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16/06/2016 | FRANCE | N°14-26437

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2016, 14-26437


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2014), que Mme X..., engagée le 27 mai 1986 par la société Alpha Express International, désormais dénommée GDA Services, pour exercer en dernier lieu les fonctions de directrice technique, a été licenciée pour faute grave par lettre du 8 avril 2010 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral ;
Atte

ndu que la société GDA Services fait grief à l'arrêt de décider que Mme X... a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2014), que Mme X..., engagée le 27 mai 1986 par la société Alpha Express International, désormais dénommée GDA Services, pour exercer en dernier lieu les fonctions de directrice technique, a été licenciée pour faute grave par lettre du 8 avril 2010 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral ;
Attendu que la société GDA Services fait grief à l'arrêt de décider que Mme X... a subi un harcèlement moral et de la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice alors, selon le moyen, que le harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que ne constituent pas de tels actes de harcèlement les simples faits témoignant d'une situation conflictuelle entre une salariée et son employeur qui n'a fait qu'user de son pouvoir de direction ; qu'en se fondant sur l'isolement de la salariée, après le déménagement de l'entreprise, le fait qu'elle est restée seule sur l'ancien site où se trouvait également son domicile dans un mobil home, ses conditions de travail dégradantes, sans électricité et sans chauffage, le retrait de sa boîte aux lettres, son impossibilité de pénétrer sur le site d'Hérouville une fois le déménagement de l'entreprise terminé et l'absence de moyens matériels de travail tels qu'un poste informatique, un fax, un téléphone portable et l'accès à ses dossiers, éléments qui démontraient que la salariée refusait de se soumettre au pouvoir de direction de son employeur et établissaient en conséquence une situation conflictuelle de travail, et non des agissements répétés de harcèlement moral, pour décider néanmoins que la salariée a subi un tel harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GDA Services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GDA Services à payer Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société GDA Services
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que Mme X... a subi un harcèlement moral et d'avoir en conséquence condamné la société GDA SERVICES à lui verser la somme de 10. 000 euros en réparation du préjudice ainsi subi ;
Aux motifs que « La société GDA SERVICES conteste les faits de harcèlement allégués par Mme Y... qu'elle estime mensongers et qui sont démentis par les nombreux déplacements de l'intéressé au Mali ; elle soutient qu'en réalité, la société l'a sommée de revenir sur son lieu de travail et a refusé de prendre en charge ses frais de téléphone personnels ;
Mme Y... fait valoir que depuis qu'elle a cédé ses parts dans l'entreprise à son fils le 21 juillet 2008, la société GDA SERVICES a tout mis en oeuvre pour al déstabiliser en instaurant progressivement des conditions de travail humiliantes voire inhumaines, la privant de son matériel par une « mise au placard », en transférant le siège social de la société sans même l'informer, en l'isolant et finalement en l'empêchant de se rendre sur les lieux de son travail l'obligeant à se réfugier dans le show-room se trouvant dans un logement préfabriqué en mauvais état, puis la privant de son téléphone et de l'électricité et donc de chauffage et allant jusqu'à la séquestrer le 2 mars 2010 ;
Au-delà des relations conflictuelles personnelles entre la mère et le fils suite à la cession de ses parts par la fondatrice de l'entreprise au profit d'Eric Y..., il s'avère que les faits de harcèlement dénoncés par Mme Y... sont étayés par les éléments qu'elle produit ;
En effet, elle a dénoncé ces faits au terme de plusieurs lettres très circonstanciées, deux étant datées des 11 et 25 février 2010 adressées à son fils, une datée du 17 février 2010 adressée à la Direction départementale du travail de Cergy-Pontoise, et autre envoyée le 14 mars 2010 à l'inspection du travail ; elle y évoque ce qu'elle a repris dans ses écritures : son isolement après le déménagement de l'entreprise duquel elle a été exclue, restant seule sur l'ancien site où se trouvait également son domicile dans un mobil home, ses conditions de travail dégradantes, sans électricité et sans chauffage, le retrait de sa boîte aux lettres, son impossibilité de pénétrer sur le site d'Hérouville une fois le déménagement de l'entreprise terminé et l'absence de moyens matériels de travail tels qu'un poste informatique, un fax, et l'accès à ses dossiers ; elle justifie également avoir été privée de son téléphone portable ;
Dans ce contexte, à compter du 2 février 2010, elle a souffert d'une dépression grave post traumatique, dont son médecin traitant, le Dr Z..., atteste ;
Finalement, le 12 février 2010, elle a été contrainte de quitter son domicile situé sur le site de la société GDA SERVICES à Hérouville, pour être hébergée à Magny-en-Vexin, par Mme A...qui témoigne de cette situation en raison des coupures d'électricité qui ne permettaient pas à l'intéressée d'être chauffée en plein hiver ni de se laver ou de se nourrir, alors que par des accords complémentaires écrits du 20 juin 2008, il avait été convenu que la société GDA SERVICES s'engageait à laisser à la dispositions de Mme Y... aussi longtemps qu'elle le souhaiterait : le mobil home où elle était domiciliée sur le terrain occupé par la société à Hérouville, le show-room lui appartenant, l'assurance de ses voitures personnelles et l'abonnement d'un téléphone portable ;
Elle a subi des violences de la part de son fils Eric en juillet 2009 ainsi que cela est évoqué dans un message téléphonique du 10 juillet 2009 constaté par huissier de justice ;
Les faits ainsi établis par Mme Y..., pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel, il incombe à la société GDA SERVICES de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
L'employeur n'en rapporte pas la démonstration et se contente de nier les faits dénoncés ;
Ainsi les agissements répétés commis par la société GDA SERVICES sont constitutifs de harcèlement à l'encontre de Mme Y... » ;
Et aux motifs que « Au vu du harcèlement moral dont Mme Y... a fait l'objet de la part de son employeur qui lui a imposé des conditions de travail particulièrement dégradantes, la condamnation à la somme de 10. 000 euros prononcée par le Conseil de prud'hommes apparaît satisfactoire et sera donc confirmée » ;
Alors que le harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que ne constituent pas de tels actes de harcèlement les simples faits témoignant d'une situation conflictuelle entre une salariée et son employeur qui n'a fait qu'user de son pouvoir de direction ; qu'en se fondant sur l'isolement de la salariée, après le déménagement de l'entreprise, le fait qu'elle est restée seule sur l'ancien site où se trouvait également son domicile dans un mobil home, ses conditions de travail dégradantes, sans électricité et sans chauffage, le retrait de sa boîte aux lettres, son impossibilité de pénétrer sur le site d'Hérouville une fois le déménagement de l'entreprise terminé et l'absence de moyens matériels de travail tels qu'un poste informatique, un fax, un téléphone portable et l'accès à ses dossiers, éléments qui démontraient que la salariée refusait de se soumettre au pouvoir de direction de son employeur et établissaient en conséquence une situation conflictuelle de travail, et non des agissements répétés de harcèlement moral, pour décider néanmoins que la salariée a subi un tel harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-26437
Date de la décision : 16/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2016, pourvoi n°14-26437


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26437
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