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15/06/2016 | FRANCE | N°14-87712

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 juin 2016, 14-87712


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Marc X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 29 octobre 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 13 février 2013, n° 12-80. 459), l'a condamné, pour escroquerie, faux et usage, à un an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, co

nseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : ...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Marc X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 29 octobre 2014, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 13 février 2013, n° 12-80. 459), l'a condamné, pour escroquerie, faux et usage, à un an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, suite à la dénonciation par le directeur départemental des services fiscaux de la Guadeloupe de faits relatifs à des opérations de défiscalisation susceptibles de caractériser le délit d'escroquerie, le procureur de la République a ouvert une information de ce chef, ainsi que pour faux et usage ; que, le 13 juin 2001, sur commission rogatoire du juge d'instruction, ont été saisies, notamment, des factures arguées de faux, qui venaient d'être restituées à M. X... par les agents des impôts après avoir été appréhendées, le 5 avril 2001, lors d'une opération de visite domiciliaire autorisée par ordonnance du magistrat délégué du tribunal de Basse-Terre du 4 avril 2001 ;
Attendu que le juge d'instruction a, par ordonnance du 22 juin 2005, renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 31 janvier 2008, l'a déclaré coupable des faits reprochés et condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 20 000 euros d'amende et trois ans d'interdiction de gérer ; que le prévenu a interjeté appel de ce jugement qui a été infirmé par l'arrêt de la cour d'appel, en date du 13 décembre 2011, qui a prononcé sa relaxe en raison du retrait des pièces saisies au cours des opérations autorisées par la décision du 4 avril 2001 suite à l'annulation de celles-ci et de leurs actes d'exécution prononcée, le 25 mai 2011, par ordonnance du premier président ; que la décision de relaxe a été cassée le 13 février 2013 par la Cour de cassation qui a jugé que, les documents ayant été saisis en exécution d'une commission rogatoire dont la légalité n'est pas contestée, aucune conséquence ne saurait être tirée de décisions intervenues dans une procédure distincte et étrangère aux poursuites, et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16, B, du livre des procédures fiscales, préliminaire, 174, 385, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a rejeté les exceptions de nullité visant les pièces issues des opérations de saisie effectuées le 5 avril 2001 par la direction nationale d'enquêtes fiscales ;
" aux motifs que, sur les exceptions de nullité et les demande aux fins de cancellation, la Cour de cassation a déjà statué sur ces exceptions de nullité dans son arrêt du 13 février 2013 ; qu'il résulte des textes en vigueur qu'en dehors des cas prévus par les alinéas 2 et 3 de l'article 385 précité, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties ne sont plus recevables à invoquer des exceptions de nullité de la procédure antérieure ; qu'en effet, le directeur départemental des services fiscaux a dénoncé en application de l'article 40 du code de procédure pénale au procureur de la République de Pointe-à-Pitre des faits relatifs à des opérations de défiscalisation susceptibles de caractériser le délit d'escroquerie ; qu'une information a été ouverte, le 17 novembre 2000, pour escroquerie, faux et usage de faux ; que, le 13 juin 2001, sur commission rogatoire du juge d'instruction, ont été saisis des documents, notamment des factures arguées de faux, qui venaient d'être restituées à M. X... par les agents des impôts après avoir été appréhendés lors d'une opération de visite domiciliaire autorisée par une ordonnance du 4 juin 2001 du magistrat délégué du tribunal de Basse-Terre ; que la légalité de ces documents saisis en exécution d'une commission rogatoire n'a jamais été contestée ; qu'aucune conséquence ne saurait être tirée de décisions intervenues dans une procédure distincte, étrangère aux poursuites ; qu'il convient de rejeter les exceptions de nullité soulevées par M. X..., les motifs invoqués étant, au surplus, les mêmes que ceux déjà invoqués devant la cour d'appel de Basse-Terre ;
" 1°) alors que lu à la lumière du droit à un recours effectif, l'article 385 du code de procédure pénale ne peut faire obstacle à ce que la juridiction de jugement tire les conséquences de l'annulation d'une saisie d'actes se rapportant à la procédure pour violation de l'article L. 16, B, du livre des procédures fiscales, intervenue postérieurement au jugement de première instance ; qu'en l'espèce, avant que la cour d'appel soit appelée à statuer sur la culpabilité de le demandeur, une ordonnance du président de la cour d'appel a annulé la visite domiciliaire ayant permis la saisie de l'ensemble des documents qui servent de support aux poursuites ; qu'en se retranchant derrière les termes de l'article 385 du code de procédure pénale pour rejeter l'exception de nullité présentée par le demandeur, la cour d'appel a méconnu le droit à un recours effectif ;
" 2°) alors qu'en vertu de la jurisprudence européenne, les personnes concernées par une visite domiciliaire doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite, les recours disponibles devant permettre, en cas de constat d'irrégularité et dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un « redressement approprié » ; que prive le demandeur de son droit à un tel redressement le juge pénal qui refuse de se prononcer sur les conséquences de l'annulation d'une visite domiciliaire survenue après la clôture de l'information, lorsque les actes saisis à cette occasion ont été appréhendés par les officiers de police judiciaire sur commission rogatoire à l'occasion de leur restitution par les services fiscaux aux occupants des locaux " ;
Attendu que le moyen revient à reprocher à la cour de renvoi d'avoir statué en conformité de la doctrine de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; D'où il suit qu'un tel moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-1, 313-1, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné le demandeur des chefs de faux et usage de faux ;
" aux motifs que l'administration fiscale a produit les dossiers de demandes d'exonération de TVA présentées par les SNC Morne Marie Galandais, Saint-Julien, Morne Amic, Bois de Campêche ainsi que par la SARL Dumanoir ; que seuls deux dossiers comportaient des factures et avaient reçu un agrément ; qu'ils avaient été présentés indifféremment par M. X... qui était le gérant de sept sociétés susceptibles d'être impliquées dans ces circuits de fausses factures et par M. Gérard Z..., gérant de la SARL ICGD, qui elle-même assurait la gestion de quinze SNC agricoles, créées au cours du second semestre de 1999 et toutes domiciliées à Morne Houel à Saint-Claude ; qu'il résulte de l'enquête effectuée sur commission rogatoire que M. Z..., ancien chef de service à la direction de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe (DAF), avait décidé à partir de 1995 de travailler dans le domaine de la défiscalisation en assumant, via une société Intertropique la totalité de la chaîne d'intervention : recherche des investisseurs, des programmes de défiscalisation, montage juridique et fiscal des dossiers et suivi de ces dossiers jusqu'à leur terme ; que M. Z...avait essentiellement traité avec deux gros clients, d'une part, la ferme de Campêche, d'autre part avec le groupe Coproban, spécialisé dans la commercialisation des bananes, client qui avait été amené par un de ses anciens collaborateurs à la DAF, M. Fabrice A...; que seuls les faits concernant le groupe Coproban seront analysés de façon détaillée, la cour n'étant saisie que par les appels de M. Fabrice A...et de M. X... ; que les dossiers réalisés avec ces deux principaux clients avaient permis à M. Z...de réaliser l'essentiel de son chiffre d'affaires sur les exercices 98 et 99 sur la base d'une dizaine de programmes de défiscalisation dans lesquels il avait été incorporé soit des matériels ou investissements immobiliers anciens, soit des matériels acquis d'occasion mais qualifiés de neufs dans les documents transmis aux investisseurs ou à l'administration fiscale, soit des matériels qui, bien que financés par la défiscalisation, n'avaient jamais été acquis ; qu'il résulte de l'information judiciaire que la SARL Coproban, dont M. X... était le gérant, coiffait plusieurs sociétés d'exploitation de plantations de bananes et en assurait la commercialisation, notamment auprès du groupe Intermarché ; que la SARL Coproban avait eu recours aux services de M. Z...pour monter des dossiers de défiscalisation pour quatre sociétés à savoir :- la SCEA Bananeraie Chabert en relation avec la SNC Carmichael ;- la SCEA Bananeraie Saint-Julien en relation avec la SNC Mateliane ;- la SARL Dumanoir en relation avec la SNC Morne Soldat ;- la SARL Choisy Montebello en relation avec la SNC Morne Dongo ; qu'il résulte de l'enquête que ces quatre dossiers avaient été traités par l'intermédiaire de M. Fabrice A...dans le même temps que ceux de la ferme de Campêche et selon les mêmes procédés que ceux utilisés par M. Z...à savoir la production de fausses factures pour pallier l'absence de financement extérieur ; qu'après avoir travaillé avec M. Z...à la direction de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe, M. Fabrice A...s'était livré à une activité d'apporteur d'affaires pour le compte de la société Intertropique à compter de fin 1998 ; qu'il n'était lié par aucun contrat de travail, ni par aucune convention avec M. Z...alors qu'il avait utilisé les structures et le matériel informatique de la société Intertropique pour monter des dossiers de défiscalisation au cours de l'année 1999 ; que ce n'est que le 13 décembre 1999, qu'une convention avait été signée entre M. B...et les sociétés Bleu Concept et Caraibes consultants dont la gérante était l'épouse de M. A...; qu'aux termes de cette convention, ces deux sociétés avaient facturé des honoraires à Intertropique pour un montant cumulé de 400 741 francs correspondant à la rémunération de M. A...c'est-à-dire à 2, 5 % du montant défiscalisable des dossiers Coproban ; qu'il ressortait des différentes auditions que M. Z...se chargeait de la prise en compte des dossiers sur le plan juridique et fiscal alors que M. A...se chargeait de sélectionner les investissements éligibles à la défiscalisation au sein du groupe Coproban ; que c'est dans ce cadre, que M. A...avait inventorié et inclus, sur l'exercice 1999, des factures antérieures datant de 1998 voire de 1997 en produisant des factures pro-forma post-datées à une date comprise entre le 1er et le 31 janvier 1999 pour tromper l'administration fiscale et obtenir indûment son agrément ; qu'il résulte de l'enquête que MM. A..., X...et Y..., comptable du groupe Coproban, avaient extrait des comptabilités des différentes sociétés du groupe plusieurs factures antérieures à 1999 relatives au matériel d'exploitation agricole tels que tracteurs, remorques pendulaires et encolleuses à cartons ; qu'ils avaient ensuite demandé aux fournisseurs de matériel concernés de leur adresser des factures pro-forma reprenant le libellé des dites facture en y portant une date erronée comprise entre le 1er janvier et le 31 janvier 1999 et en modifiant les noms des destinataires en remplaçant les sociétés du groupe par les SNC de défiscalisation ; que la plupart des fournisseurs avaient accepté compte tenu de l'importance économique du groupe Coproban dans le secteur de la banane ; que ces fausses factures pro-forma avaient été soumises à l'administration fiscale puis avaient été reprises dans les dossiers par M. Z...sous la forme d'un tableau récapitulatif de l'ensemble des montants défiscalisés pour être ensuite refacturées au SNC comme étant définitives ; que MM. A..., X...et Y... indiquaient que ce système de refacturation à l'identique avait été imaginé par M. Z...alors que l'idée de départ de M. A...était de retirer les factures fournisseurs de la comptabilité, d'obtenir des avoirs et de faire refacturer les prestations directement aux SNC ; qu'il résulte également de l'enquête que M. A...avait intégré dans les dossiers de défiscalisation du groupe Coproban un certain nombre de travaux réalisés et facturés pour le compte des SCEA Chabert et Saint-Julien en 1997 et 1998 par la SPIIEP ; que M. X..., a confirmé les déclarations du gérant de la SMEP, M. C..., selon lesquelles il lui avait demandé de refaire ses factures sous forme de devis ou pro-forma, en portant la date de 1999 ; que celles-ci avaient été utilisées par M. A...pour monter les dossiers de défiscalisation ; que ces faits caractérisent les faux et usage de faux ; qu'il ressort des investigations que des travaux effectués courant 1997 et 1998 par les sociétés Dumanoir et Choisy Montebello avaient été utilisés par M. A...dans le montage des dossiers de défiscalisation concernant l'exercice 1999 ; que ne disposant pas des factures correspondantes, MM. A...et X...avaient demandé à M. C...de leur produire un estimatif de ces travaux en l'échange d'une facture de complaisance de 19 709 francs ; que MM. A...et X...avaient ensuite, en utilisant le matériel informatique de Coproban, transformé ces estimations en factures et les avaient intégrées dans les dossiers de défiscalisation Dumanoir et Choisy Montebello en y portant la date de 1999 ; que M. A...a admis à minima avoir reproduit des documents à en tête de la SMEP à l'insu de M. C...; que ces faits caractérisent les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie ; que la mauvaise foi de M. Fabrice A...et de M. X... découle également du fait qu'à la suite des contrôles effectués par l'administration des impôts au cours du dernier trimestre de l'année 2000, ils avaient adressé à M. C...des fausses factures de régularisation établies à son nom pour qu'ils puissent le cas échéant les présenter aux services fiscaux s'ils lui en faisaient la demande ; que le montant des défiscalisations opérées pour le compte de Coproban s'établissait ainsi :- SNC Carmichael pour le compte de la SCEA Chabert 4 452 717, 12 francs dont 453 952, 52 francs de TVA ;- SNC Mateliane pour le compte de la SCEA Saint-Julien 5 721 236, 04 francs dont 535 545, 06 francs de TVA ;- SNC Morne Dongo pour le compte de la SARL Choisy Montebello 930 586, 85 francs dont 84 740, 82 francs de TVA ;- SNC Morne Soldat pour le compte de la SARL Dumanoir 937 512, 54 francs dont 87 431, 82 francs de TVA ;- soit un total défiscalisé de 12 142 052, 55 francs TTC ; que les faits d'escroquerie ainsi que ceux de faux et usage de faux reprochés aux prévenus sont ainsi établis dans tous leurs éléments constitutifs, tant sur le plan matériel que sur le plan intentionnel ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; qu'à l'époque des faits, MM. X... et A...pouvaient encore bénéficier d'un sursis simple ; qu'eu égard au caractère élaboré des montages mis en place pour tromper l'administration fiscale et à l'importance des sommes concernées par les dossier de défiscalisation litigieux, il convient de prononcer une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de chacun des prévenus ainsi qu'une amende de 20 000 euros, laquelle apparaît proportionnée aux revenus de ceux-ci ;

" 1°) alors qu'en s'appuyant sur le fait qu'aient été fabriquées, pour monter un dossier de défiscalisation au titre de l'exercice 1999, des factures antérieures pro forma et postdatées, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire qui faisait valoir que ces documents constituaient des factures totalement distinctes des précédentes et correspondant à la réalité juridique, les biens ayant regagné le patrimoine des fournisseurs pour être ensuite acquis par les sociétés de contribuables investisseurs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que les factures pro forma ont été établies par les fournisseurs eux-mêmes, sans que M. X... ait participé d'une quelconque manière à leur rédaction ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors engager la responsabilité personnelle du demandeur, serait-ce en affirmant que les auteurs du faux auraient accepté d'établir ces documents « compte tenu de l'importance économique du groupe Coproban dans le secteur de la banane » ; qu'en se prononçant par ces motifs, desquels il ne ressort aucune participation personnelle de M. X... à la commission de l'infraction, la cour d'appel a méconnu l'article 121-1 du code pénal ;
" 3°) alors qu'en engageant la responsabilité du demandeur du chef d'usage de faux sans caractériser l'usage qu'il aurait fait des factures arguées de faux, lesquelles ont été exclusivement utilisées par M. A...dans le cadre de l'opération de défiscalisation, ni répondre à l'argumentation péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises à cet égard, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 121-1, 313-1, 441-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné le demandeur du chef d'escroquerie ;
" aux motifs que l'administration fiscale a produit les dossiers de demandes d'exonération de TVA présentées par les SNC Morne Marie Galandais, Saint-Julien, Morne Amic, Bois de Campêche ainsi que par la SARL Dumanoir ; que seuls deux dossiers comportaient des factures et avaient reçu un agrément ; qu'ils avaient été présentés indifféremment par M. X... qui était le gérant de sept sociétés susceptibles d'être impliquées dans ces circuits de fausses factures et par M. Z..., gérant de la SARL ICGD, qui elle-même assurait la gestion de quinze SNC agricoles, créées au cours du second semestre de 1999 et toutes domiciliées à Morne Houel à Saint-Claude ; qu'il résulte de l'enquête effectuée sur commission rogatoire que M. Z..., ancien chef de service à la direction de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe (DAF), avait décidé à partir de 1995 de travailler dans le domaine de la défiscalisation en assumant, via une société Intertropique la totalité de la chaîne d'intervention : recherche des investisseurs, des programmes de défiscalisation, montage juridique et fiscal des dossiers et suivi de ces dossiers jusqu'à leur terme ; que M. Z...avait essentiellement traité avec deux gros clients, d'une part, la ferme de Campêche, d'autre part avec le groupe Coproban, spécialisé dans la commercialisation des bananes, client qui avait été amené par un de ses anciens collaborateurs à la DAF, M. A...; que seuls les faits concernant le groupe Coproban seront analysés de façon détaillée, la cour n'étant saisie que par les appels de M. A...et de M. X... ; que les dossiers réalisés avec ces deux principaux clients avaient permis à M. Z...de réaliser l'essentiel de son chiffre d'affaires sur les exercices 98 et 99 sur la base d'une dizaine de programmes de défiscalisation dans lesquels il avait été incorporé soit des matériels ou investissements immobiliers anciens, soit des matériels acquis d'occasion mais qualifiés de neufs dans les documents transmis aux investisseurs ou à l'administration fiscale, soit des matériels qui, bien que financés par la défiscalisation, n'avaient jamais été acquis ; qu'il résulte de l'information judiciaire que la SARL Coproban, dont M. X... était le gérant, coiffait plusieurs sociétés d'exploitation de plantations de bananes et en assurait la commercialisation, notamment auprès du groupe Intermarché ; que la SARL Coproban avait eu recours aux services de M. Z...pour monter des dossiers de défiscalisation pour quatre sociétés à savoir :- la SCEA Bananeraie Chabert en relation avec la SNC Carmichael ;- la SCEA Bananeraie Saint-Julien en relation avec la SNC Mateliane ;- la SARL Dumanoir en relation avec la SNC Morne Soldat ;- la SARL Choisy Montebello en relation avec la SNC Morne Dongo ; qu'il résulte de l'enquête que ces quatre dossiers avaient été traités par l'intermédiaire de M. A...dans le même temps que ceux de la ferme de Campêche et selon les mêmes procédés que ceux utilisés par M. Z...à savoir la production de fausses factures pour pallier l'absence de financement extérieur ; qu'après avoir travaillé avec M. Z...à la direction de l'agriculture et de la forêt de Guadeloupe, M. A...s'était livré à une activité d'apporteur d'affaires pour le compte de la société Intertropique à compter de fin 1998 ; qu'il n'était lié par aucun contrat de travail, ni par aucune convention avec M. Z...alors qu'il avait utilisé les structures et le matériel informatique de la société Intertropique pour monter des dossiers de défiscalisation au cours de l'année 1999 ; que ce n'est que le 13 décembre 1999, qu'une convention avait été signée entre M. B...et les sociétés Bleu Concept et Caraibes consultants dont la gérante était l'épouse de M. A...; qu'aux termes de cette convention, ces deux sociétés avaient facturé des honoraires à Intertropique pour un montant cumulé de 400 741 francs correspondant à la rémunération de M. A...c'est-à-dire à 2, 5 % du montant défiscalisable des dossiers Coproban ; qu'il ressortait des différentes auditions que M. Z...se chargeait de la prise en compte des dossiers sur le plan juridique et fiscal alors que M. A...se chargeait de sélectionner les investissements éligibles à la défiscalisation au sein du groupe Coproban ; que c'est dans ce cadre, que M. A...avait inventorié et inclus, sur l'exercice 1999, des factures antérieures datant de 1998 voire de 1997 en produisant des factures pro-forma post-datées à une date comprise entre le 1er et le 31 janvier 1999 pour tromper l'administration fiscale et obtenir indûment son agrément ; qu'il résulte de l'enquête que MM. A..., X...et Y..., comptable du groupe Coproban, avaient extrait des comptabilités des différentes sociétés du groupe plusieurs factures antérieures à 1999 relatives au matériel d'exploitation agricole tels que tracteurs, remorques pendulaires et encolleuses à cartons ; qu'ils avaient ensuite demandé aux fournisseurs de matériel concernés de leur adresser des factures pro-forma reprenant le libellé des dites facture en y portant une date erronée comprise entre le 1er janvier et le 31 janvier 1999 et en modifiant les noms des destinataires en remplaçant les sociétés du groupe par les SNC de défiscalisation ; que la plupart des fournisseurs avaient accepté compte tenu de l'importance économique du groupe Coproban dans le secteur de la banane ; que ces fausses factures pro-forma avaient été soumises à l'administration fiscale puis avaient été reprises dans les dossiers par M. Z...sous la forme d'un tableau récapitulatif de l'ensemble des montants défiscalisés pour être ensuite refacturées au SNC comme étant définitives ; que MM. A..., X...et Y... indiquaient que ce système de refacturation à l'identique avait été imaginé par M. Z...alors que l'idée de départ de M. A...était de retirer les factures fournisseurs de la comptabilité, d'obtenir des avoirs et de faire refacturer les prestations directement aux SNC ; qu'il résulte également de l'enquête que M. A...avait intégré dans les dossiers de défiscalisation du groupe Coproban un certain nombre de travaux réalisés et facturés pour le compte des SCEA Chabert et Saint-Julien en 1997 et 1998 par la SPIIEP ; que M. X..., a confirmé les déclarations du gérant de la SMEP, M. C..., selon lesquelles il lui avait demandé de refaire ses factures sous forme de devis ou pro-forma, en portant la date de 1999 ; que celles-ci avaient été utilisées par M. A...pour monter les dossiers de défiscalisation ; que ces faits caractérisent les faux et usage de faux ; qu'il ressort des investigations que des travaux effectués courant 1997 et 1998 par les sociétés Dumanoir et Choisy Montebello avaient été utilisés par M. A...dans le montage des dossiers de défiscalisation concernant l'exercice 1999 ; que ne disposant pas des factures correspondantes, MM. A...et X...avaient demandé à M. C...de leur produire un estimatif de ces travaux en l'échange d'une facture de complaisance de 19 709 francs ; que MM. A...et X...avaient ensuite, en utilisant le matériel informatique de Coproban, transformé ces estimations en factures et les avaient intégrées dans les dossiers de défiscalisation Dumanoir et Choisy Montebello en y portant la date de 1999 ; que M. A...a admis à minima avoir reproduit des documents à en tête de la SMEP à l'insu de M. C...; que ces faits caractérisent les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie ; que la mauvaise foi de M. A...et de M. X... découle également du fait qu'à la suite des contrôles effectués par l'administration des impôts au cours du dernier trimestre de l'année 2000, ils avaient adressé à M. C...des fausses factures de régularisation établies à son nom pour qu'ils puissent le cas échéant les présenter aux services fiscaux s'ils lui en faisaient la demande ; que le montant des défiscalisations opérées pour le compte de Coproban s'établissait ainsi :- SNC Carmichael pour le compte de la SCEA Chabert 4 452 717, 12 francs dont 453 952, 52 francs de TVA ;- SNC Mateliane pour le compte de la SCEA Saint-Julien 5 721 236, 04 francs dont 535 545, 06 francs de TVA ;- SNC Morne Dongo pour le compte de la SARL Choisy Montebello 930 586, 85 francs dont 84 740, 82 francs de TVA ;- SNC Morne Soldat pour le compte de la SARL Dumanoir 937 512, 54 francs dont 87 431, 82 francs de TVA ;- soit un total défiscalisé de 12 142 052, 55 francs TTC ; que les faits d'escroquerie ainsi que ceux de faux et usage de faux reprochés aux prévenus sont ainsi établis dans tous leurs éléments constitutifs, tant sur le plan matériel que sur le plan intentionnel ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; qu'à l'époque des faits, MM. X... et A...pouvaient encore bénéficier d'un sursis simple ; qu'eu égard au caractère élaboré des montages mis en place pour tromper l'administration fiscale et à l'importance des sommes concernées par les dossier de défiscalisation litigieux, il convient de prononcer une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de chacun des prévenus ainsi qu'une amende de 20 000 euros, laquelle apparaît proportionnée aux revenus de ceux-ci ;

" 1°) alors que le principe du contradictoire implique pour les parties le droit d'accès aux informations et la communication de toutes les pièces utiles de la procédure ; qu'en condamnant le demandeur du chef d'escroquerie pour des faits liés à la production de dossiers de défiscalisation dont la juridiction n'a jamais disposé, ce qui était souligné par les conclusions régulièrement déposées, la cour d'appel a violé les droits de la défense et le principe du contradictoire ;
" 2°) alors que l'escroquerie consiste à employer des manoeuvres frauduleuses destinées à tromper une personne afin de la déterminer, à son préjudice ou au préjudice d'autrui, à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sans répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que M. X... n'avait pu produire les dossiers de défiscalisation, faute d'avoir eu accès à ces documents, étant étranger à leur élaboration et à leur suivi ;
" 3°) alors que l'escroquerie n'est constituée que s'il est démontré que les manoeuvres frauduleuses ont déterminé une remise au préjudice de la victime ; qu'il appartient aux juges de caractériser l'existence d'une remise ainsi que son objet ; qu'en s'abstenant de toute explication sur les faits qui auraient constitué la remise en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits de faux et usage et d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement sur l'action civile, condamnant le demandeur, solidairement avec M. Z...et M. A..., à payer à M. D...la somme de 289 766 euros ;
" aux motifs que les dossiers ont été constitués sur la base de fausses factures au préjudice des investisseurs regroupés au sein des SNC de défiscalisation qui avaient apporté de bonne foi des fonds dans le cadre d'investissements fictifs ; que ces montages frauduleux étaient de nature à remettre en cause l'exonération d'impôt dont ils avaient bénéficiée ; que M. D...fait valoir à l'appui de ses conclusions qu'il a fait l'objet de deux redressements de la part de l'administration fiscale de la somme de 189 536 euros et de 100 230 euros, de telle sorte qu'il a dû acquitter la somme de 289 766 euros à l'administration fiscale ; que le tribunal a condamné solidairement MM. Z..., X... et A...à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne M. X... et M. A...; qu'il convient au nom de l'équité, de confirmer les sommes allouées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale en première instance et de condamner chacun des deux prévenus à lui payer la somme de 500 euros en cause d'appel ; que l'Etat français n'a formulé aucune demande ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a reçu l'Etat français en sa constitution de partie civile ; qu'il convient de débouter les demandes formulées par les prévenus au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, celles-ci étant manifestement irrecevables ; que les premiers juges ont déclaré I'EURL Joséphine non fondée en ses demandes de dommages-intérêts ; que celle-ci n'est pas appelante ;
" 1°) alors que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue un dommage indemnisable que s'il est établi qu'en l'absence de faute, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, pour condamner le demandeur à indemniser M. D..., se contenter d'affirmer que ce dernier a fait l'objet de deux redressements fiscaux, sans avancer aucune certitude quant à la défiscalisation dont il aurait bénéficié ; qu'en se prononçant par de tels motifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur l'action civile sans répondre à une articulation essentielle des conclusions déposées par le demandeur, qui faisait valoir que M. D..., partie civile n'ayant pas démontré que le redressement fiscal dont il a fait l'objet et en vertu duquel il sollicite une indemnisation avait acquis un caractère définitif, son préjudice ne pouvait être qu'éventuel ;
" 3°) alors qu'une articulation essentielle des conclusions faisait valoir que la remise des fonds par les investisseurs contribuables doit en principe intervenir sur appel du gérant de la société regroupant les investisseurs, celui-ci justifiant à cette occasion de l'existence du bien et de l'éligibilité au mécanisme de défiscalisation ; qu'en s'abstenant d'écarter l'existence d'un défaut de vigilance ayant pu contribuer à la réalisation du dommage par M. D..., professionnel du monde de la finance, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour indemniser le préjudice de M. D..., la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir que la victime avait commis une faute ayant contribué à son dommage, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 29 octobre 2014, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile de M. D..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à l'Etat français au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-87712
Date de la décision : 15/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jui. 2016, pourvoi n°14-87712


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.87712
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