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16/06/2016 | FRANCE | N°14-29920

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 juin 2016, 14-29920


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue, respectivement, de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que le premier de ces textes subordonne à la production d'un titre ou d'un document attestant de la régulari

té de leur séjour comme de celui des enfants qui sont à leur charge, le verseme...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue, respectivement, de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que le premier de ces textes subordonne à la production d'un titre ou d'un document attestant de la régularité de leur séjour comme de celui des enfants qui sont à leur charge, le versement des prestations familiales aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique ; que selon le deuxième, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée notamment par la production d'un certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; que ces nouvelles dispositions, qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de cette Convention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ressortissante de la République démocratique du Congo, entrée en France en 2003 et titulaire d'une carte de séjour temporaire, a sollicité, le 21 avril 2010, de la caisse d'allocations familiales du Nord (la caisse) le bénéfice des prestations familiales pour son fils Emmanuel, né le 26 juillet 1998 au Congo, entré en France en 2005 et titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur délivré le 24 août 2006 ; que la caisse lui ayant opposé un refus, elle a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir celui-ci, l'arrêt retient d'abord, que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 qui a modifié les conditions d'attribution des prestations sociales, le bénéfice de celles-ci ne pouvait être subordonné à la production d'un certificat de l'office français de l'immigration et de l'intégration, et que Mme X...réside sur le territoire national français depuis le 10 août 2003 et y vit avec son fils mineur depuis le 10 août 2005, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, ensuite, que l'attestation préfectorale prévue à l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale n'a pu être établie, dès lors que Mme X...a été admise au séjour en France sur un fondement différent du 7° de l'article L. 131-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est également établi que l'enfant n'est pas entré en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial à l'issue de laquelle un certificat de contrôle médical de l'enfant est délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de sorte que la production d'un tel certificat ne peut être exigée ; qu'enfin, une telle exigence porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde et aux dispositions protectrices adoptées par la Convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande formée le 22 avril 2010 se rapportait à des prestations postérieures à l'entrée en vigueur des deux premiers textes susvisés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales du Nord

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la caisse d'allocations familiales du Nord de verser à Mme X...les allocations familiales qui lui étaient dues à compter du 22 avril 2010 et ce avec intérêt au taux légal à compter du 2 décembre 2010 ;

Aux motifs qu'il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au titre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que selon l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production du certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; que cependant, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 qui a modifié les conditions d'attribution des prestations familiales, le bénéfice de celles-ci ne pouvait être subordonnée à la production d'un certificat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; qu'or, Mme X...réside légalement sur le territoire national français depuis le 10 août 2003 et y vit avec son fil mineur depuis le 10 août 2005, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 ; que par ailleurs, il n'est pas contesté que l'enfant Emmanuel X..., né le 26 juillet 1998, muni d'un document de circulation pour étranger mineur délivré le 24 août 2006, est entrée régulièrement en France et qu'il vit avec sa mère, titulaire d'une carte de séjour temporaire (durée de validité du 27 mars 2010 et au 25 mars 2011) qui en assure la charge effective et permanente ; que, comme la préfecture du Nord l'a indiqué le 3 juin 2010 en réponse à la demande de la caisse d'allocations familiales, l'attestation préfectorale prévue à l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale n'a pu être établie, dès lors que Mme X...a été admise au séjour en France sur un fondement différent du 7° de l'article L. 131-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est également établi que l'enfant n'est pas entré en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial à l'issue de laquelle un certificat de contrôlé médical de l'enfant est délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de sorte que la production d'un tel certificat ne peut être exigé ; qu'enfin, une telle exigence porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde et aux dispositions protectrices adoptées par la Convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ; que dès lors, la caisse d'allocations familiales n'est pas fondée à refuser le bénéfice des allocations familiales au seul motif qu'elle ne disposait pas de ce document ;

Alors que, 1°) le bénéfice des prestations familiales sont régies par les dispositions en vigueur pour la période au titre de laquelle elles sont demandées ; que la demande ayant été formée le 22 avril 2010, elle était régie par les dispositions issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 et du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 ; qu'en ayant retenu, pour condamner la caisse d'allocations familiales au versement des prestations familiales litigieuses, que ces dispositions n'étaient pas applicables au présent litige, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 512-2 dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2007 et l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale issu du décret du 25 mars 2009 ;

Alors que 2°) selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique et séjournant régulièrement en France bénéficient des prestations familiales, sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'un des six documents expressément visés par l'article D. 512-2 du code de sécurité sociale (dont le certificat médical délivré par l'Office français de l'intégration et de l'immigration pour les enfants entrés au titre du regroupement familial) correspondant aux catégories visées par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'une telle production ne correspond pas à une exigence disproportionnée au regard des stipulations des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme ni de la convention internationale des droits de l'enfant signé le 26 janvier 1990, alors même que l'enfant n'aurait pas fait l'objet du certificat médical précité du fait qu'il n'est pas rentré sur le territoire au titre du regroupement familial ; que ces dispositions internes revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ; qu'en condamnant la caisse au versement des allocations familiales en retenant également qu'elle ne pouvait exiger la production du certificat médical délivré dans le cadre de la procédure de regroupement familial, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les stipulations des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et la convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

Alors que, 3°) et subsidiairement, en supposant que les dispositions applicables fussent celles en vigueur antérieurement à la loi du 19 décembre 2007 et même à la loi du 19 décembre 2005, l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1986 ouvrait le bénéfice de plein droit des prestations familiales aux étrangers titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France et prévoit qu'un décret fixe la liste des titres et justifications attestant la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers et des enfants qu'ils ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées ; que les articles D. 511-1 et D. 511-2 pris en application de ces dispositions fixent la liste des titres et justifications attestant la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers et des enfants qu'ils ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées, c'est-à-dire soit un extrait d'acte de naissance en France, soit un certificat de contrôle médical délivré par l'office des migrations internationales à l'issue de la procédure de regroupement familial et comportant le nom de l'enfant ; que tant les dispositions antérieures que postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 exigeaient donc la production d'un certificat médical, exigence qui, dans un cas comme dans l'autre, revêtait un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ; qu'en s'étant fondée sur l'absence d'exigibilité du certificat médical délivré dans le cadre du regroupement familial motif pris que l'intéressée était entrée sur le territoire avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, quand les dispositions antérieurement applicables exigeaient de la même façon la production d'un certificat médical délivré aux enfants entrés sur le territoire dans le cadre du regroupement familial, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1986, des articles D. 511-1 et D. 511-2 du même code, ensemble des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de la convention internationale des droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-29920
Date de la décision : 16/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jui. 2016, pourvoi n°14-29920


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29920
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