner les redressements en cours et de faire droit aux demandes de remboursement d'indus de cotisations en cas de recours gracieux des cotisants ; que par cette dissimulation aux entreprises de l'exacte interprétation de la loi et des droits à répétition d'indus auxquels elles pouvaient prétendre, l'URSSAF RHONE ALPES a commis une faute - manquant à son devoir d'information générale - à l'origine d'un préjudice pour la Société MANPOWER, et a en conséquence engagé sa responsabilité civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 112-2 et L. 241-13 du code de la sécurité sociale et l'article 1382 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART ET POUR LA MEME RAISON, QU'en dissimulant volontairement aux cotisants la nouvelle interprétation de l'assiette de calcul de la réduction FILLON pour la période antérieure au 1er janvier 2006 et les droits à répétition d'indus de cotisations qui en découlaient, l'URSSAF RHONE ALPES a manqué à son obligation de loyauté, ce qui a été à l'origine d'un préjudice pour la Société MANPOWER ; qu'elle a en conséquence engagé sa responsabilité civile ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 112-2 et L. 241-13 du code de la sécurité sociale et l'article 1382 du code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; que doit à ce titre être publiée l'instruction ministérielle par laquelle, analysant la loi nouvelle, l'administration lui confère un caractère interprétatif et étend son application à la période antérieure ; que les lettres ministérielles du 18 avril 2006 et 13 mars 2008 devaient en conséquence être publiées en ce qu'elles procèdent à une interprétation de la loi du 19 décembre 2005 lorsqu'elles énoncent que, « pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi », il devait être mis fin aux « procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006 » (lettre à l'ACOSS du 18 avril 2006), et disposent que l'interprétation intégrant dans l'assiette de calcul de la réduction FILLON l'ensemble des heures rémunérées « s'applique à tous les temps rémunérées au sens de l'article L. 241-15, y compris les primes forfaitaires ou les indemnités compensatrices de congés payés versées avant le 1er janvier 2006 » (lettre à l'ACOSS du 13 mars 2008) ; que l'URSSAF RHÔNE-ALPES a méconnu cette obligation légale en refusant de publier les lettres du 18 avril 2006 et 13 mars 2008 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1er et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et l'article 1382 du code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 - qui prévoit pour le calcul de la réduction de charges sociales FILLON que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature » - énonce à son article 14 que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi, les dispositions du 2 du II s'appliquent aux cotisations dues au titre des contributions versées à compter du 1er janvier 2006 » ; qu'en prévoyant néanmoins que « pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi » il devait être mis fin aux « procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006 », la lettre ministérielle du 18 avril 2006 a étendu l'application dans le temps de la règle de calcul de la réduction de charges FILLON posée par la loi du 19 décembre 2005, et a en conséquence édicté une nouvelle règle de droit pour la période antérieure au 1er janvier 2006 ; qu'il en va de même de la lettre circulaire 13 mars 2008 ; que l'URSSAF RHÔNE-ALPES a dès lors méconnu l'obligation légale imposant aux autorités administratives d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent en refusant de publier les lettres ministérielles du 18 avril 2006 et du 13 mars 2008 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 2 avril 2000 et l'article 1382 du code civil ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ; que la lettre de l'ACOSS du 7 juillet 2006 et la lettre ministérielle du 13 mars 2008 procèdent à une telle « description des procédures administratives » en ce qu'elles prévoient qu'en présence d'une demande de remboursement de cotisations sociales, pour la période antérieure au 1er janvier 2006, fondée sur les modalités de calcul prévues par la loi du 19 décembre 2005, les URSSAF devaient dans un premier temps « procéder à la notification du refus de la demande de remboursement ou de crédit », puis « si le cotisant saisit la CRA dans le délai de deux mois, procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à un fait droit à la requête du cotisant » ; qu'en refusant de publier ces documents administratifs valant « description des procédures administratives » l'URSSAF RHONE ALPES a porté préjudice aux cotisants qui n'ont pas été tenus normalement informés des procédures applicables pour obtenir le remboursement des indus de cotisations ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1 et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et 1382 du code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 - qui prévoit pour le calcul de la réduction de charges sociales FILLON que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature » - énonce à son article 14 que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi, les dispositions du 2 du II s'appliquent aux cotisations dues au titre des contributions versées à compter du 1er janvier 2006 » ; que s'agissant de la période antérieure au 1er janvier 2006 elle ne prévoit aucune distinction selon la situation des cotisants ; qu'en ne publiant pas les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et l'instruction du 7 juillet 2006 l'URSSAF RHONE ALPES a cependant érigé une différence de traitement entre les cotisants selon qu'ils aient ou non spontanément appliqué le mode de calcul favorable de la réduction FILLON au titre de la période antérieure au 1er janvier 2006, et selon qu'ils aient formé un recours gracieux en répétition de l'indu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et l'article 1382 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en vertu de l'article 1 § 1 du Protocole Additionnel de la CESDH « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens » ; qu'en ne publiant pas les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 et l'instruction ACOSS du 7 juillet 2006, l'URSSAF RHONE ALPES a fait obstacle à ce que la société MANPOWER FRANCE puisse faire valoir ses droits à remboursement portant atteinte en cela au droit au respect de ses biens ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et l'article 1382 du code civil.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, demanderesse au pourvoi incident,

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société Manpower recevable en ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale que la saisine préalable de la commission de recours amiable n'est pas obligatoire lorsque l'action tend à engager la responsabilité d'un organisme de sécurité sociale, sauf si la demande de dommages et intérêts qui en résulte, est subsidiaire à une demande principale tendant pas exemple à l'attribution d'une allocation ; qu'au cas d'espèce, la société Manpower sollicite uniquement la condamnation au visa de l'article 1382 du code civil, de l'URSSAF Rhône Alpes à des dommages et intérêts pour faute commise par cette dernière ; que cette demande, qui n'avait pas à être soumise préalablement à la commission de recours amiable est donc recevable peu important que le montant des dommages et intérêts sollicités par la société MANPOWER coïncident à juste titre ou non, avec le montant des cotisations versées ; quant aux intérêts de retard réclamés sur des dommages et intérêts « à dater du paiement des cotisations », ils ne peuvent emporter l'irrecevabilité de la demande principale mais relèvent d'une appréciation au fond sur le caractère justifié d'une telle demande accessoire ; que le jugement qui a déclaré la société Manpower irrecevable en ses demandes doit être infirmé ;

ALORS QUE toute réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale doit préalablement être portée devant la commission de recours amiable ; que si, en principe, les actions en dommages et intérêts engagées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale échappent au préalable obligatoire de conciliation devant la commission de recours amiable, il n'en va pas de même lorsque, comme en l'espèce, l'action en responsabilité ne tend en réalité qu'à contester le bien-fondé des cotisations versées à l'organisme, afin d'échapper aux règles de procédure et de prescription normalement applicables ; qu'en jugeant pourtant recevable l'action en responsabilité engagée par la société Manpower France, la Cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du Code de la sécurité sociale ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-21370
Date de la décision : 07/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 12 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 jui. 2016, pourvoi n°15-21370


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.21370
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