LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Mustapha X...,
- M. Stéphane Y..., partie civile,
- Mme Anne Z..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 5 février 2015, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, conduite en état d'ivresse manifeste et conduite sans permis, à un an et six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, MM. Laurent, Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Valat ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, VEXLIARD et POUPOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi formé par M. X...:
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire commun aux demandeurs, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-1, 222-7 et 222-8 10° du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à requalification des faits reprochés à M. A..., qualifiés par la prévention d'homicide involontaire aggravé, en violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ;
" aux motifs que sur l'action publique concernant M. A..., sur la requalification criminelle des faits, pour les parties civiles, chacun des faits ou des comportements imputables à M. A... constituent une violence volontaire et ne sauraient relever de la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi on (sic) le règlement ; que si le comportement de M. A... est bien à l'origine du décès de Charlotte Y..., à savoir qu'étant conducteur d'un véhicule à vitesse excessive, sous l'imprégnation alcoolique, sous l'emprise de stupéfiants et en violant les règles de conduite, il a directement causé sa mort, il n'est pas soutenu que ce comportement, qui en soi ne peut être défini comme violence au sens pénal strict du terme, a été volontairement dirigé contre Charlotte Y..., qu'il ne connaissait pas, ou contre quiconque ; que M. A... n'était pas en état de vouloir causer la mort de Charlotte Y...au regard de l'inconscience comateuse dans lequel (sic) il se trouvait du fait de son alcoolémie, ce sont des fautes caractérisées de conduite qui sont à l'origine de l'accident mortel et non une quelconque intention de sa part d'attenter à l'intégrité d'autrui ; que la multiplicité des circonstances aggravantes ne saurait aboutir à la transformation d'un délit où les violations même multiples des règles de conduite ont entraîné un accident mortel en un crime où la volonté de porter atteinte à autrui est délibérée même si ce n'est pas la mort qui a été souhaité (sic) ; qu'en retenant à l'encontre du prévenu « la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » prévue par l'article 221-6, alinéa 2, du code pénal et permettant de porter à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende les peines applicables, les premiers juges ont pris en compte les fautes caractérisées du conducteur, fautes encore aggravées par les circonstances prévues par l'article 221-6-1 du code pénal permettant de porter la peine à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende ; que la cour confirmera en conséquence la qualification délictuelle des faits et rejettera la demande des parties civiles sur le fondement de l'article 469 du code de procédure pénale " ;
" 1°) alors que le crime de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner est, par définition, exclusif de l'intention de tuer ; qu'en l'espèce, pour écarter la requalification criminelle des faits la cour d'appel a considéré que le prévenu n'était pas en état de vouloir causer la mort de la victime au regard de l'inconscience comateuse dans laquelle il se trouvait du fait de son alcoolémie ; qu'en statuant ainsi, au motif inopérant pris de l'absence d'animus necandi d'un crime étranger à toute intention de donner la mort, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-7 et 222-8 10° du code pénal et a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;
" 2°) alors qu'il appartient au prévenu d'alléguer et d'établir l'existence d'une cause subjective d'irresponsabilité ; que le juge pénal ne peut donc soulever une telle cause d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le prévenu n'était pas en état de vouloir causer la mort de la victime au regard de l'inconscience comateuse dans laquelle il se trouvait du fait de son alcoolémie ; qu'en statuant ainsi, par motifs au demeurant en totale contradiction avec la condamnation du prévenu pour homicide involontaire aggravé par l'état d'ivresse manifeste, la cour d'appel, qui a relevé d'office l'abolition de la capacité de vouloir du prévenu pour écarter la requalification criminelle des faits, a violé l'article 122-1 du code pénal ;
" 3°) alors que la violence volontaire est constituée, quel qu'en soit le résultat, par tout acte positif commis avec la conscience du caractère prévisible du dommage ; que l'élément intentionnel des violences volontaires réside dans le seul fait de vouloir l'acte, peu important que l'auteur ait ou non voulu causer le dommage, donc ait eu l'intention d'attenter à l'intégrité d'autrui, que celui-ci soit ou non identifié ; qu'en l'espèce, le prévenu a bu et a consommé volontairement des stupéfiants avant de prendre le volant pour conduire à vitesse excessive au volant d'un véhicule devenu une arme par destination ; qu'un tel comportement est un acte intentionnel de nature à impressionner vivement les autres conducteurs et les piétons et n'a pu être adopté qu'avec la conscience du caractère prévisible du dommage ; qu'en se contentant d'affirmer que le comportement du prévenu ne pouvait, en soi, être défini comme violence au sens pénal strict du terme en raison notamment de l'absence d'intention d'attenter à l'intégrité d'autrui, donc de causer un dommage, la cour d'appel a violé les articles 222-7 et 222-8 10° du code pénal " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 22 décembre 2012, M. Lhoussain A..., qui conduisait son véhicule à une vitesse excessive, sous l'empire d'un état alcoolique et après avoir absorbé des produits stupéfiants, a renversé un piéton, Charlotte Y..., au moment où la jeune fille traversait une rue ; qu'ayant pris la fuite, il a été identifié et interpellé par les enquêteurs ; que la victime est décédée après son transport à l'hôpital ; qu'avant l'accident, M. Mustapha X..., qui conduisait le même véhicule en état d'ivresse, avait laissé le volant à M. A... en sachant que ce dernier était sous l'effet conjugué de l'alcool et de la drogue ; que par ordonnance du 29 novembre 2013, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel M. A... sous la prévention d'homicide involontaire aggravé par plusieurs circonstances, à savoir la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence et de sécurité, la conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et après usage de stupéfiants, la conduite sans permis et le délit de fuite, et M. X...sous la prévention de conduite en état d'ivresse et défaut de permis de conduire ; que les parties civiles, estimant que le comportement de M. X...avait contribué à la réalisation de l'accident, ont pris l'initiative de faire citer ce dernier devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire ; que par jugements des 2 janvier et 4 mars 2014, le tribunal correctionnel a retenu la culpabilité des deux prévenus pour l'ensemble des infractions poursuivies, a prononcé les peines et a statué sur les intérêts civils ; que des appels ont été interjetés par les prévenus, le ministère public, les parties civiles et le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;
Attendu qu'après avoir ordonné la jonction des procédures, la cour d'appel a rejeté la demande des parties civiles, recevable en application des dispositions de l'article 469, dernier alinéa, du code de procédure pénale, tendant à ce que les faits reprochés à M. A... sous la qualification d'homicide involontaire aggravé soient requalifiés en violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, aux motifs que, si l'excès de vitesse, l'imprégnation alcoolique et l'absorption de stupéfiants sont caractérisés, il ne résulte d'aucun élément du dossier que le prévenu ait eu l'intention de causer des violences à Charlotte Y...;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, abstraction faite du motif erroné mais surabondant selon lequel M. A... " n'était pas en état de vouloir causer la mort de Charlotte Y...au regard de l'inconscience comateuse dans laquelle il se trouvait du fait de son alcoolémie ", l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.