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07/07/2016 | FRANCE | N°15-20302

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 juillet 2016, 15-20302


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 avril 2015), que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (la caisse) a informé la société Saint-Louis sucre (l'employeur) qu'elle instruisait une déclaration de maladie professionnelle faite par l'un de ses salariés ; que le 9 janvier 2012, la caisse a informé l'employeur

qu'elle prenait en charge la pathologie déclarée au titre de la législation...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 avril 2015), que la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (la caisse) a informé la société Saint-Louis sucre (l'employeur) qu'elle instruisait une déclaration de maladie professionnelle faite par l'un de ses salariés ; que le 9 janvier 2012, la caisse a informé l'employeur qu'elle prenait en charge la pathologie déclarée au titre de la législation professionnelle ; que l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'inopposabilité, à son égard, de la décision de prise en charge ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur, alors, selon le moyen :

1°/ que dès lors qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dès lors que l'information est délivrée par une lettre recommandée avec accusé de réception, il appartient à l'employeur, à l'appui de sa demande d'inopposabilité, d'apporter les éléments fondant sa demande ; qu'au cas d'espèce, l'employeur reprochait à la caisse de ne pas l'avoir avisé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier plus de dix jours francs avant la prise de décision ; que la cour d'appel, qui a fait état d'un doute s'agissant de la date de réception de la lettre de clôture, envoyée le 19 décembre 2011 par recommandé avec accusé de réception, devait faire profiter ce doute à la caisse dans la mesure où la charge de la preuve pesait sur l'employeur ; qu'en décidant au contraire que la décision était inopposable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'employeur ne peut se prévaloir d'une incertitude quant au déroulement de la procédure, qui entacherait la régularité de la décision de la caisse, quand cette incertitude résulte de son fait ; qu'au cas d'espèce, si l'employeur soutenait que la date de réception de la lettre du 19 décembre 2011 n'était pas connue, la cour d'appel a constaté que l'accusé de réception « fait apparaître une date totalement illisible, surchargée par le tampon de l'entreprise, dans la case signature du destinataire » ; que dans ces conditions, il était exclu qu'elle fasse droit à la demande de l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'on ne peut imputer à la caisse une carence dans l'administration de la preuve quand la preuve de la date de réception de la lettre de clôture est rendue impossible par le fait de l'employeur, qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

4°/ qu'en tout cas, au cas d'espèce, l'employeur avait, le 28 décembre 2011, demandé la communication du dossier ; que ce fait ressortait d'une lettre du 4 janvier 2012, de la caisse à la société Saint-Louis sucre et d'une lettre du 6 janvier 2012, de la société Saint-Louis sucre à la caisse ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait décider que la décision était inopposable en l'absence d'information de l'employeur plus de dix jours avant la décision sans rechercher si cette demande, plus de dix jours avant la décision, ne démontrait pas que la lettre de clôture de l'instruction avait effectivement été reçue dix jours avant l'intervention de la décision ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que la caisse produit la photocopie de l'avis de réception de la lettre de clôture d'instruction qui ne mentionne pas de date dans les cases « présenté/ avisé le ou distribué le », mais qui fait apparaître une date totalement illisible, surchargée par le tampon de l'entreprise, dans la case signature du destinataire ; qu'il relève que la caisse ne précise pas la date à laquelle la lettre d'avis de clôture de l'instruction a été réceptionnée par l'employeur et qu'elle ne produit aucun autre élément, tel un bordereau d'envoi ou de suivi postal, permettant de la déterminer ;

Que de ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui n'était pas demandée, et qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la caisse fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, aucun manquement au principe du contradictoire ne peut être reproché à la caisse lorsqu'il est avéré que, préalablement à la décision de prise en charge, l'employeur a été en mesure de prendre connaissance du dossier et qu'il a effectivement, sur la base de ce dossier, fait valoir ses observations ; qu'en déclarant la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X..., en date du 9 janvier 2012, inopposable à la société Saint-Louis sucre alors qu'elle constatait que le 6 janvier 2012, la société Saint-Louis sucre avait, sur la base du dossier qu'elle avait reçu le 4 janvier 2012, formulé des observations, la cour d'appel a violé l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'à tout le moins, la cour d'appel devait rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la société Saint-Louis sucre ait formulé des observations, préalablement à la décision, sur la base d'un dossier qui lui avait été transmis par la caisse, ne s'opposait pas à ce qu'elle puisse se prévaloir d'une violation du principe du contradictoire ; qu'en s'abstenant de le faire la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que la faculté, pour l'employeur, de se prévaloir, aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse, de la méconnaissance de son obligation d'information lui incombant en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, n'est pas soumise à l'existence d'un grief ;

Et attendu que l'arrêt constate que la caisse ne justifie pas de la date de réception par l'employeur de la lettre lui notifiant la clôture de l'instruction ;

D'où il suit qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X..., en date du 09 janvier 2012, inopposable à la société SAINT LOUIS SUCRE ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il résulte des dispositions de l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale que « dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la Caisse communique à la victime ou à ses ayants droits et à l'employeur au moins 10 jours fracs avant de prendre sa décision par tous moyens permettant qu'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13 ». L'employeur soutient notamment que la date de réception de la lettre de clôture d'instruction datée du 19 décembre 2011 est inconnue. La caisse produit la photocopie de l'avis de réception de cette lettre qui ne mentionne pas de date dans les cases présenté/ avisé le o distribué le, mais qui fait apparaître une date totalement illisible, surchargée par le tampon de l'entreprise, dans la case signature du destinataire. Dans ses écritures reprises à l'audience, la Caisse primaire d'assurance-maladie indique sur ce point que : « … dès le 19 décembre 2011, l'employeur se voyait notifié la clôture de l'instruction avant la prise en charge devant intervenir le 9 janvier 2012. Que la décision de prise en charge a été notifiée à ‘ employeur le 09 janvier 2012 ; ce dernier ayant disposé du délai offert par le texte pour venir prendre connaissance des pièces constitutives du dossier de son salarié ». La Caisse ne précise donc pas davantage la date à laquelle la lettre d'avis de clôture de l'instruction a été réceptionnée par l'employeur et elle ne produit aucun autre élément, tel un bordereau d'envoi ou de suivi postal, permettant de la déterminer. Il en résulte que la Caisse ne justifie pas de la date précise de réception par l'employeur de la lettre lui notifiant la clôture de l'instruction qui constitue le point de départ du délai de 10 jours francs ouvert à ce dernier pour consulter le dossier. La procédure suivie par la Caisse n'étant pas régulièrement établie à ce stade, il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de déclarer la décision de prise en charge par la Caisse, le 9 janvier 2012, de la maladie professionnelle de M. X..., inopposable à la société SAINT LOUIS SUCRE » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, dès lors qu'en application de l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale, dès lors que l'information est délivrée par une lettre recommandée avec accusé de réception, il appartient à l'employeur, à l'appui de sa demande d'inopposabilité, d'apporter les éléments fondant sa demande ; qu'au cas d'espèce, l'employeur reprochait à la CPAM de ne pas l'avoir avisé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier plus de dix jours francs avant la prise de décision ; que la Cour d'appel, qui a fait état d'un doute s'agissant de la date de réception de la lettre de clôture, envoyée le 19 décembre 2011 par recommandé avec accusé de réception, devait faire profiter ce doute à la CPAM dans la mesure où la charge de la preuve pesait sur l'employeur ; qu'en décidant au contraire que la décision était inopposable, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et R. 441-14 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'employeur ne peut se prévaloir d'une incertitude quant au déroulement de la procédure, qui entacherait la régularité de la décision de la CPAM, quand cette incertitude résulte de son fait ; qu'au cas d'espèce, si l'employeur soutenait que la date de réception de la lettre du 19 décembre 2011 n'était pas connue, la Cour d'appel a constaté que l'accusé de réception « fait apparaître une date totalement illisible, surchargée par le tampon de l'entreprise, dans la case signature du destinataire » (arrêt, p. 4, § 6) ; que dans ces conditions, il était exclu qu'elle fasse droit à la demande de l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et R. 441-14 du Code de la sécurité sociale

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, on ne peut imputer à la CPAM une carence dans l'administration de la preuve quand la preuve de la date de réception de la lettre de clôture est rendue impossible par le fait de l'employeur, qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et R. 441-14 du Code de la sécurité sociale ;

ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en tout cas, au cas d'espèce, l'employeur avait, le 28 décembre 2011, demandé la communication du dossier ; que ce fait ressortait d'une lettre du 04 janvier 2012, de la CPAM à la société SAINT LOUIS SUCRE et d'une lettre du 06 janvier 2012, de la société SAINT LOUIS SUCRE à la CPAM ; que dès lors la Cour d'appel ne pouvait décider que la décision était inopposable en l'absence d'information de l'employeur plus de dix jours avant la décision sans rechercher si cette demande, plus de dix jours avant la décision, ne démontrait pas que la lettre de clôture de l'instruction avait effectivement été reçue dix jours avant l'intervention de la décision ; qu'en s'abstenant de le faire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X..., en date du 09 janvier 2012, inopposable à la société SAINT LOUIS SUCRE ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« il résulte des dispositions de l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale que « dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la Caisse communique à la victime ou à ses ayants droits et à l'employeur au moins 10 jours fracs avant de prendre sa décision par tous moyens permettant qu'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13 ». L'employeur soutient notamment que la date de réception de la lettre de clôture d'instruction datée du 19 décembre 2011 est inconnue. La caisse produit la photocopie de l'avis de réception de cette lettre qui ne mentionne pas de date dans les cases présenté/ avisé le o distribué le, mais qui fait apparaître une date totalement illisible, surchargée par le tampon de l'entreprise, dans la case signature du destinataire. Dans ses écritures reprises à l'audience, la Caisse primaire d'assurance-maladie indique sur ce point que : « … dès le 19 décembre 2011, l'employeur se voyait notifié la clôture de l'instruction avant la prise en charge devant intervenir le 9 janvier 2012. Que la décision de prise en charge a été notifiée à ‘ employeur le 09 janvier 2012 ; ce dernier ayant disposé du délai offert par le texte pour venir prendre connaissance des pièces constitutives du dossier de son salarié ». La Caisse ne précise donc pas davantage la date à laquelle la lettre d'avis de clôture de l'instruction a été réceptionnée par l'employeur et elle ne produit aucun autre élément, tel un bordereau d'envoi ou de suivi postal, permettant de la déterminer. Il en résulte que la Caisse ne justifie pas de la date précise de réception par l'employeur de la lettre lui notifiant la clôture de l'instruction qui constitue le point de départ du délai de 10 jours francs ouvert à ce dernier pour consulter le dossier. La procédure suivie par la Caisse n'étant pas régulièrement établie à ce stade, il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de déclarer la décision de prise en charge par la Caisse, le 9 janvier 2012, de la maladie professionnelle de M. X..., inopposable à la société SAINT LOUIS SUCRE » ;

ALORS QUE PREMIEREMENT, en application de l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale, aucun manquement au principe du contradictoire ne peut être reproché à la CPAM lorsqu'il est avéré que, préalablement à la décision de prise en charge, l'employeur a été en mesure de prendre connaissance du dossier et qu'il a effectivement, sur la base de ce dossier, fait valoir ses observations ; qu'en déclarant la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X..., en date du 09 janvier 2012, inopposable à la société SAINT LOUIS SUCRE alors qu'elle constatait que le 06 janvier 2012, la société SAINT LOUIS SUCRE avait, sur la base du dossier qu'elle avait reçu le 04 janvier 2012, formulé des observations, la Cour d'appel a violé l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, à tout le moins, la Cour d'appel devait rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que la société SAINT LOUIS SUCRE ait formulé des observations, préalablement à la décision, sur la base s'un dossier qui lui avait été transmis par la CPAM, ne s'opposait pas à ce qu'elle puisse se prévaloir d'une violation du principe du contradictoire ; qu'en s'abstenant de le faire la Cour d'appel a privé violé l'article R. 441-14 du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-20302
Date de la décision : 07/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 jui. 2016, pourvoi n°15-20302


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20302
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