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16/06/2016 | FRANCE | N°15-19364

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 15-19364


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 26 mars 2015), que la société Dieppedis (l'employeur) a saisi une juridiction du contentieux technique de l'incapacité, d'une contestation de la décision du 1er septembre 2008 de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe fixant au taux de 10 % l'incapacité permanente partielle de l'un de ses salariés, M. X..., victime d'un acciden

t du travail survenu le 11 novembre 2006 ;

Attendu que l'employeur f...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 26 mars 2015), que la société Dieppedis (l'employeur) a saisi une juridiction du contentieux technique de l'incapacité, d'une contestation de la décision du 1er septembre 2008 de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe fixant au taux de 10 % l'incapacité permanente partielle de l'un de ses salariés, M. X..., victime d'un accident du travail survenu le 11 novembre 2006 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de ne pas renvoyer cette contestation devant le tribunal du contentieux de l'incapacité et de rejeter sa demande d'inopposabilité de la décision de la caisse, alors, selon le moyen, que le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique l'obligation d'offrir à chaque partie à un procès une possibilité effective de remettre en cause un acte qui constitue une ingérence dans ses droits ; que ce principe impose, en matière de contestation du taux d'incapacité professionnelle, que l'employeur, qui ne dispose d'aucun élément relatif à l'état de santé du salarié, ait la possibilité de remettre en cause, dans le cadre d'un véritable débat médical, le diagnostic qui lui est opposé par l'organisme de sécurité sociale ; qu'un tel débat exige, en présence d'une discussion portant sur l'état d'incapacité d'un salarié, que l'employeur puisse avoir accès à l'ensemble des éléments du dossier médical du salarié ; que ce principe de l'égalité des armes doit être observé devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, sa méconnaissance devant les premiers juges ne pouvant être réparée en cause d'appel sauf à priver l'employeur du principe du double degré de juridiction ; que devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la société Dieppedis sollicitait le renvoi de l'affaire devant le tribunal du contentieux de l'incapacité afin qu'un débat loyal puisse s'instaurer sur le rapport médical de M. X..., qui n'avait été communiqué qu'en cause d'appel ; qu'en refusant de faire droit à cette demande et en statuant sur le fond de l'affaire, sans renvoyer l'affaire devant le premier juge au motif que la communication du rapport médical en cause d'appel avait permis « un débat contradictoire sur le bien-fondé de la décision attributive de rente », cependant que le principe de l'égalité des armes doit être observé dès la première instance, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a méconnu le principe du procès équitable et a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, outre les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la caisse a produit la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le certificat médical final, les fiches de liaisons médico-administratives, la notification de la décision de la date de consolidation, la notification de la décision du taux d'incapacité attribué, les conclusions du rapport médical d'évaluation des séquelles ; que par courrier du 20 mars 2013, le service médical de Normandie a transmis, à la demande de la Cour nationale, l'entier rapport médical de M. X..., en double exemplaire, sous pli confidentiel ; qu'un exemplaire a été transmis au médecin désigné par la société Dieppedis le 13 mai 2013, réceptionné le 15 mai 2013, afin de permettre un débat contradictoire sur le bien fondé de la décision attributive de rente ; que toutefois la société Dieppedis ne forme aucune demande de réduction du taux d'incapacité permanente partielle ; qu'en l'absence de demande de l'employeur, la Cour nationale ne peut que confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué par la caisse et rejeter la demande de renvoi devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, la société Dieppedis ayant eu la possibilité d'engager un débat contradictoire devant la Cour ;

Que de ces constatations et énonciations, la Cour nationale a exactement déduit, sans encourir le grief du moyen, que la production par la caisse du rapport d'incapacité permanente uniquement en cause d'appel, n'entraînait pas l'inopposabilité de la décision de celle-ci à l'employeur et qu'il n'y avait pas lieu à renvoi devant un tribunal du contentieux de l'incapacité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dieppedis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Dieppedis ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Dieppedis

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré opposable à la société Dieppedis la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe en date du 1er septembre 2008 reconnaissant à M. Claude X... un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % à la date de consolidation du 2 juin 2008 suite à l'accident du travail survenu le 11 novembre 2006 ;

AUX MOTIFS QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que, dans les rapports l'opposant à l'employeur, la caisse primaire est tenue de rapporter la preuve du bien-fondé de ses décisions ; qu'à cette fin, l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale dispose : « Dans les dix jours suivant la réception de la déclaration, le secrétariat du tribunal en adresse copie à la caisse intéressée et l'invite à présenter ses observations écrites, en trois exemplaires, dans un délai de dix jours./ Dans ce même délai, la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné » ; que la décision de la caisse arrêtant le taux d'incapacité permanente est fondée sur un avis émis par le médecin-conseil ; qu'il est donc essentiel que le rapport d'évaluation des séquelles établi par ce praticien soit transmis à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci afin de permettre un débat contradictoire, un procès équitable, un recours effectif tels que prévus par les articles 15 et 16 du code de procédure civile, 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que toutefois aucun de ces textes n'impose une transmission au début de l'instance ; qu'il suffit que la pièce soit communiquée en temps utile ; que la production de ce rapport par la caisse génère des difficultés dès lors que le médecin-conseil, qui relève de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, est tenu au secret médical et n'est pas partie à l'instance ; que le salarié n'étant pas non plus partie à l'instance, la caisse peut se trouver alors dans l'impossibilité de démontrer le bien-fondé de sa décision ; que, pour remédier à ces difficultés, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital a modifié l'article L. 143-10 du code de la sécurité sociale en organisant, dans le cadre d'une expertise organisée par la juridiction, la communication du dossier médical au médecin expert et à celui désigné par l'employeur ; qu'ainsi, l'article R. 143-32 résultant du décret d'application du 28 avril 2010 dispose : « Lorsque la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale saisie d'une contestation mentionnée aux 2° et 3° de l'article L. 143-1 a désigné un médecin expert ou un médecin consultant, son secrétariat demande au praticien-conseil du contrôle médical dont le rapport a contribué à la fixation du taux d'incapacité permanente de travail objet de la contestation de lui transmettre ce rapport./ Le praticien-conseil est tenu de transmettre copie de ce rapport en double exemplaire au secrétariat de la juridiction dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande. Chaque exemplaire est transmis sous pli fermé avec la mention " confidentiel " apposée sur l'enveloppe./ Le secrétariat de la juridiction notifie dans les mêmes formes un exemplaire au médecin expert ou au médecin consultant ainsi que, si l'employeur en a fait la demande, au médecin mandaté par celui-ci pour en prendre connaissance. Il informe la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle de la notification au médecin mandaté par l'employeur par tout moyen permettant d'établir sa date certaine de réception » ; que ces nouvelles dispositions visent à concilier le respect du secret médical et celui du principe du contradictoire consacrées par les articles 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles garantissent que les informations médicales relatives à la victime seront seulement communiquées à des médecins, tout en permettant à la procédure contradictoire de se dérouler normalement devant les tribunaux ; que s'il est constant qu'elles n'imposent nullement à la juridiction de mettre en oeuvre une expertise ou une consultation (la juridiction conservant son pouvoir souverain d'appréciation), elles admettent implicitement que la caisse n'est pas en mesure de fournir au tribunal les éléments suffisants pour statuer, sans que l'on puisse reprocher à celle-ci une carence dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, la caisse a produit la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le certificat médical final, des fiches de liaisons médico-administrative, la notification de décision de la date de consolidation, la notification de décision du taux d'incapacité attribué et les conclusions du rapport médical d'évaluation des séquelles ; que ces éléments ne suffisent pas à prouver le bien-fondé de la décision attributive de rente ; qu'au regard de l'ensemble de ces motifs, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rouen n'était pas fondé à refuser de faire application de l'article R. 143-32 du code de la sécurité sociale et à déclarer la décision attributive de rente inopposable à l'employeur ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré sur ce point ; que par courrier du 20 mars 2013, le service médical de Normandie a transmis, à la demande de la cour, l'entier rapport médical de M. Claude X... en deux exemplaires, sous pli confidentiel ; qu'un exemplaire de ce rapport a été communiqué au médecin désigné par la société Dieppedis le 13 mai 2013, réceptionné le 15 mai 2013, afin de permettre un débat contradictoire sur le bien-fondé de la décision attributive de rente ; que toutefois, la société Dieppedis ne forme aucune demande de réduction du taux d'incapacité permanente partielle ; qu'en l'absence de demande de l'employeur, la cour ne peut que confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué par la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe à M. Claude X... à la date du 2 juin 2008, et rejeter la demande renvoi devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, la société Dieppedis ayant eu la possibilité d'engager un débat contradictoire devant la cour ;

ALORS QUE le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique l'obligation d'offrir à chaque partie à un procès une possibilité effective de remettre en cause un acte qui constitue une ingérence dans ses droits ; que ce principe impose, en matière de contestation du taux d'incapacité professionnelle, que l'employeur, qui ne dispose d'aucun élément relatif à l'état de santé du salarié, ait la possibilité de remettre en cause, dans le cadre d'un véritable débat médical, le diagnostic qui lui est opposé par l'organisme de sécurité sociale ; qu'un tel débat exige, en présence d'une discussion portant sur l'état d'incapacité d'un salarié, que l'employeur puisse avoir accès à l'ensemble des éléments du dossier médical du salarié ; que ce principe de l'égalité des armes doit être observé devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, sa méconnaissance devant les premiers juges ne pouvant être réparée en cause d'appel sauf à priver l'employeur du principe du double degré de juridiction ; que devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la société Dieppedis sollicitait le renvoi de l'affaire devant le tribunal du contentieux de l'incapacité afin qu'un débat loyal puisse s'instaurer sur le rapport médical de M. X..., qui n'avait été communiqué qu'en cause d'appel (arrêt attaqué, p. 4 al. 9) ; qu'en refusant de faire droit à cette demande et en statuant sur le fond de l'affaire, sans renvoyer l'affaire devant le premier juge au motif que la communication du rapport médical en cause d'appel avait permis « un débat contradictoire sur le bien-fondé de la décision attributive de rente » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 8), cependant que le principe de l'égalité des armes doit être observé dès la première instance, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a méconnu le principe du procès équitable et a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, outre les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-19364
Date de la décision : 16/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 26 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jui. 2016, pourvoi n°15-19364


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19364
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