Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. René-Paul X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 16 décembre 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 novembre 2013, n° 12-83294), l'a condamné, pour discrimination, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, trois ans d'inégibilité, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, de la société civile professionnelle JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 225-1 et 225-2 du code péal, 591 et 593 du code de procéure péale, déaut de motifs, manque de base léale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de discrimination prévu et réprimé par les articles 225-1 et 225-2, 3° du code pénal ;
" aux motifs qu'il ressort de l'ensemble de la procédure que :- M. X... a présidé l'exécutif de la CINOR, non à compter de juillet 2002 comme il l'a affirmé, mais dès le début de l'année 2002 ainsi que cela ressort de plusieurs documents reçus ou adressés au prévenu ;- il a pris en qualité de président et en tant que chef des services toutes décisions engageant la CINOR pendant deux ans à compter de janvier 2002, les explications tardives de ses deux vice-présidents ne permettent pas de qualifier de décision collégiale la décision de l'organe exécutif, serait-elle précédée d'une délibération avec ses collègues ;- il a seul recruté le directeur général des services afin qu'il mette en oeuvre, dès le début du mois de février 2002, la réorganisation des services, en particulier celle du « pôle logistique » de la CINOR en la justifiant par des impératifs économiques qui n'ont pas été démontrés ;- il a refusé de renouvelé le CEC de M. Y... en suivant une procédure hasardeuse et opaque, entachée d'irrégularités prouvant la précipitation de cette mesure engagée dès le mois de mai 2002 et qualifiée d'« exceptionnelle » sans justifier d'une insuffisance professionnelle du salarié ;- il a choisi en connaissance de cause de ne pas renouveler le contrat de la partie civile en raison des opinions politiques de son frère, M. Mickaël Y..., engagé contre son équipe dans le cadre de la campagne des élections cantonales en novembre 2002 ; qu'en l'état de ces éléments qui établissent la concomitance entre l'arrivée de M. X... à la tête de la CINOR et la mesure de non-renouvellement du CEC de M. Roland Y... comme la rivalité du prévenu avec le frère de la partie civile, le délit, prévu et réprimé par les articles 225-1 et 225-2, 3°, du code pénal, de discrimination consécutif à un refus d'embauche ou à un licenciement en raison de la situation de famille de la victime, en l'espèce la carrière ou les opinions politiques de son frère, est caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel ;
" 1°) alors que le non-renouvellement par un établissement public d'un contrat de travail à durée déterminée ne constitue ni un refus d'embauche ni un licenciement au sens de l'article 225-2, 3°, du code pénal, qui doit être interprété strictement en vertu de l'article 111-4 du même code ; que, dès lors, en retenant que le non-renouvellement du contrat emploi consolidé de M. Y... valait refus d'embauche ou licenciement au sens de l'article 225-2, 3°, du code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés.
" 2°) alors que la discrimination opérée entre les personnes à raison des opinions politiques d'un membre de leur famille ne constitue ni une discrimination opérée entre les personnes à raison de leur situation de famille, ni une discrimination opérée entre les personnes à raison de leurs opinions politiques au sens de l'article 225-1 du code pénal qui doit être interprété strictement en vertu de l'article 111-4 du même code ; qu'en se fondant, pour déclarer M. X... coupable du délit de discrimination prévu et réprimé par les articles 225-1 et 225-2, 3°, du code pénal, sur la circonstance que la décision, qu'elle imputait à M. X..., de ne pas renouveler le contrat emploi consolidé de M. Y... aurait été prise à raison des opinions et de la carrière politiques du frère de celui-ci, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, qu'invoquant une réorganisation de ses services, la communauté intercommunale du nord de la Réunion (CINOR) a refusé de renouveler, en octobre 2002, le contrat emploi consolidé dont avait bénéficié M. Y... à compter du 1er septembre 1998, alors que ce contrat avait été renouvelé chaque année et qu'un plan de titularisation du personnel contractuel avait été mis en oeuvre au sein de la CINOR ; que M. Y... a porté plainte et s'est constitué partie civile contre le président de cette communauté intercommunale, M. X..., du chef de discrimination pour avoir refusé de renouveler son contrat en raison des activités politiques de son frère ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. X... devant le tribunal correctionnel du chef de discrimination en raison de la situation de famille ; que le tribunal correctionnel, saisi par la chambre de l'instruction de ce chef, a déclaré irrecevable l'action de la partie civile ;
Attendu que, infirmant le jugement sur la recevabilité de l'action de la partie civile, l'arrêt, pour retenir la culpabilité du prévenu, après avoir énoncé que le refus, par cette communauté intercommunale, de renouveler le contrat à durée déterminée de ce salarié équivalait à un refus d'embauche ou à un licenciement, ajoute que ce refus a été inspiré par des motifs discriminatoires dès lors que cette décision, dépourvue de justification économique, a été mise en oeuvre selon une procédure exceptionnelle ; que les juges précisent que ce refus de renouvellement de contrat résulte de décisions adoptées à la seule initiative de M. X..., dès sa prise de fonction de président de l'exécutif de la CINOR, et alors que, concomitamment, ce dernier s'opposait au frère de M. Y... dans le cadre d'une campagne électorale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent l'infraction de discrimination en raison de la situation familiale en tous ses éléments constitutifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, le refus du renouvellement d'un contrat à durée déterminée d'un salarié, qui entre dans le champ d'application de l'article 225-2, 3°, du code pénal, constitue une discrimination au sens des textes précités, dès lors qu'est avérée la prise en considération, par l'auteur du refus, de l'engagement politique d'un membre de la famille du salarié concerné ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. Roland Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.