LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 583 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2014), que la société DP immobilier, propriétaire d'un logement donné à bail à M. X..., a, après lui avoir délivré un congé pour vendre, cédé le bien à la société civile immobilière (SCI) 2L ; que, par arrêt du 29 mars 2011, la cour d'appel de Paris, saisie par la SCI 2L en validation du congé, a reporté ses effets au 9 octobre 2009 et ordonné l'expulsion de M. X... ; que la société DP immobilier, assignée par celui-ci en indemnisation de la perte de chance d'exercer son droit de préemption dans les deux premiers mois du préavis précédant ce terme, a formé tierce opposition à cet arrêt ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la tierce opposition, l'arrêt retient que, dans l'instance en validation du congé délivré par la société DP immobilier à M. X..., son locataire, la SCI 2L, nouveau propriétaire, tirait ses droits de la société DP immobilier et agissait en qualité de bailleur, et que la société DP immobilier était ainsi représentée, dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 29 mars 2011, par la SCI 2L, son ayant cause à titre particulier, toutes deux possédant la même qualité de bailleur vis-à-vis de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur d'un bien immobilier donné à bail d'habitation n'est pas représenté par l'acquéreur dans l'instance en validation du congé, délivré avant la vente, engagée par celui-ci à l'encontre du locataire, de sorte qu'il est recevable à former tierce opposition à la décision statuant sur la validité du congé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. X... et la SCI 2L aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI 2L à payer à la société DP immobilier la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société DP immobilier.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la tierce opposition formée par la société DP Immobilier contre l'arrêt prononcé le 29 mars 2011 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 583 du code de procédure civile dispose en ses alinéas 1 et 2 : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres » ;que - la SCI du 19 rue des Poissonniers a donné à bail un logement à M. X... pour une durée de six ans à compter du 10 octobre 1997, - le bail s'est renouvelé par tacite reconduction à son échéance à compter du 10 octobre 2003, - la société DP Immobilier, ayant acquis l'immeuble dont dépend le logement en cause, a fait délivrer le 31 mars 2006 à M. X... un congé pour vendre à effet au 9 octobre 2006,- suivant acte authentique du 21 juillet 2006, la SNC DP Immobilier a vendu l'immeuble à la société civile 2L, laquelle a fait assigner le 23 juillet 2007 M. X... en validation du congé et pour voir ordonner son expulsion des lieux devant le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris, qui s'est prononcé par jugement du 10 septembre 2008,- sur appel par M. X... de ce jugement, la cour a rendu l'arrêt contre lequel la SNC DP Immobilier a formé tierce opposition ; que, dans l'instance en validation du congé délivré le 31 mars 2006 par la SNC DP Immobilier à M. X..., son locataire, la SCI 2L, nouveau propriétaire, tirait ses droits de la SNC DP Immobilier et agissait en qualité de bailleur ; que la SNC DP Immobilier était ainsi représentée dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 29 mars 2011 par la SCI 2L,son ayant cause à titre particulier, toutes deux possédant la même qualité de bailleur vis à vis de M. X... ; que, de surcroît et en tout état de cause, la SNC DP Immobilier n'invoque aucun moyen qui lui soit propre, puisqu'elle excipe du caractère familial de la SCI du 19 rue des Poissonniers, qui a été invoqué par la SCI 2Let débattu devant la cour ; que la SNC DP Immobilier ne prétend pas davantage que l'arrêt du 29 mars 2011 a été rendu en fraude de ses droits ; qu'en conséquence, les conditions de l'article 583 du code de procédure civile n'étant pas réunies, la tierce opposition de la société DP immobilier n'est pas recevable ;
1°) ALORS QUE dans un litige portant sur le bien vendu l'acquéreur ne représente pas le vendeur ; que le vendeur peut former tierce opposition à la décision intervenue entre cet acquéreur et le locataire de l'immeuble vendu ; qu'en décidant que le vendeur, la société DP Immobilier, était représenté par l'acquéreur, la société 2L, son ayant-cause, dans l'instance opposant cet ayant-cause au locataire de l'immeuble vendu, Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article 538 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE n'est pas un ayant-cause à titre particulier le vendeur d'un immeuble par rapport à son acquéreur ; qu'il est l'auteur ; qu'en déclarant irrecevable la tierce opposition de la société DP Immobilier au motif qu'elle n'invoquait pas de moyen propre, condition qui ne concerne que les créanciers ou les ayants cause, considérés comme représentés dans la procédure, la Cour d'appel a violé l'article 583 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, il n'existe pas de représentation entre le vendeur et l'acquéreur pour les actes de procédures accomplis après la cession du bien ; que l'arrêt du 29 mars 2011 a été rendu après la vente de l'immeuble par la société DP Immobilier à la société 2L, intervenue le 21 juillet 2006 ; qu'il n'existait plus aucun lien de représentation possible entre le vendeur et l'acheteur lors de l'instance opposant la société 2L à Monsieur X... devant la Cour d'appel de Paris ; qu'en décidant que la société 2L a représenté la société DP Immobilier, la Cour d'appel a violé l'article 583 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que l'ancienne bailleresse n'est pas représentée par la nouvelle bailleresse dans l'instance engagée par cette dernière contre son locataire ; qu'elle peut former tierce-opposition à l'arrêt rendu entre ces deux parties ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel a violé l'article 583 du Code de procédure civile.