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30/06/2016 | FRANCE | N°15-16834

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2016, 15-16834


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2014), que Mme X... été engagée par la société Domiserve +, au poste de conseiller clientèle, le 15 septembre 2008 par contrat à durée déterminée puis, à compter du 16 mars 2009, par contrat à durée indéterminée ; qu'elle a été en arrêt de travail à compter du 4 février 2011 ; que le 18 avril 2011, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, puis a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la

salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir reconnaître ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2014), que Mme X... été engagée par la société Domiserve +, au poste de conseiller clientèle, le 15 septembre 2008 par contrat à durée déterminée puis, à compter du 16 mars 2009, par contrat à durée indéterminée ; qu'elle a été en arrêt de travail à compter du 4 février 2011 ; que le 18 avril 2011, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, puis a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'une discrimination salariale, alors, selon le moyen :

1°/ que la rémunération perçue par le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure à la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions ; qu'après avoir constaté que, par contrat à durée déterminée du 15 septembre 2008, puis à durée indéterminée à compter du 16 mars 2009, Mme X... avait travaillé pour la société Domiserve en qualité de conseiller clientèle, catégorie employée, classification D, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la salariée avait, dans le cadre de ces deux contrats, bénéficié d'une qualification professionnelle différente et occupé des fonctions différentes, susceptibles de justifier qu'elle soit, seulement, rémunérée dans le cadre du contrat à durée déterminée pour la somme de 1 703, 70 euros, sans bénéficier de la rémunération perçue dans le cadre contrat à durée indéterminée à hauteur de 1 851, 85 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-15 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » soumet au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; que la cour d'appel a constaté que la salariée avait été rémunérée dans le cadre du contrat à durée déterminée 1 703, 70 euros et dans celui du contrat à durée indéterminée pour la somme de 1 851, 85 euros, alors qu'elle effectuait le même travail et le même nombre d'heures, faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en s'étant bornée à relever que Mme X... ne disposait pas de bulletins de salaire établissant que sur la même période septembre 2008- mars 2009, des salariés embauchés en contrat à durée indéterminée avec la même ancienneté pour exercer les mêmes fonctions auraient bénéficié d'une rémunération supérieure, et que l'employeur expliquait valablement cette majoration de 148, 15 euros, dans le cadre du contrat à durée indéterminée, par la qualification et l'expérience acquises par Mme X... depuis son embauche, ce qui ne caractérisait aucune différence objective dans le travail fourni, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-15 du code du travail et du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée, engagée dans un premier temps par contrat à durée déterminée d'une durée de six mois avait, à l'expiration de celui-ci, été engagée par contrat à durée indéterminée et, à cette occasion, bénéficié d'une augmentation, retient d'une part que, sur la même période que celle durant laquelle elle était employée par contrat à durée déterminée, elle ne justifiait pas de ce que des salariés embauchés par contrat à durée indéterminée avec la même ancienneté pour exercer les mêmes fonctions auraient bénéficié d'une rémunération supérieure à la sienne et, d'autre part, que la différence de traitement dont elle a bénéficié lors de son engagement par contrat à durée indéterminée était justifiée par la qualification et l'expérience acquises par elle depuis son embauche ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, et à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le 18 avril 2011, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat aux motifs que : M. Y... et Mlle Z... « dès leurs prises de fonctions » mi-2010, l'avaient harcelée et que des « mesquineries et agressions … répétées sur des mois ont généré une dégradation de mes conditions de travail alors que ma surcharge était déjà très importante » ; que le 1er février 2011, M. Y... l'a rabaissée devant ses collègues et que Mme Z... s'est mise à crier ; que la direction ne l'a pas soutenue ; que « le 7 février 2011, choquée et démoralisée, je vous ai écrit et signalé les agressions précitées de M. Y... et Mlle Z... », que « dans un climat de tension extrême … M. B... cautionnait leurs propos » et que « Vous avez excusé leurs agissements, prétextant leur manque d'expérience et minimisant la situation alors que j'avais été agressée sur mon lieu de travail, ce qui a porté atteinte à ma santé mentale et physique et affecté consécutivement ma vie personnelle et professionnelle … aucune sanction n'a été prise contre les salariés … En 25 ans de vie professionnelle, je n'avais jamais été confrontée à une telle situation et un tel acharnement. Je ne peux les supporter plus longtemps, étant arrêtée par mon médecin depuis le 4 février 2011 » ; qu'après avoir constaté que la salariée établissait des faits précis et concordants présumant l'existence d'un harcèlement moral, et qu'il incombait à l'employeur de prouver que ces agissements ne constituaient pas un harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'employeur justifiait objectivement les raisons pour lesquelles il n'avait pas réagi et avait laissé se dégrader une situation qui avait notamment conduit à l'incident non contesté du 1er février 2011, dénoncée par la salariée, qui s'était trouvée dans un état dépressif, non contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ que la preuve du lien de causalité entre son état de santé et ses conditions de travail n'incombe pas au salarié ; qu'en retenant que les problèmes de santé, dont faisait état Mme X..., n'étaient pas nécessairement en lien avec des manquements imputables à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 et l'article L. 4121-1 du code du travail ;

Attendu qu'après avoir exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l'article L. 1154-1 du code du travail, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la salariée établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral mais que l'employeur justifiait au soutien de ses décisions d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, qu'aucun harcèlement moral ne pouvait être retenu ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'une discrimination salariale ;

AUX MOTIFS QUE par contrat à durée déterminée du 15 septembre 2008 puis à durée indéterminée à compter du 16 mars 2009, Mme X... a été embauchée par la société Domiserve en qualité de conseiller clientèle, catégorie employée, classification D ; (…) que la rémunération, au sens de l'article L 3221-3, perçue par le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure à la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions reproche à l'employeur une discrimination de salaire pour l'avoir rémunérée dans le cadre du contrat à durée déterminée à hauteur de 1703, 70 euros bruts et dans celui du contrat à durée indéterminée à hauteur de 1 851, 85 euros bruts, alors qu'elle effectuait le même travail et le même nombre d'heures ; que l'article L. 1242-15 du code du travail dispose que la rémunération, au sens de l'article L 3221-3, perçue par le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure au moment de la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions ; que cette règle, inspirée du principe « à travail égal, salaire égal », impose au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; que Mme X... ne dispose pas de bulletins de salaire établissant que sur la même période de septembre 2008 à mars 2009, des salariés embauchés en contrat à durée indéterminée avec la même ancienneté pour exercer les mêmes fonctions auraient bénéficié d'une rémunération supérieure ; qu'elle ne produit que ceux de M. C... d'une ancienneté plus grande et les siens ; que l'employeur explique valablement cette majoration de rémunération de 148, 15 euros, dans le cadre du contrat à durée indéterminée par la qualification et l'expérience acquise par Mme X... depuis son embauche, de sorte que l'inégalité de traitement alléguée par la salariée n'est pas établie ;

ALORS D'UNE PART QUE la rémunération perçue par le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure à la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions ; qu'après avoir constaté que, par contrat à durée déterminée du 15 septembre 2008, puis à durée indéterminée à compter du 16 mars 2009, Mme X... avait travaillé pour la société Domiserve en qualité de conseiller clientèle, catégorie employée, classification D, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la salariée avait, dans le cadre de ces deux contrats, bénéficié d'une qualification professionnelle différente et occupé des fonctions différentes, susceptibles de justifier qu'elle soit, seulement, rémunérée dans le cadre du contrat à durée déterminée pour la somme de 1. 703, 70 euros, sans bénéficier de la rémunération perçue dans le cadre contrat à durée indéterminée à hauteur de 1. 851, 85 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-15 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » soumet au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence ; que la Cour d'appel a constaté que la salariée avait été rémunérée dans le cadre du contrat à durée déterminée 1703, 70 euros et dans celui du contrat à durée indéterminée pour la somme de 1. 851, 85 euros, alors qu'elle effectuait le même travail et le même nombre d'heures, faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en s'étant bornée à relever que Mme X... ne disposait pas de bulletins de salaire établissant que sur la même période septembre 2008- mars 2009, des salariés embauchés en contrat à durée indéterminée avec la même ancienneté pour exercer les mêmes fonctions auraient bénéficié d'une rémunération supérieure, et que l'employeur expliquait valablement cette majoration de 148, 15 euros, dans le cadre du contrat à durée indéterminée, par la qualification et l'expérience acquises par Mme X... depuis son embauche, ce qui ne caractérisait aucune différence objective dans le travail fourni, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1242-15 du Code du travail et du principe « à travail égal, salaire égal ».

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, et à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE le 18 avril 2011, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : « salariée depuis le 15 septembre 2008 au poste de conseiller de clientèle, j'ai toujours été une employée loyale et dévouée. Pourtant je regrette et dois dénoncer aujourd'hui vos manquements à mon égard. Début 2010 vous m'avez demandé de prendre en charge la formation des nouveaux arrivants qui se tournaient naturellement vers moi pour demander de l'aide car je maîtrisais tous vos contrats, sachant que vous connaissiez mes précédentes fonctions de consultant/ formateur. En cours d'année, vous avez confié les fonctions de Conseillers Animateurs à M. Y... et Mlle Z.... Dès leurs prises de fonctions, ceux-ci ont commencé à me harceler, ce qui s'est traduit :- leur surveillance abusive, jusqu'à me suivre dans les couloirs voir si j'allais dans le bureau R. H, dans le bureau de M. B..., aux toilettes ou en pause,- leur surveillance de mon temps de pause alors que Mlle Z... se permet dix pauses et plus par jour, et que, lorsque je l'ai signalé, M. B... m'a répondu qu'« elle partait peut être en réunion » alors qu'on ne va pas en réunion avec son manteau et une cigarette,- Mlle Z... me confie des rappels de clients alors que les appels en attente débordent déjà … me tape régulièrement sur l'épaule lorsque je suis en ligne pour savoir ce que veut l'appelant et me pose des questions « tu en es où ? tu es sur quoi ? tu as combien de dossiers en attente ? » sans attendre la fin de la communication,- M. Y... me demande mes jours de récupération et mes RTT et les fixe comme bon lui semble,- M. Y... m'agresse verbalement. J'ai supporté ces diverses mesquineries et agressions, mais répétées sur des mois, elles ont généré une dégradation de mes conditions de travail alors que ma surcharge était déjà très importante. Le 01 février 2011, pour me préparer à l'entretien annuel (?), M. Y... a jugé utile de m'agresser et de me rabaisser devant tous mes collègues avec des propos tels que « si tu as besoin d'une formation tu me le dis !... tu ne m'adresses plus la parole et si tu veux on va s'expliquer ailleurs » d'un ton qui signifiait « si tu veux on va se battre » et que sur ce, Mlle Z.... s'est mise à crier. Etaient présents sur la plate-forme Messieurs D... et Bouabadallah et Mmes E..., N..., I..., O..., G..., P..., Q.... Le 4 février 2011, lors de mon entretien annuel, M. B... et Mlle Z... ont affirmé que je n'étais pas à niveau en prise d'appels avec mes collègues. Je leur ai rappelé que j'avais en charge la formation des nouveaux arrivants depuis le début de l'année 2010. J'ai informé également M. B..., directeur des opérations, de leurs agissements à mon égard, qui a répliqué qu'» eux aussi étaient peut être sous pression ». Cette absence de soutien est certainement un remerciement pour avoir effectué les formations sollicitées, malgré lesquelles mon augmentation annuelle est restée à 1, 5 % alors que mes collègues ont eu des augmentations allant jusqu'à 5 % et une prime de 500 euros et n'avoir bénéficié d'aucune promotion, étant demeurée Conseiller de Clientèle. Le 7 février 2011, choquée et démoralisée, je vous ai écrit et signalé les agressions précitées de M. Y... et Mlle Z..., le manque de considération pour mon travail et les critiques de ma personnalité lors de l'entretien annuel en présence de M. B.... Le 24 mars 2011, vous m'avez convoquée pour éclaircir la situation en présence de M. B.... Je vous ai expliqué clairement, et point par point, tous les manquements à mon égard mais en vain. En effet, je vous ai redit qu'il était indécent de m'avoir demandé de former les nouveaux arrivants depuis 2010 pour ensuite me reprocher de ne pas avoir pris assez d'appels (et m'entendre dire par M. Y... que je devrais faire deux choses à la fois !), qu'il était inconcevable de critiquer ma personnalité en mettant en cause mes traits de caractère, comme l'a fait Mlle Z..., le tout dans un climat de tension extrême, alors que M. B... cautionnait leurs propos et que cette dernière hurlait pour appuyer ses dires. Je vous ai rappelé que, depuis que M. Y... et Mlle Z... avaient pris leurs nouvelles fonctions mi-2010, j'avais subi des pressions et des agressions personnelles soutenues, pour des raisons dont j'ignore la teneur (surveillance excessive de mes faits et gestes, surcharge de travail, critiques injustifiées et inopinées, jusqu'à l'agression dont je vous ai fait part le 1er février 2011). Vous avez excusé leurs agissements, prétextant leur manque d'expérience et minimisant la situation alors que j'avais été agressée sur mon lieu de travail, ce qui a porté atteinte à ma santé mentale et physique et affecté consécutivement ma vie personnelle et professionnelle. Je vous ai informé que si vous ne preniez pas vos responsabilités, je me réserverais le droit de saisir la justice. Aujourd'hui, aucune sanction n'a été prise contre les salariés qui m'ont agressée et harcelée, et je suis atterrée de votre manquement à vos obligations et de voir que de telles personnes peuvent agir impunément. En 25 ans de vie professionnelle, je n'avais jamais été confrontée à une telle situation et un tel acharnement. Je ne peux les supporter plus longtemps, étant arrêtée par mon médecin depuis le 4 février 2011. Pour l'ensemble de ces raisons, je suis contrainte de prendre immédiatement acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs. Je vous remercie de m'adresser mon solde de tout compte ainsi que mes documents de fin de contrat dans les meilleurs délais » ; selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme X... soutient que l'employeur lui a confié en sus de ses tâches habituelles des tâches de tutorat des nouveaux salariés qui ont retenti sur sa charge de travail déjà élevée, occasionnant une baisse d'appels ; qu'elle verse aux débats une attestation d'un collègue M. D... rapportant qu'elle assurait la formation des nouveaux arrivants pour une durée de 15 jours et cite les noms de N..., E..., G..., Enault, O..., I... et Mazouzi ainsi qu'une attestation de Mme F... déclarant avoir été formée par elle et le planning de celle-ci faisant apparaître plusieurs créneaux de formation ; qu'elle déplore également les conditions houleuses dans lesquelles s'est tenu son entretien d'évaluation et communique le compte-rendu faisant apparaître des axes d'amélioration ; qu'elle se plaint d'un incident du 1er février 2011 au cours duquel elle aurait été prise à partie physiquement et verbalement par M. Y... et Mme Z..., ses deux supérieurs hiérarchiques et produit l'attestation de M. D... relatant que M. Y... a fait des remontrances à la salariée devant toute l'équipe insinuant qu'elle était incompétente et que Mme Z... s'en est mêlée sans même connaître l'objet du conflit et a bousculé physiquement et verbalement Mme X... ; qu'elle produit enfin ses arrêts de travail à compter du 4 février 2011 mentionnant pour certains une asthénie psychique et un syndrome dépressif ; qu'elle ne fournit aucun élément sur la surveillance de ses déplacements, de ses appels téléphoniques ou la fixation abusive de ses congés ; que la salariée établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, s'agissant des tâches de tutorat, la société Domiserve expose qu'elle a demandé à la salariée de présenter aux nouveaux arrivants sur la plate-forme téléphonique les dispositifs pendant 3 jours puis de les assister en double écoute pendant 2 jours, journées pendant lesquelles la salariée était libérée d'autres obligations ; que la société produit le courriel d'acceptation enthousiaste de Mme X... et sa demande de formation de tuteur ; que M. M..., conseiller clientèle, atteste que cette formation leur avait été confiée en binôme depuis janvier 2010, qu'ils ont formé ensemble 5 personnes, Zoé Enault et Aurélie G... en février 2010, Diana H... en mars 2010, Guerda I... et Mustapha J... avril 2010 et qu'il l'assurait seul depuis mai 2010 ; que l'employeur, qui n'avait pas de service dédié à la formation, était fondé dans le cadre de son pouvoir de direction à affecter deux conseillers clientèle à des tâches occasionnelles de formation et dans le cas de Mme X... sur une période limitée ; que s'inscrivent également dans le cadre du pouvoir de direction, les rappels à l'ordre de la salariée sur la durée de ses temps de pause comme ceux du 1er juillet 2010 tout comme les remarques au cours de l'entretien annuel d'évaluation qui est l'occasion pour l'employeur de faire le bilan de l'activité écoulée et de fixer des objectifs ; que ni les rappels à l'ordre sur la durée de ses pauses ni le compte-rendu pour l'année 2010 ne contiennent de remarque négative confortant les allégations de la salariée ; que, reste l'incident du 1er février 2011 qui est présenté différemment par les attestations fournies par l'employeur ; qu'ainsi Mmes
K...
et L..., présentes sur les lieux, se rappellent que le ton est monté de part et d'autre entre Mme X... et M. Y..., ce qui a amené Mme Z... à intervenir pour apaiser la situation mais asssurent n'avoir assisté à aucune violence physique ; que l'unique témoignage de M. D... ne permet pas d'établir les violences alléguées par la salariée ; que d'autres salariés comme M. M... dénoncent l'attitude habituellement agressive et des propos à connotation raciste de la salariée ; que les problèmes de santé, dont fait état Mme X..., ne sont pas nécessairement en lien avec des manquements imputables à l'employeur ; que les faits de harcèlement moral n'étant pas établis, il y a lieu de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ;

ALORS D'UNE PART, QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le 18 avril 2011, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat aux motifs que : M. Y... et Mlle Z... « dès leurs prises de fonctions » mi-2010, l'avaient harcelée et que des « mesquineries et agressions … répétées sur des mois ont généré une dégradation de mes conditions de travail alors que ma surcharge était déjà très importante » ; que le 1er février 2011, M. Y... l'a rabaissée devant ses collègues et que Mme Z... s'est mise à crier ; que la direction ne l'a pas soutenue ; que « le 7 février 2011, choquée et démoralisée, je vous ai écrit et signalé les agressions précitées de M. Y... et Mlle Z... », que « dans un climat de tension extrême … M. B... cautionnait leurs propos » et que « Vous avez excusé leurs agissements, prétextant leur manque d'expérience et minimisant la situation alors que j'avais été agressée sur mon lieu de travail, ce qui a porté atteinte à ma santé mentale et physique et affecté consécutivement ma vie personnelle et professionnelle … aucune sanction n'a été prise contre les salariés … En 25 ans de vie professionnelle, je n'avais jamais été confrontée à une telle situation et un tel acharnement. Je ne peux les supporter plus longtemps, étant arrêtée par mon médecin depuis le 4 février 2011 » ; qu'après avoir constaté que la salariée établissait des faits précis et concordants présumant l'existence d'un harcèlement moral, et qu'il incombait à l'employeur de prouver que ces agissements ne constituaient pas un harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'employeur justifiait objectivement les raisons pour lesquelles il n'avait pas réagi et avait laissé se dégrader une situation qui avait notamment conduit à l'incident non contesté du 1er février 2011, dénoncée par la salariée, qui s'était trouvée dans un état dépressif, non contesté, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 4121-1 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la preuve du lien de causalité entre son état de santé et ses conditions de travail n'incombe pas au salarié. ; qu'en retenant que les problèmes de santé, dont faisait état Mme X..., n'étaient pas nécessairement en lien avec des manquements imputables à l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 et l'article L. 4121-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-16834
Date de la décision : 30/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2016, pourvoi n°15-16834


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16834
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