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30/06/2016 | FRANCE | N°15-16868

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 juin 2016, 15-16868


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société La Techni-Soudure du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Juaristi TS Comercial ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2015), que la société La Techni-Soudure a acquis de la société RSCM-Ophélie une aléseuse moyennant un prix incluant le transport et la livraison et un plan de l'ouvrage de génie civil, soit du socle en béton armé, sur lequel doit reposer la machine ;

que la société Stell et Bontz a construit le socle en béton armé selon la conception et...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société La Techni-Soudure du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Juaristi TS Comercial ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2015), que la société La Techni-Soudure a acquis de la société RSCM-Ophélie une aléseuse moyennant un prix incluant le transport et la livraison et un plan de l'ouvrage de génie civil, soit du socle en béton armé, sur lequel doit reposer la machine ; que la société Stell et Bontz a construit le socle en béton armé selon la conception et les plans établis par la société Juaristi ; que la machine a été livrée et mise en route par la société Juaristi en décembre 2005 ; que, constatant des problèmes liés à l'utilisation de la machine, la société La Techni-Soudure a, après expertise, assigné la société Stell et Bontz en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que la société La Techni-Soudure fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société Stell et Bontz ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, si le massif en béton armé subissait le tassement inévitable du sol sous les charges et surcharges appliquées, ce n'était pas du fait d'un massif en béton insuffisamment rigide, mais du fait d'un massif en béton inadapté, la cour d'appel, qui en a déduit à bon droit que ce massif n'étant pas atteint de dommages en compromettant sa solidité ou le rendant impropre à sa destination, les conditions d'application de l'article 1792 du code civil n'étaient pas réunies, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Techni-Soudure aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société La Techni-Soudure

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société Techni-soudure de tous les chefs de sa demande contre la société Stell et Bontz ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « la société Techni-Soudure recherche la responsabilité de la société Stell et Bontz qui a construit el massif en béton sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, et sur le fondement de l'article 1147 du même code ; que la société Stell et Bontz a réalisé pour la société Techni-Soudure un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'il y a eu pour le moins réception tacite de cet ouvrage par la société Techni-Soudure dès lors que son prix a été payé et qu'elle l'a utilisé pendant plusieurs années ; que selon l'article 1792 du code civil, le constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage, ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que l'expert a constaté que le massif en béton en forme de T construit par la société Stell et Bontz présente deux fissures importantes au niveau de deux vérins de positionnement latéral de la table d'usinage, et que les vérins ne sont plus en contact avec le bâti, que deux micro-fissures de retrait, sans incidence avec la rigidité du massif en béton sont visibles ; que le massif en béton bouge verticalement, de façon non uniforme, lorsque les éléments mobiles de la machine se déplacent ; que le sol sous le massif en béton n'est pas stable, qu'il agit à l'identique « de multiples ressorts » ; que le massif en béton suit approximativement la déformation du sol ; qu'ainsi la partie du massif en béton sur laquelle se déplace la colonne porteoutils s'incline de manière importante lorsque la colonne porte-outils se rapproche du banc supportant la table porte-pièces ; que la déflexion théorique entre points extrêmes est de 0,635 mm, ce qui est très grand au regard des tolérances d'usinage de 0,01 mm ; que la fondation-massif en béton telle qu'elle est conçue manque de rigidité vis-à-vis des caractéristiques géotechniques du sol en place ; qu'elle est incapable de maintenir un nivellement de précision de la machine lors du tassement inévitable du sol soumis à des contraintes variable ; qu'il a retenu que la contrainte au sol admissible de 2 kg/cm² indiquée sur les plans de la fondation n'est pas une donnée suffisante pour garantir cette rigidité et qu'aucune autre indication n'a été donnée, ni au maître d'ouvrage, ni à l'entreprise Stell et Bontz ; qu'il y a un défaut de conception de la fondation devant recevoir le centre d'alésage-fraisage ; que par ailleurs le principe de ferraillage du massif produit par la société Juaristi et mis en oeuvre par la société Stell et Bontz n'est pas conforme aux règles BAEL 91 ; que l'expert consulté par la société Juaristi a confirmé de son côté que le massif en béton subit le tassement inévitable du sol sous les charges et surcharges appliquées, mais a retenu que ce n'est pas du fait d'un massif en béton insuffisamment rigide, mais du fait d'un massif en béton inadapté ; que cependant ce massif n'est pas atteint de dommages qui compromettent sa solidité, ou qui le rendent impropre à sa destination ; qu'en conséquence les conditions d'application de l'article 1792 du code civil ne sont pas réunies ; que dès lors qu'il y a eu réception du massif en béton construit par la société Stell et Bontz, la société Techni-Soudure ne peut rechercher la responsabilité de la société Stell et Bontz sur le fondement de l'article 1147 du code civil au titre d'une impropriété du massif en béton à sa destination du fait d'un manque de rigidité, en invoquant la violation d'une obligation de résultat ; qu'en l'absence de mise en oeuvre de la responsabilité de la société Juaristi et de la société Stell et Bontz, la société Techni-Soudure ne peut obtenir réparation des postes de préjudice qu'elle fait valoir » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Sur la demande dirigée contre la société de droit français, la demanderesse invoque à titre principal les dispositions de l'article 1792 du code civil français, et à titre subsidiaire celle de l'article 1147 du même code ; que cependant, et après commande de la société TECHNI-SOUDURE en date du 30 mai 2005, faisant référence au plan établi par la société JUARISTI, celle-ci a réalisé un devis daté du 31 mai 2005 en précisant que ce document était confectionné sur la base du plan fourni par la société de droit espagnol, et en émettant des réserves concernant les caractéristiques du coffrage, indiquant que pour éviter l'intervention d'un ingénieur en béton, un plan de coffrage ferraillage précis devait être fourni dans la mesure où elle ne disposait pas de la compétence pour réaliser les calculs nécessaires ; qu'un plan complémentaire de ferraillage a donc été transmis par la société JUARISTI, et ce, par l'intermédiaire de la demanderesse ; que selon l'expert judiciaire, le socle en béton a été réalisé conformément aux plans et aux prescriptions techniques fournies par la société de droit espagnol JUARISTI ; que cette dernière a installé l'aléseuse sans formuler aucune réserve ; que d'après le rapport d'expertise judiciaire, la contrainte au sol admissible de 2 kg par centimètre carré, soit 2 bars, mentionnée sur les plans de la fondation fournie par la société de droit espagnol JUARISTI ne constitue pas une donnée, compte tenu des caractéristiques géotechniques du sol en place ; que même si l'exécution du plan ferraillage du socle n'est pas conforme aux règles BAEL 9 selon l'expert judiciaire, celui-ci n'est pas affecté de vices en lui-même ; qu'en l'absence de vices affectant le socle en béton lui-même construit par la défenderesse, la demanderesse n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1792 du code civil à son encontre ; que l'absence de rigidité suffisante de ce socle par rapport aux caractéristiques du sol et aux contraintes spécifiques dues aux tolérances tout à fait exceptionnelles de fabrication de la machine ne pouvait être connue par la défenderesse, alors que la demanderesse avait l'entière responsabilité de la conception des plans de fondation de la plate-forme ; que la société STELL et BONTZ a fourni un socle en béton conforme aux prescriptions de la société de droit espagnol JUARISTI et exempt de vices, de sorte que la demanderesse n'est pas fondée à se prévaloir à son encontre des dispositions des articles 1792, voire même de la garantie des vices cachés ; que pour ce qui est relatif à la responsabilité de droit commun de la défenderesse engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, il résulte de ce qui précède que la société STELL et BONTZ a bien conseillé la société TECHNI-SOUDURE, dans le cadre de son devis du 31 mai 2007, qui a été établi sur la base du plan fourni en émettant des réserves concernant les caractéristiques du coffrage, de sorte que pour éviter l'intervention d'un ingénieur en béton armé, il devait être fourni un plan de coffrage et de ferraillage précis en l'absence de compétence de la défenderesse pour réaliser les calculs nécessaires ; que dès lors, la défenderesse a bien satisfait à son obligation de conseil et il incombait à la demanderesse de prendre l'attache de la société de droit espagnol JUARISTI pour savoir si celle-ci disposait des compétences nécessaires en la matière, ou de lui enjoindre de recourir à un prestataire extérieur, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la société TECHNI-SOUDURE de tous les chefs de sa demande dirigée contre la SAS STELL et BONTZ ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par la société de droit espagnol JUARISTI contre la SAS STELL et BONTZ et par la SAS STELL et BONTZ contre la société de droit espagnol JUARISTI, ces appels en garantie ayant été formés à titre subsidiaire en cas de condamnation de l'une ou l'autre des défenderesses au profit de la demanderesse, ce qui n'a nullement été le cas » ;

ALORS 1/ QUE : seule la preuve d'une cause étrangère est de nature à exonérer le constructeur de la responsabilité spécifique qui pèse sur lui ; que, pour débouter la société Techni-soudure de sa demande à l'encontre de la société Stell et Bontz, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu que « l'absence de rigidité suffisante de ce socle par rapport aux caractéristiques du sol et aux contraintes spécifiques dues aux tolérances tout à fait exceptionnelles de fabrication de la machine ne pouvait être connue par la défenderesse » (jugement, p. 8, § 1) et que la société Stell et Bontz avait « fourni un socle en béton conforme aux prescriptions de la société de droit espagnol Juaristi » (jugement, p. 8, § 2) ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de faute ne constitue pas une cause d'exonération du constructeur au regard de la responsabilité spécifique qui lui incombe, la cour d'appel a violé l'article 1792 alinéa 2 du code civil ;

ALORS 2/ QUE : seule la preuve d'une cause étrangère est de nature à exonérer le constructeur de la responsabilité spécifique qui pèse sur lui ; que, pour débouter la société Techni-soudure de sa demande à l'encontre de la société Stell et Bontz, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu que « l'absence de rigidité suffisante de ce socle par rapport aux caractéristiques du sol et aux contraintes spécifiques dues aux tolérances tout à fait exceptionnelles de fabrication de la machine ne pouvait être connue par la défenderesse » (jugement, p. 8, § 1) et que la société Stell et Bontz avait « fourni un socle en béton conforme aux prescriptions de la société de droit espagnol Juaristi » (jugement, p. 8, § 2) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a exclu l'engagement de la responsabilité de la société Stell et Bontz sans caractériser l'existence d'une cause étrangère exonératoire ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 alinéa 2 du code civil ;

ALORS 3/ QUE : le constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages qui en compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination, même s'ils ne découlent pas d'un vice caché ; que, pour débouter la société Techni-soudure de sa demande à l'encontre de la société Stell et Bontz, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, retenu que le socle litigieux n'était pas « affecté de vices en lui-même » (jugement, p. 7, avant-dernier §) et qu'il était « exempt de vices » (jugement, p. 8, § 2) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas et partant violé l'article 1792 du code civil ;

ALORS 4/ QUE : pour débouter la société Techni-soudure de sa demande à l'encontre de la société Stell et Bontz, la cour d'appel, après avoir rappelé les conclusions de l'expert judiciaire selon lesquelles le massif en béton construit par la société Stell et Bontz présentait deux fissures importantes, qu'il bougeait verticalement de façon non-uniforme et qu'il manquait de rigidité au regard des caractéristiques géotechniques du sol en place, a, par motifs propres, retenu que le « massif n'[était] pas atteint de dommages qui compromett[aient] sa solidité, ou qui le rend[aient] impropre à sa destination » (arrêt, p. 14, § 2) et « qu'en conséquence les conditions d'application de l'article 1792 du code civil [n'étaient] pas réunies » (arrêt, p. 14, § 2) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres relevés par l'expert judiciaire ne constituaient pas des dommages rendant le socle impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-16868
Date de la décision : 30/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 18 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 jui. 2016, pourvoi n°15-16868


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16868
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