LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'ordonnance du 12 janvier 2015 portant jonction des pourvois n° C 14-30. 073, D 14-30. 074, E 14-30. 075, F 14-30. 076, H 14-30. 077 et G 14-30. 078 ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 211-1 et L. 211-17 du code du tourisme, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, applicable en la cause ;
Attendu que la responsabilité de plein droit, prévue par le second de ces textes, incombant aux personnes, physiques ou morales, qui se livrent ou apportent leur concours à l'organisation de voyages ou de séjours, ne concerne, en vertu du premier, que celles qui perçoivent à cette occasion une rémunération, quelles qu'en soient les modalités ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X..., investi dans la vie associative de la communauté marocaine de Strasbourg, a remis à diverses personnes, courant novembre 2007, un dépliant publicitaire pour un voyage organisé à Médine à l'occasion du pèlerinage de La Mecque ; que M. et Mme Y..., M. et Mme Mohamed Z..., M. et Mme A..., M. et Mme Ali Z..., M. et Mme B... et M. et Mme C... ont remis à M. X... la somme de 5 000 euros par couple pour effectuer ce pèlerinage ; que le voyage n'ayant pas eu lieu, chaque couple, qui n'avait été remboursé qu'à hauteur de 2 800 euros, a assigné M. X..., la société Manasik voyages et la société Amen voyage international, afin d'obtenir leur condamnation solidaire, sur le fondement de la loi du 13 juillet 1992, codifiée aux articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme, à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices, incluant le solde du prix du voyage non restitué ;
Attendu que, pour accueillir les demandes, les arrêts retiennent que le fait que M. X... ait exercé sa mission à titre gratuit est sans emport sur sa responsabilité envers les voyageurs, en tant qu'organisateur de fait d'une prestation soumise aux articles L. 211-1 et suivants précités, les dispositions du code du tourisme s'appliquant quelles que soient les modalités de la rémunération des personnes physiques organisant les prestations ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité de plein droit ne peut peser sur celui qui n'a reçu aucune rémunération, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 26 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. et Mme Y..., M. et Mme Mohamed Z..., M. et Mme A..., M. et Mme Ali Z..., M. et Mme B... et M. et Mme C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun aux pourvois produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné M. X... à payer la somme de 2 200 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2010 à chacun des couples de pèlerins formés par M. et Mme Y..., par M. et Mme Mohamed Z..., par M. et Mme A..., par M. et Mme Ali Z... et par M. et Mme B..., d'une part, et la somme de 2 500 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2010 à M. et Mme C..., d'autre part ;
Aux motifs qu'« en vertu des dispositions de l'article L. 211-16 du code du tourisme, toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales ; que l'article L. 211-1 dispose que le présent chapitre s'applique aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente : De voyages ou de séjours individuels ou collectifs... Le présent chapitre s'applique également aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques, tels que ceux-ci sont définis à l'article L. 211-2, en vertu duquel constitue un forfait touristique la prestation : 1° Résultant de la combinaison préalable d'au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d'autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ; 2° Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ; 3° Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris ; que M. et Mme Y... se prévalent d'une offre publicitaire HAJJ avec ASSAFA VOYAGES qui leur aurait été remise par M. X... sur le marché de Hautepierre en novembre 2007, aux termes de laquelle il leur était proposé un vol direct pour Médine de Bâle-Mulhouse départ le 30 novembre 2007 et retour le 28 décembre 2007 pour 2 490 € par personne, le prix comprenant le billet d'avion aller/ retour et le logement, deux chèques pèlerins en riyals saoudiens, transferts selon le règlement du ministère du Hajj et un accompagnateur Mourchid ; que l'offre comporte une mention manuscrite " Veuillez contacter notre accompagnateur au...
D..." ; que M. X... conteste avoir démarché les intimés, soutenant n'avoir agi que sur demande de ceux-ci, que le document précité n'est pas un dépliant publicitaire qu'il aurait remis aux consorts Y... avant leur engagement mais qu'il ne leur a été donné qu'après qu'il ait accepté de servir d'intermédiaire entre les pèlerins et l'agence de voyage, pour collecter les fonds et les transmettre à l'agence ; qu'il sera cependant relevé que la remise du document n'aurait eu aucun intérêt après l'engagement des intimés, alors que le dépliant constitue bien par son contenu une offre publicitaire contenant toutes les précisions quant aux conditions de prix, de date et de prestations comprises du voyage ; que la mention invitant à contacter l'accompagnateur de la compagnie de tourisme n'aurait pas plus d'intérêt si, ainsi que le soutient M. X..., ce dernier avait été démarché par les époux Y... et non l'inverse ; qu'il ressort par ailleurs du compte rendu d'une enquête effectuée par les services de police de Besançon à la demande du parquet de Belfort que des plaintes ont été déposées par des pèlerins contre Mohamed F... qui avait joué le rôle d'intermédiaire entre l'agence de voyages MANASIK VOYAGES et des pèlerins ; que M. F... avait expliqué lors de son audition par les services de police qu'étant retraité et après avoir effectué son premier pèlerinage en 1998, il avait été contacté en 2004 pour se voir proposer d'être accompagnateur ; qu'en 2005 et 2006, il a été accompagnateur pour l'agence parisienne AMEN VOYAGES ; qu'en 2007, il a été contacté par le responsable de l'agence MANASIK VOYAGES, avec laquelle il a signé un contrat prévoyant la prise en charge des frais de voyage et d'hébergement des accompagnateurs par l'agence ; que les publicités pour le voyage d'un mois pour le prix de 2 490 € au départ de BALE-MULHOUSE étaient largement distribuées dans les mosquées ; qu'il apparaît que M. X... a agi pour la région strasbourgeoise dans le même cadre de M. F... ; qu'en effet, différents pèlerins dont M. B..., M. G... Abdelkader, M. H... Ali, M. Z... Mohamed, M. I... Mohand, dont les plaintes sont annexées à la procédure de police versée aux débats, ont indiqué avoir été démarchés par M. X... Ramdane, qui leur a remis le même document publicitaire qu'aux époux Y... ; que sur certains de ces documents, le nom de M. X... et ses coordonnées téléphoniques ne sont d'ailleurs pas seulement indiquées manuscritement, mais sont imprimées sur l'offre, ce qui démontre qu'elle émanait bien de lui et n'a pas seulement été remise aux participants après leur engagement ; que ce n'est pas à la demande des pèlerins que M. X... a accepté d'être le responsable du groupe, mais il était identifié en cette qualité pour recruter des participants au pèlerinage ; que M. X... a donc agi en recrutant les participants et collectant les fonds et les pièces nécessaires à l'établissement des visas pour l'organisation du voyage qu'il a proposé aux pèlerins ; qu'il ressort aussi des pièces produites que, contrairement à ses affirmations, l'appelant n'est pas président de l'association de la réforme sociale de Hautepierre, qui gère le seul lieu de culte musulman de ce quartier et dans lequel, selon attestation du président M. J... Abdelhafid, il n'a occupé aucune responsabilité depuis le 16 mai 1999 ; que ce n'est donc pas en sa qualité de responsable musulman que M. X... a été spontanément contacté par les pèlerins, ainsi qu'il l'affirme ; que M. X... a par ailleurs, de notoriété publique, accompagné en tant que responsable pendant plusieurs années des groupes de pèlerins pour le Hajj, selon les attestations produites au dossier ; que ces éléments permettent de démontrer que M. X... Ramdane est apparu aux pèlerins qui se sont engagés pour le voyage et ont contracté avec lui, comme l'organisateur, avec la compagnie MANASIK VOYAGES, de la prestation proposée qui entre dans le cadre des articles précités du code du tourisme, s'agissant de vente de voyages et de séjours individuels ou collectifs ; que le fait que l'appelant ait exercé sa mission à titre gratuit est sans emport sur sa responsabilité envers les intimés, les dispositions du code du tourisme s'appliquant quelles que soient les modalités de la rémunération des personnes physiques organisant les prestations ; que de même, il importe peu que l'appelant n'ait pas été poursuivi pour avoir exercé une activité réglementée sans être immatriculé, cette situation n'empêchant pas que sa responsabilité en tant qu'organisateur de fait d'une prestation entrant dans le cadre des articles L. 211-1 du code du tourisme, l'article L. 211-16 du même code prévoyant la responsabilité de toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 ; que M. X... est de ce fait responsable envers les intimés de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et c'est à bon droit que le premier juge l'a condamné solidairement avec la société MANASIK VOYAGES à leur rembourser la somme de 2 200 € au titre du solde du prix versé pour le voyage qui ne leur a pas été remboursé ; que concernant les dommages et intérêts réclamés en raison du préjudice moral résultant de l'annulation du voyage, il ressort du compte rendu de l'enquête des services de police de Strasbourg et de Besançon que le délit d'escroquerie n'a pas été retenu car il a pu être déterminé qu'il y avait eu de réels problèmes pour l'obtention des visas, ce qui a entraîné l'annulation des pèlerinages ; que M. X... n'étant pas responsable du refus de délivrance des visas par l'ambassade d'Arabie Saoudite, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X... à payer des dommages et intérêts pour préjudice moral sur ce point » (arrêt n° RG : 13/ 00064, p. 5 et s.) ;
Alors que la responsabilité de plein droit, prévue par l'article L. 211-16 du code du tourisme, incombant aux personnes, physiques ou morales, qui se livrent ou apportent leur concours à l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours, ne concerne, en vertu de l'article L. 211-1 du même code, que celles qui perçoivent à cette occasion une rémunération, quelles qu'en soient les modalités ; que pour condamner M. X... à indemniser les pèlerins dont le voyage a été empêché, les arrêts retiennent que le fait que l'intéressé ait exercé sa mission à titre gratuit est sans emport sur sa responsabilité, les dispositions du code du tourisme s'appliquant quelles que soient les modalités de la rémunération des personnes physiques organisant les prestations ; qu'en statuant ainsi, bien que la responsabilité de plein droit ne pesât pas sur une personne n'ayant perçu aucune rémunération, la cour d'appel a violé les articles susvisés dans leur rédaction applicable en la cause.