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06/07/2016 | FRANCE | N°15-14664

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juillet 2016, 15-14664


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 26 du Règlement CE n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., administrateur judiciaire de la société de droit espagnol Mag Import, a présenté une requête aux fins de constatation de la force exécutoire d'un jugement rendu le 8 juillet 2013, par le tribunal de commerce de Madrid (Espagne), au cours de la procédure d'insolvabilité ou

verte contre cette société ;
Attendu que, pour révoquer la déclaration constat...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 26 du Règlement CE n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., administrateur judiciaire de la société de droit espagnol Mag Import, a présenté une requête aux fins de constatation de la force exécutoire d'un jugement rendu le 8 juillet 2013, par le tribunal de commerce de Madrid (Espagne), au cours de la procédure d'insolvabilité ouverte contre cette société ;
Attendu que, pour révoquer la déclaration constatant le caractère exécutoire de ce jugement, l'arrêt retient que l'injonction adressée dans celui-ci par le tribunal madrilène au tribunal de commerce de Paris méconnaît les principes édictés par le Règlement CE n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le Règlement n° CE n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 exclut les motifs de refus de reconnaissance des décisions prises par le tribunal d'ouverture de la faillite du Règlement n° CE n° 44/ 2001 pour substituer ses propres motifs de refus, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les sociétés Eliseo Finance, Intermoney Titulizacion SGFT, Natixis, Merrill Lynch International Bank Limited, Bank of America Securities Limited et Gecina aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Eliseo Finance, Intermoney Titulizacion SGFT, Natixis, Merrill Lynch International Bank Limited, Bank of America Securities Limited, Gecina et les condamne à payer à Mme X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités, et la société Mag-Import SL.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir révoqué la déclaration du 26 juillet 2013 du greffier en chef du tribunal de grande instance constatant le caractère exécutoire en France du jugement rendu le 8 juillet 2013 par le tribunal de commerce de Madrid « dans l'instance opposant la Caixa Geral de Depositos SA, succursale en France, succursale en Espagne, d'une part, à Mag-Import SL et Gecina SA, d'autre part », et d'avoir débouté la société de droit espagnol Mag Import et Mme X..., ès qualités d'administrateur judiciaire, de leur demande tendant à voir reconnaître sur le territoire français ce jugement ;
AUX MOTIFS QUE « sur la contrariété à l'ordre public international de la décision du tribunal de commerce de Madrid du 8 juillet 2013 :
Que les appelantes soutiennent que la décision du tribunal de commerce de Madrid du 8 juillet 2013 viole l'ordre public français et communautaire, et notamment les articles 34 (1) et 34 (3) du Règlement (CE) du Conseil n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et ne peut dès lors être reconnue en France ;
Que la juridiction saisie du recours prévu à l'article 43 du Règlement n° 44/ 2001, ne peut, aux termes de l'article 45 du dit texte, refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 lesquels disposent qu'une décision n'est pas reconnue si :
article 34,
« 1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis ;
2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de la faire ;
3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis ;
4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis » ;
article 35,
« (...) les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans les cas prévus à l'article 72 (...) » ;
Qu'en l'espèce, l'injonction adressée par le tribunal de commerce de Madrid au tribunal de commerce de Paris d'une part « de laisser sans effet la mesure conservatoire adoptée le 23 avril 2013 » par cette juridiction « ainsi que la convocation adressée aux parties » en vue d'une audience ultérieure devant permettre aux parties de débattre contradictoirement de ladite mesure d'autre part « de mettre à disposition du TRIBUNAL DE COMMERCE n° 5 de MADRID tout actif retenu propriété de la débitrice, et en particulier, les dividendes dont la répartition a été autorisée et qui devront être versés sur le compte de consignation du tribunal de céans numéro 0030/ 8110/ 00059112 » en ce qu'elle affecte la compétence juridictionnelle d'une juridiction française, sommée de renoncer à statuer sur sa propre compétence, méconnaît les principes édictés par le Règlement (CE) du Conseil n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile qui en vertu du principe de confiance mutuelle réserve à la juridiction saisie de vérifier et de se prononcer sur sa compétence ;
Qu'une telle injonction porte également atteinte la souveraineté de l'Etat français en ce qu'une juridiction française ne peut, dans l'exercice de ses prérogatives juridictionnelles, recevoir d'injonction d'une juridiction étrangère ;
Que par suite cette décision qui heurte tout à la fois l'ordre public communautaire et l'ordre public français ne peut être reconnue sur le territoire français ;
Qu'il convient en conséquence de révoquer la Déclaration du 26 juillet 2013 du greffier en chef du tribunal de grande instance constatant le caractère exécutoire en France du jugement rendu le 8 juillet 2013 par le Tribunal de commerce de Madrid « dans l'instance opposant la Caixa Geral de Depositos SA, succursale en France, succursale en Espagne, d'une part à Mag-Import SL, et Gecina SA, d'autre part » » ;

1/ ALORS QUE l'article 25 Règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 prévoit que les décisions relatives au déroulement d'une procédure d'insolvabilité rendues par la juridiction de l'Etat d'ouverture de la faillite sont exécutées conformément à la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 27 septembre 1968, à l'exception de l'article 34, paragraphe 2) de cette Convention (depuis remplacée par le Règlement (CE) du Conseil n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000) ; que cet article 34, paragraphe 2), inapplicable à la reconnaissance des décisions prises par le tribunal d'ouverture de la faillite, prévoit que les décisions ne sont pas reconnues si la reconnaissance est contraire à l'ordre public de l'Etat requis ; qu'en conséquence, le seul texte applicable au refus de reconnaissance d'une décision du tribunal de la faillite est l'article 26 du Règlement insolvabilité selon lequel un Etat membre ne peut refuser de reconnaître une décision prise dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité que lorsque son exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution ; qu'ainsi, cependant que selon la Convention de Bruxelles, la reconnaissance peut être refusée à une décision contraire à tout aspect de l'ordre public de l'Etat requis en revanche, dans le cadre particulier d'une décision prise par le tribunal de la faillite, le refus de reconnaissance n'est justifié que si c'est l'exécution de son dispositif qui est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis ; qu'en l'espèce, pour refuser la reconnaissance du jugement rendu le 8 juillet 2013, la Cour d'appel a retenu qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 34 du Règlement (CE) du Conseil n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000, ce jugement serait contraire à la conception française de l'ordre public international (arrêt, p. 9, alinéas 3 et 4) ; qu'en statuant ainsi, quand seule une contrariété manifeste du dispositif de la décision à la conception française de l'ordre public international pouvait justifier un refus d'exécution, la Cour d'appel a violé l'article 34 du Règlement (CE) du Conseil n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 par fausse application, et 26 du Règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 par refus d'application ;

2/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE n'est pas manifestement contraire à la conception française de l'ordre public international, la décision par laquelle la juridiction d'un Etat membre ayant ouvert une procédure d'insolvabilité principale ordonne que soit donné effet en France aux mesures provisoires et conservatoires qu'elle a prononcées ; qu'une telle injonction ne tend, en effet, qu'à garantir l'effectivité du principe d'universalité de la procédure principale d'insolvabilité prévu par le Règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ; qu'en l'espèce, seul le Tribunal de commerce de Madrid, juridiction d'ouverture de la procédure d'insolvabilité de la société Mag-Import, avait le pouvoir juridictionnel d'ordonner, à titre conservatoire, le séquestre sur un compte en Espagne des sommes dues au débiteur failli ; qu'en ordonnant le séquestre en France de ces mêmes sommes, l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 24 avril 2013 méconnaissait le principe d'universalité de la faillite ouverte en Espagne ; qu'en enjoignant au tribunal de commerce de Paris « de laisser sans effet » cette décision, et de « mettre à disposition du tribunal de commerce n° 5 de Madrid tout actif retenu propriété de la débitrice », la décision du 8 avril 2013 du tribunal de commerce de Madrid n'a fait qu'appliquer le principe d'universalité de la faillite principale ouverte en Espagne, conformément à la conception française de l'ordre public international ; qu'en décidant l'inverse au prétexte que cette injonction porterait « atteinte à la souveraineté de l'Etat français en ce qu'une juridiction française ne peut, dans l'exercice de ses prérogatives juridictionnelles, recevoir d'injonction d'une juridiction étrangère », la Cour d'appel a violé les articles 3 et 4 du Règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 34 du Règlement (CE) n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, à le supposer applicable ;
3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE le principe de confiance mutuelle commande que toutes les décisions relatives au déroulement de la procédure prises par la juridiction d'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité soient reconnues sans formalité ; que la décision prononçant une mesure conservatoire tendant à la préservation du débiteur failli est relative au déroulement de la procédure d'insolvabilité, et doit donc être reconnue de plein droit dans les autres Etats membres ; qu'en l'espèce, seul le Tribunal de commerce de Madrid, juridiction d'ouverture de la procédure d'insolvabilité de la société Mag-Import, avait le pouvoir juridictionnel d'ordonner, à titre conservatoire, le séquestre sur un compte en Espagne des sommes dues au débiteur failli ; qu'en ordonnant le séquestre en France de ces mêmes sommes, l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 24 avril 2013 a méconnu la décision madrilène, en violation du principe de confiance mutuelle ; qu'en enjoignant au tribunal de commerce de Paris « de laisser sans effet » cette décision, et de « mettre à disposition du tribunal de commerce n° 5 de Madrid tout actif retenu propriété de la débitrice », la décision du 8 avril 2013 du tribunal de commerce de Madrid n'a fait qu'appliquer le principe de confiance mutuelle, conformément à l'ordre public communautaire ; qu'en décidant l'inverse au prétexte que « le principe de confiance mutuelle réserve à la juridiction saisie de vérifier et de se prononcer sur sa compétence » (arrêt, p. 10, alinéa 1er), quand c'est au contraire le jugement du tribunal de commerce de Paris qui, en méconnaissant la décision prise par la juridiction d'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité, avait violé le principe de confiance mutuelle, la Cour d'appel a violé l'article 25 du Règlement (CE) n° 1346/ 2000 du 29 mai 2000, ensemble l'article 34 du Règlement (CE) n° 44/ 2001 du 22 décembre 2000, à les supposer applicables.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-14664
Date de la décision : 06/07/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 - Procédures d'insolvabilité - Décision étrangère - Refus de reconnaissance - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Motifs issus du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Motifs de refus de reconnaissance - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Procédure d'insolvabilité dans le cadre du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000

Le règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 exclut les motifs de refus de reconnaissance des décisions prises par le tribunal d'ouverture de la faillite du règlement (CE) n° 44/2001 pour substituer ses propres motifs de refus


Références :

Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000

Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2016, pourvoi n°15-14664, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14664
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