Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'association Salem,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 11 juin 2015, qui, pour infractions aux dispositions du code de l'urbanisme, a ordonné la fermeture définitive de l'établissement litigieux, ordonné une mesure d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'association Salem, ayant un objet cultuel (l'association), et ayant, au moment des faits, M. X... comme président, a déposé, le 16 juin 2009, un permis de construire pour réhabiliter un bâtiment industriel, situé sur la commune de Meythet, en lieu de culte comportant des salles polyvalentes et la création d'un logement de fonction ; que la mairie ayant refusé l'autorisation, par arrêté du 7 septembre 2009, au motif que le projet contrevenait tant aux dispositions du Plan local d'urbanisme (PLU) qu'à celles du Plan de prévention des risques de la commune (PPR), les travaux ont cependant été entrepris, au cours de l'année 2010 ; que l'association Salem a été citée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel des chefs d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols, et de construction ou aménagement d'un terrain non conforme au plan de prévention des risques naturels, lequel a déclaré l'association et son président coupables des faits reprochés et a condamné la première, à titre de peine principale, à la fermeture définitive de l'établissement litigieux et à titre de peine complémentaire, à l'affichage de la décision aux portes du local de l'association pour une durée d'un mois ; que les prévenus ont interjeté appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 480-4, L. 480-4-2, L. 480-5 du code de l'urbanisme, 111-5 et 131-39, 4°, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré l'association Salem coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, d'infraction au plan local d'urbanisme (PLU) et d'infraction au plan de prévention des risques naturels (PPRN), a confirmé la peine de fermeture définitive de l'établissement prononcée par les premiers juges ainsi que la peine complémentaire d'affichage de la décision aux portes de l'établissement pour une durée d'un mois ;
" aux motifs que les éléments du dossier font apparaître que M. X... était le président en titre de l'association Salem depuis le mois de février 2007, qu'il l'était, à la date du 26 novembre 2007, lors de la délivrance du récépissé de modification des statuts par la préfecture et qu'il l'était toujours, le 27 octobre 2010, lors de son audition par les services de gendarmerie de la brigade territoriale de Meythet dans le cadre de l'enquête faite sur la commission des infractions reprochées, les travaux ayant été engagés au cours de l'année 2010 et arrêtés, selon le trésorier, M. Y..., en août 2010, la police municipale ayant constaté des travaux sur le toit ayant abouti à une modification de la toiture, le 18 août 2010, et qu'il le restera, semble-t-il jusqu'en 2012 ; qu'à ce titre, M. Mohamed X... est poursuivi en sa qualité de personne physique sur les trois chefs de prévention reprochés, et il doit être considéré comme étant l'organe de la personne morale de l'association Salem ayant agi, association également poursuivie au titre des trois infractions reprochées ; que, sur l'infraction d'exécution des travaux ou utilisation du sol sans permis de construire reprochée à M. X..., personne physique, et sur l'infraction d'exécution en qualité de personne morale des travaux ou d'utilisation du sol sans permis de construire, reprochée à la personne morale, l'association Salem ; qu'il résulte de l'enquête diligentée par les services de la gendarmerie, faisant suite au dépôt de la première demande de permis de construire, en date du 16 juin 2009, rejetée par la mairie le 7 septembre 2009, que l'ancien bâtiment industriel existant dans la zone artisanale de Meythet avait fait l'objet de modifications intérieures substantielles, avec transformation notable du bâtiment réhabilité en vue ; qu'en l'absence d'éléments concernant la nécessité d'obtenir un permis de construire par suite de la modification de la structure du bâtiment, la mesure d'expertise ordonnée a permis de décrire les modifications exactes intervenues, tant au niveau des travaux généraux d'électricité et de chauffage ; que des travaux selon les niveaux concernés, avant de retenir une « redistribution intérieure de l'espace existant sans atteinte structurelle apparente », « une modification de l'aspect extérieur du bâtiment au niveau du toit, des menuiseries, de la création d'un escalier de secours », et de conclure en conséquence à un changement de destination d'un local, passant d'une menuiserie à une activité non conforme à celle prévue dans le cadre de la zone concernée, avec intervention de travaux sur le bâti existant affectant sa distribution, son aménagement et son aspect extérieur, « qui auraient dû donner lieu à obtention d'un permis de construire » ; que la direction départementale des territoires de la Haute Savoie, suite à ce rapport d'expertise, préconisait que « du fait de la création d'un escalier intérieur et d'un escalier extérieur affectant la structure porteuse de bâtiment, outre les diverses modifications relevées par l'expert », il convenait de retenir à l'encontre des deux prévenus l'infraction d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire soit pas personne physique, soit par personne morale selon le prévenu concerné ; que les prévenus ne contestent pas leur culpabilité concernant la commission des infractions reprochées, il convient de les retenir dans les liens de la prévention sur ces chefs d'infractions ; que, sur les infractions d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance du Plan Local d'Urbanisme reprochées aux deux prévenus, M. Mohamed X... et l'Association Salem, au niveau des articles :- UX2-2 autorisant les seules activités artisanale, tertiaire, industrielle ou commerciale, ce qui n'est pas le cas de l'activité exercée dans les locaux ;- UX 12 du fait de l'absence d'espaces suffisants aménagés pour assurer le stationnement des véhicules, selon les indications de la direction départementale des territoires, il résulte des éléments de l'enquête que ces infractions sont parfaitement établies ; qu'en effet, il apparaît que d'une part, l'activité signalée comme étant exercée par l'association Salem ne rentre pas dans les critères définis par le plan local d'urbanisme, applicable dans la ZA, ce qui a été rappelé au demeurant par le tribunal administratif de Grenoble, le 11 décembre 2014, qui a indiqué que les dispositions de l'article UX2 devaient être interprétées comme n'autorisant que la réalisation de constructions liées à une activité économique marchande et que le projet prévu ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une telle activité ; que d'autre part, en l'absence d'autorisation d'urbanisme, le stationnement n'a pas été organisé, alors même que des stationnements intempestifs ont été signalés par les entreprises voisines ; que les prévenus ne contestent pas leur culpabilité concernant la commission des infractions reprochées, qu'il convient de les retenir dans les liens de la prévention de ces chefs d'infractions ; que, sur les infractions au PPRN, « le fait de construire sur un terrain ou aménager celui-ci dans une zone interdite par le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé par la commune de Meythet ou de n'avoir pas respecté les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation prescrites par ce plan », il résulte du rapport de la direction départementale des territoires, que le bâtiment est situé pour partie en zone H du plan de prévention des risques naturels de la commune de Meythet, qui est une zone de risque de phénomène torrentiel de degré d'aléa moyen ; qu'il est prévu que dans une telle zone, l'implantation d'équipements sensibles, tels que santé, sécurité, éducation, centre de vacances ou de loisirs est interdite ; qu'en l'espèce, la présence de salles de classe et de prière, recevant du public, est absolument incompatible avec le règlement de la zone ; que les prévenus ne contestent pas leur culpabilité concernant la commission des infractions reprochées, il convient de les retenir dans les liens de la prévention sur ces chefs d'infractions, les infractions de construction ou aménagement de terrain non conforme au PPR étant constituées ; que sur la peine concernant l'association Salem, l'article L. 480-4-2 du code de l'urbanisme prévoit pour les personnes morales à titre de sanction une peine d'amende et les peines prévues par les articles 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal ; qu'en exécutant les travaux sans attendre le résultat positif de la demande de permis de construire, mettant ainsi la mairie devant le fait accompli, en multipliant les demandes de permis de construire, une quatrième ayant été déposée juste avant l'audience, alors même que les trois premières ont toutes été refusées, avec en outre, l'intervention d'une décision administrative venue confirmer le refus de la troisième, en s'entêtant, alors même qu'il n'est pas possible de donner un quitus à un établissement figurant au plan de prévention des risques naturels pouvant donner lieu à de nombreuses victimes en cas de crues sévères, il apparaît que ce comportement doit être sanctionné conformément à la loi ; que la peine initialement prononcée par les premiers juges de fermeture définitive de l'établissement ayant servi à commettre les faits incriminés, prévue par le 4° de l'article 131-39 du code pénal, sera en conséquence entièrement confirmée ; que la décision d'affichage de la décision aux portes de l'établissement, prévue par le 9° de l'article 131-39 du code pénal à titre de sanctions pour les personnes morales sera également ordonnée pour la durée initialement fixée, confirmant ainsi le jugement entrepris sur ce point ;
" 1°) alors qu'il appartient au juge pénal de relever d'office tout moyen qui est de nature à priver la poursuite de son fondement légal ; qu'en déclarant la prévenue coupable des infractions au code de l'urbanisme reprochées, sans même s'interroger sur la légalité des arrêtés municipaux ayant refusé les permis de construire sollicités, s'étant fondés d'une part, sur l'existence d'une zone de risque d'inondation définie par le PPRN, et d'autre part, sur l'interdiction du type de destination du bâtiment en cause par le PLU, quand le bâtiment n'était situé que pour partie dans la zone H du PPRN, les locaux litigieux ayant été exclus de la zone critique, et quand les dispositions du PLU autorisant les seules activités artisanale, tertiaire, industrielle ou commerciale, ne pouvaient être interprétées comme n'autorisant que la réalisation de constructions liées à une activité économique marchande, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale ;
" 2°) alors que, lorsque des travaux ont été irrégulièrement entrepris sans permis de construire, la délivrance ultérieure d'un autre permis, si elle ne fait pas disparaître l'infraction consommée, fait nécessairement obstacle au prononcé d'une fermeture définitive de l'établissement ayant servi à commettre les délits incriminés ; qu'en se bornant à prononcer la peine initialement prononcée par les premiers juges de fermeture définitive de l'établissement sans même rechercher préalablement si la nouvelle demande de permis de construire déposée le 24 avril 2015 par l'association Salem, et expressément évoquée par l'arrêt attaqué, n'allait pas permettre de régulariser la situation administrative de ces ouvrages, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 3°) alors que le droit au respect des biens protégés par l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme suppose que la peine de fermeture définitive d'un établissement dont la prévenue est propriétaire, prononcée pour infractions aux règles d'urbanisme, ne puisse être ordonnée que si elle n'est pas manifestement disproportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en ordonnant en l'espèce la fermeture définitive de l'établissement ayant servi à commettre les faits incriminés, sans même rechercher si, en l'absence de tout lieu de culte dans le bassin annécien, la fermeture d'un établissement accueillant des centaines de personnes venant prier, parfaitement encadrées par les membres bénévoles de l'association, et s'étant adapté aux contraintes liées aux inondations et aux recommandations apportées par le PPRN, en ayant exclu notamment les locaux visés au règlement H dudit plan de la zone critique, n'était pas manifestement disproportionnée au regard du droit de propriété de l'association et des nécessités tenant aux circonstances de l'espèce, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, d'une part pour déclarer l'association coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que les travaux ont été exécutés en méconnaissance du PLU, autorisant les seules activités artisanale, tertiaire, industrielle ou commerciale, ce qui n'est pas le cas de l'activité exercée dans les locaux et que le bâtiment est situé pour partie en zone H du plan de prévention des risques naturels de la commune, l'implantation de salles de classe et de prière, recevant du public, étant incompatible avec le règlement de la zone ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait ni à examiner d'office la légalité des arrêtés de refus de permis de construire, fondés sur la méconnaissance des règlements d'urbanisme précités, dont les prévenus reconnaissaient s'être rendus coupables, ni à tenir compte d'une quatrième demande de permis de construire, déposée peu avant l'audience d'appel, a justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que l'association ait soutenu devant la cour d'appel le caractère manifestement disproportionné de la fermeture ordonnée au regard du droit au respect de ses biens, protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou au regard des nécessités tenant aux circonstances de l'espèce ; que le moyen pris d'une telle atteinte est donc nouveau ; qu'appelant la prise en considération d'éléments de fait qui ne résultent pas des constatations de l'arrêt, il est mélangé de fait ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 480-1 et 591 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. X... et l'association Salem à payer à la commune de Meythet la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la somme de 1 200 euros au titre des mêmes frais exposés devant la cour ;
" alors que la solidarité édictée par l'article 480-1 du code de procédure pénale pour les restitutions et dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en condamnant solidairement les prévenus, à payer sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale la somme de 2 200 euros à la partie civile, la cour d'appel a méconnu les textes précités " ;
Vu les articles 475-1 et 480-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que la solidarité édictée par le second de ces textes pour les restitutions et les dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables, lesquels ne peuvent donner lieu qu'à une condamnation in solidum ;
Attendu que l'arrêt confirme le jugement en ce qu'il a condamné solidairement, l'association et M. X... à verser les sommes allouées à la partie civile au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de M. Mohamed X... qui ne s'est pas pourvu ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant prononcé solidairement les condamnations des prévenus au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 11 juin 2015 ;
DIT que les condamnés sont tenus in solidum au paiement des sommes allouées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.